LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 juin 2008), que M. et Mme X... ont cédé à la société Pro Aqua la totalité des parts sociales de la société Polyester 07 environnement (la société Polyester), et à cette dernière leur fonds artisanal en lui consentant un bail commercial sur les locaux dans lesquels il était exploité ; que prétendant avoir appris postérieurement à ces ventes, la décision du principal client de la société Polyester qui représentait 70 % de son chiffre d'affaires annuel, de réduire ses commandes, les sociétés Pro Aqua et Polyester ont assigné M. et Mme X... en nullité des cessions des parts sociales et du fonds artisanal pour dol ; que Jocelyn X... étant décédé, ses ayants-droit, Mmes Laurence, Sylvie, Sonia et Magali X... (les consorts X...) ont repris l'instance tandis que M. Y..., en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Pro Aqua, y est intervenu ;
Attendu que les sociétés Pro Aqua et Polyester ainsi que M. Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes en nullité des cessions des parts sociales et du fonds artisanal de celles-ci alors, selon le moyen :
1°/ qu'en affirmant qu'aucun des documents versés aux débats ni aucune des circonstances de fait de l'espèce ne permettent de rapporter la preuve de ce que les consorts X... auraient caché à la société Pro Aqua que leur principal client, la société Faun, envisageait de réduire le volume du courant d'affaires puis d'y mettre fin en raison d'une évolution technologique, sans s'expliquer sur la valeur probante de la lettre de la société Faun du 11 octobre 2004 indiquant qu'elle avait informé les époux X... en septembre 2002 de la réduction progressive de ses commandes et de la nécessité d'en informer le repreneur, et sur l'attestation de M. Z... qui ayant assisté la société Pro Aqua lors des négociations déclarait que les époux X... n'avaient à aucun moment fait allusion à l'arrêt de la production du Groupe Faun sur leur produit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°/ qu'en retenant qu'il n'est pas crédible de soutenir que la société Pro Aqua assistée de ses professionnels du chiffre et du droit n'ait pas pris contact avec le principal client de la société Polyester et dont elle n'ignorait pas qu'il représentant 70 % du chiffre d'affaires, la cour d'appel a statué par motifs hypothétiques et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'encore, le dol est constitué par toute dissimulation d'un élément susceptible de déterminer le consentement de l'acheteur même si l'erreur ne porte pas sur la substance de la chose ; qu'ainsi, la cour d'appel, en considérant qu'il était indifférent qu'ait été dissimulé aux acquéreurs des actions le retrait progressif des commandes du principal client de la société Polyester, dès lors que ceux-ci ,assistés de professionnels, ont eu accès aux documents comptables et connaissaient la situation de la société, a violé l'article 1116 du Cod civil ;
4°/ qu'enfin, en retenant d'office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, que la société Faun a finalement mis fin à ses relations d'affaires avec la société Polyester en raison de l'incurie du nouveau gérant qui n'a pas su développer une politique appropriée de suivi de la clientèle, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits que la cour d'appel a, abstraction faite du motif hypothétique mais surabondant critiqué à la deuxième branche, retenu qu'il n'était pas établi que les consorts X... aient dissimulé à la société Pro Aqua que leur principal client envisageait de réduire ses commandes puis d'y mettre fin en raison d'une évolution technologique, et non que la dissimulation invoquée aurait été indifférente ;
Et attendu, en second lieu, que les sociétés Pro Aqua et Polyester ayant fait valoir dans leurs conclusions que la société Faun aurait mis fin à ses relations avec cette dernière en raison de l'incurie de son gérant, le moyen était dans le débat ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pro Aqua, M. Y..., en qualité d'administrateur judiciaire de cette dernière, et la société Polyester 07 environnement, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat aux conseils de la société Polyester 07 Environnement, la société Pro Aqua et M. Y..., ès qualités ;
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés PRO AQUA et POLYESTER de leur demande en annulation de la cession de parts sociales et de la vente du fonds de commerce ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1116 du Code civil dispose : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé » ; qu'il est de principe : -que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ; - qu'une réticence qui est un manquement à l'obligation de contracter de bonne foi par réticence peut être constitutive d'un dol ; qu'en l'état des débats, la SARL PRO AQUA, Maître Michel Y... et la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT, à qui incombe la charge de la preuve n'ont nullement démontré que les consorts X... auraient commis des réticences dolosives pour obtenir le consentement de la SARL PRO AQUA ; qu'il y a lieu de relever à cet égard que le dirigeant social de la SARL PRO AQUA était un opérateur économique expérimenté ; que la SARL PRO AQUA a décidé le rachat de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT et du fonds artisanal des consorts X... dans le cadre d'un projet économique ayant pour objet son développement sur le marché national ; - que pour le rachat de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT , la SARL PRO AQUA s'est elle-même fait assister de professionnels du chiffre et du droit ; - que les professionnels du chiffre et du droit de la SARL PRO AQUA et des consorts X... ont participé aux négociations pré-contractuelles ; - qu'aucun des documents versés aux débats ni aucune des circonstances de fait de l'espèce ne permettent de rapporter la preuve de ce que les consorts X... auraient caché l'existence d'un client représentant 70 % du chiffre d'affaires de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT ; - que les documents versés aux débats et établis lors de la mise en vente des parts de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT et du fonds artisanal mentionnent expressément que 70 % du chiffre d'affaires était réalisé avec un seul client ; - qu'aucun des documents versés aux débats ni aucune des circonstances de fait de l'espèce ne permettent de rapporter la preuve de ce que les consorts X... auraient caché à la SARL PRO AQUA que leur principal client, la société FAUN, envisageait de réduire le volume du courant d'affaires puis d'y mettre fin en raison d'une évolution technologique ; qu'il n'est pas crédible de soutenir que la SARL PRO AQUA assistée de ses professionnels du chiffre et du droit n'ait pas pris contact avec le principal client de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT et dont elle n'ignorait pas qu'il représentant 70 % du chiffre d'affaires ; - que la SARL PRO AQUA, assistée de ses professionnels du chiffre et du droit ont eu accès à tous les documents sociaux et comptables ; - qu'en réalité, la diminution du volume d'affaires avec la société FAUN devait être progressive ; - que la fin envisagée des relations d'affaires avec la société FAUN n'était pas à effet immédiat et ce, lors des négociations entre les consorts X... et la SARL PRO AQUA ; - que la SARL PRO AQUA s'est portée cessionnaires en toute connaissance de cause de la situation économique et financière de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT, ainsi que de ses perspectives d'évolution ; - que lors des négociations avec les consorts X..., la Société PRO AQUA n'a pas considéré que la fin éventuelle des relations d'affaires avec la société FAUN était un élément déterminant qui aurait pu lui faire renoncer à son acquisition ; - que la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT était une petite société familiale employant 5 salariés dont trois étaient des membres de la famille de Monsieur Jocelyn X... ; - que la SARL PRO AQUA a repris Madame Laurence X... co-cédante, comme salariée en raison de son savoir-faire technique dans le domaine des plastiques ; - que la SARL PRO AQUA a également repris l'une des filles de Monsieur Jocelyn X... comme secrétaire administrative ; - que l'acquisition des parts sociales de la SARL POLYESTRE O7 ENVIRONNEMENT présentait pour la SARL PRO AQUA non seulement un intérêt de développement économique mais également un intérêt financier réel ; - que lors de la cession des parts sociales à la SARL PRO AQUA, la trésorerie de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT qui n'avait procédé à aucune distribution de dividendes, était en effet importante et d'un montant de 240 000 euros ; - que cette trésorerie a servi à la SARL PRO AQUA à financer le prix d'acquisition des parts sociales de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT ; - que les relations d'affaires entre la société FAUN et la SARL POLYESTER O7 ENVIRONNEMENT n'ont pas cessé après la cession par les consorts X... de leurs parts sociales et de leur fonds artisanal à la SARL PRO AQUA ; - qu'il résulte des documents versés aux débats que la société FAUN a finalement mis fin à ses relations d'affaires avec la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT en raison de l'incurie du nouveau gérant qui n'a pas su développer une politique appropriée de suivi de la clientèle ; qu'il s'ensuit que la SARL PRO AQUA, Maître Michel Y... et la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT ne sont nullement fondés à invoquer les dispositions de l'article 1116 du Code civil pour faire déclarer nulles les conventions signées avec Monsieur Jocelyn X... et son épouse Madame Laurence C... et relatives à la cession des parts sociales de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT et de leur fonds artisanal ;
ALORS QUE, d'une part, en affirmant qu'aucun des documents versés aux débats ni aucune des circonstances de fait de l'espèce ne permettent de rapporter la preuve de ce que les consorts X... auraient caché à la SARL PRO AQUA que leur principal client, la société FAUN, envisageait de réduire le volume du courant d'affaires puis d'y mettre fin en raison d'une évolution technologique, sans s'expliquer sur la valeur probante de la lettre de la société FAUN du 11 octobre 2004 indiquant qu'elle avait informé les époux X... en septembre 2002 de la réduction progressive de ses commandes et de la nécessité d'en informer le repreneur, et sur l'attestation de Z... qui ayant assisté la société PRO AQUA lors des négociations déclarait que les époux X... n'avaient à aucun moment fait allusion à l'arrêt de la production du Groupe FAUN sur leur produit, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, en retenant qu'il n'est pas crédible de soutenir que la SARL PRO AQUA assistée de ses professionnels du chiffre et du droit n'ait pas pris contact avec le principal client de la SARL POLYESTER 07 ENVIRONNEMENT et dont elle n'ignorait pas qu'il représentant 70 % du chiffre d'affaires, la Cour d'appel a statué par motifs hypothétiques et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, encore, le dol est constitué par toute dissimulation d'un élément susceptible de déterminer le consentement de l'acheteur même si l'erreur ne porte pas sur la substance de la chose ; qu'ainsi , la Cour d'appel, en considérant qu'il était indifférent qu'ait été dissimulé aux acquéreurs des actions le retrait progressif des commandes du principal client de la société POLYESTER, dès lors que ceux-ci, assistés de professionnels, ont eu accès aux documents comptables et connaissaient la situation de la société, a violé l'article 1116 du Code civil. ;
ALORS QU'enfin, en retenant d'office, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, que la société FAUN a finalement mis fin à ses relations d'affaires avec la SARL POLYESTER 07 ENVIRONEMENT en raison de l'incurie du nouveau gérant qui n'a pas su développer une politique appropriée de suivi de la clientèle, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.