LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... , engagé le 29 décembre 2002 par la société Collomb Muret automobiles en qualité de conducteur routier longues distances, a été en arrêt de travail pour maladie du 31 janvier au 5 septembre 2005 puis à nouveau à compter du 29 octobre 2005 ; que le 26 mai 2005 il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes de rappels de salaire et d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'ayant été déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail, il a été licencié le 12 juillet 2007 ; qu'il a présenté une demande nouvelle de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de son licenciement ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de rappel de salaires et congés payés afférents et de rappel de frais de déplacement et d'avoir rejeté la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le même moyen, pris en ses cinquième et sixième branches en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de dommages intérêts pour le licenciement prononcé pour inaptitude :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages intérêts présentée par le salarié en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale de son contrat de travail, l'arrêt retient que dès lors qu'il reproche à l'employeur les mêmes manquements, non-paiement de salaire, de frais de déplacement et défaut de repos compensateurs qui ne sont pas établis, le salarié ne peut avoir droit à l'indemnisation d'un quelconque préjudice par application de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié faisait valoir que son inaptitude avait pour cause l'exécution déloyale du contrat de travail de la part de son l'employeur qui avait exercé sur lui des pressions en le cantonnant à des transports locaux et en le contraignant à passer des fins de semaine dans un local vétuste dont il avait dénoncé la saleté ce qui avait nui à sa santé au point que le médecin du travail l'avait déclaré en danger dans l'entreprise, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts présentée par M. X... pour exécution déloyale de son contrat de travail de la part de l'employeur, l'arrêt rendu le 30 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la société Collomb Muret automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Collomb Muret automobiles à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... en rappels de salaire et congés payés y afférents, et en rappel sur frais de déplacement, D'AVOIR rejeté sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur comme sa demande d'indemnité du chef du préjudice subi et D'AVOIR rejeté sa demande de dommages et intérêts pour son licenciement prononcé pour inaptitude ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des heures de travail exécutées n'incombant spécialement à aucune des parties, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, lequel doit préalablement produire des éléments permettant d'étayer sa demande en paiement de rappel de salaire. Il résulte des pièces du dossier que le temps de travail de M X..., comme pour tout chauffeur routier longues distances, était décompté à partir des disques du chronotachygraphe embarqué sur le véhicule et enregistrant, grâce à la manipulation d'un sélecteur, les différents types de temps de service (conduite, autres travaux tels chargement, entretien, formalités administratives, temps de disposition tels attente ou surveillance). Cependant, la société COLLOMB-MURET AUTOMOBILES procédait tous les mois à une lecture optique de ces disques et en faisait une analyse précise et détaillée, récapitulée dans un document sur lequel étaient indiqués les temps de service non comptabilisés car injustifiés et était mentionnée la possibilité de contestation par le salarié. Or, même si ces documents ne sont pas signés par M X..., ce dernier avait connaissance des rectifications ainsi opérées par son employeur par le « rapport mensuel d'activité » annexé au bulletin de paye. Toutefois, avant la saisine du conseil de prud'hommes il n'a jamais formulé d'observations sur ces rectifications, ce qu'il ne conteste pas. Au demeurant, de l'analyse réalisée par l'employeur et des observations formulées par M X... sur celle-ci dans les dernières pièces communiquées à la procédure (pièces n°s 26 et 27), il ressort que le salarié plaçait habituellement le sélecteur (la molette) sur les temps de disponibilité ou de travaux alors qu'il était en réalité en repos, soit durant les temps de repas ou de sommeil, soit pendant des périodes où il était libre parce que d'autres salariés effectuaient les opérations de chargement et déchargement, notamment dans le port de TRIESTE où il se rendait fréquemment ou à l'usine TEFAL... Or, pour justifier sa sélection de la molette, il ne fournit que ses propres explications, souvent répétées et peu convaincantes, concernant des changements de remorques. Ainsi, il apparaît qu'il utilisait la molette de manière abusive. Ceci est d'ailleurs corroboré par plusieurs attestations de salariés de l'entreprise, certains qui n'y sont plus employés, qui établissent que M X... faisait « beaucoup de molette », qu'il