LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 octobre 1993 en qualité de vendeur et dont le contrat de travail a été transféré courant 2005 à la société Midi auto Limoges, a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits de harcèlement moral ; qu'il a été licencié pour inaptitude le 14 juin 2007 ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que les faits invoqués par le salarié constituent des différends ponctuels avec l'employeur et que celui-ci s'est expliqué sur ces faits par lettre du 5 décembre 2006 ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments avancés par M. X... et relatifs à l'utilisation par l'employeur d'un sobriquet argotique, de diverses brimades et tracasseries, à la disparition d'un GPS que son employeur aurait caché à dessein tout en lui demandant quotidiennement où se trouvait cet objet, à un remboursement insistant de l'usure des pneumatiques d'un véhicule de service, à des accusations répétées de vols, au déménagement de son bureau dans le hall des ventes sans possibilité de connecter l'imprimante ni de recharger le téléphone sans fil et à un certificat médical indiquant que le harcèlement pervers au travail, décrit par le salarié, est vraisemblablement à l'origine de ses troubles anxieux phobiques faisaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Midi auto Limoges aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Midi auto Limoges à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail l'unissant à la société MIDI AUTO LIMOGES ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur Christophe X... invoque l'existence de plusieurs faits, de nature différente, faits qui selon lui seraient constitutifs de faits de harcèlement moral ; qu'aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail (anciennement article L 122-49) « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral.. » ; que les faits invoqués par Monsieur X... (incident relatif au GPS, contrôle médical, changement de bureau) constituent des différends ponctuels avec l'employeur ; que par lettre en date du 5 décembre 2006, l'employeur s'est expliqué sur les faits allégués par Monsieur X... ; que le certificat médical produit par Monsieur X... se borne à relater l'allégation du patient quant à l'origine du syndrome dépressif justifiant l'arrêt de travail ; qu'au vu de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les faits de harcèlement moral allégués par Monsieur Christophe X... étaient insuffisamment caractérisés ; que par voie de conséquence, le rejet de la demande de résiliation judiciaire apparaît justifié (arrêt, pages 3 et 4) ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE Monsieur X... n'établit en aucune façon le harcèlement moral qu'il dit avoir subi de la part de son employeur et qui justifierait le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'entreprise ; que Monsieur X... considère comme constitutif de harcèlement moral le fait que disparaisse pendant trois semaines un GPS qui se trouvait dans le meuble de son bureau ; que la direction a estimé possible de conserver le GPS dans le coffre de la société jusqu'à ce que celui-ci soit monté sur le véhicule du client ; que Monsieur X... était parfaitement au courant que le GPS était conservé dans le coffre de l'entreprise ; qu'en conséquence, la S.A. MIDI AUTO LIMOGES n'a commis, à l'encontre de Monsieur X..., aucun acte constitutif d'un harcèlement moral, au sens de l'article L 122-49 du Code du travail (jugement, pages 4 et 5) ;
ALORS, d'une part, QUE le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments produits par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire fondée sur l'existence de faits constitutifs d'un harcèlement moral au sens de l'article L 1152-1 du Code du travail ; que Monsieur X..., qui soutenait avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral, faisait valoir dans ses conclusions que tout au long de l'année 2006, son directeur, en présence des clients, l'avait affublé d'un sobriquet ridicule, qu'il résultait du témoignage de Madame Z... que le GPS litigieux avait été volontairement caché par l'employeur qui, pourtant, le réclamait au salarié, qu'il lui avait été demandé avec insistance de rembourser sur ses deniers l'usure des pneus d'un véhicule qu'il n'avait que très peu utilisé, qu'il avait été accusé à plusieurs reprises de vols, que le médecin du travail avait déclaré que le harcèlement pervers dont il était victime était « vraisemblablement à l'origine » de ses troubles psychologiques, et enfin que son bureau avait été déménagé sans motif légitime dans des conditions telles que le salarié ne pouvait plus faire un usage normal des outils informatiques nécessaires à sa mission ; qu'en se bornant à énoncer que « les faits invoqués par Monsieur X... (incident relatif au GPS, contrôle médical, changement de bureau) constituaient des différends ponctuels avec l'employeur, que par lettre en date du 5 décembre 2006, celui-ci s'était expliqué sur les faits allégués par Monsieur X... et que le certificat médical produit par celui-ci se bornait à relater l'allégation du patient quant à l'origine du syndrome dépressif justifiant l'arrêt de travail » sans tenir compte de l'ensemble des faits de harcèlement mis en évidence par Monsieur X..., la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis n'étaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de ces textes ;
