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19/01/2010 | FRANCE | N°08-19311

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 janvier 2010, 08-19311


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société AGF, que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés Hermex, Sodiaal international et la Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, ainsi que par la société Eurosérum ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1986, la société Hermex (le vendeur initial), assurée par la société PFA, aux droits de laquelle vient la société AGF, a vendu une cuve centrifugée à la société Sodiaal international (l'acquéreur), spécialisée dans la fabri

cation et la vente de produits alimentaires à base de lait et de ses dérivés et assuré...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société AGF, que sur les pourvois incidents relevés par les sociétés Hermex, Sodiaal international et la Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, ainsi que par la société Eurosérum ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1986, la société Hermex (le vendeur initial), assurée par la société PFA, aux droits de laquelle vient la société AGF, a vendu une cuve centrifugée à la société Sodiaal international (l'acquéreur), spécialisée dans la fabrication et la vente de produits alimentaires à base de lait et de ses dérivés et assurée par la société Groupama Rhône-Alpes-Auvergne (la société Groupama) ; qu'en1993, cette dernière a cédé une partie de ses installations, y compris la cuve en question, à la société Eurosérum (le sous-acquéreur), tout en en conservant l'usage compte tenu de l'imbrication des installations respectives ; que le 18 novembre de la même année, ces deux sociétés ont conclu un contrat, renouvelé le 3 avril 2001, par lequel il était convenu que l'entretien et la maintenance des installations seraient assurés par l'acquéreur selon les directives du sous-acquéreur ; que la cuve a explosé le 17 mai 2003 et endommagé les installations de l'acquéreur et du sous-acquéreur ; qu'après avoir assigné en référé le vendeur initial et le sous-acquéreur, l'acquéreur et son assureur les ont assignés au fond en indemnisation du préjudice de celui-ci et en paiement de l'indemnité d'assurance ; que le sous-acquéreur a alors appelé le vendeur initial et l'assureur de ce dernier en garantie des sommes qui pourraient être mises à sa charge et a demandé le paiement par ces derniers d'une certaine somme à titre d'indemnisation de son préjudice ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident du vendeur initial, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que le vendeur initial et son assureur font grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum, à relever et garantir le sous-acquéreur des condamnations prononcées à son encontre au profit de l'acquéreur et de l'assureur de ce dernier, d'avoir condamné l'assureur du vendeur initial à garantir ce dernier des condamnations prononcées à son encontre au profit du sous-acquéreur, et d'avoir condamné le vendeur initial et lui seul au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de prescription de dix ans applicable entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, de l'action contractuelle directe du sous-acquéreur contre le fabricant, fondée sur le vice caché ou sur la non-conformité, court à compter de la vente du bien ; qu'en énonçant que le sous-acquéreur de la cuve objecte justement que le délai de prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage, ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, alors que l'action exercée par le sous-acquéreur à l'encontre du vendeur initial et de son assureur, fondée sur le vice cachée ou la non-conformité de la cuve vendue en 1986 était prescrite au jour de la réalisation du dommage survenu en mai 2003, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;

2°/ que la prescription de l'action contractuelle directe du sous-acquéreur contre le fabricant, fondée sur le vice caché ou sur la non-conformité, court à compter de la vente du bien ; qu'en retenant, pour dire que l'action fondée sur l'existence d'un vice caché et d'un défaut de conformité n'était pas prescrite, que le délai de prescription de dix ans applicable à l'action directe du sous-acquéreur à l'encontre du vendeur initial avait commencé à courir à compter de la découverte du vice, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble les articles 1604 et 1641 du code civil ;

Mais attendu que la date de la vente initiale du bien ne pouvant être opposée au sous-acquéreur, en tant que point de départ du délai de prescription de l'action formée par ce dernier à l'encontre du vendeur initial et de son assureur, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident du vendeur initial, ainsi que sur le moyen unique du pourvoi incident du sous-acquéreur, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

Mais, sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident de l'acquéreur et de son assureur :

Vu l'article 12 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner l'acquéreur, garanti par son assureur, in solidum avec le vendeur initial, à payer au sous-acquéreur une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'appel incident du sous-acquéreur mérite d'être accueilli, ni l'acquéreur, ni son assureur, ne contestant le vice caché ou le défaut de délivrance entachant l'objet vendu, ce vice caché et ce défaut de délivrance ayant entraîné la destruction de la cuve appartenant au sous-acquéreur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné, in solidum avec la société Hermex, la société Sodiaal international, garantie par la société Groupama, à payer à la société Eurosérum, la somme de 89 688,21 euros, l'arrêt rendu le 11 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;

Condamne les sociétés Hermex et AGF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer chacune aux sociétés Sodiaal international et Groupama Rhône-Alpes-Auvergne la somme globale de 1 250 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société AGF.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Eurosérum, garantie par la SA Hermex, elle-même garantie par les AGF, à payer à la société Sodiaal International la somme de 226.992 euros et à la compagnie d'assurances Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme de 123.905 euros,

AUX MOTIFS QUE par voie d'appel incident, la société Eurosérum conteste sa condamnation au paiement de la somme de 226.992 euros au profit de la SA Sodiaal International et de celle de 123.905 euros au profit de Groupama Rhône Alpes Auvergne, condamnation fondées sur la garde de la cuve, qui a explosé le 17 mars 2003, condamnations prises au motif qu'elle a eu le pouvoir de direction et de contrôle sur cette cuve, en maintenant que, bien que devenue sa propriété en 1993, cette cuve était toujours utilisée par la société Sodiaal, au moins pour partie, était entretenue par la société Sodiaal, aux termes d'une convention en date du 18 novembre 1993, reconduite le 3 avril 2001 ; Que toutefois, pour admettre que la SA Eurosérum avait bien la garde de la cuve au moment du sinistre, le premier juge a retenu à bon droit, en substance, que cette cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA Sodiaal International et de la SA Eurosérum ; Que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que, nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la société Sodiaal International détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; Que la convention de prestations du 3 avril 2001 prévoyait, au contraire que l'entretien de la cuve, confié par la SA Eurosérum à la SA Sodiaal International devait être réalisé « selon les directives d'Eurosérum qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; Qu'il est donc constant que l'intervention de la SA Sodiaal International sur la cuve, au titre de sa mission d'entretien, n'était pas discrétionnaire, mais strictement liée aux instructions et directives de la SA Eurosérum, qui était donc seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; Que le jugement sera donc confirmé de ce chef, le vice caché de la cuve, ou le défaut de délivrance, par ailleurs caractérisés par le jugement, non querellé sur ces points par la société Eurosérum, ne pouvant constituer une cause étrangère, extérieure à la cuve, seule de nature à exonérer le gardien (arrêt p. 14).

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la société Sodiaal International affirme mais ne démontre pas que la convention d'entretien et de maintenance du 3 avril 2001 s'accompagnait d'une obligation accessoire de sécurité à la charge de la SA Eurosérum ; Que son action en paiement ne peut être favorablement accueillie sur ce fondement ; Qu'elle invoque également la responsabilité du fait des choses prévue à l'article 1384 alinéa 1er selon lequel on est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde ; Que cette garde est caractérisée par le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle et dans ce régime de responsabilité, le propriétaire de la chose est présumé gardien ; Que pour s'exonérer de cette responsabilité, le propriétaire doit démontrer qu'il a transféré le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle à un tiers ; Qu'en l'espèce, la SA Eurosérum ne conteste pas être propriétaire de la cuve mais soutient que la SA Sodiaal International en avait la garde, étant utilisatrice et responsable de l'entretien de la cuve ; Qu'à l'encontre de cet argument, il convient de relever que la cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA Sodiaal International et de la SA Eurosérum et que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la SA Sodiaal International détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; Que la convention de prestation du 3 avril 2001 prévoyait par contre que l'entretien de la cuve confié à la SA Sodiaal International devait être réalisé « selon les directives d'Eurosérum, qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; Qu'il apparaît ainsi que l'intervention de la SA Sodiaal International sur la cuve au titre de sa mission d'entretien n'était pas discrétionnaire mais était strictement liée aux instructions et directives de la SA Eurosérum qui apparaît ainsi comme seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; Que cette dernière ne saurait dans ces conditions soutenir que la garde de la cuve avait été transférée à la SA Sodiaal International et il convient de la considérer comme gardienne de la chose ; Qu'elle ne peut davantage rechercher une cause d'exonération dans la démonstration de l'absence de faute de sa part étant rappelé que l'article 1384 alinéa 1 instaure une responsabilité de plein droit indépendante de la notion de faute ; Qu'il n'est pas discuté ensuite que la chose est à l'origine exclusive du dommage et le montant du préjudice tel que proposé par l'expert n'est pas davantage discuté ; Que la société Eurosérum ne pourra qu'être condamnée à payer à la SA Sodiaal International la somme de 226.992 euros et à payer à la compagnie d'assurances Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme de 123.905 euros déjà réglée à la SA Sodiaal International,

