LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Alain X...,- M. Jean-Jacques Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 17 juin 2009, qui, pour escroqueries en bande organisée, a condamné le premier, à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 40 000 euros d'amende, le second, à trois ans d'emprisonnement, 40 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Carbonnier pour M. X..., pris de la violation des articles 132-71, 313-1, 313-2 du code pénal, 388, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'escroquerie en banque organisée, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ;
" aux motifs que l'ensemble des faits s'articulent autour de la remise de fonds par des établissement bancaires dans un contexte tel que s'il l'avaient connu, ces établissement ne les auraient pas remis et alors que leur restitution, sous forme de remboursement des emprunts, n'aurait pas lieu ; qu'il résulte des éléments de la procédure que les appelants MM. Y... et X... sont intervenus systématiquement dans l'octroi des concours bancaires, ont été bénéficiaires directs de l'opération ; qu'ils ont mis en oeuvre à la fois un schéma permettant notamment, par la surévaluation des biens, de couvrir l'intégralité des opérations par l'emprunt, un système d'acquéreurs relais qui se substituaient à eux pour supporter le financement d'acquisitions immobilières faites à leur bénéfice ; que dans ce schéma initié notamment par les appelants, la défaillance des acquéreurs dans le remboursement des emprunts était prévue, que dès lors ils ne pouvaient subir aucun préjudice, mais étaient rémunérés pour leur participation et les tracas qu'ils pouvaient rencontrer ; que, dès lors, MM. Y... et X... avaient pleine conscience que leurs actes allaient impliquer la défaillance des emprunteurs qui n'étaient que de faux acquéreurs ; qu'au surplus, cette tromperie à l'égard des établissement bancaires étaient accompagné de manoeuvres frauduleuses résultant essentiellement de la falsification des actes notariés et des documents accompagnant les dossiers de prêts ; qu'ainsi pour ces derniers, on peut constater les éléments suivants constitutifs de manoeuvres frauduleuses : la communication de promesses de vente faites par une personne qui n'avait, à l'époque, aucun titre sur l'immeuble, la division en lots avant même le dépôt de l'acte de copropriété, des expertises immobilières faites dans le même contexte ; que pour la falsification des actes notariés, on retrouve la référence à des apports personnels fictifs, le dépôt de chèque d'un tiers pour masquer l'absence d'apport, le dépôt de chèques jamais encaissés pour faire croire à la réalité d'un apport fictif ; que la mise en oeuvre de cette escroquerie nécessitait une concertation entre les auteurs et un plan structuré : création de sociétés de façade, recrutement de notaires complaisants (consciemment ou non), d'acquéreurs de paille, connivence avec l'expert immobilier ; que la procédure démontre cette entente préalable de MM. Y..., X..., F..., G...et H... justifiant la qualification d'escroquerie commise en bande organisée ;
" 1°) alors qu'Alain X... étant prévenu d'avoir, par des manoeuvres frauduleuses, déterminé les établissements bancaires à consentir des concours bancaires à huit personnes dénommées « dont aucun ne sera remboursé », en lui reprochant d'avoir déterminé les banques à consentir des emprunts pour l'acquisition de biens immobiliers surévalués, sans constater l'accord exprès du prévenu d'être jugé sur ce fait non compris dans les poursuites, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors, en tout état de cause, que le prévenu ayant souligné dans ses conclusions d'appel que l'instruction n'avait pas établi la surévaluation des biens immobiliers acquis par emprunt, et que le parquet lui-même ne l'avait pas évoquée dans son « réquisitoire de synthèse », la cour d'appel qui a imputé au prévenu d'avoir surévalué le prix de ces biens immobiliers sans préciser sur quel élément de la procédure elle fondait son appréciation, n'a pas justifié sa décision ;
" 3°) alors que l'escroquerie est une infraction intentionnelle ; que le prévenu ayant contesté, dans ses conclusions, avoir eu connaissance de la défaillance inévitable des emprunteurs et de leur qualité de faux acquéreurs, la cour d'appel qui s'est bornée à affirmer qu'il avait eu connaissance de ces faits sans en débattre ni préciser sur quel élément de la procédure elle fondait son appréciation, n'a pas justifié sa décision ;
" 4°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en imputant au prévenu d'avoir commis des manoeuvres frauduleuses résultant de la falsification des actes notariés remis aux établissements bancaires, cependant que les mentions apposées sur les actes notariés ayant été l'oeuvre exclusive des notaires rédacteurs, et non celle du prévenu, les actes remis n'étaient nullement falsifiés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 5°) alors que la présentation de faux documents, assimilable à un simple mensonge écrit, ne constitue une manoeuvre frauduleuse que si elle est associée à l'intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit ; que n'ayant pas constaté que des tiers étaient intervenus auprès des banques pour donner force et crédit aux documents erronés qui accompagnaient les dossiers de demande de prêts, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
" 6°) alors que les manoeuvres frauduleuses caractéristiques de l'escroquerie doivent avoir été déterminantes de la remise ; que M. X... étant prévenu d'avoir, par des manoeuvres frauduleuses, déterminé des banques à consentir des emprunts à huit personnes dénommées « dont aucun ne sera remboursé », en ne précisant pas en quoi les mentions erronées des documents remis aux établissements bancaires les avaient convaincu de la bonne foi des emprunteurs pour les déterminer à leur consentir les prêts litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Carbonnier pour M. X..., pris de la violation des articles 1382 du code civil, 132-71, 313-1, 313-2 du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu, solidairement avec ses coprévenus, à payer à la Banque patrimoine et immobilier la somme de 350 419, 79 euros en réparation de son préjudice ;
" aux motifs propres qu'au vu des pièces versées au dossier, c'est à juste titre que le tribunal a accueilli la demande de la partie civile en limitant son préjudice au remboursement du capital restant dû, des accessoires de la dette, des intérêts au titre du préjudice économique résultant de la privation des fonds, soit en fixant à la somme de 350 419, 79 euros le montant de son préjudice ;
" aux motifs adoptés que l'escroquerie a évidemment causé un préjudice dans la mesure où les adjudications, par elles-mêmes et du fait des surévaluations initiales, n'ont pu remplir les banques de leurs droits ; que la Banque patrimoine et immobilier, qui vient aux droits de la banque Wolwich, s'est constituée partie civile ; qu'elle sollicite la condamnation solidaire des prévenus à lui payer la somme de 350 419, 71 euros au titre des quatre prêts consentis à MM. B..., C..., D... et E... ; qu'il y a lieu d'accueillir les demandes de la partie civile en ce qu'elles sollicitent le remboursement du capital restant dû, des accessoires de la dette, des intérêts au titre du préjudice économique résultant de la privation des fonds, et de les rejeter en ce qu'elle visent le remboursement de frais de dossier ou le paiement d'une indemnité contractuelle, préjudices indirects ou qui ne sont pas la conséquence de l'infraction ;
" 1°) alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant le jugement déféré en son chef de dispositif condamnant le prévenu, solidairement avec ses coprévenus, à payer à la partie civile la somme de 317 010, 79 euros, tout en fixant le préjudice de la partie civile, dans les motifs de sa décision, à la somme de 350 419, 79 euros, la cour d'appel qui s'est contredite, a privé sa décision de motifs ;
" 2°) alors que la cassation encourue sur le fondement des deux premières branches du premier moyen de cassation devra entraîner la cassation de l'arrêt, par voie de conséquence, en ce qu'il a dit que le préjudice invoqué par la partie civile était né de la surévaluation initiale des biens immobiliers acquis par emprunt ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que l'action civile appartient à ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction caractérisée contre le prévenu ; que la participation du prévenu dans l'octroi des prêts à MM. E..., B..., C... et D... n'ayant pas été caractérisée, en le condamnant, solidairement avec ses coprévenus, à dédommager la partie civile des emprunts consentis à ces derniers, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu, d'une part, qu'il ressort des motifs et du dispositif de l'arrêt que les juges ont confirmé la décision du tribunal qui avait fixé le préjudice subi par la partie civile à la somme de 317 010, 79 euros ; que c'est par suite d'une erreur purement matérielle que l'arrêt mentionne que ce préjudice est de 350 419, 79 euros ;
Attendu, d'autre part, que le prévenu n'a été condamné à réparer que le préjudice résultant des infractions dont il a été déclaré coupable ;
D'où il suit que le moyen, devenu sans objet en sa deuxième branche par suite du rejet du premier moyen, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Carbonnier pour M. X..., pris de la violation des articles 132-19, 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine de trois ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois assortis du sursis simple ;
" aux motifs adoptés que les faits poursuivis, quoique anciens, demeurent d'autant plus graves, que certains des prévenus avaient des antécédents judiciaires, qu'ils ont induit la corruption de la pratique de deux officiers ministériels, et facilité la mise en place d'autres structures frauduleuses, qui ont justifié l'intérêt d'offices de lutte contre la grande criminalité ;
" alors qu'une peine d'emprisonnement ferme doit être motivée pour tenir compte de la gravité des faits reprochés et de la personnalité du prévenu ; que le prévenu n'ayant pas eu d'antécédents judiciaires, et ne s'étant vu reprocher ni d'avoir induit la corruption de la pratique d'officiers ministériels ni d'avoir facilité la mise en place d'autres structures frauduleuses, la cour d'appel qui n'a pas motivé la peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre, a violé les textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et celles de la décision qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par Me Blanc pour M. Y..., pris de la violation des articles 313-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Y..., déclaré coupable d'escroquerie, à payer 350 419, 79 euros à la Banque patrimoine et immobilier ;
" aux motifs que la Banque patrimoine et immobilier, qui venait aux droits de la Banque Woolwich, devait être déclarée recevable dans sa constitution de partie civile, ayant un intérêt direct à agir et ayant été personnellement victime des conséquences de l'infraction retenue ; que les actes de vente avaient été passés devant notaire et que, dès lors, il ne pouvait être reproché à l'établissement bancaire une quelconque faute ; qu'au vu des pièces versées au dossier, la demande de la partie civile devait être accueillie en limitant son préjudice au remboursement du capital restant dû, des accessoires de la dette, des intérêts au titre du préjudice économique résultant de la privation des fonds, soit en fixant à la somme de 350 419, 79 euros le montant de son préjudice ;
" 1°) alors que l'action civile n'appartient qu'à ceux ayant personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'à défaut d'avoir précisé en quoi la Banque patrimoine et immobilier serait venue aux droits de la société Woolwich, ce que contestait expressément M. Y... dans ses conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que si la victime d'une escroquerie est une société, personne morale, elle ne peut être déclarée bien fondée en son action civile qu'autant que les agissements délictueux dont elle prétend demander réparation ont été de nature à tromper la personne physique qui la représentait ; qu'à défaut d'avoir caractérisé l'influence qu'auraient eu les agissements imputés à M. Y... sur le représentant de la société Woolwich, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision ;
" 3°) alors que les fautes commises par la banque lors de l'élaboration des dossiers de prêts antérieurement à la signature de la vente, consistant à avoir omis de vérifier la valeur réelle des biens vendus, la qualité des vendeurs et la capacité de remboursement des emprunteurs, limitent son droit à réparation ; qu'en ayant par principe énoncé que la passation des actes de vente devant notaire empêchait qu'il puisse être reproché une quelconque faute à la banque, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 4°) alors que la réparation ne doit pas excéder le montant du préjudice subi ; que faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée preuves à l'appui, si la banque n'avait pas recouvré une partie de sa créance grâce à des procédures de saisie immobilière diligentées à l'encontre des emprunteurs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt et des pièces de procédure que la Banque patrimoine et immobilier, vient aux droits de la banque Woolwich ;
Attendu, d'autre part, qu'aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison des négligences de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ;
Attendu, enfin, qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice subi par la partie civile du fait des agissements du prévenu, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né des infractions ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 1 500 euros la somme que MM. X... et Y... devront payer chacun à la banque Patrimoine et Immobilier au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Bloch conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.