LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris 13 février 2009), que la société Pages jaunes, titulaire en France de la marque complexe "Les Pages jaunes" enregistrée pour désigner notamment des produits et services en classes 16, 35 et 41 a formé opposition à la demande d'enregistrement n° 07 3 516 487 de la marque "Pages Telecom", déposée par M. X..., pour désigner divers produits et services en classes 16, 35 et 41 ; que par décision du 29 avril 2008, le directeur général de l'INPI a fait droit à l'opposition en ce qu'elle portait sur les produits et services suivants des classes 16 et 41 : "produits de l'imprimerie ; caractères d'imprimerie ; affiches ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; publication de textes publicitaires ; publication de livres ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne; micro-édition" et a rejeté la demande d'enregistrement n° 07 3 516 487 pour ces produits et services ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours en annulation de la décision rendue par le directeur général de l'INPI en ce qu'elle a partiellement accueilli l'opposition, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision par laquelle le directeur de l'INPI délivre ou refuse un titre de propriété industrielle constitue un acte administratif individuel ; qu'une cour d'appel, saisie d'un recours formé contre une telle décision, doit apprécier la légalité de celle-ci au regard des motifs sur lesquels elle repose ; que par ailleurs, l'existence d'un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude de la marque demandée et de la marque antérieure ; qu'en l'espèce, dans la décision qui était déférée à la cour d'appel, le directeur de l'INPI avait retenu que, s'agissant des «produits et services en cause relevant des domaines des produits de l'imprimerie et de l'édition», il existait un risque de confusion «compte tenu du degré de connaissance de la marque antérieure sur le marché des annuaires, de la proximité des produits et services en cause précités et de l'association qui peut être faite de la marque antérieure avec le signe contesté», cependant qu'il avait constaté que les signes en cause n'étaient ni identiques ni similaires, puisqu'ils présentaient des «différences visuelles, phonétiques et intellectuelles prépondérantes par rapport aux ressemblances entre les signes en cause pris dans leur ensemble» ; qu'en refusant d'annuler cette décision, alors que le directeur de l'INPI avait commis une erreur de droit, en retenant l'existence d'un risque de confusion tout en constatant l'absence de similitude entre les signes en présence, la cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière des articles 4 § 1 b) et 5 § 1 b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, qui est la «version codifiée» de la directive CE n° 89/104, à laquelle elle se substitue désormais, ainsi que l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ que la décision par laquelle le directeur de l'INPI délivre ou refuse un titre de propriété industrielle constitue un acte administratif individuel ; qu'une cour d'appel, saisie d'un recours formé contre une telle décision, doit uniquement apprécier la légalité de celle-ci au regard des motifs sur lesquels elle repose, mais n'a pas le pouvoir de substituer à l'appréciation de fait du directeur de l'INPI sa propre appréciation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a rejeté le recours formé contre la décision du directeur de l'INPI, tout en portant, sur la similitude des signes, une appréciation de fait différente de celle retenue par celui-ci, puisqu'elle a relevé, d'une part, que les deux marques «ont une structure très proche, caractérisée par un substantif suivi d'un qualificatif ; qu'indépendamment de l'article «les», elles commencent toutes deux par le même terme d'attaque, pareillement qualifié par le terme suivant de sorte que le consommateur pourrait voir dans la marque seconde une déclinaison de la marque première», et d'autre part, que le public «sera d'autant plus enclin à le faire que la marque «Pages Telecom» renvoie à l'univers des télécommunications et ainsi à celui pour lequel la marque «Les Pages jaunes» a acquis sa notoriété en désignant un annuaire téléphonique sous la forme d'un produit de l'imprimerie» ; qu'en substituant à l'appréciation de fait du directeur de l'INPI sa propre appréciation, au lieu de se contenter d'apprécier la légalité de la décision qui lui était déférée la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni du mémoire déposé par M. X... que celui-ci se soit prévalu à l'appui de sa demande en annulation de la décision déférée de ce que le directeur général de l'INPI avait commis une erreur de droit en retenant l'existence d'un risque de confusion tout en constatant l'absence de similitude entre les signes en présence ; que le grief mélangé de fait et de droit, est nouveau ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel saisie d'une demande d'annulation d'une décision du directeur général de l'INPI peut fonder sa propre décision sur des motifs différents de ceux retenus par ce dernier dès lors que le fondement juridique qu'elle retient est le même et qu'elle ne substitue pas sa propre décision à celle du directeur général de l'INPI ; que l'arrêt relève que le caractère distinctif de la marque première pour les produits et services en cause ne résulte pas de la seule association du substantif "Pages" à l'adjectif "Jaunes" mais s'étend au substantif "Pages" dans la mesure où ce signe n'est ni nécessaire, ni générique, ni usuel, que la notoriété acquise par la marque première, non contestée pour les annuaires, s'étend pour les annuaires téléphoniques au seul substantif "Pages" et lui confère sa distinctivité ; qu'il relève encore que les deux marques ont une structure très proche, caractérisée par un substantif suivi d'un qualificatif ; qu'indépendamment de l'article "les", elles commencent toutes deux par le même terme d'attaque, pareillement qualifié par le terme suivant, de sorte que le consommateur pourrait voir dans la marque seconde une déclinaison de la marque première ce d'autant plus que la marque "Pages Telecom" renvoie à l'univers des télécommunications et ainsi à celui pour lequel la marque "Les Pages jaunes" a acquis sa notoriété ; que la cour d'appel, qui n'a pas substitué sa propre décision à celle du directeur général de l'INPI et devant laquelle la similitude des signes était tout autant critiquée que devant le directeur général de l'INPI, a pu, sans excéder ses pouvoirs, statuer comme elle a fait ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Pages jaunes la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par Monsieur James X... contre la décision par laquelle le directeur de l'INPI a reconnu partiellement fondée, en ce qu'elle porte sur certains produits et services des classes 16 et 41, l'opposition formée par la société PAGES JAUNES à l'encontre de la demande d'enregistrement n° 07.3.516.487 de la marque verbale PAGES TELECOM ;
