LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 26 avril 2010), que M. X..., engagé en mai 1997 par la société Y... automobiles (la société) en qualité de vendeur, a été mis en arrêt maladie en septembre 2005, puis licencié, le 27 juin 2006, pour inaptitude médicale et refus de tout reclassement ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, outre une indemnité de procédure, alors selon le moyen :
1°/ qu'il appartient au salarié d'établir les faits permettant de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, lequel est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant, pour juger le harcèlement moral établi, que M. X... avait démontré le lien, au moins partiel, entre sa dépression et les agissements de Mme Y..., sans constater que l'ambiance professionnelle peu favorable qui était, selon son médecin, à l'origine de l'état dépressif du salarié, était le fait de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour juger le harcèlement moral établi, que le fait que M. Z..., ancien collègue de M. X..., ait démissionné en invoquant un harcèlement moral confirmait un mal être au sein de l'entreprise, sans répondre au chef des conclusions de l'employeur faisant valoir que ce salarié n'avait cependant pas donné suite à ses accusations de harcèlement, ce qui démontrait leur caractère infondé), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en jugeant que les passages à l'atelier de M. X... ne pouvaient justifier les remarques que lui faisaient Mme Y... devant les salariés et les clients, sans répondre au chef des conclusions de l'employeur faisant valoir que ces remarques n'avaient pu être faites devant les clients, dès lors que ceux-ci n'étaient pas autorisés à pénétrer dans les ateliers, ce dont il résultait que les attestations en ce sens étaient sujettes à caution, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement rappelé qu'il suffisait que les agissements de harcèlement moral soient susceptibles d'altérer la santé, la cour d'appel qui, répondant aux conclusions, a relevé que les agressions, brimades, humiliations et détournements de commissions, établis par le salarié, étaient susceptibles d'altérer sa santé, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Y... automobiles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y... automobiles à payer la somme de 2 500 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Y... automobiles.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Schwaller Automobiles à payer à M. X... la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi que celle de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS (sur la preuve par le salarié de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement) QUE Monsieur Daniel X... produit a appui de ses prétentions des attestations de sept anciens collègues et trois clients ; que l'attestation de Madame A... qui était en poste jusqu'en juin 2001 évoque des pressions de Madame Y... sur Monsieur Daniel X..., sans autre précision ainsi que des propos désobligeants adressés « aux vendeurs » ; que cette attestation n'est pas suffisamment précise pour être retenue ; qu'en revanche il résulte des attestations de Messieurs B.... C..., et Z... trois vendeurs, ainsi que Monsieur D... ancien responsable des ventes de l'appelant que Madame Y..., à partir de sa prise de fonction en tant que directrice du garage de SAINT AVOLD en 1999, s'est livrée à des agressions verbales et morales, des brimades quotidiennes à l'encontre de Monsieur X... ; que ces agressions étant selon les témoins quotidiennes et permanentes et qu'elles ont perduré durant plusieurs années ; qu'ils relèvent que ces brimades se faisaient sans aucune discrétion en présence d'autres salariés ou même de client ; que les témoins citent des exemples qui les ont particulièrement marqués, ainsi les injures " nabot incompétent, voleur, vendeur nul et incompétent, faux cul " ; ou encore les reproches formulés telles les accusations d'être responsable de la dépression de Monsieur D..., de ne pas savoir faire les reprises, ou encore de l'inviter devant une cliente à lui offrir un café puisque de toute façon il allait la voler ; qu'il résulte également de ces attestations que Madame Y... manoeuvrait afin de réduire les commissions de Monsieur X... en filtrant les appels pour les diriger vers un autre commercial, ou encore en démarchant avec insistance les clients de Monsieur X... qui l'attendaient dans le hall afin de les diriger vers un autre vendeur, ce qui est confirmé par les témoignages de deux clients ; que Monsieur D... atteste qu'il a du intervenir car elle refusait en janvier 2004 de créditer à Monsieur X... une vente qu'il avait pourtant effectuée, et qu'à l'issu de cet entretien elle a menacé le salarié en déclarant « X... vous j'aurai votre peau » ; que Monsieur C... atteste en outre que Madame Y... fouillait régulièrement le bureau de Monsieur X... qu'il soit présent ou non ; que Madame Y... interdisait à Monsieur X... de venir saluer les salariés de l'atelier le matin, ce qui est confirmé par Messieurs E... et F... carrossier et mécanicien qui attestent que Madame Y... faisait des remontrances ou des remarques humiliantes à Monsieur X... lorsqu'il passait le matin à l'atelier pour les saluer, et ce sans aucune discrétion devant les employés et les clients lui disant qu'il n'avait rien à faire à l'atelier, qu'il devait laisser les gens travailler, qu'il est étranger au SAV, que sa conduite est une faute grave ; que l'atteinte à la santé du salarié n'est pas un élément nécessaire à la caractérisation du harcèlement moral puisqu'il suffit que les actes soient susceptibles de porter atteinte à la santé du salarié ; que cependant Monsieur X... établit qu'il existe un lien au moins partiel entre sa sévère dépression et les agissements dont il a été victime ; qu'en effet il produit un certificat médical de son médecin traitant qui atteste l'avoir traité pour un état anxio-dépressif caractérisé de février à septembre 2005, le patient refusant d'être mis en arrêt maladie jusqu'à la mi-septembre ; qu'il produit en second lieu un certificat médical d'un médecin psychiatre qui atteste le 18 avril 2006 que Monsieur X... présente « depuis de longues semaines un état dépressif franc dont l'évolution est inquiétante », état qui « est en rapport pour partie avec une ambiance professionnelle peu favorable ne lui permettant plus d'envisager de reprendre ses responsabilités » de sorte que le médecin conclut qu'il y a lieu de prononcer une inaptitude à son emploi actuel ; que cet avis a été suivi par le médecin du travail qui le 25 mai 2006 conclut non seulement a une inaptitude de Monsieur X... à son poste mais à une inaptitude à tous les postes dans l'entreprise Y... ; que par conséquent les agissements de Madame Y... ont non seulement été susceptibles de porter atteinte à la santé du salarié, mais en sont pour partie directement responsables conduisant même le salarié à renoncer à l'offre de reclassement ; que de ces énonciations il s'évince que Monsieur X... établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement (injure, remarque humiliantes, discrédit devant les clients, menace, manoeuvres tendant à réduire ses commissions....) ; que ces violences verbales sont répétitives et ont duré plusieurs années ; qu'elles ont entrainé une dégradation des conditions psychologiques de travail ; que ces remarques formulées, sans aucune discrétion, devant les collègues, les salariés de l'atelier, en réunion, ou encore devant les clients ont porté atteinte à la dignité du salarié ; que ces agissements sont au moins pour partie responsables de la dégradation de son état de santé ;
ET AUX MOTIFS (sur la preuve par l'employeur que ces actes sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement) QUE la SA Y... AUTOMOBILES fait valoir : • que Monsieur X... ne s'est jamais plaint de difficultés particulières avec Madame Y... tant auprès d'elle-même que de l'Inspection du Travail, ou du médecin du travail ; • qu'en réalité Monsieur X... ne supportait plus le stress lié à son emploi de vendeur ; • qu'il résulte des avis médicaux qu'il n'était plus apte à occuper un emploi à responsabilité, mais qu'en revanche ces certificats n'établissent pas l'existence d'un harcèlement ;
• que les témoignages de Messieurs G... et C..., ne peuvent être retenus s'agissant de salariés qui ont démissionné suite à des fautes graves qu'ils ont commises ; • qu'il en est de même de celui de Monsieur Z... qui a démissionné en invoquant un harcèlement mais n'a donné aucune suite à ses accusations ; • que le témoignage de Monsieur D... doit être écarté car il émane de l'ancien chef de vente qui tout comme l'appelant a été licencié pour inaptitude, a refusé le reclassement et a introduit une procédure prud'homale pour harcèlement moral en produisant des attestations des mêmes témoins y compris de Monsieur X... • que compte tenu de sa fonction commerciale Monsieur X... n'avait pas lieu d'être présent dans les ateliers ce qui lui a à de nombreuses reprises mais en vain été rappelé par Madame Y... ; • que la directrice est par ailleurs libre de s'adresser à des clients qui attendaient dans le hall afin de lui rendre un service efficace et limiter leur attente ; • qu'elle produit des attestations de salariés en contact avec Monsieur X... qui témoignent de l'absence de tout acte de harcèlement de la part de Madame Y... vis-à-vis de quiconque ; que de l'absence de plainte auprès du supérieur hiérarchique, de l'inspection du Travail, ou du médecin du travail est en l'espèce sans incidence, une telle plainte n'étant pas un élément constitutif du harcèlement moral ; qu'il est en outre relevé que le supérieur hiérarchique de l'appelant, Monsieur D..., a lui-même introduit une procédure pour des aces de harcèlement moral qui a abouti à une condamnation par la Cour d'appel de céans selon arrêt produit en annexe ; qu'il a ci-dessus été jugé que l'atteinte à la santé du salarié n'est pas un élément nécessaire à la caractérisation du harcèlement moral puisqu'il suffit que les actes soient susceptibles de porter atteinte à la santé du salarié, alors même que Monsieur X... établit qu'il existe un lien au moins partiel entre sa sévère dépression et les agissements dont il a été victime ; qu'en matière prud'homale, la preuve est libre ; que les déclarations de témoins ne peuvent être écartées au seul motif qu'elle émane d'anciens salariés en procès avec le même employeur ou ayant eu un différent avec celui-ci dès l'instant que la partie à qui sont opposées des attestations a pu en contester la force probante, ce qui est le cas en l'espèce ; qu'en effet l'attestation de Monsieur D... ancien chef de vente licencié pour inaptitude ne saurait être écartée au seul motif qu'il a introduit une action pour harcèlement à l'encontre de la SA Y... AUTOMOBILES, action