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06/03/2012 | FRANCE | N°10-21002

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2012, 10-21002


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 juillet 2002, par la société High Co Communication devenue la société High Co Avenue (la société), en qualité de manager, a été licencié, le 8 février 2007, pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment au titre de la rupture de son contrat de travail et de l'attribution de deux mille actions gratuites ; que la société a demandé reconventionnellement le remboursement de la contrepartie financière de la

clause de non-concurrence qui lui avait été versée et des dommages-inté...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 juillet 2002, par la société High Co Communication devenue la société High Co Avenue (la société), en qualité de manager, a été licencié, le 8 février 2007, pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes notamment au titre de la rupture de son contrat de travail et de l'attribution de deux mille actions gratuites ; que la société a demandé reconventionnellement le remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui lui avait été versée et des dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la violation de cette clause ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de rappel de bonus, à lui attribuer deux mille actions à titre gratuit et à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage qui lui ont été payées alors, selon le moyen, qu'il n'est pas nécessaire que la lettre de licenciement décrive tout le détail des griefs reprochés au salarié, dès lors que l'employeur est en mesure de fournir au juge les preuves de leur réalité matérielle ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse eu égard à l'imprécision de la lettre de licenciement, pourtant corroborée notamment par une attestation décrivant le salarié, responsable commercial, qui s'était "mis en opposition directe et irrémédiable avec ses équipes", comme "hautain", d'une attitude "absolument pas constructive", qualifiant la "proposition de ses propres équipes d'idiotes" et "rejetant les propos du directeur commercial d'un geste dédaigneux de la main", d'où il résultait que le salarié ne pouvait demeurer, même momentanément, dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que dans la lettre de licenciement l'employeur n'avait énoncé aucun grief précis matériellement vérifiable et qu'il s'abstenait de préciser la teneur des propos prêtés au salarié, de sorte qu'il était impossible d'en apprécier le caractère désobligeant ou dénigrant, a décidé à bon droit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à attribuer au salarié des actions à titre gratuit, alors, selon le moyen, que la cassation du chef du dispositif de l'arrêt jugeant sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., à effet au 9 février 2007, entraînera l'annulation de l'attribution d'actions gratuites conditionnée par la qualité de salarié au 24 janvier 2008, et non pas au 31 mars 2007, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, la première branche du troisième moyen en ce qu'il invoque une cassation par voie de conséquence devient sans objet ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1142 et 1147 du code civil ;

Attendu que toute obligation de faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que le salarié, qui ne peut, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir le bénéfice de l'attribution d'actions à titre gratuit subordonné à sa présence dans l'entreprise, a droit à la réparation du préjudice qui en résulte pour lui et non à l'attribution desdites actions ;

Attendu que pour condamner la société à attribuer deux mille actions à titre gratuit au salarié, la cour d'appel retient que celui-ci, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, aurait dû être présent au sein de la société au 31 mars 2007 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'attribution des actions à titre gratuit était conditionnée à la présence du salarié au sein de l'entreprise au 31 mars 2007 et que celui-ci n'était plus présent à cette date du fait de son licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société High Co Avenue à attribuer à M. X... deux mille actions à titre gratuit, l'arrêt rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société High Co avenue et la société High Co

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société HIGH Co Avenue, employeur, à payer à Monsieur Fabrice X..., salarié, la somme de 30.189,45 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3.018,94 € de congés payés afférents ; 16.05,61 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; 60.378,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 27.737,20 € à titre de rappel de bonus, et attribution de 2.000 actions à titre gratuit ; remboursement à Pôle-emploi des indemnités de chômage payés à M. X... pour une durée de deux mois ;

