LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Technopure (la société), dont M. X... était le gérant, a été mise en liquidation judiciaire le 9 juin 2006 ; que le liquidateur judiciaire a demandé le report de la date de cessation des paiements de la société au 9 décembre 2004 ; que, par jugement du 1er avril 2008, le tribunal a fixé cette date au 3 août 2005 ; que, sur l'appel du liquidateur, l'arrêt l'a reportée au 9 décembre 2004 ; que M. X..., agissant personnellement, s'est pourvu en cassation contre cette décision ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et R. 653-1, alinéa 2, du code de commerce que, pour sanctionner par l'interdiction de gérer le dirigeant de la société débitrice qui n'a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, la date de la cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective ou un jugement de report ; que, dès lors, ce dirigeant a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements ; que son pourvoi formé à titre personnel est, en conséquence, recevable ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles R. 641-9 et R. 661-3 du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le liquidateur judiciaire peut interjeter appel du jugement statuant sur sa demande de report de la date de la cessation des paiements dans les dix jours de la communication qui lui est faite de la décision ;
Attendu que pour déclarer recevable l'appel du liquidateur, l'arrêt retient qu'aucun texte ne prescrit la notification au mandataire de justice de la décision par laquelle le tribunal modifie la date de cessation des paiements, une communication étant seulement prévue ; qu'il en déduit que le jugement attaqué n'avait pas à être signifié au liquidateur et que son appel n'a en conséquence pas été formé hors délai ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... faisait valoir dans ses conclusions, sans être démenti, que le jugement du tribunal avait été communiqué au liquidateur le jour même de son prononcé, par lettre simple du greffe remise au plus tard le 3 avril 2008, de sorte que son appel interjeté le 17 avril suivant était tardif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Déclare le pourvoi recevable ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de M. De Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Technopure, contre le jugement du 1er avril 2008, infirmé la disposition de cette décision ordonnant le report de la date de cessation des paiements de la société Technopure au 3 août 2005 et ordonné le report de la date de cessation des paiements de la société Technopure au 9 décembre 2004,
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare l'appel de M. de Y... contre le jugement du 1er avril 2008 irrecevable ;
Condamne M. De Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel formé par Maître de Y... le 17 avril 2008 à l'encontre du jugement du 1er avril 2008,
Aux motifs que M. X... soulève l'irrecevabilité de l'appel pour tardiveté, celui-ci ayant été interjeté le 17 avril contre une décision notifiée par le greffe le 1er avril, pour atteinte aux principes consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de sécurité juridique, d'égalité des armes et de garantie des droits, en ce sens que le délai d'appel n'est pas le même pour toutes les parties (1), qu'il confère au professionnel qu'est le mandataire liquidateur un privilège procédural (2) et n'est pas consacré par un texte claire ; mais attendu qu'aucun texte ne prescrit la notification au mandataire de justice de la décision par laquelle le tribunal modifie la date de cessation des paiements, une communication étant seulement prévue par l'article R. 621-7 du Code de commerce ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué n'avait pas lieu d'être signifié à Maître de Y... et que l'appel n'est en conséquence pas formé hors délai ; qu'il appartenait à M. Jean-Claude X..., qui ne conteste pas avoir reçu notification du jugement en qualité de représentant légal de la société TECHNOPURE, de faire signifier lui-même le jugement au mandataire liquidateur afin que soit ouvert un nouveau délai d'appel à son encontre et rétabli le déséquilibre procédural qu'il allègue ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'irrecevabilité de l'appel doivent être écartés,
Alors, d'une part, qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 641-9 et R. 661-3 du Code de commerce que le liquidateur judiciaire dispose d'un délai de dix jours à compter de la communication qui lui est faite de la décision modifiant la date de cessation des paiements pour en interjeter appel ; qu'en l'espèce M. X... soutenait, sans être contesté, que Maître de Y... avait reçu communication du jugement du 1er avril 2008 le jour-même de son prononcé ; que dès lors, son appel formé le 17 avril 2008 était irrecevable comme tardif ; qu'en retenant, pour déclarer cet appel recevable, qu'aucun texte ne prévoit la notification au mandataire du jugement modifiant la date de la cessation des paiements, et qu'il appartenait à M. X... de faire signifier le jugement au liquidateur s'il entendait faire courir un nouveau délai d'appel à son encontre, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
Alors, d'autre part, que le délai de dix jours ouvert au liquidateur pour interjeter appel d'une décision modifiant la date de la cessation des paiements courant à compter de la communication du jugement prévue par l'article R. 641-9 du Code de commerce, une signification qui lui en serait faite ultérieurement par le débiteur ne pourrait faire courir un nouveau délai d'appel à son encontre ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles R. 641-9 et R. 661-3 du Code de commerce, ensemble l'article 651 du Code de procédure civile.