ayant abouti à la condamnation de l'employeur compte tenu des agissements de Madame Y... à son encontre ; que le fait que Monsieur Z... ait démissionné en invoquant un harcèlement moral ne justifie en aucun cas que son témoignage soit écarté des débats, et au contraire confirme un mal être au sein de cette entreprise ; que l'employeur produit deux plaintes pénales déposées en janvier 2003 à l'encontre de Monsieur G... qui a démissionné en décembre, sans cependant justifier du bien fondé des dites plaintes 6 années plus tard de sorte que le témoignage ne sera pas écarté ; qu'enfin la SA Y... AUTOMOBILES établit que Monsieur C... a perçu une commission de 350 € pour avoir mis en contact deux clients pour la vente d'un véhicule d'occasion sans en informer son employeur ; que cependant le salarié a immédiatement et par écrit reconnu sa faute, en a expliqué la raison par un besoin d'argent et a démissionné dans la foulée, sans que ses écrits, ni d'ailleurs son témoignage, ne présentent le moindre caractère d'animosité à l'encontre de l'intimée ; que ce témoignage ne sera donc pas davantage écarté des débats ; qu'il résulte de ce qui précède que ces attestations ne peuvent être écartées au seul motif quelles émanent d'anciens salariés en procès avec le même employeur ou ayant eu un différent avec celui-ci ; qu'au fond l'intimée ne démontre nullement la fausseté des faits rapportés par les témoins, ni ne justifie par des éléments objectifs que les actes rapportés par les témoins sont étrangers à tout harcèlement ; que la SA Y... AUTOMOBILES fait valoir que compte tenu de sa fonction commerciale Monsieur X... n'avait pas lieu d'être présent dans les ateliers ; que cependant il résulte des deux témoignages produits par l'appelant que Monsieur X... se rendait dans l'atelier uniquement le matin afin de dire bonjour aux salariés puisqu'il « passait le matin pour nous saluer » ou « venait nous saluer le matin » ce qui participe pour le moins à une ambiance agréable sur le lieu du travail et ne saurait justifier les remarques déplacées et humiliantes que faisait Madame Y... devant les employés et les clients ; que s'il apparaît normal que la directrice se préoccupe de clients en attente il résulte des deux témoignages produits que l'insistance de cette dernière loin d'être agréable aux clients, et les a même incommodés ; qu'en effet pour l'un elle a « lourdement insisté » pour l'orienter vers un autre vendeur et « a tenté de faire entrave » à son rendez-vous avec Monsieur X..., de sorte qu'il a été « très choqué » de ce comportement ; que le second client ayant rendez vous avec Monsieur X... pour signer une vente a qualifié son insistance à le conduire chez un autre vendeur de « déplacée » ; que par conséquent le souci d'un meilleur service mis en avant par la SA Y... AUTOMOBILES ne peut objectivement expliquer l'attitude de sa directrice qui en revanche en l'absence de résistance du client aurait privé Monsieur X... du bénéfice de la réalisation de la vente ; que les attestations de trois clients (dont un couple) ainsi que de quatre Directeurs du groupe qui témoignent n'avoir jamais constaté d'agressivité ou d'acte de harcèlement de Madame Y... sont tout à fait insuffisantes pour contredire les nombreux éléments objectifs rapportés par l'appelant ; qu'il est d'ailleurs remarquable que la SA Y... AUTOMOBILES ne produit aucune attestation émanant d'un vendeur alors que c'est précisément à cette catégorie de personnel qu'appartenait Monsieur X... ; que de ces énonciations il s'évince que Monsieur Daniel X... rapporte la preuve de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement et que l'employeur pour sa part ne prouve pas que ces actes sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement de sorte que le préjudice subi par le salarié du fait de ces agissements doit être indemnisé (arrêt, pp. 2 à 6) ;
ALORS, d'une part, QU'il appartient au salarié d'établir les faits permettant de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, lequel est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant, pour juger le harcèlement moral établi, que M. X... avait démontré le lien, au moins partiel, entre sa dépression et les agissements de Mme Y..., sans constater que l'ambiance professionnelle peu favorable qui était, selon son médecin, à l'origine de l'état dépressif du salarié, était le fait de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour juger le harcèlement moral établi, que le fait que M. Z..., ancien collègue de M. X..., ait démissionné en invoquant un harcèlement moral confirmait un mal être au sein de l'entreprise, sans répondre au chef des conclusions de l'employeur faisant valoir que ce salarié n'avait cependant pas donné suite à ses accusations de harcèlement, ce qui démontrait leur caractère infondé (conclusions d'appel, p. 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, enfin, QU'en jugeant que les passages à l'atelier de M. X... ne pouvaient justifier les remarques que lui faisaient Mme Y... devant les salariés et les clients, sans répondre au chef des conclusions de l'employeur faisant valoir que ces remarques n'avaient pu être faites devant les clients, dès lors que ceux-ci n'étaient pas autorisés à pénétrer dans les ateliers (conclusions complémentaires d'appel, p. 2), ce dont il résultait que les attestations en ce sens étaient sujettes à caution, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;