ALORS, d'autre part, QUE lorsque le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à l'employeur de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en se bornant à énoncer que les faits invoqués par Monsieur X... (incident relatif au GPS, contrôle médical, changement de bureau) constituaient des différends ponctuels avec l'employeur, que par lettre en date du 5 décembre 2006, celui-ci s'était expliqué sur les faits allégués par Monsieur X... et que le certificat médical produit par ce dernier se bornait à relater l'allégation du patient quant à l'origine du syndrome dépressif justifiant l'arrêt de travail, sans rechercher si les faits dénoncés par Monsieur X... étaient établis ni, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ces textes ;
ALORS, de troisième part, QUE dans le certificat du 23 mars 2007, le médecin mentionnait que Monsieur X... était victime de troubles anxieux phobiques et d'un épuisement, et précisait que le harcèlement pervers au travail décrit par lui était "vraisemblablement à l'origine de ces troubles" ; qu'en énonçant que ce certificat, qui comportait une appréciation du médecin quant à la cause vraisemblable des troubles décrits par Monsieur X..., se bornait à relater l'allégation du patient quant à l'origine du syndrome dépressif justifiant l'arrêt de travail, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, enfin QU'en s'abstenant de rechercher si le certificat médical indiquant d'une part que Monsieur X... était victime de troubles anxieux phobiques et d'un épuisement et mentionnait d'autre part : « le harcèlement pervers au travail décrit par lui est vraisemblablement à l'origine de ces troubles », n'était pas, à tout le moins, de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de ces textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à la condamnation de la société MIDI AUTO LIMOGES à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur X... a été licencié pour inaptitude dans le cadre des dispositions de l'article L 122-24-4 du Code du travail (ancien), et ce à la suite d'un second avis de la médecine du travail en date du 17 avril 2007 ; que la SA MIDI AUTO LIMOGES justifie avoir interrogé chacune des concessions du groupe sur les possibilités de reclassement de Monsieur X... ; que les réponses ont été négatives ; qu'ainsi la SA MIDI AUTO LIMOGES justifie d'une recherche effective de reclassement ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef (arrêt, page 4) ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE la société MIDI AUTO LIMOGES, par courrier du 26 avril 2007, a indiqué à la médecine du travail que, eu égard aux postes existants et à l'avis rendu, il semblait très difficile de pouvoir reclasser Monsieur X... au sein de la société ; que la société MIDI AUTO LIMOGES adressera à chacune desdites concessions une demande pour connaître les postes disponibles de vendeurs correspondant à la qualification de Monsieur X... ; que les concessions du groupe MIDI AUTO informeront la société MIDI AUTO LIMOGES par écrit qu'aucun poste correspondant au profil de Monsieur X... n'était disponible ; qu'il n'y a aucune possibilité de reclasser Monsieur X... dans l'entreprise et dans les autres entreprises du groupe MIDI AUTO, la société convoquera Monsieur X... par courrier du 31 mai 2007 à un entretien préalable fixé au 8 juin 2007, son licenciement lui sera notifié le 14 juin 2007 pour inaptitude ; qu'en conséquence, le licenciement de Monsieur X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse, la SA MIDI AUTO LIMOGES ayant respecté son obligation de recherche de reclassement (jugement, page 4) ;
ALORS, d'une part QUE l'employeur ne peut licencier un salarié déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise qu'après avoir recherché sérieusement des possibilités de reclassement au sein de toutes les entreprises du groupe auquel il appartient ; que ne constitue pas une recherche sérieuse le seul fait d'interroger les entreprises du groupe par courrier sur l'existence de postes vacants et de se contenter de réponses négatives, l'employeur devant positivement examiner les possibilités de reclassement offertes au salarié ; qu'en décidant au contraire que, dès lors qu'elle justifiait avoir interrogé chacune des concessions du groupe sur les possibilités de reclassement de Monsieur X... et que les réponses avaient été négatives, la société MIDI AUTO LIMOGES avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L 1226-2 du Code du travail, ensemble l'article L 1226-4 de ce Code ;
ALORS, d'autre part, QUE dans ses conclusions d'appel développées oralement à l'audience (page 9), Monsieur X... faisait expressément valoir qu'en dépit des réponses négatives adressées à l'employeur, la consultation des registres du personnel des différentes concessions du groupe MIDI AUTO démontrait que plusieurs postes de vendeurs étaient vacants au moment du licenciement, notamment au sein de la concession MIDI AUTO 28 ayant recruté de nombreux vendeurs dans la période où son reclassement avait été envisagé, tandis que cinq vendeurs avaient été embauchés d'avril à juillet 2007 par la société MIDI AUTO à CAVAILLON, six vendeurs par la société MIDI AUTO 29, deux assistants vendeurs par la société MIDI AUTO LORIENT et quatre vendeurs par la société MIDI AUTO 87 ; qu'en se bornant à énoncer que la société MIDI AUTO LIMOGES justifiait avoir interrogé chacune des concessions du groupe sur les possibilités de reclassement de Monsieur X... et que les réponses avaient été négatives, sans répondre aux conclusions d'appel du salarié, démontrant l'existence de postes vacants dans plusieurs sociétés du groupe, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure civile.