LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Danièle X..., épouse Y...,
- Mme Isabelle Z..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 24 septembre 2009, qui, sur renvoi après cassation, les a déboutées de leurs demandes après relaxe de Jean-Paul A... des chefs de harcèlement sexuel et agressions sexuelles aggravées ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-27 et 222-33 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Jean-Paul A... des fins de la poursuite exercée contre lui des chefs de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles ;
"aux motifs que concernant Mme Danièle Y..., il résulte des pièces du dossier et des débats que cette jeune femme, qui n'était pas estimée au sein de son équipe par suite de son caractère revêche, peu amène et d'un fort absentéisme professionnel, avait obtenu du prévenu, ce qu'elle n'a du reste jamais contesté, et en raison de la présence à son foyer de jeunes enfants dont un enfant en bas âge qu'elle allaitait, un certain nombre d'avantages substantiels notamment des horaires aménagés en fonction de ses besoins de telle sorte que le prévenu, à le supposer coupable, se serait privé d'entrée d'un moyen de pression non négligeable pour l'assouvissement de ses « plans amoureux » ; que bien mieux, Mme Danièle Y..., dont tout un chacun s'accorde à souligner le caractère « contestataire » et combatif, non seulement n'a jamais exprimé le moindre souhait de changer de service pour échapper à son « persécuteur », mais a refusé - ce qu'elle a explicitement reconnu - courant mars 2009 un changement de poste à la « Robertsau » géographiquement plus éloigné, qui avait été envisagé par le prévenu lui-même, à la suite d'un accident de service (mal de dos) dont elle avait été victime ; qu'en effet, Mme Danièle Y..., selon ses propres dires recueillis par les enquêteurs, voulait « absolument rester au brancardage » au prétexte peu convaincant, si l'on tient compte de la fréquence des agissements imputés au prévenu et de leur étalement dans le temps, « de bénéficier d'horaires de jour pour emmener (ses) enfants à l'école » ; qu'en outre, M. Jean-Paul A... a expliqué qu'en réalité Danièle Y... convoitait un poste administratif de bureau, jugé plus attractif, dans le service de brancardage, occupé en alternance depuis des années déjà par deux salariées de l'établissement, lesquelles, entendues, confirmant les dires du prévenu, évoquaient une jalousie professionnelle à leur encontre ; que, par ailleurs, deux collaborateurs directs du prévenu, MM. B... et C..., ont expliqué, lors de leur audition, que Danièle Y... était « une femme aigrie », « du genre tire au flanc » qui trouvait toujours à redire à tout, « jamais contente », « une fille à problème toujours vexée quand on ne lui accordait pas les nombreuses choses qu'elle exigeait » ; qu'ils ajoutaient que personnellement, ils n'avaient jamais été témoins – comme du reste tous les autres protagonistes entendus dans ce dossier – « de gestes déplacés » qui auraient été commis par le prévenu à l'encontre de collègues du sexe féminin ; que selon M. B..., Mme Danièle Y... - comme du reste Isabelle Z... dont le cas sera examiné plus loin - était convoquée plus souvent que d'autres dans le bureau du prévenu car cette jeune femme d'un naturel mécontent « (avait) toujours quelque chose à demander » ; que de même, M. B... et C... insistaient sur le fait que M. Jean-Paul A..., qui, selon eux, était plutôt à « l'écoute des autres » et « humain », n'aurait pu de sa seule initiative et sans justification sérieuse et solidement argumentée « empêcher » la titularisation de Mme Danièle Y..., sauf à la retarder « de six mois tout au plus », hormis le cas où l'intéressée aurait commis une faute professionnelle, ce que Danièle Y..., sur ce point très informée, ne pouvait manifestement ignorer ; que le supérieur hiérarchique direct du prévenu a confirmé cette assertion ; que s'agissant de Mme Isabelle Z..., M. Jean-Paul A... avait effectivement remarqué cette jeune femme parce qu'elle était la plus intelligente du groupe et faisait « un super boulot » ; que lors des réunions, il s'adressait à elle de préférence et la convoquait dans son bureau parce qu'elle était la plus disponible certes, mais aussi aux dires de MM. B... et C..., parce qu'elle avait toujours une requête à formuler ; qu'il résultait des pièces du dossier et des débats qu'Isabelle Z... - qui elle aussi pourtant, à l'instar de Mme Danièle Y..., avait obtenu sans difficulté et rapidement des horaires aménagés pour pouvoir s'occuper de sa fille – n'a à aucun moment, durant plus de deux longues années et quelques mois qu'auraient duré les agissements reprochés au prévenu, demandé, au besoin en fournissant les raisons appropriées, à quitter le service de brancardage pour être affectée ailleurs ; que cet élément est d'autant plus surprenant que l'intéressée est dépeinte par son entourage comme quelqu'un de déterminé, de réactif et qui « n'a pas froid aux yeux » ; qu'en outre, cette jeune femme, qui vivait avec un collègue brancardier, n'a jamais, du moins durant leur liaison et aux dires de l'intéressé lui-même, fait