LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 29 mars 2006 la société GBV Transports a conclu avec la société Fortis Lease (la société Fortis) un contrat de location portant sur dix véhicules semi-remorques ; qu'auparavant, la société Semi-Loc s'était engagée à l'égard de la société Fortis par lettre du 27 mars 2006, à "poursuivre" ce contrat en cas de résiliation intervenant dans les conditions prévues par l'article 14 de celui-ci ; que la société GBV Transports ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Fortis a revendiqué la propriété des matériels, objet du contrat, et les a mis, en juillet 2009, à la disposition de la société Semi-Loc ; que celle-ci n'acquittant pas les loyers, la société Fortis l'a assignée en référé ; que la cour d'appel a constaté la résiliation du contrat de location du 29 mars 2006, transféré à la société Semi-Loc, condamné cette dernière au paiement d'une provision et ordonné la restitution des matériels ;
Attendu que pour condamner la société Semi-Loc, qui contestait devoir régler la somme correspondant à la valeur résiduelle des matériels, à payer à la société Fortis la somme provisionnelle de 228 268,56 euros, calculée sur la base des loyers échus et à échoir, d'une pénalité de 6 % et de la valeur résiduelle, prise en compte pour 82 165,20 euros, l'arrêt retient que le juge des référés ne peut qu'appliquer les clauses du contrat lorsqu'elles sont, comme en l'espèce, claires et précises, avant de citer l'article 14 des conditions générales applicables, aux termes duquel la société Semi-Loc est tenue au paiement d'une indemnité de résiliation et "à titre de pénalité pour inexécution du contrat (à ) une somme égale à 6 % du montant hors taxes des loyers restant à courir avec un minimum fixé à 2 % du prix d'achat TTC du matériel" ;
Qu'en statuant ainsi alors que cet article ne faisait pas référence à la valeur résiduelle, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Semi-Loc à payer à la société Fortis Lease la somme provisionnelle de 228 268,56 euros, l'arrêt rendu le 15 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Fortis Lease aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Fortis Lease ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Semi-Loc ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société Semi-Loc
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Semi-Loc à payer à la société Fortis Lease la somme provisionnelle de 228.268,56 € et d'avoir ordonné la restitution des matériels, objets du contrat, par la société Semi-Loc à la société Fortis Lease ;
AUX MOTIFS QUE Fortis a déclaré sa créance, le 23 avril 2009, à la liquidation judiciaire de GBV, pour un montant total de 241.902,96 euros, au titre des loyers échus, et à échoir, de la pénalité contractuelle de 6 % et de la valeur résiduelle, y compris la TVA ; qu'elle réclame cette même somme à Semi-Loc, en exécution de son engagement ; que Semi-Loc conteste devoir les loyers des mois d'avril, mai, juin et juillet 2009, au motif que les véhicules n'ont été mis à sa disposition que le 21 juillet 2009, ce fait n'étant pas contesté par Fortis ; que c'est à juste titre que Semi-Loc fait valoir que les loyers sont la contrepartie de la mise à disposition du matériel, ce qui s'induit clairement de l'article 6 des conditions générales, prévoyant que la location « prend effet à la date de la signature du procès-verbal de réception » ; que la période comprise entre le 16 avril et le 21 juillet 2009 comprend 3 mois et 5 jours et non quatre mois, ce qui correspond à des loyers d'un montant de 4.305,60 euros x 3 = 12.916,80 euros + 4.305,60 x 30/5 = 717,60 euros, soit un total de 13.634,40 euros ; que Semi-Loc ne conteste pas devoir l'indemnité contractuelle de résiliation, qu'elle s'est engagée à payer, dans sa lettre du 27 mars 2006, dans laquelle elle indiquait ; « si nous ne respectons pas le présent engagement irrévocable et inconditionnel, nous acceptons de vous verser une indemnité forfaitaire égale aux montants des loyers TTC restant dus, passés ou à venir, majorée des frais et débours » ; que dans ladite lettre d'engagement, elle s'est obligée « à poursuivre le contrat selon les mêmes modalités et aux mêmes conditions que celles mises en place avec le