était souvent l'objet de la part de ses supérieurs de remontrances verbales concernant ses manipulations abusives du sélecteur du contrôlographe, M Y..., chef d'atelier affirmant avoir constaté qu'il maintenait volontairement la molette sur «travaux», M Z..., chauffeur routier indiquant avoir assisté au dépôt à des discussions où en réponse aux reproches, M X... prétextait des oublis. De tout ce qui précède, il résulte que les disques chronotachygraphes, enregistrant des temps de disponibilité et de « travaux » à partir de la manipulation de la molette par le chauffeur lui même, sont en l'espèce le résultat de manipulations habituellement déloyales, ne peuvent donc constituer des éléments de preuve fiables pour la détermination de la réalité du temps de travail du salarié et en conséquence ne peuvent étayer la demande en paiement de salaire. En conséquence, il y a lieu de débouter M X... de sa demande de rappel de salaire fondée sur le non paiement de la totalité des heures de travail, ainsi que l'a exactement décidé le conseil de prud'hommes. Ses demandes en paiement de majorations d'heures de nuit, de frais de déplacement et d'indemnités pour repos compensateurs seront également rejetées dés lors qu'elles sont consécutives au calcul des heures de travail fait par M X... qui est écarté, et qu'il ne produit en outre aucun élément prouvant que les sommes payées et les repos accordés par l'employeur ne correspondent pas à ce qui était dû. II y a lieu de statuer sur la demande de résiliation du contrat de travail formée par M X... lors de la saisine du conseil de prud'hommes, bien avant la notification de son licenciement. Le salarié, qui mentionne expressément ne pas invoquer des agissements constitutifs de harcèlement moral, fonde sa demande de résiliation exclusivement sur les manquements de l'employeur concernant le paiement des salaires et frais ainsi que sur l'octroi des repos compensateurs, lesquels ne sont pas établis, ainsi que cela vient d'être exposé. Sa demande de prononcé de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur n'est donc pas justifiée, il en sera débouté, le jugement déféré étant confirmé de ce chef. M X... ne critique pas la validité et la légitimité de son licenciement mais il soutient que la dépression dont il a été atteint qui est à l'origine de l'inaptitude ayant motivé ce licenciement est consécutive aux agissements déloyaux de l'employeur de sorte qu'il peut prétendre à des dommages intérêts pour réparer la perte de son emploi. Dés lors qu'il reproche à la société COLLOMB-MURET AUTOMOBILES les mêmes manquements, non paiement de salaire, de frais de déplacement, et défaut de repos compensateurs, qui ne sont pas établis, il ne peut avoir droit à l'indemnisation d'un quelconque préjudice par application de l'article 1382 du code civil. Sa demande de ce chef, formulée pour la première fois en appel, recevable par application du principe de l'unicité de l'instance prud'homale, sera rejetée » (arrêt, p. 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il y a lieu de relever que Monsieur X... a sollicité le paiement des heures supplémentaires pour la première fois le 26 mai 2005. Qu'au préalable, il avait reçu un avertissement pour mauvaise manipulation du disque du chronotachygraphe le 19 novembre 2004. Que cet avertissement n'a jamais été contesté. Qu'en l'espèce, le salarié produit des enregistrements de disques du chronotachygraphe qui ont été imprimés sous sa seule responsabilité et qui ont été lus en l'état par le syndicat FNCR. Que de nombreuses irrégularités apparaissent : - le disque reste branché alors que le salarié est en train de déjeuner ; - les heures de travail sont décomptées alors que l'usine qu'il doit livrer est fermée , - 72 heures de travail consécutives, - les temps de repos (sommeil) sont décomptés comme du temps de travail. Qu'enfin, un disque est rempli au stylo ce qui n'est pas contesté. Que l'employeur démontre avoir rectifié les disques remis par Monsieur X... avant d'établir son bulletin de salaire, qui était reçu par le salarié sans réserves. Que les témoignages versés aux débats démontrent la mauvaise foi de Monsieur X... (Monsieur A... atteste que ce dernier "se vantait de préparer un dossier infaillible pour prendre des ronds'). Qu'en l'espèce, les fausses manipulations du sélecteur étant démontrées, il n'y a pas lieu de remettre en cause la lecture optique des disques faite par l'employeur et de débouter Monsieur X... au titre de ses demandes de rappels de salaire. Qu'il apparaît également que les bulletins de salaire comprennent les droits à repos récupérateur, les primes de week-end et jours fériés sont rémunérées puisque l'employeur verse une indemnité forfaitaire de 75 pour un week-end passé à l'extérieur. Que les frais de déplacement non justifiés doivent être rejetés » ;