Alors, en outre, subsidiairement, que le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte des exigences du procès équitable impose que les parties au procès disposent des mêmes droits, spécialement en matière d'exercice des voies de recours ; que n'est pas conforme à ce principe la réglementation prévoyant que le débiteur dispose d'un délai de dix jours à compter de la notification qui lui est faite du jugement modifiant la date de cessation des paiements pour en interjeter appel, quand ce délai ne court pas contre le liquidateur, faute de notification du jugement faisant courir le délai à son encontre ; qu'en écartant le moyen soulevé par M. X... tiré de la non-conformité de cette réglementation au principe de l'égalité des armes et en déclarant recevable l'appel de Maître de Y..., la Cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Alors, enfin, qu'il ne saurait incomber au débiteur de rétablir lui-même l'égalité des armes rompue par la réglementation applicable aux voies de recours en procédant lui-même à la signification du jugement modifiant la date de cessation des paiements au mandataire liquidateur, non prévue par les textes spécifiques à la matière, afin de faire courir le délai d'appel à son encontre ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé derechef l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant à voir prononcer l'annulation du rapport d'expertise de M. A..., ou à tout le moins qu'il lui soit déclaré inopposable,
Aux motifs que Maître de Y... a sollicité le report de la date de cessation des paiements au 9 décembre 2004, après avoir obtenu du juge-commissaire la désignation de M. A... en qualité d'expert ; que M. X..., pour conclure à la nullité de la mesure d'expertise, en conteste la validité et l'opposabilité à son égard au motif qu'il ne s'agit pas d'une simple mesure d'investigation mais d'une mesure d'expertise ordonnée à l'effet d'établir d'éventuelles responsabilités, qui obligeait en conséquence l'expert au respect de la contradiction ; qu'il reproche à l'expert d'avoir tenu secrètes certaines investigations, manqué d'impartialité et d'objectivité et même fait preuve de mauvaise foi ; mais attendu que l'expertise ordonnée dans le cadre de l'article L. 621-8 du Code de commerce destinée à réunir des informations sur la situation économique et comptable de l'entreprise en redressement judiciaire, à rechercher des faits susceptibles d'établir la date de cessation des paiements et de révéler les éventuelles fautes de gestion, ne constitue pas une mesure d'instruction au sens des articles 232 et suivants du Code de procédure civile ; que dès lors, si les éléments contenus dans le rapport d'expertise doivent être régulièrement versés aux débats et soumis à la libre discussion des parties les dispositions des articles 237 et 238 du Code de procédure civile ne lui sont pas applicables ; que le moyen est inopérant,
Alors, d'une part, que lorsque le technicien désigné par le juge-commissaire n'est pas seulement un expert en diagnostic d'entreprise chargé d'établir un rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise, mais qu'il a pour mission de donner son avis sur les fautes de gestion commises par les anciens dirigeants et leur responsabilité éventuelle, la mesure ainsi ordonnée constitue une mesure d'expertise au sens des articles 232 et suivants du Code de procédure civile, et doit être diligentée de façon contradictoire ; qu'en retenant en l'espèce, pour refuser d'annuler le rapport de l'expert chargé de donner son avis sur les éventuelles fautes de gestion commises par M. X..., et dont ce dernier soutenait qu'il n'avait pas mené ses opérations de façon contradictoire et impartiale, qu'une telle mesure ne constituait pas une mesure d'instruction au sens de ces textes, la Cour d'appel a violé les articles L. 621-9, L. et L. 813-1 du Code de commerce, 16, 160, 232 et suivants du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Alors, d'autre part, que comme le faisait valoir M. X... dans ses conclusions d'appel, la désignation de l'expert A... avait été faite par le juge-commissaire de façon contradictoire, ce dont il en résultait qu'il s'agissait, non d'une simple mesure d'investigation ordonnée sur requête, mais d'une véritable mesure d'expertise, devant elle-même être diligentée de façon contradictoire ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 621-9 et L. 641-11 du Code de commerce, les articles 16, 160, 232 et suivants du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.