ALORS QUE l'article 1384 alinéa 1er du Code civil est inapplicable à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel ; qu'ayant constaté que la société Eurosérum était propriétaire de la cuve litigieuse, qu'elle faisait l'objet d'une utilisation commune par la société Eurosérum et la société Sodiaal International, qui avaient conclu une « convention de prestations » du 18 novembre 1993, renouvelée le 3 avril 2001 (Prod. 1) fixant entre elles des modalités de la maintenance et de l'entretien de la cuve, sans en déduire que le dommage subi par la société Sodiaal International se rattachait à l'exécution de l'engagement contractuel des parties, de sorte que les règles de la responsabilité délictuelle étaient inapplicables, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie AGF, in solidum avec la société Hermex, à relever et garantir la société Eurosérum des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Sodiaal International (226.992 euros) et de la compagnie Groupama Rhône Alpes Auvergne (123.905 euros) et de l'avoir condamnée à garantir la société Hermex des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Eurosérum,

AUX MOTIFS QUE la compagnie d'assurances AGF, appelante au principal et la société Hermex, appelante incidente, contestent la recevabilité des demandes présentées par la société Hermex, qui demande à son assureur, AGF, de la garantir des condamnations prononcées au profit de la société Sodiaal et de Groupama Rhône Alpes Auvergne, de celles présentées par ces dernières sociétés, qui demandent la condamnation de la société Hermex à leur verser les sommes respectives de 226.922 euros et 123.905 euros, enfin, de celles de la société Eurosérum, qui demande la condamnation de la société Hermex, également garantie par AGF, au paiement de la somme de 89.688,21 euros, en prétendant que ces demandes fondées sur le vice caché ou sur le défaut de délivrance seraient atteintes par la prescription décennale résultant de l'article L.110-4 du Code de commerce, la vente de la cuve entre la société Hermex et la société Sodiaal étant intervenue en 1986, cette vente constituant le point de départ du délai de 10 ans qui a donc couru ; Que toutefois, la société Eurosérum objecte justement que le délai de prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage, ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime ; Que le vice caché dont est atteinte la cuve, ou le défaut de conformité affectant sa vente, n'ont été connus qu'après l'expertise qui seule a mis en évidence le défaut de réalisation de la cuve, ce vice et le défaut n'ayant été détectables qu'après l'explosion survenue en mai 2003 ; Que par ces motifs ajoutés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a reçu les demandes fondées sur le vice caché et sur le défaut de délivrance,

ALORS QUE le délai de prescription de dix ans applicable entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, de l'action contractuelle directe du sous-acquéreur contre le fabricant, fondée sur le vice caché ou sur la non-conformité, court à compter de la vente du bien ; Qu'en énonçant que le sous-acquéreur de la cuve objecte justement que le délai de prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage, ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, alors que l'action exercée par la société Eurosérum, sous-acquéreur, à l'encontre du vendeur initial, la société Hermex et de son assureur, fondée sur le vice cachée ou la non-conformité de la cuve vendue en 1986 était prescrite au jour de la réalisation du dommage survenu en mai 2003, la cour d'appel a violé les articles 1147 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce.

Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par Me X..., avocat aux Conseils, pour la société Hermex.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société EUROSERUM, garantie par la société HERMEX, elle-même garantie par les AGF, à payer à la société SODIAAL la somme de 226.992 euros et à la compagnie GROUPAMA la somme de 123.905 euros.

AUX MOTIFS PROPRES QUE « par voie d'appel incident, la société EUROSERUM conteste sa condamnation au paiement de la somme de 226.992 euros au profit de la SA SODIAAL International et de celle de 123.905 euros au profit de GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne, condamnation fondées sur la garde de la cuve, qui a explosé le 17 mars 2003, condamnations prises au motif qu'elle a eu le pouvoir de direction et de contrôle sur cette cuve, en maintenant que, bien que devenue sa propriété en 1993, cette cuve était toujours utilisée par la société SODIAAL, au moins pour partie, était entretenue par la société SODIAAL, aux termes d'une convention en date du 18 novembre 1993, reconduite le 3 avril 2001 ; que toutefois, pour admettre que la SA EUROSERUM avait bien la garde de la cuve au moment du sinistre, le premier juge a retenu à bon droit, en substance, que cette cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA SODIAAL International et de la SA EUROSERUM ; que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que, nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la société SODIAAL International détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; que la convention de prestations du 3 avril 2001 prévoyait, au contraire que l'entretien de la cuve, confié par la SA EUROSERUM à la SA SODIAAL International devait être réalisé « selon les directives d'EUROSERUM qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; qu'il est donc constant que l'intervention de la SA SODIAAL International sur la cuve, au titre de sa mission d'entretien, n'était pas discrétionnaire, mais strictement liée aux instructions et directives de la SA EUROSERUM, qui était donc seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef, le vice caché de la cuve, ou le défaut de délivrance, par ailleurs caractérisés par le jugement, non querellé sur ces points par la société EUROSERUM, ne pouvant constituer une cause étrangère, extérieure à la cuve, seule de nature à exonérer le gardien » (arrêt p. 14) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « la société SODIAAL International affirme mais ne démontre pas que la convention d'entretien et de maintenance du 3 avril 2001 s'accompagnait d'une obligation accessoire de sécurité à la charge de la SA EUROSERUM ; que son action en paiement ne peut être favorablement accueillie sur ce fondement ; qu'elle invoque également la responsabilité du fait des choses prévue à l'article 1384 alinéa 1er selon lequel on est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde ; que cette garde est caractérisée par le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle et dans ce régime de responsabilité, le propriétaire de la chose est présumé gardien ; que pour s'exonérer de cette responsabilité, le propriétaire doit démontrer qu'il a transféré le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle à un tiers ; qu'en l'espèce, la SA EUROSERUM ne conteste pas être propriétaire de la cuve mais soutient que la SA SODIAAL International en avait la garde, étant utilisatrice et responsable de l'entretien de la cuve ; qu'à l'encontre de cet argument, il convient de relever que la cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA SODIAAL International et de la SA EUROSERUM et que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la SA SODIAAL International détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; que la convention de prestation du 3 avril 2001 prévoyait par contre que l'entretien de la cuve confié à la SA SODIAAL International devait être réalisé « selon les directives d'EUROSERUM, qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; qu'il apparaît ainsi que l'intervention de la SA SODIAAL International sur la cuve au titre de sa mission d'entretien n'était pas discrétionnaire mais était strictement liée aux instructions et directives de la SA EUROSERUM qui apparaît ainsi comme seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; que cette dernière ne saurait dans ces conditions soutenir que la garde de la cuve avait été transférée à la SA SODIAAL International et il convient de la considérer comme gardienne de la chose ; Qu'elle ne peut davantage rechercher une cause d'exonération dans la démonstration de l'absence de faute de sa part étant rappelé que l'article 1384 alinéa 1 instaure une responsabilité de plein droit indépendante de la notion de faute ; qu'il n'est pas discuté ensuite que la chose est à l'origine exclusive du dommage et le montant du préjudice tel que proposé par l'expert n'est pas davantage discuté ; Que la société EUROSERUM ne pourra qu'être condamnée à payer à la SA SODIAAL International la somme de 226.992 euros et à payer la compagnie d'assurances GROUPAMA Rhône Alpes Auvergne la somme de 123.905 euros déjà réglée à la SA SODIAAL International » ;

ALORS QUE le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'en retenant que la responsabilité de la société EUROSERUM, gardien de la cuve, à l'égard de la société SODIAAL était engagée sur le fondement de l'article 1384, aliéna 1er, du code civil, après avoir pourtant constaté qu'il résultait de la « convention de prestations » signé entre ces deux sociétés que l'entretien de la cuve était effectué selon les directives de la société EUROSERUM chargée de définir le descriptif des tâches à assurer et leur localisation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société HERMEX, in solidum avec compagnie AGF, à relever et garantir la société EUROSERUM des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société SODIAAL (226.992 euros) et de la compagnie GROUPAMA (123.905 euros) et d'avoir condamné la société HERMEX seule au paiement de la somme de 89.688,21 euros à la société EUROSERUM ;

AUX MOTIFS QUE « la compagnie d'assurances AGF, appelante principal et la société HERMEX, appelante incidente, contestent la recevabilité des demandes présentées par la société EUROSERUM et non HERMEX, indiqué par erreur (…) en prétendant que ces demandes fondées sur le vice caché ou le défaut de délivrance seraient atteintes parla prescription décennale résultant de l'article L. 110-4 du code de commerce, la vente de la cuve entre la société HERMEX et la société SODIAAL étant intervenue en 1986, cette vente constituant le point de départ du délai de 10 ans qui a donc couru » ; « toutefois, (…) le délai de prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage, ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime ; que le vice caché dont est atteinte la cuve, ou le défaut de délivrance affectant sa vente, n'ont été connus qu'après l'expertise qui seule a mis en évidence le défaut de réalisation de la cuve, ce vice et le défaut n'ayant été détectables qu'après l'explosion survenue en mai 2003 » (arrêt p. 15, alinéas 4 et 5) ;

ALORS QUE la prescription de l'action contractuelle directe du sous-acquéreur contre le fabricant, fondée sur le vice caché ou sur la non-conformité, court à compter de la vente du bien ; qu'en retenant, pour dire que l'action fondée sur l'existence d'un vice caché et d'un défaut de conformité n'était pas prescrite, que le délai de prescription de dix ans applicable à l'action directe de la société EUROSERUM, sous-acquéreur, à l'encontre de la société HERMEX, fabricant, avait commencé à courir à compter de la découverte du vice, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble les articles 1604 et 1641 du code civil.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour les sociétés Sodiaal international et Groupama Rhône-Alpes-Auvergne.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel incident de la SAS EUROSERUM partiellement fondé et, ajoutant au jugement, condamné in solidum avec la SAS HERMEX, la SAS SODIAAL, garantie par GROUPAMA, à payer à la société EUROSERUM la somme de 89.688,21 euros outre intérêts de droit, depuis l'assignation, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du Code civil, et ce, depuis la première demande.

Aux motifs que l'appel incident de la SA EUROSERUM fondé sur la qualité de vendeur de la SA SODIAAL, non contestée, mérite d'être accueilli, ni la société SODIAAL, ni GROUPAMA qui ne dénie pas sa garantie à cet égard, ne contestant le vice caché ou le défaut de délivrance entachant l'objet vendu, ce vice caché et ce défaut de délivrance ayant entraîne la destruction de la cuve appartenant à la société EUROSERUM.

Alors que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le silence d'une partie, n'emporte par reconnaissance du droit qu'on lui oppose ; qu'en se bornant à relever la qualité de vendeur de la société SODIAAL pour la déclarer responsable d'un vice caché ou d'un défaut de délivrance au motif inopérant qu'elle ne contestait ni sa garantie, ni le vice caché ou le défaut de délivrance, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors que le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en statuant sans préciser le fondement juridique de sa décision, de sorte qu'il est impossible de savoir, en l'état des motifs de l'arrêt, s'il a été fait application de la garantie légale des vices cachées ou de l'obligation de délivrance conforme, la Cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du Code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eurosérum.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la Société EUROSERUM à payer à la société SODIAAL la somme de 226 992 € et à la Compagnie GROUPAMA la somme de 123 905 €.

AUX MOTIFS QUE par voie d'appel incident, la société EUROSERUM conteste sa condamnation au paiement de la somme de 226.992 € au profit de la SA SODIAAL INTERNATIONAL et de celle de 123.905 € au profit de GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, condamnation fondées sur la garde de la cuve, qui a explosé le 17 mars 2003, condamnations prises au motif qu'elle a eu le pouvoir de direction et de contrôle sur cette cuve, en maintenant que, bien que devenue sa propriété en 1993, cette cuve était toujours utilisée par la société SODIAAL, au moins pour partie, était entretenue par la société SODIAAL, aux termes d'une convention en date du 18 novembre 1993, reconduite le 3 avril 2001 ; que toutefois, pour admettre que la SA EUROSERUM avait bien la garde de la cuve au moment du sinistre, le premier juge a retenu à bon droit, en substance, que cette cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA SODIAAL International et de la SA EUROSERUM ; que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que, nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la société SODIAAL International détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; que la convention de prestations du 3 avril 2001 prévoyait, au contraire que l'entretien de la cuve, confié par la SA EUROSERUM à la SA SODIAAL International devait être réalisé « selon les directives d'EUROSERUM qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; qu'il est donc constant que l'intervention de la SA SODIAAL International sur la cuve, au titre de sa mission d'entretien, n'était pas discrétionnaire, mais strictement liée aux instructions et directives de la SA EUROSERUM, qui était donc seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef, le vice caché de la cuve, ou le défaut de délivrance, par ailleurs caractérisés par le jugement, non querellé sur ces points par la société EUROSERUM, ne pouvant constituer une cause étrangère, extérieure à la cuve, seule de nature à exonérer le gardien (arrêt p. 14).