1./ ALORS QUE l'acceptation sans protestation ni réserve de son bulletin de paie par le salarié ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus légalement, ou conventionnellement ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes en rappel de salaire de Monsieur X... correspondant aux temps de travail mentionnés sur les disques du chronotachygraphe, que tous les mois la société COLLOMB MURET AUTOMOBILES établissait son propre récapitulatif « des temps de service non comptabilisés car non justifiés » et annexait au bulletin de paye un « rapport mensuel d'activité », qui n'a jamais fait l'objet d'observations de la part du salarié, la Cour d'appel a violé les articles L 143-4, devenu L 3243-3, et L 212-1-1, devenu L 3171-4, du Code du travail ;
2./ ALORS QUE si la preuve du nombre d'heures de travail réellement accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties, les juges du fond ne peuvent débouter un salarié de sa demande en rappel de salaire en se fondant sur l'insuffisance des preuves apportées par ce dernier sans examiner l'ensemble des éléments produits de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ayant produit, au soutien de sa demande de rappel de salaire pour les années 2003 et 2004, la copie des disques de contrôle et ses propres observations sur les commentaires faits par l'employeur sur ces derniers, la fiche de lecture et le décompte réalisé par le syndicat FNCR, le listing des heures reconstituées sur les bases horaires réelles, la synthèse de son activité journalière, hebdomadaire et mensuelle pour la période litigieuse, des notes de calcul afférentes aux frais de déplacement, au repos compensateur obligatoire, aux heures de nuit exécutées, et les bulletins de paye, le tout repris dans deux tableaux récapitulatifs, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer, pour rejeter les demandes du salarié, que les disques chronotachygraphes ayant été l'objet de manipulations déloyales de sa part ils ne pouvaient constituer des éléments de preuve fiables sans examiner l'ensemble des éléments produits par le salarié ; que la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 212-1-1, devenu L 3171-4, du Code du travail ;
3./ ALORS QUE si la preuve du nombre d'heures de travail réellement accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties, il incombe au juge de rechercher le temps de travail réellement effectué ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel ne pouvait écarter les disques chronotachygraphes communiqués par Monsieur X... en se bornant à affirmer que des salariés attestaient « qu 'il faisait beaucoup de molette » ou que ses explications concernant des changements de remorques étaient répétées et peu convaincantes, pour ne retenir que les seuls décomptes mensuels de l'employeur, dès lors qu'il appartenait à ce dernier de démontrer, et à la Cour d'appel de rechercher et de constater que, sur chaque temps de travail contesté, l'usage du disque enregistreur avait été effectivement déloyal ; qu'en s'en tenant à une motivation d'ordre général, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 212-1-1, devenu L 3171-4, du Code du travail ;
4./ ALORS QUE Monsieur X... soutenait dans ses conclusions d'appel qu'il n'avait jamais reçu la lettre d'avertissement pour mauvaise manipulation du disque chronotachygraphe en date du 19 novembre 2004 et il faisait expressément sommation à la société COLLOMB MURET de communiquer l'original de cette lettre, ainsi que l'accusé de réception correspondant (conclusions, p. 21) ; qu'en déboutant le salarié de ses demandes, sans répondre au préalable à ses conclusions, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5./ ALORS QUE dans ses conclusions délaissées, Monsieur X... avait aussi fait valoir que depuis sa saisine du Conseil de Prud'hommes, il avait fait l'objet de pressions inadmissibles de la part de son employeur et de son encadrement ; qu'embauché comme conducteur routier longues distances, il avait été cantonné à des transports locaux et avait été contraint de passer plusieurs week-end dans un local vétuste et sale (conclusions, p. 10), ce qui, au fil du temps, avait nuit à sa santé, au point que le médecin du travail l'avait déclaré en danger dans l'entreprise et inapte, conformément à l'article R 241-51-1 du Code du travail, et que la responsabilité de son employeur était entière, comme le reconnaissait la lettre de licenciement qui visait un courrier du Docteur B..., du 18 juin 2007, dont il demandait communication (conclusions, p. 20 et 21) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6./ ALORS QUE, en affirmant que le salarié fondait sa demande de résiliation et sa demande de dommages et intérêts relatifs à son licenciement pour inaptitude, uniquement sur les manquements de l'employeur concernant ses salaires et les repos compensateurs, quand Monsieur X... faisait valoir dans ses conclusions (p. 3 et suivantes, p. 19 et suivantes), reprises oralement (arrêt, p. 2), qu'il avait fait l'objet de pressions inadmissibles, et, bien qu'embauché comme chauffeur routier longues distances, il avait été cantonné à des missions locales, et avait été contraint de demeurer durant plusieurs week-end dans les locaux dont il avait lui-même dénoncé publiquement la vétusté et l'extrême saleté (conclusions, p. 19), la Cour d'appel a dénaturé ces conclusions et les termes du litige, en violation des articles 4 du Code de procédure civile, et 1134 du Code civil.