LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que la société Meny qui exploite plusieurs concessions automobiles dans l'est de la France, dont une de la marque Peugeot à Bar le Duc et deux de la marque Citroën à Neufchâteau et à Toul, a fait paraître le 19 avril 2005, une publicité offrant une remise sur un véhicule de la marque Citroën en mentionnant, en bandeau, sa concession Peugeot de Bar le Duc ; que la société le Grand garage lorrain, qui exploite une concession de la marque Citroën à Bar le Duc, soutenant que cette publicité était mensongère et qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale, a poursuivi la société Meny en réparation ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu qu'aucun des griefs du moyen ne saurait permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Meny à payer à la société le Grand garage lorrain, une certaine somme, à titre de réparation, l'arrêt, après avoir déduit d'un document, produit par la société le Grand garage lorrain et montrant le nombre d'immatriculations de véhicules Citroën effectuées par la société Meny pour des personnes habitant Bar le Duc et ses environs depuis le début de l'année 2005, les immatriculations antérieures à la publication litigieuse, retient que, faute d'éléments plus précis, une somme forfaitaire sera allouée à la société le Grand garage lorrain ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société Meny à payer à la société le Grand garage lorrain la somme de 10 000 euros, l'arrêt rendu le 16 septembre 2009 par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne la société Meny aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société le Grand garage lorrain, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la société Meny.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SAS MENY à payer à la SA GRAND GARAGE LORRAIN la somme de 10.000 é à titre de dommages-intérêts, outre celle de 2.000 E au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN se fonde sur une publicité parue dans l'édition de SAINT DIZIER du journal « Paru-Vendu » en date du 19 avril 2005, pour reprocher à la SAS MENY des actes de concurrence déloyale ;
QUE la SAS MENY en déduit que la SA GRAND GARAGE LORRAIN ne disposerait pas d'un intérêt à agir puisque n'étant concessionnaire CITROËN que sur BAR LE DUC, elle ne pourrait avoir subi le moindre préjudice à partir d'une publicité effectuée sur SAINT DIZIER ;
QUE cependant, à la date de la publication litigieuse, soit le 19 avril 2005, il n'y avait localement que la seule édition de SAINT DIZIER qui était commune aux villes de SAINT DIZIER et de BAR LE DUC ;
QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN a donc un intérêt à agir, la publicité litigieuse ayant été diffusée sur BAR LE DUC où elle était concessionnaire CITROEN ;
QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN fonde tout d'abord son action en concurrence déloyale contre la SAS MENY sur la faute que celle-ci aurait commise en faisant paraître une publicité trompeuse de nature à entretenir une confusion dans l'esprit de la clientèle, en lui faisant croire qu'elle pouvait trouver un véhicule CITROEN à BAR LE DUC, ce qui n'était pas le cas ;
QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN ne rapporte pas la preuve de ce que la SAS MENY aurait tenté de capter l'ensemble de sa clientèle CITROEN par le biais de laconcession PEUGEOT de BAR LE DUC, au moyen de divers modes de publicité diffusés notamment sur le site internet de la SAS MENY ;
QUE le seul élément de preuve qu'elle produit est la parution dans l'édition du mardi 19 avril 2005 du journal « Paru-Vendu » d'une annonce publicitaire dans laquelle la SAS MENY proposait à la vente des véhicules de marque CITROEN, alors même que le bandeau en bas de la publicité était celui de la concession PEUGEOT de la SAS MENY, située à BAR LE DUC ;
QU'il est indéniable que cette annonce publicitaire constitue une démarche déloyale, s'agissant d'une publicité concernant la vente de véhicules de marque CITROEN, dans laquelle la SAS MENY fait état d'une remise comme si elle était spécifique à son garage, alors qu'il s'agit en fait d'une remise décidée par le constructeur et qui a un effet au niveau national ;
Qu'à la lecture de cet encart publicitaire, le consommateur a pu penser qu'il pouvait trouver un véhicule CITROEN à BAR LE DUC, de surcroît à un prix avantageux ;
QUE par contre, en présence d'un seul encart publicitaire, la SA GRAND GARAGE LORRAIN n'étant pas en mesure de rapporter la preuve de l'utilisation d'autres vecteurs de publicité déloyale par la SAS MENY, son impact a nécessairement été très limité ;
QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN soutient également, qu'en procédant à la publicité litigieuse, la SAS MENY aurait enfreint le contrat de concession qui la lie à la Société CITROEN et plus particulièrement la clause de localisation géographique ;
QUE la SAS MENY réplique que, quand bien même l'insertion du bandeau de la concession PEUGEOT de BAR LE DUC aurait été volontaire, ce qui n'est pas le cas, elle ne pourrait en aucun cas être considérée comme fautive et susceptible d'une sanction, les points de vente de la marque CITROEN de NEUFCHATEAU et de TOUL étant en droit de recourir à des apporteurs d'affaires susceptibles de leur apporter des clients souhaitant acquérir des véhicules neufs de marque CITROEN et l'apporteur d'affaires pouvant effectuer des promotions actives, le cas échéant par voie publicitaire, sous réserve qu'il n'apparaisse pas en qualité de distributeur officiel de la marque ;