la moindre allusion à l'existence d'attouchements sexuels venant du prévenu ; que bien mieux, Mme Isabelle Z... a reconnu que courant décembre 2004 notamment, sur proposition dont le prévenu avait pris luimême l'initiative auprès du chef de service compétent, elle avait refusé un poste administratif en radiologie au prétexte que les horaires proposés ne lui convenaient pas pour des raisons familiales ; qu'enfin, la cour, concernant le déroulement de carrière de Mme Isabelle Z..., formulera des observations identiques à celles déjà avancées à l'encontre de Mme Danièle Y... à savoir que le prévenu ne pouvait avoir de pouvoir en la matière, la décision relevant du directeur des ressources humaines sur proposition du directeur des soins ; que, par ailleurs, les enquêteurs, comme du reste la cour, à la demande du prévenu, ont procédé à l'audition de nombreuses personnes travaillant dans l'établissement hospitalier ; qu'aucun membre du personnel - ils en ont tous convenu - n'a été le témoin de gestes ou de comportements déplacés à connotation sexuelle avérée dont le prévenu aurait été l'auteur, tant sur les deux parties civiles, que sur l'une quelconque de ses autres collègues de sexe féminin ; qu'un témoin isolé, Mme Bérengère D..., brancardière, fait état de gestes sur sa personne qu'elle a perçu comme étant « anormaux » accomplis hors la présence de tiers, consistant en de simples « tapotements » du genou et une main posée sur une fesse une seule fois, « durant quelques secondes » avec, il est vrai, une invitation à « faire l'amour », chaque fois repoussée, mais est-ce déterminant si l'on considère au surplus que Mme Bérengère D..., seule concernée par cet incident, n'a pas voulu déposer plainte ? ; que quelques témoins ont pris fait et cause pour Danièle Y... et Isabelle Z... mais n'ont fait que rapporter ce que les deux intéressées leur auraient relaté concernant le comportement du prévenu à leur encontre ; que d'autres témoins enfin, plus nombreux, ont pris la défense du prévenu présenté comme un homme « sympathique », « très humain », « cool » et « correct », victime d'un « coup monté » ; qu'examiné par le docteur M. Jean-Pierre E..., M. Jean-Paul A... présente des traits de caractère hystériques ; que son image générale des femmes, dit l'expert, est « qu'elles sont troublées et perturbées par leur désir sexuel. C'est probablement une projection » ; que la cour, en définitive, s'est convaincue, au regard notamment des résultats de cette expertise psychiatrique, des pièces du dossier et des débats, que M. Jean-Paul A..., par l'existence d'au moins une liaison extraconjugale avérée, par sa manière de se comporter vis-à-vis de "la gent féminine", se livrant à des confidences intimes, scabreuses pour certaines, les accueillant aussi, voire les sollicitant auprès de jeunes femmes dont il était pourtant le supérieur hiérarchique, a finalement engendré des situations et une ambiance équivoques, ambiguës au point de susciter la naissance d'une rumeur sur laquelle est venue s'appuyer la plainte de Mmes Danièle Y... et Isabelle Z... ; qu'ainsi que la cour s'est déjà efforcée plus haut de le démontrer, aucun élément de preuve ne vient cependant conforter la véracité des accusations portées par ces deux parties civiles ;
"1°) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; qu'en se fondant, pour mettre en doute la véracité des accusations des deux parties civiles, sur leurs traits de caractère respectifs, en particulier sur le naturel prétendument mécontent de Mme Danièle Y... et sur le caractère déterminé et réactif de Mme Isabelle Z..., ainsi que sur la circonstance qu'elles avaient l'une et l'autre refusé, pour des prétextes qu'elle jugeait peu convaincants, les propositions de changement de service qui leur avaient été faites, la cour d'appel s'est déterminée sur la base de considérations incompatibles avec l'exigence d'impartialité et a ainsi méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;
"2°) alors que depuis l'intervention de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, le délit de harcèlement sexuel n'implique plus, pour être constitué, l'exercice d'un abus d'autorité ni l'usage d'ordres, de menaces ou de contraintes ; que, dès lors, en se fondant, pour relaxer Jean-Paul A... des fins de la poursuite, sur la circonstance qu'il ne disposait d'aucun pouvoir en ce qui concerne le déroulement de la carrière des parties civiles, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a ainsi privé sa décision de base légale ;
"3°) alors qu'en toute hypothèse, la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant que le prévenu ne disposait d'aucun pouvoir en ce qui concerne le déroulement de la carrière des parties civiles tout en constatant qu'il avait la possibilité de retarder de six mois la titularisation de Danièle Y..., la cour d'appel s'est contredite" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
REJETTE les pourvois ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de Mme Danièle Y... et de Mme Isabelle Z... ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Foulquié conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;