LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 544 et 545 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2008), que le Syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne (SIAH) a construit sur le terrain de la société anonyme du Domaine immobilier de la Muette (SADIM) un canal pour détourner l'eau du Petit Rosne de son cours naturel et la déverser dans un bassin de retenue ; que la SADIM a assigné le SIAH en démolition du canal ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que les travaux d'édification du canal ont été réalisés sans titre mais que la réalisation de ce canal s'est inscrite, comme celle du bassin de retenue, dans le contexte d'une situation géographique et hydraulique identique, les deux ouvrages étant en réalité complémentaires, voire inséparables, que ces travaux ont été entrepris accessoirement à ceux pour lesquels le SIAH bénéficie d'un titre résultant de la procédure de déclaration d'utilité publique et d'expropriation régulièrement diligentée aux fins de réalisation du bassin de retenue et qu'il s'ensuit que l'opération de construction du canal, qui n'est pas irrattachable aux pouvoirs dont disposait légitimement le SIAH en vue de l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne, constitutive d'une emprise irrégulière, ne caractérise cependant pas une voie de fait ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les travaux d'édification du canal sur la propriété de la SADIM avaient été réalisés sans titre, ce canal n'ayant été édifié qu'en vertu d'autorisations successives d'occupation temporaire consenties en vue d'effectuer des dépôts de matériaux et de permettre la circulation des engins de chantiers et tous aménagements de chantier nécessaires à l'opération de construction du bassin de retenue des eaux et alors que la construction du canal sur une propriété privée ne se rattachait pas au pouvoir donné à l'administration de construire ce bassin, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne le Syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne à payer à la société Domaine immobilier de la Muette la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Domaine immobilier de la Muette
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande, formée par la SADIM, de destruction du canal édifié par la SIAH, limitant à la somme de 98 905 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2001, avec capitalisation, le montant des dommages intérêts dus par le SIAH à la SADIM,
AUX MOTIFS QUE sur la qualification d'emprise irrégulière, il est acquis aux débats que le SIAH a construit sur le terrain appartenant à la SADIM un canal d'une longueur de 510 mètres, d'une largeur d'environ 7 mètres et d'une profondeur de 2,50 mètres, en dalles de béton, pour détourner l'eau du Petit Rosne de son cours naturel et la déverser dans le bassin de retenue ; qu'aux termes du jugement du 2 juillet 2002, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a définitivement jugé que : « les travaux dont s'agit qui ont opéré une dépossession de propriété doivent être regardés comme ayant été exécutés sans titre ; qu'ils ont dès lors constitué une emprise irrégulière sur une propriété privée immobilière ; dans ces conditions, il apparaît que ressortissent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire tant les conclusions de la SADIM tendant à l'indemnisation de la perte du terrain ayant fait l'objet de cette emprise, que ses conclusions tendant à l'indemnisation de la dépréciation permanente du reste de sa propriété, laquelle résulte directement non de l'existence de l'ouvrage public constitué par le canal mais de l'emplacement et des dimensions de l'emprise litigieuse » ; que dès lors que la juridiction administrative a déjà jugé qu'il existait, à tout le moins, une emprise irrégulière, seule la juridiction judiciaire est compétente pour fixer les modalités de réparation des conséquences dommageables d'une telle emprise ; que le SIAH fait valoir que l'emprise irrégulière liée à la construction du canal est également constitutive d'une voie de fait, en ce qu'elle est insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'Administration ; qu'à cet égard, comme l'a relevé le tribunal administratif, dans la décision précitée, les travaux d'édification du canal litigieux sur la propriété de la SADIM ont été réalisés sans titre ; qu'en effet, ce canal n'a été édifié qu'en vertu d'autorisations successives d'occupation temporaire, et après qu'a été à la SADIM un plan dénommé « plan d'occupation temporaire », lesdites autorisations n'ayant été consenties qu'en vue d'effectuer des dépôts de matériaux et de permettre la circulation des engins de chantier et tous aménagements de chantier nécessaires à la réalisation de l'opération » ; que les agissements reprochés au SIAH ne sauraient être justifiés par une autorisation, écrite ou verbale, émanant du propriétaire sur le fonds duquel l'emprise a été exercée, la preuve d'une telle autorisation n'étant nullement rapportée ; mais considérant que le fait que ces travaux d'édification du canal aient été réalisés sans titre juridique constitué, soit par une autorisation du propriétaire soit par la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation n'autorise pas pour autant à les qualifier de voie de fait ; qu'à cet égard, ainsi que le mettent en évidence le rapport d'expertise de Monsieur X... et l'ensemble des documents produits aux débats, la réalisation de ce canal sur la propriété de la SADIM, destinée à capter les eaux du Petit Rosne, s'est inscrite, tout comme celle du bassin de retenue, dans le contexte d'une situation géographique et hydraulique identique, les deux ouvrages étant en réalité complémentaires voire inséparables ; qu'il apparaît que ces travaux ont été entrepris accessoirement à ceux pour lesquels le SIAH bénéficie incontestablement d'un titre résultant de la procédure de déclaration d'utilité publique et d'expropriation régulièrement diligentée aux fins de réalisation du bassin de retenue ; qu'il s'ensuit que l'opération litigieuse de construction du canal n'est pas irratachable aux pouvoirs dont disposait légitimement le SIAH en vue de l'aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris par substitution partielle des motifs le jugement entrepris et de dire que cette opération, constitutive d'une emprise irrégulière, ne caractérise pas une voie de fait, et de débouter la SADIM de sa demande de démolition du canal ;
1 ) ALORS QUE en application des articles 544 et 545 du code civil, la prise de possession, sans titre, d'une propriété privée porte une atteinte grave aux droits des propriétaires et est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l'administration ; que la cour d'appel qui a constaté que le SIAH avait construit, sans titre, un canal d'une longueur de 510 mètres, d'une largeur de 7 mètres et d'une profondeur de 2, 50 mètres, en dalle de béton, sur le terrain appartenant à la SADIM, mais qui a néanmoins refusé d'en ordonner la démolition a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ;
2 ) ALORS QUE la prise de possession sans titre d'un fonds immobilier privé par l'administration caractérise à elle seule une voie de fait, peu important que la dépossession ait eu pour cause la réalisation d'un ouvrage utile ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le SIAH avait effectué des travaux d'édification du canal sans titre ni mise en oeuvre de la procédure d'expropriation et qu'ils réalisaient une emprise irrégulière sur la propriété immobilière de la SADIM, ce qui caractérise la voie de fait, le pouvoir conféré au SIAH pour réaliser le bassin de retenue ne justifiant pas la dépossession réalisée pour réaliser non pas le bassin mais le canal litigieux ; qu'en conséquence, en refusant d'ordonner la démolition du canal litigieux qui divisait le fonds appartenant à la SADIM par un obstacle infranchissable et rendait ses parcelles inondables, aucune procédure de régularisation n'ayant été engagée, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil.