LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 janvier 2009), qu'en avril et juillet 2007, M. X... et cinquante-huit autres salariés de la société Duralex international France (la société), dont le redressement judiciaire avait été prononcé par jugement du 3 juin 2005, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail ; que par jugement du 21 février 2008, le conseil de prud'hommes a fait droit à cette demande et condamné l'employeur à leur payer diverses indemnités ; que la société a fait appel de cette décision et qu'en cours d'instance le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de continuation dont elle bénéficiait et sa liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la société la créance indemnitaire de chacun des salariés pour retard dans le paiement des salaires, alors, selon le moyen :
1° / qu'un même fait ne peut être sanctionné deux fois sans méconnaître la règle " Non bis in idem " ; que, dés lors, en estimant qu'un retard de paiement des salaires justifiait l'allocation, à chaque salarié concerné, d'une indemnité de 200 euros tout en retenant que ce retard constituait un manquement de l'employeur justifiant la résiliation des contrats de travail à ses torts, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article 4 du protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2° / qu'indépendamment du point de savoir si elle est ou non bien fondée, la cessation d'activités de l'entreprise emporte, à la date de sa survenance, rupture du contrat de travail et, partant, met un terme, à compter de cette date, à l'obligation de l'employeur de payer le salaire ; que, dés lors, en retenant que les salaires des mois de mai 2007 et octobre 2007 ont été réglés avec retard, pour en déduire que ce retard justifiait l'allocation, à chaque salarié concerné, d'une indemnité de 200 euros, tout en relevant, par motifs adoptés, que depuis le 4 octobre 2006 et jusqu'aux licenciements commencés en août 2007, l'entreprise avait cessé toute activité, ce dont il résultait qu'à compter du 4 octobre 2006, les contrats de travail devaient être tenus pour rompus, mettant ainsi un terme à l'obligation de l'employeur de payer les salaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
3° / que le dommage résultant du retard apporté au règlement d'une dette ne peut être réparé que par l'allocation d'intérêts moratoires, sous réserve d'un préjudice distinct causé par la mauvaise foi du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a relevé qu'un retard de paiement de salaires, sans caractériser l'existence pour les salariés d'un préjudice indépendant du retard de paiement des salaires par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, a violé l'article 1153 du code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le liquidateur a soutenu devant la cour d'appel que les salariés ne justifiaient pas d'un préjudice indépendant du retard de paiement ou de la mauvaise foi du débiteur ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à 58 salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Georges, avocat aux Conseils pour la société Duralex international France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail de chacun des salariés demandeurs, et d'avoir en conséquence alloué aux salariés non protégés des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux salariés protégés des dommages-intérêts pour nullité du licenciement,
AUX MOTIFS PROPRES QUE le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations ; que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée ; que c'est seulement s'il ne l'estime pas fondée qu'il doit statuer sur le licenciement ; qu'en l'espèce, il est établi et non contesté qu'à compter du mois de septembre 2006, la SAS Duralex international France n'a plus fourni de travail aux salariés du site de Rive-de-Gier ; que cette situation a duré plusieurs mois ; que le 25 septembre 2006, le préfet de la Loire a prescrit l'arrêt à froid du four verrier en raison de l'absence d'alimentation du four en électricité provoquée par le défaut de paiement d'une facture d'EDF-Réseau Distribution d'un montant de 110. 000 € ; que les 7 et 10 novembre 2006, la société Overseas Dis Ticaret, actionnaire de Duralex, a pris l'engagement devant le président du tribunal de commerce d'Orléans de procéder à un apport en trésorerie d'un montant de 1. 500. 000 € dont 804. 484 € destinés à permettre l'obtention d'un échéancier vis-à-vis de certains créanciers de l'entreprise ; que, dans les mêmes circonstances, Siman Y..., représentant de deux actionnaires, la Sif Investment et la société Overseas Dis Ticaret, a contracté l'engagement d'apporter en compte courant 500. 000 € en novembre 2006 et 500. 000 € en décembre 2006 ; que, dès lors, Me Z..., es-qualités, ne démontre pas l'impossibilité absolue dans laquelle se serait trouvée la SAS Duralex international France d'acquitter la facture d'électricité qui aurait permis au four verrier d'être remis en service et, par voie de conséquence, aux salariés de reprendre le travail ; qu'en ne mettant pas tout en oeuvre pour fournir du travail à ses salariés alors qu'elle en avait la capacité financière et en privant lesdits salariés de l'exercice de leur activité professionnelle pendant plusieurs mois, la SAS Duralex international France a commis un grave manquement à son obligation d'employeur ; que, par ailleurs, les salaires du mois de mai 2007 ont été payés le 13 juin 2007 tandis que les salaires du mois d'octobre l'ont été le 4 octobre 2007 ; qu'en ne payant pas les salariés à la date prévue, la SAS Duralex international France a commis un autre manquement à ses obligations d'employeur ; qu'eu égard à ces manquements et à leur gravité, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail des intimés et en ce qu'il a fixé les effets de la rupture à la date du licenciement pour les salariés licenciés et à celle de sa décision pour les salariés protégés qui n'avaient pas encore été licenciés (arrêt attaqué, pp. 19-20) ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE depuis le 4 octobre 2006, le four de Rive-de-Gier a été arrêté par décision préfectorale et que depuis cette date et jusqu'aux licenciements intervenus en août 2007, l'entreprise a été totalement fermée et les salariés privés d'emploi ; que la décision préfectorale ne peut en aucun cas être considérée comme un cas de force majeure dans la mesure où elle indiquait clairement qu'un redémarrage de l'entreprise était possible une fois réglés les problèmes d'alimentation électrique et la mise en sécurité du site ; qu'il appartenait à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires au redémarrage du four ; que rien dans les éléments fournis par la société ne permet de dire que celle-ci a recherché des solutions pour la remise en route du site et assumer les obligations qu'elle doit avoir à l'égard de ses salariés ; que l'on ne peut que constater que la société Duralex n'a fourni aucun travail à ses salariés entre le 4 octobre 2006 et les licenciements commencés les 8 et 17 août 2007 ; qu'il y a lieu de dire que celle-ci a manqué gravement à ses obligations découlant des contrats de travail en ne fournissant pas de travail à ses salariés et de prononcer la résiliation judiciaire desdits contrats aux torts de l'employeur ; qu'il convient de faire droit aux demandes de dommages-intérêts en allouant à chacun des salariés non protégés une indemnité égale à son salaire des six derniers mois et à chacun des salariés protégés une indemnité de douze mois de salaire (jugement entrepris, pp. 21-22) ;
1) ALORS QU'en se bornant à énoncer que des apports en trésorerie proposés par la société Overseas Dis Ticaret et la société SIF Investment auraient permis d'acquitter la facture d'électricité relative au fonctionnement du four du site de Rive-de-Gier, pour en déduire qu'il n'était pas démontré que la société Duralex international France aurait été dans l'impossibilité absolue de fournir du travail aux salariés, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les conclusions d'appel de l'employeur (p. 10) qui se prévalait à cet égard des énonciations du jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 30 juillet 2007 autorisant le licenciement économique de 103 salariés du site de Rive-de-Gier, si le redémarrage du four ne nécessitait pas, outre le paiement de la facture d'électricité, une mise à niveau de l'outil de production, impliquant des investissements d'un montant excédant les capacités financières de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
2) ALORS QU'indépendamment du point de savoir si elle est ou non bien fondée, la cessation d'activité de l'entreprise emporte, à la date de sa survenance, rupture du contrat de travail et, partant, met un terme, à compter de cette date, à l'obligation de l'employeur de payer le salaire ; que, dès lors, en retenant que les salaires des mois de mai 2007 et octobre 2007 avaient été réglés avec retard, pour en déduire que l'employeur avait manqué à ses obligations, de sorte que la résiliation judiciaire des contrats de travail devait être prononcée à ses torts, tout en relevant, par motifs adoptés, que depuis le 4 octobre 2006 et jusqu'aux licenciements commencés en août 2007, l'entreprise avait cessé toute activité – ce dont il résultait qu'à compter du 4 octobre 2006, les contrats de travail devaient être tenus pour rompus, mettant ainsi un terme à l'obligation de l'employeur de payer les salaires –, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1231-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé au passif de la SAS Duralex international France à la somme de 200 € par salarié, à titre d'indemnité pour retard dans le paiement des salaires, la créance de 28 salariés protégés (M. X... et 27 salariés)
AUX MOTIFS QUE les salaires du mois de mai 2007 ont été payés le 13 juin 2007 tandis que les salaires du mois d'octobre l'ont été le 4 octobre 2007 ; qu'en ne payant pas les salariés à la date prévue, la SAS Duralex international France a commis un manquement à ses obligations d'employeur ; qu'à raison de ce retard dans le paiement des salaires, il y a lieu à indemnité ; que la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer la créance de chacun des intimés précités de ce chef sur la liquidation judiciaire de la SAS Duralex international France à la somme de 200 € (arrêt attaqué, pp. 19 et 20) ;
1) ALORS QU'un même fait ne peut être sanctionné deux fois sans méconnaître la règle « non bis in idem » ; que, dès lors, en estimant qu'un retard de paiement des salaires justifiait l'allocation, à chaque salarié concerné, d'une indemnité de 200 €, tout en retenant que ce retard constituait un manquement de l'employeur justifiant la résiliation des contrats de travail à ses torts, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail, ensemble l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2) ALORS QU'indépendamment du point de savoir si elle est ou non bien fondée, la cessation d'activité de l'entreprise emporte, à la date de sa survenance, rupture du contrat de travail et, partant, met un terme, à compter de cette date, à l'obligation de l'employeur de payer le salaire ; que, dès lors, en retenant que les salaires des mois de mai 2007 et octobre 2007 ont été réglés avec retard, pour en déduire que ce retard justifiait l'allocation, à chaque salarié concerné, d'une indemnité de 200 €, tout en relevant, par motifs adoptés, que depuis le 4 octobre 2006 et jusqu'aux licenciements commencés en août 2007, l'entreprise avait cessé toute activité — ce dont il résultait qu'à compter du 4 octobre 2006, les contrats de travail devaient être tenus pour rompus, mettant ainsi un terme à l'obligation de l'employeur de payer les salaires —, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE le dommage résultant du retard apporté au règlement d'une dette ne peut être réparé que par l'allocation d'intérêts moratoires, sous réserve d'un préjudice distinct causé par la mauvaise foi du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a relevé qu'un retard de paiement de salaires, sans caractériser l'existence pour les salariés d'un préjudice indépendant du retard de paiement des salaires par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, a violé l'article 1153 du Code civil.