locataire » (initial, GBV) ; qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'interpréter les clauses d'un contrat, en l'occurrence de requalifier une ou des stipulations en clause pénale, non plus que de modérer, le cas échéant, une telle clause ; qu'il n'entre pas davantage dans ses pouvoirs d'écarter une clause au motif qu'elle conduirait à un « enrichissement dans cause » ; que seul le juge du fond pourrait apprécier la portée d'une proposition, que Fortis admet avoir faite à Semi-Loc, de lui transférer la propriété du matériel, moyennant la même somme (de 241.902,96 €) que celle qu'elle réclame devant la juridiction des référés, avec restitution des matériels ; que le juge des référés ne peut qu'appliquer les clauses du contrat, lorsque celles-ci sont, comme en l'espèce, claires et précises ; que Semi-Loc est tenue, aux termes de l'article 14 des conditions générales dudit contrat outre à une indemnité de résiliation, au paiement, « à titre de pénalité pour inexécution du contrat (à ) une somme égale à 6 % du montant hors taxes des loyers restant à courir avec un minimum fixé à 2 % du prix d'achat TTC du matériel » ; que c'est à juste titre que Fortis soutient qu'elle n'avait accepté « la refacturation des frais (de gardiennage…) » qu'à « réception de l'autorisation de prélèvement signée (par Semi-Loc) et accompagnée d'un RIB », ainsi qu'il résulte des termes de la lettre de Fortis du 21 juillet 2009 ; que la demande de Semi-Loc tendant à voir déduire du montant des sommes dues par elle, les frais de gardiennage, sera rejetée, l'intimée ne démontrant pas avoir déféré aux conditions auxquelles Fortis avait soumis sa prise en charge desdits frais ; qu'en conséquence, la dette incontestable de Semi-Loc, pouvant donner lieu à octroi d'une provision, s'élève à la somme de 241.902,96 euros – 13.634,40 euros, soit 228.268,56 euros ;
1°/ ALORS QUE les dommages-intérêts octroyés au créancier ne peuvent correspondre qu'à la perte qu'il a faite et au gain qu'il a manqué ; que dès lors, en condamnant la société Semi-Loc à verser à la société Fortis Lease la somme de 82.165,20 € à titre de provision sur les dommages-intérêts dus au titre de la valeur résiduelle du matériel dont elle a pourtant, dans le même temps, ordonné la restitution, la cour d'appel, qui a ainsi réparé deux fois le même préjudice, a méconnu le principe de la réparation intégrale et l'article 1149 du code civil ;
2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'article 14.3 du contrat de bail du 29 mars 2006 stipulait qu'en cas de résiliation, le locataire devrait restituer le matériel et que la restitution tardive donnerait lieu à une indemnité d'utilisation ; que l'article 14.4 du même contrat prévoyait que le locataire serait, en outre, tenu de payer les sommes dues au titre des loyers échus et impayés, des intérêts de retard et une indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu'au terme du contrat, ainsi qu'à titre de pénalité, une somme égale à 6 % du montant hors taxe des loyers restant à courir ; que dès lors, en condamnant la société Semi-Loc à restituer le matériel à la société Fortis Lease et à payer à cette dernière, à titre provisionnel, la somme de 241.902,96 €, en ce compris la somme de 82.165,20 € correspondant à la valeur résiduelle du matériel, valeur dont le paiement n'était pas prévu par le contrat de bail, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE les juges statuant en référé ne peuvent accorder une provision que dans la mesure où la créance n'est pas sérieusement contestable ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de la société Fortis Lease tendant à obtenir une provision de 241.902,96 €, correspondant, à hauteur de 82.165,20 €, à la valeur résiduelle du matériel dont la restitution était pourtant ordonnée, que sa créance était incontestable dès lors qu'il ne lui incombait pas d'écarter une clause d'un contrat au motif qu'elle conduirait à une enrichissement sans cause, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la contestation élevée sur ce point par la société Semi-Loc n'était pas suffisamment sérieuse pour justifier le rejet de la demande de provision formée par la société Fortis Lease, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile.