LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles L. 622-29 et L. 631-14 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 6, 19 février 2002 et 11 janvier 2003, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la caisse) a consenti à M. et Mme X..., co-emprunteurs solidaires, cinq prêts dont elle a prononcé le 25 octobre 2004 la déchéance du terme ; que le 8 juillet 2005, la caisse a assigné en paiement M. et Mme X... ; que les 17 avril 2007 et 9 avril 2008, Mme X... a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, Mme Y... étant nommée liquidateur ;
Attendu que pour constater et fixer la créance de la caisse au passif de Mme
X...
et condamner M. X... au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que l'article 11 des conditions générales des cinq contrats de prêt prévoyait l'exigibilité du remboursement en cas de cessation des paiements des emprunteurs et que par l'effet de la mise en redressement judiciaire de Mme X..., cette cessation des paiements est intervenue le 18 avril 2007 de sorte que la déchéance du terme des cinq contrats de prêts est intervenue à la date du 18 avril 2007 et non à celle du 24 octobre 2004 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé et que toute clause liant directement ou indirectement la déchéance du terme d'une créance à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire est réputée non écrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine, les sommes de 21 973, 73 €, 1 513, 28 €, 1 658, 10 €, 5 666, 30 € et 1 824, 98 € avec intérêts selon des modalités qu'elle a spécifiées, du chef des cinq contrats de prêt litigieux, à l'exception des intérêts échus sur le principal entre le 24 octobre 2004 et le 18 mars 2007 et d'avoir fixé la Créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel au passif de la liquidation judiciaire de Madame X..., aux mêmes sommes.
AUX MOTIFS QUE la banque verse aux débats les 5 contrats sous seing privé et leur tableau d'amortissement, représentant l'engagement contractuel des époux X... à son égard, les décomptes de créance, ainsi que la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2004 par laquelle le prêteur, invoquant « le non-respect de la régularisation » par les époux X..., prononçait la déchéance du terme desdits contrats et l'exigibilité anticipée des capitaux et intérêts restant dus, conformément aux clauses contractuelles ; que la CAISSE REGIONALE de CREDIT AGRICOLE de l'ANJOU et du MAINE invoque une cause de déchéance du terme des 5 prêts à la date de l'envoi de sa lettre recommandée avec accusé de réception, le 25 octobre 2004, mais ne justifie pas des échéances impayées de ces prêts à cette date ou de toute autre cause de déchéance ; qu'elle n'est pas fondée en sa demande d'exigibilité anticipée de remboursement desdits prêts à la date du 25 octobre 2004 ; que cependant les contrats 03756920802, 803, 804 et 805 prévoyaient en l'article 11 des conditions générales, l'exigibilité du remboursement en cas de cessation des paiements des emprunteurs ; que par l'effet de la mise en redressement judiciaire de Régine X... née Z..., cette cessation des paiements est intervenue le 18 mars 2007 ; que le remboursement du prêt 70000328284 s'est trouvé aussi de plein droit exigible par l'application de la clause contractuelle visant la survenance d'un redressement judiciaire de l'emprunteur ; que la juste déchéance du terme des 5 contrats visés à la procédure est donc intervenue à la date du 18 mars 2007 et non, à celle du 24 octobre 2004 ; qu'en conséquence, la CAISSE REGIONALE de CREDIT AGRICOLE MUTUEL de l'ANJOU et du MAINE n'est pas fondée à réclamer, du chef des 5 contrats, les intérêts échus sur le principal, entre le 24 octobre 2004 et le 18 mars 2007 ; que la novation d'un contrat ne se présume pas ; qu'elle doit résulter d'une volonté caractérisée et nouvelle des co-contractants de modifier les conditions d'exécution d'une convention ; qu'en l'espèce, Alain X... et Régine X... née Z... prétendent que le prêteur aurait agi par novation en prononçant la déchéance du terme des prêts ; mais attendu que cette faculté de déchéance était inscrite dans la convention initiale, que le prêteur n'a fait qu'exécuter la convention en la prononçant et réclamant le capital restant dû et les intérêts contractuels du chef de chaque prêt, sans manifester aucune volonté de nover les obligations souscrites ; que les époux X... seront tenus envers le prêteur en exécution des conventions signées et non en vertu d'une obligation nouvelle ; que, ces contrats portant sur une durée supérieure à un an, le jugement d'ouverture de redressement judiciaire n'a pu en arrêter le cours des intérêts à l'égard de Régine X... née Z..., par application de l'article L. 622-28 du Code de commerce ; que la capitalisation de ces intérêts résultant non pas du contrat mais de la loi, par effet de l'article 1154 du Code civil, les époux X... ne peuvent en demander mise à néant, au prétexte qu'il s'agirait d'une clause pénale ; que les appelants ont bénéficié, du fait du présent appel, et compte tenu de ce que le premier juge n'a pas assorti sa décision de l'exécution provisoire, de moratoires raisonnables et suffisants au regard de l'article 1244-1 du Code civil, pour honorer leurs engagements ; qu'ils ne sont pas fondés à solliciter des délais supplémentaires, de même qu'un recours à une médiation civile qui ne s'impose pas, eu égard à l'évolution très avancée du litige ; qu'en conséquence, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle fixe la créance de la banque à l'encontre de Régine X... née Z... et condamne Alain X... à paiement, du chef des 5 contrats litigieux, à l'exception des intérêts échus sur le principal entre le 24 octobre 2004 et le 18 mars 2007, qui sont supprimés ;
1°/ ALORS QUE la Cour d'appel qui constate que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine n'est pas fondée en sa demande d'exigibilité anticipée de remboursement des prêts litigieux à la date du 25 octobre 2004 dès lors qu'elle ne justifiait pas des échéances impayées desdits prêts à cette date et de toute autre cause de déchéance, ne pouvait condamner les époux X... envers la banque par un moyen relevé d'office tenant au redressement judiciaire de Madame X... ; que dès lors, faute d'avoir provoqué au préalable les explications des parties sur ce point, la Cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article 16 du Code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le tribunal ayant fixé les créances de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine à l'égard de Madame X... en liquidation judiciaire et de Maître Y... es-qualité de liquidateur à la liquidation de celle-ci aux seules sommes de 1 726, 56 €, 6 152, 34 €, 1 946, 16 € et 1 617, 44 € au titre des quatre prêts n° 03756920802, 803, 804 et 805 correspondant aux déclarations de créance n° 1, 2, 3 et 4 du 18 avril 2007, outre intérêts selon des modalités qu'il a précisées et l'organisme bancaire ayant conclu à la confirmation du jugement notamment de ce chef du jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les termes du litige fixer la créance de la Caisse Régionale au passif de la liquidation judiciaire de Madame X..., outre ces sommes, à celle de 21 973, 73 € au titre du prêt n° 70000328284 avec intérêts à compter du 18 mars 2007 au taux de 8, 45 % l'an sur la somme de 18 042, 84 € et au taux légal pour le surplus ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE la Cour d'appel qui constate que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine n'est pas fondée en sa demande d'exigibilité anticipée de remboursement des 5 prêts litigieux à la date du 25 octobre 2004, dès lors qu'elle ne justifiait pas des échéances impayées à cette date ou de toute autre déchéance, ne pouvait considérer que la déchéance du terme desdits prêts était intervenue le 18 mars 2007 du fait du redressement judiciaire de Madame X... (prononcé en réalité par jugement du 18 avril 2007), le seul fait que les contrats aient prévu l'exigibilité du remboursement en cas de cessation des paiements ou de redressement judiciaire de l'emprunteur n'étant pas de nature à entraîner la déchéance du terme des prêts, qui ne peut intervenir qu'à la suite d'une manifestation explicite de la banque faisant totalement défaut en l'espèce ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 1134 du Code civil ;
4°/ ALORS QUE selon les dispositions de l'article L. 622-29 du Code de commerce (ancien article L. 621-49) le jugement d'ouverture ne rend pas exigible les créances non échues à la date de son prononcé, toute clause contraire étant réputée non écrite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que la déchéance du terme des prêts litigieux n'était pas justifiée à la date du 25 octobre 2004 faute par la banque de justifier des échéances impayées ou de tout autre cause de déchéance, ne pouvait faire droit aux prétentions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel en se fondant sur le redressement judiciaire de Madame X... intervenu le 18 avril 2007 (et non 18 mars 2007 comme indiqué par erreur) et ce quand bien même une clause contractuelle de l'un des prêts (n° 70000328284) visait un tel événement ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des articles L. 622-29 du Code de commerce et 1134 du Code civil.
5°/ ALORS QUE si la décision d'admission des créances, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire en ce qui concerne l'existence ou le montant des créances, elle n'a pas d'effet sur l'exigibilité de la dette à l'égard des coobligés ; que dès lors, en condamnant Monsieur X... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de l'Anjou et du Maine diverses sommes du chef des 5 contrats de prêts litigieux par le seul effet du jugement de redressement judiciaire intervenu à l'encontre de Madame X..., la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1208 du Code civil ;
6°/ ALORS QUE la déchéance du terme résultant de la liquidation du débiteur principal n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et reste sans incidence sur la situation des coobligés solidaires poursuivis en paiement ; que dès lors la Cour d'appel qui constate que la banque ne justifiait pas des échéances impayées à la date à laquelle elle a prononcé le déchéance du terme ou de toute autre cause de déchéance, mais qui cependant condamne Monsieur X... du seul fait de la déchéance du terme qu'aurait encourue Madame X... en raison de son redressement judiciaire a, à nouveau violé les articles 1134 et 1208 du Code civil.