AUX MOTIFS QU'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée : «Suite à l'entretien du 5 février2007 avec Madame Catherine Y..., et après examen de la situation, nous vous informons que nous avons à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.
Une réunion a été organisée entre les directeurs commerciaux et vous le 24 janvier 2007 ayant pour objet de finaliser le projet de réorganisation du service commercial de l'agence, projet pour lequel chaque équipe travaille depuis décembre 2006.
À l'occasion de cette réunion, celles-ci vous ont présenté leur proposition d'organisation autour des directions commerciales, souhaitant dans leur réflexion stratégique, développer une collaboration transversale avec les directeurs de clientèles.
Tout au long de cette réunion, vous n'avez cessé de rejeter les propositions faites par les directeurs commerciaux. Vous avez, à plusieurs reprises, exprimé votre refus par des remarques désobligeantes, dénigrant complètement le travail de réflexion de ceux-ci.
Suite à cela, vous avez présenté votre organisation, et, malgré les remarques des directeurs commerciaux, vous avez maintenu votre position, décriant encore une fois leur projet.
Le lendemain, à savoir le 25 janvier 2007, cette nouvelle organisation devait être présentée auprès de la direction générale. Lors de cette réunion, vous avez alors exposé votre projet comme étant celui retenu par l'ensemble des directeurs commerciaux, alors que ceux-ci manifestaient clairement leur désaccord, sans que vous n'en teniez compte.
Étant donné le contexte tendu de cette réunion, la direction a décidé de voir en présentation chaque projet d'organisation.
Constatant la dégradation des relations professionnelles avec vos équipes commerciales, la direction générale vous a demandé, le 26 janvier 2007, de vous expliquer sur ces faits.
Vous avez alors fait part de votre profond mécontentement, prétextant des prétendus actes de dévalorisation de vos compétences par la direction générale. Celle-ci vous a alors demandé de ne pas sortir du cadre de la discussion qui portait uniquement sur la dégradation de vos relations de travail avec vos équipes commerciales.
Nonobstant les remarques de la direction générale, vous avez persisté dans vos dires, et prétendu être victime d'un mise à l'écart des équipes de direction, et que vos missions de direction à l'agence étaient vidées de toute substance.
Malgré les demandes de la direction de vous calmer et de reprendre vos esprits, vous avez poursuivi dans vos propos l'accablant, qualifiant la stratégie globale de l'entreprise de dérive, et remis en cause les compétences de celle-ci en matière de management.
Ne comprenant pas l'agressivité de votre attitude, la direction a été dans l'obligation de suspendre cet entretien en vous demandant de réfléchir sur votre positionnement, suite à quoi vous avez catégoriquement refusé de poursuivre toute autre discussion sur ce sujet avec celle-ci, estimant que vous n'aviez aucun compte à lui rendre.
D'ailleurs, depuis ces derniers mois, votre attitude a radicalement changé, vous n'adhérez plus aux projets de l'agence. Votre comportement reste totalement incompréhensible et ce, malgré nos différentes tentatives d'échanges.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien ne nous ont pas convaincu, et ne justifient pas votre comportement excessif, tant vos propos dénigrants et déplacés sont intolérables et incompatibles avec la nature de vos fonctions de responsabilité.
Nous sommes donc contraints d'en tirer les conséquences et de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave (…)» ; que, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. X... invoque le caractère particulièrement flou et invérifiable des reproches formulés à son encontre et fait valoir en conséquence que l'imprécision des griefs doit s'analyser en une absence de grief ; qu'il ajoute que, de surcroît, la société ne justifie pas de griefs qu'elle invoque à son endroit ; que l'examen de la lettre de licenciement met en évidence les caractères extrêmement généraux et imprécis des reproches formulés à l'encontre de M. X..., à savoir, «avoir dénigré le travail de réflexion des ses directeurs commerciaux», le fait qu'il aurait «décrié et rejeté leurs propres projets», ou encore «qu'il se serait permis des remarques désobligeantes» ; que pour autant, la société s'abstient de préciser la teneur précise de ces propos qu'on lui prête lors d'une réunion s'étant tenue le 24 janvier 2007, de sorte qu'il est impossible d'apprécier leur caractère désobligeant ou dénigrant, étant précisé que le mail de Monsieur Christophe Lucas, directeur général adjoint, est insuffisant à rapporter la preuve des dénigrements allégués dès lors que les termes son identiques à ceux de la lettre de licenciement ; qu'en revanche, M. X... produire deux mails adressés les 18 et 24 janvier 2007 à M. Z..., le premier, formulé en ces termes : « je te propose que nous nous voyons tous les 2, en effet, ce travail de réorganisation étant de ton initiative, je souhaite pouvoir en débattre avec toi. À ta disposition», le deuxième rédigé ainsi qu'il suit : «Ci-joint le document retravaillé avec notre réflexion de ce midi. À votre disposition pour en discuter» ; que de même, la société ne justifie nullement quelles personnes étaient présentes lors de la réunion du 25 janvier 2008, ni les propos exactement tenus par M. X... à cette occasion, pas plus qu'elle ne démontre le soi-disant désaccord du salarié avec ses directeurs commerciaux ; que l'attestation de Monsieur Nicolas A..., directeur financier, qui évoque «l'attitude hautaine», «pas constructive» de M. X..., et qui souligne que ce dernier aurait rejeté la proposition des directeurs commerciaux dans des termes dénigrants et inacceptables de la part d'un manager, n'est pas plus probante ; que la Sté High Co Avenue, anciennement dénommée High Co Communication, n'établit pas davantage en quoi consistent les dénigrements qu'elle prête à M. X... lors d'une nouvelle réunion du 26 janvier 2007, ni la manière dont le salarié aurait remis en cause les compétences de l'entreprise en matière de management ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement ne contient aucun motif précis matériellement vérifiable, de sorte qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé fondé le licenciement pour faute grave de M. X... ; qu'en effet, l'imprécision des motifs et le fait qu'ils ne sont pas matériellement vérifiables rendent le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QU'il n'est pas nécessaire que la lettre de licenciement décrive tout le détail des griefs reprochés au salarié, dès lors que l'employeur est en mesure de fournir au juge les preuves de leur réalité matérielle ; qu'en jugeant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse eu égard à l'imprécision de la lettre de licenciement, pourtant corroborée notamment par une attestation décrivant le salarié, responsable commercial, qui s'était «mis en opposition directe et irrémédiable avec ses équipes», comme «hautain», d'une attitude «absolument pas constructive», qualifiant la «proposition de ses propres équipes d'idiotes» et «rejetant les propos du directeur commercial d'un geste dédaigneux de la main», d'où il résultait que le salarié ne pouvait demeurer, même momentanément, dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L 1234-5, L 1234-9 et L 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-21002
Date de la décision : 06/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 mai 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2012, pourvoi n°10-21002


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21002
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