QUE cependant, il convient de souligner que les deux concessions CITROEN et la concession PEUGEOT appartiennent toutes trois à la SAS MENY et n'ont aucune personnalité juridique distincte de cette dernière ;
QU'or, l'apporteur d'affaires, comme le reconnaît la SAS MENY, est un professionnel indépendant, notamment du distributeur, et les liens qui unissent l'apporteur d'affaires et le distributeur sont de nature contractuelle ;
QU'en l'espèce, la concession PEUGEOT de BAR LE DUC n'ayant pas de personnalité juridique propre, elle ne peut être jugée comme étant l'apporteur d'affaires de deux concessions CITROEN ;
QUE la SAS MENY est une seule et unique personne juridique qui a vendu des véhicules automobiles à des clients par le biais de sa concession PEUGEOT qui a ainsi servi de succursale de vente de sa concession CITROEN et ce, en contravention avec les dispositions des articles XI et I du contrat de concession qui la lie à la Société CITROEN ;
QU'or un tiers, en l'occurrence la SA GRAND GARAGE LORRAIN, peut engager la responsabilité civile délictuelle de la SAS MENY à raison de l'inexécution par cette dernière de ses engagements contractuels à l'égard de la Société CITROEN, dès lors que ce manquement contractuel lui a causé un dommage (Cass. Ass. Plénière, 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13255) ;
QUE la SAS MENY ne saurait invoquer les dispositions du règlement 1400/2002 tendant à interdire toute clause de localisation empêchant le concessionnaire d'établir des points de ventes ou de livraison supplémentaires sans l'autorisation du concédant, ces dispositions n'entrant en vigueur qu'à compter du ler octobre 2005, c'est-à-dire après la commission des agissements déloyaux, en avril 2005 ;
QUE le fait que la société COMAREG ait publié un encart d'excuse concernant la publicité trompeuse de la SAS MENY ne saurait en rien exonérer cette dernière de sa responsabilité, alors qu'elle a bénéficié, en toute connaissance de cause des effets de cette publicité déloyale ;
QUE la SA GRAND GARAGE LORRAIN produit un relevé des immatriculations de voitures particulières et de véhicules utilitaires neufs montrant que la SAS MENY a procédé à l'immatriculation de 18 véhicules CITROEN de personnes habitant BAR LE DUC et ses environs depuis le début de l'année 2005, ce qui représente pour elle un manque à gagner de 18.500 € ;
MAIS QUE les immatriculations antérieures au 19 avril 2005 ne peuvent être imputées à la publicité litigieuse, de sorte que le préjudice de la SA GRAND GARAGE LORRAIN ne saurait être admis à hauteur de cette somme ;
QU'en l'absence d'éléments plus précis concernant les immatriculations directement imputables à la parution litigieuse du 19 avril 2005, il y a lieu d'allouer à la SA GRAND GARAGE LORRAIN la somme forfaitaire de 10.000 E à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de son préjudice résultant de la concurrence déloyale commise par la SAS MENY ;
1°/ ALORS QUE l'action en concurrence déloyale suppose la preuve de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; que la SAS MENY soutenait à titre principal, comme l'a constaté l'arrêt attaqué, que l'unique annonce incriminée ne provenait pas de son fait mais d'une erreur de l'annonceur ; qu'en la condamnant néanmoins pour concurrence déloyale au profit de la SA GRAND GARAGE LORRAIN, sans constater l'imputabilité de l'annonce incriminée à la SAS MENY, la Cour d'appel n'a pas caractérisé sa faute, privant sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE l'action en concurrence déloyale suppose des faits fautifs générateurs d'un préjudice ; que la SA GRAND GARAGE LORRAIN ne possédait aucun droit exclusif de distribution de véhicules neufs CITROEN sur le territoire de BAR LE DUC, toute obligation directe ou indirecte de non-concurrence étant prohibée par l'article 5-1-a du règlement CE 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 ; qu'en estimant dès lors que la vente par la SAS MENY de véhicules de marque CITROEN à des personnes habitant à BAR LE DUC aurait été générateur d'un préjudice pour la SA GRAND GARAGE LORRAIN, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 5-1-a du règlement CE 1400/2002 précité ;
3°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE que la réparation du préjudice doit être intégrale et ne saurait dès lors être évaluée forfaitairement ; qu'en allouant à la SA GRAND GARAGE LORRAIN la somme forfaitaire de 10.000 E en réparation de son préjudice..., la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
4°/ ALORS QU'il incombe à la prétendue victime d'apporter la preuve de son préjudice en relation causale avec la faute alléguée ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la SA GRAND GARAGE LORRAIN n'a apporté aucun élément précis de nature à établir des immatriculations par la SAS MENY qui seraient directement imputables à la parution litigieuse du 19 avril 2005 ; qu'en allouant néanmoins à la SA GRAND GARAGE LORRAIN une somme forfaitaire de 10.000 € en réparation du préjudice que lui aurait causé la concurrence déloyale de la SAS MENY, la Cour d'appel n'a pas tiré des conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1382 et 1315 du Code civil.