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la société SODIAAL International affirme mais ne démontre pas que la convention d'entretien et de maintenance du 3 avril 2001 s'accompagnait d'une obligation accessoire de sécurité à la charge de la SA EUROSERUM ; que son action en paiement ne peut être favorablement accueillie sur ce fondement ; qu'elle invoque également la responsabilité du fait des choses prévue à l'article 1384 alinéa 1er selon lequel on est responsable du dommage causé par les choses que l'on a sous sa garde ; que cette garde est caractérisée par le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle et dans ce régime de responsabilité, le propriétaire de la chose est présumé gardien ; que pour s'exonérer de cette responsabilité, le propriétaire doit démontrer qu'il a transféré le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle à un tiers ; qu'en l'espèce, la SA EUROSERUM ne conteste pas être propriétaire de la cuve mais soutient que la SA SODIAAL INTERNATIONAL en avait la garde, étant utilisatrice et responsable de l'entretien de la cuve ; qu'à l'encontre de cet argument, il convient de relever que la cuve faisait l'objet d'une utilisation commune de la part de la SA SODIAAL INTERNATIONAL et de la SA EUROSERUM et que cette dernière ne démontre ni n'allègue de circonstances particulières permettant de conclure que nonobstant cette qualité de propriétaire et de cet usage commun, seule la SA SODIAAL INTERNATIONAL détenait un pouvoir exclusif de direction et de contrôle sur la cuve au moment de l'accident ; que la convention de prestation du 3 avril 2001 prévoyait par contre que l'entretien de la cuve confié à la SA SODIAAL INTERNATIONAL devait être réalisé « selon les directives d'Eurosérum, qui définira précisément le descriptif des tâches à assurer et leur localisation » ; qu'il apparaît ainsi que l'intervention de la SA SODIAAL INTERNATIONAL sur la cuve au titre de sa mission d'entretien n'était pas discrétionnaire mais était strictement liée aux instructions et directives de la SA EUROSERUM qui apparaît ainsi comme seule détentrice du pouvoir de contrôle et de direction de la cuve ; que cette dernière ne saurait dans ces conditions soutenir que la garde de la cuve avait été transférée à la SA SODIAAL INTERNATIONAL et il convient de la considérer comme gardienne de la chose ; qu'elle ne peut davantage rechercher une cause d'exonération dans la démonstration de l'absence de faute de sa part étant rappelé que l'article 1384 alinéa 1 instaure une responsabilité de plein droit indépendante de la notion de faute ; qu'il n'est pas discuté ensuite que la chose est à l'origine exclusive du dommage et le montant du préjudice tel que proposé par l'expert n'est pas davantage discuté ; que la société EUROSERUM ne pourra qu'être condamnée à payer à la SA SODIAAL International la somme de 226.992 euros et à payer à la compagnie d'assurances Groupama Rhône Alpes Auvergne la somme de 123.905 euros déjà réglée à la SA SODIAAL INTERNATIONAL,

ALORS QUE l'article 1384 alinéa 1er du Code civil est inapplicable à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel ; qu'ayant constaté que la société EUROSERUM était propriétaire de la cuve litigieuse, qu'elle faisait l'objet d'une utilisation commune par la société EUROSERUM et la société SODIAAL INTERNATIONAL, qui avaient conclu une « convention de prestations » du 18 novembre 1993, renouvelée le 3 avril 2001 fixant entre elles des modalités de la maintenance et de l'entretien de la cuve, sans en déduire que le dommage subi par la société SODIAAL INTERNATIONAL se rattachait à l'exécution de l'engagement contractuel des parties, de sorte que les règles de la responsabilité délictuelle étaient inapplicables, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-19311
Date de la décision : 19/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 11 juin 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jan. 2010, pourvoi n°08-19311


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.19311
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