AUX MOTIFS QUE «le caractère distinctif de la marque première pour les produits et services ici en cause – qui s'apprécie d'ailleurs à la date de son premier dépôt (1999) -, ne résulte pas de la seule association du substantif «PAGES» à l'adjectif «JAUNES», mais s'étend au substantif «PAGES» dans la mesure où ce signe n'est ni nécessaire, ni générique ni usuel ; que les noms de domaine cités ne justifient d'ailleurs d'un quelconque caractère usuel puisqu'ils associent pour la plupart d'entre eux le terme «pages» dans une combinaison courante telle que «annuaire des pages …, pages écran» ; que la notoriété acquise par la marque première et d'ailleurs non contestée pour les annuaires s'étend, pour les annuaires téléphoniques, au seul substantif «Pages» et lui confère sa distinctivité ; que s'agissant de cette notoriété, c'est à bon droit que le directeur de l'INPI a procédé à une appréciation différenciée en retenant que le risque de confusion est établi pour les produits pour la désignation desquels la marque a acquis une renommée ; qu'en effet, ces deux marques ont une structure très proche, caractérisée par un substantif suivi d'un qualificatif ; qu'indépendamment de l'article «les», elles commencent toutes deux par le même terme d'attaque, pareillement qualifié par le terme suivant de sorte que le consommateur pourrait voir dans la marque seconde une déclinaison de la marque première ; qu'il sera d'autant plus enclin à le faire que la marque «PAGES TELECOM» renvoie à l'univers des télécommunications et ainsi à celui pour lequel la marque «LES PAGES JAUNES» a acquis sa notoriété en désignant un annuaire téléphonique sous la forme d'un produit de l'imprimerie ; que le risque de confusion comprenant le risque d'association entre deux signes, il convient de rejeter le recours formé par le déposant» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la décision par laquelle le directeur de l'INPI délivre ou refuse un titre de propriété industrielle constitue un acte administratif individuel ; qu'une cour d'appel, saisie d'un recours formé contre une telle décision, doit apprécier la légalité de celle-ci au regard des motifs sur lesquels elle repose ; que par ailleurs, l'existence d'un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude de la marque demandée et de la marque antérieure ; qu'en l'espèce, dans la décision qui était déférée à la cour d'appel, le directeur de l'INPI avait retenu que, s'agissant des «produits et services en cause relevant des domaines des produits de l'imprimerie et de l'édition», il existait un risque de confusion «compte tenu du degré de connaissance de la marque antérieure sur le marché des annuaires, de la proximité des produits et services en cause précités et de l'association qui peut être faite de la marque antérieure avec le signe contesté», cependant qu'il avait constaté que les signes en cause n'étaient ni identiques ni similaires, puisqu'ils présentaient des «différences visuelles, phonétiques et intellectuelles prépondérantes par rapport aux ressemblances entre les signes en cause pris dans leur ensemble» ; qu'en refusant d'annuler cette décision, alors que le directeur de l'INPI avait commis une erreur de droit, en retenant l'existence d'un risque de confusion tout en constatant l'absence de similitude entre les signes en présence, la Cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière des articles 4 § 1 b) et 5 § 1 b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, qui est la «version codifiée» de la directive CE n° 89/104, à laquelle elle se substitue désormais, ainsi que l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la décision par laquelle le directeur de l'INPI délivre ou refuse un titre de propriété industrielle constitue un acte administratif individuel ; qu'une cour d'appel, saisie d'un recours formé contre une telle décision, doit uniquement apprécier la légalité de celle-ci au regard des motifs sur lesquels elle repose, mais n'a pas le pouvoir de substituer à l'appréciation de fait du directeur de l'INPI sa propre appréciation ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a rejeté le recours formé contre la décision du directeur de l'INPI, tout en portant, sur la similitude des signes, une appréciation de fait différente de celle retenue par celui-ci, puisqu'elle a relevé, d'une part, que les deux marques « ont une structure très proche, caractérisée par un substantif suivi d'un qualificatif ; qu'indépendamment de l'article « les », elles commencent toutes deux par le même terme d'attaque, pareillement qualifié par le terme suivant de sorte que le consommateur pourrait voir dans la marque seconde une déclinaison de la marque première », et d'autre part, que le public «sera d'autant plus enclin à le faire que la marque «PAGES TELECOM» renvoie à l'univers des télécommunications et ainsi à celui pour lequel la marque « LES PAGES JAUNES » a acquis sa notoriété en désignant un annuaire téléphonique sous la forme d'un produit de l'imprimerie» ; qu'en substituant à l'appréciation de fait du directeur de l'INPI sa propre appréciation, au lieu de se contenter d'apprécier la légalité de la décision qui lui était déférée la Cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle.