LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'application combinée des articles 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-3 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat CFTC Pôle emploi (syndicat CFTC), qui avait obtenu 8,84 % des suffrages exprimés lors des élections des membres du comité d'établissement de l'établissement Pôle emploi de Franche-Comté le 12 novembre 2009 a, par lettre du 25 janvier 2010, désigné un délégué syndical et un délégué syndical supplémentaire conventionnel ; que l'établissement Pôle emploi a contesté ces désignations faute pour ce syndicat d'avoir obtenu l'audience électorale lui permettant d'être reconnu représentatif ;
Attendu que pour valider les désignations, le tribunal d'instance, après avoir constaté que le syndicat CFTC avait obtenu 11,06 % des suffrages au sein du 2e collège, seul collège au sein duquel il avait présenté des candidats, a estimé qu'il serait discriminatoire, au regard du droit européen, de ne pas lui appliquer les dispositions permettant aux syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle d'être représentatifs en obtenant un minimum de 10 % des voix dans le seul collège où ils se présentent ;
Attendu, cependant, que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales ; que dès lors constitue une justification objective et raisonnable à la différence de traitement instituée par le législateur la volonté de prendre en compte la différence de champ statutaire d'intervention des syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle nationale pour leur permettre de participer à la négociation collective pour les catégories qu'ils ont vocation à représenter ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 26 mars 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Montbéliard ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour le Pôle emploi Franche-Comté
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté l'Etablissement POLE EMPLOI de Franche Comté de sa demande tendant à voir prononcer l'annulation de la désignation de Mesdames Françoise X... et Evelyne Y... en qualité, respectivement, de déléguée syndicale et déléguée syndicale supplémentaire conventionnelle, par le syndicat national CFTC POLE EMPLOI ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des l'article L.2143-3 du Code du travail chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise désigne un délégué syndical parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ; qu'en application de l'article L.2122-1 du Code du travail, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise sont celles qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ; que les requérants font valoir que, selon l'article 11-1 de la Convention EDH, « foute personne a droit à la liberté de réunions pacifiques et à la liberté d'associations, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » l'article 14 de cette même convention prévoyant par ailleurs que « la jouissance des droits et libertés retenus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autre opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; que l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, consacrant la liberté syndicale, interdit toute restriction à ce droit autres que celles nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé et de la morale ou à la protection des droits des libertés d'autrui ; qu'il n'est pas discutable que la liberté syndicale, qui est donc garantie par les textes précités, a pour corollaire nécessaire le principe d'égalité ou de non-discrimination entre les syndicats dans l'exercice de leurs droits, au nombre desquels figure plus particulièrement celui de pouvoir participer à une négociation collective ; que la loi évoquée institue une forme de privilège en faveur de syndicats catégoriels, en ce sens qu'elle permet à ces derniers d'être considérés comme représentatifs au seul vu du score obtenu par les candidats qu'ils ont présentés dans un seul collège et ce au détriment de syndicats intercatégoriels dits "généralistes", dont l'audience est mesurée sur la base de résultats prenant en compte l'ensemble des collèges, qu'ils aient ou non présenté des candidats dans chacun desdits collèges ; que le syndicat CFTC POLE EMPLOI fait observer qu'il a obtenu 11,06 % (187/1691) des suffrages exprimés dans le deuxième collège, considération faite qu'il ne présentait pas de candidats dans les deux autres collèges ; que le privilège évoqué ci-dessous s'est traduit concrètement au bénéfice de la CFE-CGC, ce syndicat, selon l'Etablissement POLE EMPLOI FRANCHE-COMTÉ, ayant vocation, de par son statut, à présenter des candidats seulement dans le collège encadrement ; que toutefois, alors que le seuil des 10 % des suffrages exprimés ne semble pas être remis en cause par les défendeurs, le respect du principe d'égalité et de non-discrimination supposerait que, quel que soit le syndicat concerné, sa représentativité au sein de l'entreprise soit définie en fonction des résultats obtenus dans le -ou les collèges, sur la base d'une moyenne dans ce cas- dans lequel il a fait le choix de présenter des candidats ; que les dispositions de la loi du 20 août 2008 qui permettent à un syndicat catégoriel, en l'espèce la CFE-CGC, d'être représentatif en obtenant un minimum de 10 % des voix dans le seul collège où il se présente, mais qui ne permettent pas à un syndicat, au prétexte qu'il est inter-catégoriel, en l'occurrence le syndicat CFTC POLE EMPLOI qui a obtenu plus de 11 % des voix dans le collège où il a présenté une liste, d'être représentatif, au moins pour la catégorie de salariés relevant de ce collège, sont discriminatoires et enfreignent de ce fait les règles communautaires dont la primauté sur le droit interne n'est pas discutée ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de la désignation de Mesdames Françoise X... et Evelyne Y... en qualité respectivement de déléguée syndicale et déléguée syndicale supplémentaire conventionnelle effectuée par le Syndicat national CFTC Pôle-emploi ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il n'est de discrimination, au sens de la Convention européenne des droits de l'Homme et de la Charte communautaire des droits fondamentaux, que lorsque la mesure nationale a pour objet ou pour effet d'instituer une différence de traitement entre des personnes ou des groupes placés dans une situation identique ou comparable ; que les syndicats catégoriels, qui se donnent uniquement pour mission de défendre et de représenter les intérêts d'une catégorie particulière de salariés ne se trouvent pas placés, du point de vue de leur représentativité, dans la même situation que les syndicats inter-catégoriels, lesquels ont pour objet la défense et la représentation des intérêts de l'ensemble des salariés ; que dès lors, en faisant application du principe de non discrimination tel qu'il est garanti par le droit européen, le tribunal d'instance a violé les articles 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et les articles 20 et 21 de la Charte communautaire des droits fondamentaux ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il n'est pas de discrimination, au sens du droit européen, dès lors qu'une différence de traitement repose sur une justification objective et raisonnable, c'est à dire si elle poursuit pas un "but légitime" dans une société démocratique et respecte "un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé" ; que remplit ces conditions, la législation qui, comme celle en cause en l'espèce, prévoit que la représentativité des syndicats catégoriels, qui n'ont vocation qu'à défendre et représenter les intérêts d'une catégorie particulière de salariés, doit s'apprécier par référence aux résultats électoraux enregistrés dans les collèges correspondant à la catégorie de salariés que ces syndicats se donnent pour mission de défendre et de représenter ; qu'en décidant l'inverse, le Tribunal d'instance a violé les articles 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et les articles 20 et 21 de la Charte communautaire des droits fondamentaux.