LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu que lorsqu'une entreprise appartient à un groupe, les licenciements économiques ne peuvent être justifiés par une mesure de réorganisation, qu'à la condition que celle-ci soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité du groupe ou du secteur d'activité dont relève l'entreprise, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés et entreprises situées sur le territoire français ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et Mme Y..., engagées en 1973 et 1979, en qualité d'assistantes commerciales affectées à Quimper, par la Société bretonne de salaison, aux droits de laquelle vient la société Jean Caby, ont été licenciées pour motif économique le 7 juin 2005 ;
Attendu que pour décider que les licenciements reposent sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt attaqué, qui constate que la société SBS a racheté la société Jean Caby, constituant le "groupe Jean Caby", qui appartient à la "société Smithfield France", lequel appartient au groupe international Smithfield Food retient qu'il résulte des rapports d'expertise que la dégradation des résultats en 2003 et 2004 de chacune des sociétés, qui ont fusionné, s'est accentuée entre 2004 et 2005, que les résultats déficitaires de la "société Jean Caby et "du groupe Smithfield France" sont liés à la diminution de la production porcine en France ainsi qu'aux difficultés rencontrées par la filière charcuterie salaisons, et qu'en conséquence les difficultés économiques justifiées ont rendu nécessaire la réorganisation des services administratifs en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
Qu'en statuant ainsi, en se bornant à constater les difficultés économiques rencontrées par les sociétés françaises, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Jean Caby aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... et à Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de Mme Y... et Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Martine X... et Madame Geneviève Y... de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est motivée par la réorganisation de la société nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité se traduisant par la centralisation de l'administration des ventes au siège de la société et donc la suppression des postes d'employée de ventes ; qu'en mai 2004 la société SBS a racheté la société JEAN CABY à LILLE, constituant le groupe « JEAN CABY » qui appartient à la société SMITHFIELD FRANCE, lequel appartient au groupe international SMITHFIELS FOOD ; qu'il résulte des rapports d'expertise comptable des années 2003 et 2004 que les résultats bruts avant impôt et participation du groupe SBS, avant fusion avec la société CABY étaient en baisse constante (72% en 3 ans) ; que cette dégradation des résultats s'est accentuée entre 2004 et 2005 (après fusion des sociétés) baisse de 45% par rapport à l'exercice précédent à fin avril 2005 ; qu'ainsi le résultat brut d'exploitation du groupe SMITHFIELD FRANCE au 30 avril 2005 est déficitaire de 1.440.000 euros, le déficit de la société JEAN CABY de 2.699.658 euros ; que ces résultats son liés à la diminution de la production et de la consommation porcine en FRANCE, aux difficultés rencontrées par la filière charcuterie salaisons ; qu'en outre les résultats ont continué à se détériorer en 2006, avec un résultat net déficitaire de 8,3 millions d'euros fin 2005 et le résultat net comptable au groupe SMITHFIEL FRANCE était déficitaire de 23.880.000 euros fin avril 2006 ; qu'en conséquence les difficultés économiques avérées ont rendu nécessaire la réorganisation des services administratifs en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'il convient sur ce point de confirmer el jugement entrepris.
ET QUE la société JEAN CABY a proposé 19 postes de reclassement : 4 à QUIMPER, lieu de travail des deux salariés, 3 à LANDIVISIAU dont deux postes de télévente, 7 à SAINT ETIENNE, 5 au sein de la société JEAN CABY à LILLE, sociétés du Groupe SMITHFIELD FRANCE étant précisé que cette dernière est une société financière qui n'emploie que des cadres et ne contenait pas de poste de reclassement susceptible d'être proposé à Mesdames Y... et à Madame X... ; qu'en outre les sociétés ANIMEX (POLOGNE) et AGRO INDUSTRIEL (MEXIQUE) ne permettaient pas une permutabilité du personnel avec la société JEAN CABY, compte tenu des législations applicables, des lieux d'exploitation, des niveaux de rémunération ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre qu'une proposition de reclassement eut été possible, alors qu'il est de jurisprudence constante que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'au surplus, une proposition de reclassement à l'étranger avec une rémunération inférieure aurait été jugée inacceptable par les salariées ;
qu'il résulte de la consultation des registres du personnel que l'ensemble des postes proposés ont été pourvus notamment les deux postes de télévente de LANDIVISIAU, postes correspondant aux activités des salariées, à leur qualification (coefficient 195), la titularisation ayant été effective pour les nouveaux salariés après le licenciement de Mesdames Y... et X... de même pour les postes de QUIMPER, lieu de travail des Mesdames Y... et X... ; qu'au demeurant les salariées n'ont jamais sollicité des renseignements complémentaires sur les postes proposés qui étaient clairement définis (classification, durée du travail, rémunération et missions) ; qu'en outre les postes de télévente qui leur étaient proposés leur assurent le maintien de leurs salaires ; qu'ultérieurement, Mesdames X... et Y... n'ont jamais fait état de leur priorité de réembauchage ; qu'en conséquence il convient de constater que la société JEAN CABY a respecté son obligation de reclassement, que le licenciement de Mesdames Y... et X... repose sur une cause réelle et sérieuse et elles seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE selon les conditions poses par l'article 321-1 du Code du travail et complétées par la jurisprudence, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou à la réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité et si le reclassement de l'intéressé est impossible (Cassation sociale – 24 octobre 2000) ; que les éléments comptables apportés par la société JEAN CABY ne permettent pas de remettre en cause le caractère économique du licenciement de Madame Y... et de Madame X... ; qu'en effet, il ressort des documents produits par la société défenderesse aux débats que sa situation économique s'est nettement dégradée entre 2004 et 2005 puisqu'il a été constaté, en clôture d'exercice à fin avril 2005, une baisse du résultat brut avant impôts et participation de 45% par rapport à l'exercice précédent ; qu'ainsi, il apparaît que la réorganisation intervenue a été ainsi rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.
ET QU'il apparaît au vu des pièces du dossier que l'employeur a bien respecté les ressources possibles afin de permettre un reclassement dans de bonnes conditions de Madame Y... et Madame X... ; que dans la mesure où pas moins de 19 postes de reclassement leur ont été proposés sur le territoire français et certains même dans la même région et avec maintien du salaire précédent, il ne paraît pas sérieux de penser qu'un poste en POLOGNE aurait pu leur convenir ; qu'aucun élément ne vient justifier le refus de ces postes au moment de la rupture du contrat de travail ; qu'en conséquence, les demanderesses seront déboutées de leurs demandes relatives à leur licenciement.
ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés ; qu'en outre, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en jugeant fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise après avoir constaté que celle-ci appartenait à un groupe, la Cour d'appel a violé l'article L.122-14-2 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L.1232-6 du Code du travail.
ALORS encore QUE la réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en se bornant à faire état des difficultés économiques rencontrées par la société JEAN CABY et par le groupe SMITHFIELD FRANCE, pour débouter les salariées de leur demande, quand seule la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité concerné du groupe pouvait justifier ce licenciement pour motif économique, la Cour d'appel a violé l'article L.321-1 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L.1233-3 du Code du travail.
ET ALORS QU'en se bornant ainsi à faire état des difficultés économiques rencontrées par la société JEAN CABY et par le groupe SMITHFIELD FRANCE, après avoir constaté que la société employeur appartenait au groupe international SMITHFIELD FOOD, en sorte que la nécessité de sauvegarder sa compétitivité ne pouvait être appréciée qu'au niveau du secteur d'activité concerné de ce groupe, la Cour d'appel a de nouveau violé l'article L.321-1 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L.1233-3 du Code du travail.
ALORS aussi QUE, si le jugement a affirmé que la réorganisation était nécessaire à la sauvegarde du secteur d'activité du groupe, il n'a retenu pour le justifier, que les résultats de la seule société JEAN CABY ; que ces motifs adoptés éventuellement ne donnent donc pas de base légale à la décision au regard des textes susvisés.
ALORS de plus QUE les salariées faisaient valoir dans leurs écritures d'appel que les chiffres présentés par l'employeur ne tenaient pas compte d'une augmentation importante mais exceptionnelle du chiffre d'affaires l'année précédant le licenciement et qu'ils étaient de surcroît tronqués par la prise en compte des coûts inhérents à la réorganisation elle-même ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant des écritures d'appel des salariées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS encore QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées dans le cadre du groupe auquel appartient l'entreprise, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en retenant, pour dire que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement sans aucunement rechercher les possibilités de reclassement au sein du groupe international auquel il appartenait, que compte tenu des législations applicables, des lieux d'exploitation et des niveaux de rémunération, les sociétés situées en POLOGNE et au MEXIQUE ne permettaient pas une permutabilité du personnel, la Cour d'appel qui a exclu les recherches de reclassement à l'étranger a violé l'article L.321-4 du Code du travail alors en vigueur, actuellement article L.1233-31 du Code du travail.
ET ALORS QU'avant tout licenciement pour motif économique, l'employeur est tenu, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer des permutations de personnels, et d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure; que l'employeur ne peut limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser ; qu'en présumant qu'une proposition de reclassement à l'étranger aurait été jugée inacceptable par les salariées, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail alors en vigueur, actuellement articles L. 1233-2 et L 1233-4 du Code du travail.
ALORS enfin QU'en laissant encore sans réponse le moyen des conclusions d'appel des salariées qui faisaient valoir que concomitamment à leur licenciement, l'employeur avait procédé à seize embauches à des postes qui auraient pu lui être proposés, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.