LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 24 avril 2012), que par une convention dite d'occupation précaire, la société civile de moyens Carnot (la SCM), constituée entre avocats et ayant pour gérant M. Y..., a permis à M. Z..., lui-même avocat, d'établir son domicile professionnel dans des locaux mis gratuitement à sa disposition, notamment, pour la réception d'une clientèle personnelle ; que par lettre adressée au gérant de la SCM, M. Z... a déclaré prendre acte de la rupture de leur relation née d'une convention qui, selon lui, devait être qualifiée de contrat de travail, affirmant avoir perçu une rémunération inférieure aux minima prévus par la convention collective applicable aux avocats salariés ; que le litige a été soumis à l'arbitrage du bâtonnier qui a débouté de ses prétentions M. Z..., lequel a formé un recours devant la cour d'appel ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'arrêt rendu le 9 janvier 2013 par la Cour de cassation prive d'objet ce moyen ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Z... reproche à l'arrêt de juger que l'article 7, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée n'est pas contraire aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement des avocats, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application l'article 8 de la directive 98/5/CE du 16 février 1998, modifiée notamment par la directive 2006/100/CE du 20 novembre 2006, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que cette disposition devait être interprétée en ce sens qu'il est loisible à l'Etat membre d'accueil d'imposer, aux avocats y inscrits et employés – que ce soit à temps plein ou à temps partiel – notamment par un autre avocat, des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et dudit emploi, pourvu que ces restrictions n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention des conflits d'intérêts et s'appliquent à l'ensemble des avocats inscrits dans ledit Etat membre ; qu'en ce qu'il prévoit l'impossibilité, pour un avocat salarié, d'avoir une clientèle personnelle, l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 applicable en la cause institue une restriction disproportionnée à l'exercice de la profession d'avocat à titre individuel, au-delà de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'article précité de la directive 98/5/CE du 16 février 1998 modifiée ;
2°/ que si un doute devait subsister sur la compatibilité des dispositions de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée avec le droit de l'Union européenne, la Cour de cassation, juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours en droit interne, devra, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 8 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale qui dispose, comme le fait l'article 7, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, que "l'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle" ? »
Mais attendu que la Cour de justice de l'Union européenne (2 décembre 2010 Jakubowska n° C-225/09) a dit pour droit que les dispositions du traité CE ne s'opposent pas à une réglementation nationale qui empêche les fonctionnaires occupés dans le cadre d'une relation de travail à temps partiel d'exercer la profession d'avocat, même s'ils sont titulaires de l'habilitation à l'exercice de cette profession, imposant leur radiation du tableau de l'ordre des avocats et que l'article 8 de la directive 98/5/CE relative au droit d'établissement des avocats doit être interprété en ce sens qu'il est loisible à l'Etat membre d'accueil d'imposer, aux avocats y inscrits et employés –- que ce soit à temps plein ou à temps partiel - –par un autre avocat, une association ou société d'avocats, ou une entreprise publique ou privée, des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et de cet emploi, pourvu que ces restrictions n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention de conflits d'intérêts et s'appliquent à l'ensemble des avocats inscrits dans cet Etat membre ; que, comme le souligne à bon droit l'arrêt attaqué, la disposition contestée, d'application générale au sein des barreaux de France, sans distinction tenant à l'origine du titre professionnel permettant l'exercice permanent de la profession d'avocat dans l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, a pour objet, non d'autoriser l'exercice concomitant de la profession d'avocat et d'un autre emploi, avec la nécessité dans cette hypothèse particulière de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts, mais seulement d'autoriser le collaborateur de cabinet à exercer sa profession d'avocat en exécution d'un contrat de travail avec des restrictions inhérentes au salariat, d'une toute autre nature que celles dont la Cour de justice de l'Union européenne a eu à connaître ; que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de retenir que l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée n'est pas contraire aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en ce qu'elles prévoient l'impossibilité pour un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, les dispositions de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 applicables en la cause instituent une atteinte aux biens, notamment de l'avocat libéral adoptant le statut d'avocat salarié, sans rapport avec un but d'intérêt général, et comme telle contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°/ qu'en ce qu'elles prévoient l'impossibilité pour un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, les dispositions de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 applicables en la cause, telles qu'interprétées par la jurisprudence selon laquelle la requalification d'un contrat de collaboration libérale en contrat de travail n'est pas exclue en cas de traitement d'un nombre « dérisoire » de dossiers par l'intéressé, du fait des conditions d'exercice de son activité, ne satisfont pas au principe de sécurité juridique implicitement contenu, notamment, à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux divergences majeures d'interprétation susceptibles de découler de la notion de nombre « dérisoire » de dossiers personnels traités et de celle de « conditions d'exercice de l'activité » ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt énonce que la disposition contestée, claire et intelligible dans sa rédaction comme dans son application jurisprudentielle et, partant, respectueuse du principe de sécurité juridique consacré par la Convention précitée, n'a ni pour objet ni pour effet de priver l'avocat ayant fait le choix d'exercer en qualité de salarié de son droit de propriété sur une clientèle ; qu'en effet, le professionnel concerné a ainsi choisi un mode d'exercice professionnel plus protecteur que la collaboration libérale avec une rémunération fixe et des garanties propres au droit social, mais également, comme contrepartie inhérente au salariat, un lien de subordination pour la détermination des conditions de travail et l'absence de clientèle personnelle, restriction communément admise en droit du travail ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu M. Z... reproche enfin à l'arrêt de juger que la convention le liant à la SCM Carnot ne constituait pas un contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ que la qualification d'honoraires donnée à la rémunération n'est pas en soi de nature à exclure l'existence d'une relation salariée ; que la perception d'une rémunération mensuelle fixe, ajoutée à la circonstance particulière, expressément invoquée par M. Z... dans ses conclusions d'appel, de l'absence de tout contrat de collaboration libérale entre les intéressés prévoyant une rétrocession mensuelle, induit une présomption en faveur d'une relation de travail salarié ; qu'en retenant le contraire, sans procéder aux recherches qui lui étaient demandées sur la question de l'existence entre les intéressés d'une simple convention d'occupation précaire de locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en se bornant à relever, pour en déduire l'absence d'une relation de travail salariée, que le travail confié par M. Y... ne mobilisait pas tout le temps et la force de travail de M. Z..., sans rechercher comme elle y était invitée, s'il n'était pas loisible à ce dernier d'accomplir, en sus d'un travail salarié à plein temps pour le compte de M. Y..., des travaux pour son compte personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8261-1 à L. 8261-3 du code du travail ;
3°/ que la possibilité pour un avocat, à la supposer avérée, de développer eu égard aux moyens mis à sa disposition une clientèle personnelle n'est pas en soi indicative de l'absence de relation salariée avec l'avocat dont il traite les dossiers ; qu'en retenant, pour écarter l'existence de tout salariat entre MM. Y... et Z..., que les moyens mis à la disposition de ce dernier lui auraient permis de constituer sa propre clientèle, la cour d'appel a statué par motifs inopérants et méconnu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 8261-1 à L. 8261-3 du code du travail ;
4°/ que l'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet ; qu'il incombe à l'employeur qui entend contester cette présomption d'établir, d'une part, que le contrat s'exécutait à temps partiel, d'autre part, que le salarié disposait d'une prévisibilité suffisante quant au rythme de travail et n'était pas tenu de rester constamment à sa disposition ; qu'en faisant peser sur M. Z... la charge d'établir l'existence d'une relation de travail à temps complet, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 3123-14 du code du travail ;
5°/ que tant l'avocat collaborateur libéral que l'avocat salarié indiquent, dans l'exercice de leurs activités professionnelles en ces qualités respectives, outre leur propre nom, celui de l'avocat pour le compte de qui ils agissent ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée si M. Y... n'exerçait pas, en mentionnant seul son propre nom sur les documents préparés par M. Z..., un contrôle plaçant ce dernier dans un lien de subordination complet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132 et 136 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que M. Z... avait une clientèle personnelle, qu'il était inscrit à l'URSSAF en qualité de travailleur indépendant, que sa rémunération lui était versée soit directement par des clients soit par rétrocession d'honoraires selon un mode habituel en cas de collaboration libérale, que des moyens matériels spécifiques avaient été mis à sa disposition par le cabinet pour la réception de ses propres clients et, enfin, que sur son papier à en-tête, l'intéressé se présentait comme un membre du cabinet au même titre que les autres sans mention de sa prétendue qualité de salarié ; qu'ayant, par ailleurs, relevé que M. Z... n'avait produit aucun justificatif comptable de son activité quand il lui incombait d'établir l'existence du contrat de travail dont il revendiquait l'existence, la cour d'appel a déduit de ce faisceau d'indices l'absence de salariat, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Inconstitutionnalité d'une disposition législative applicable au litige
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de monsieur Z... tendant à voir qualifier de contrat de travail la convention d'occupation précaire passée la société civile de moyens (SCM) Carnot,
AUX MOTIFS PROPRES QU'en premier lieu, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le bâtonnier a relevé qu'Olivier Z... ayant été inscrit auprès de l'URSSAF en qualité de travailleur indépendant, et ce pendant toute la durée d'exécution des contrats de mise à disposition gratuit des locaux et moyens gérés par la SCM Carnot, les relations qu'il a liées avec d'éventuels donneurs d'ordre dans l'exercice de sa profession étaient soumises à la présomption légale de non-salariat qu'édicte l'article L. 8221-6, l° du code du travail ; que cette présomption est réfragable, mais fait porter sur l'appelant la charge de la preuve que la relation professionnelle qui l'a lié à son confrère Jean-Pierre Y..., gérant de la SCM, qui ne conteste pas lui avoir régulièrement délégué le traitement de certains dossiers moyennant une rétrocession d'honoraires, constituait en réalité un contrat de travail ; qu'au titre des preuves qu'il déclare apporter d'un tel contrat, figurent les 33 factures mensuelles qu'il a émises entre le 15 juillet 2008 et le 30 septembre 2010, tantôt sur un papier à en-tête personnel, portant les mentions « Olivier Z..., avocat, ... », suivie de ses coordonnées téléphoniques, d'un numéro de télécopie et d'une adresse électronique professionnelle, tantôt sur le papier à en-tête du cabinet avocat Conseil dont Jean-Pierre Y... est le gérant, où son nom est reproduit avec celui des autres avocats composant ce cabinet, sans précision sur sa qualité, et suivi d'un numéro de téléphone et d'une adresse électronique distincts, et s'agissant de la dernière facture, datée du 30 septembre 2010, sur le papier à en-tête d'un cabinet d'avocats concurrent, où son nom figure en qualité d'avocat collaborateur ; que le bâtonnier a procédé à une analyse exhaustive et circonstanciée de ces factures en relevant qu'elles mentionnaient toutes une « rétrocession d'honoraires » consentie par Jean-Pierre Y... pour un montant mensuel fixe de 1 000 €, successivement porté à 1 100 puis 1 200 €, analyse dont il a pertinemment déduit que la constance et la périodicité de la rétrocession consentie ne constituait pas un indice « péremptoire » d'un travail salarié dès lors que ces caractéristiques se retrouvaient habituellement dans le contrat de collaboration libérale, Olivier Z..., auquel le bâtonnier a reproché de n'avoir pas communiqué sa comptabilité professionnelle pour la période d'activité litigieuse, produit devant la cour 41 autres factures dont la numérotation ne se suit pas, émises pour le recouvrement : soit de rétrocessions d'honoraires consenties par d'autres avocats du cabinet au titre de consultations en droit social, de rédaction de conclusions ou de plaidoirie dans le contentieux de droit social relevant de spécialité, soit d'honoraires de consultation, de rédaction d'actes ou de conclusions et de plaidoiries payés par les clients (notaires ou particuliers) ; que ces pièces nouvelles démontrent que contrairement à ce qu'affirme Olivier Z..., le travail confié par Jean-Pierre Y... ne mobilisait pas tout son temps et sa force de travail puisqu'il restait en mesure de donner des consultations à d'autres de ses confrères, de rédiger leurs conclusions écrites et de les substituer à l'audience, et de consacrer concomitamment ses compétences de travailliste au développement d'une clientèle personnelle ; qu'il est à déplorer qu'une fois de plus, en s'abstenant de produire sa comptabilité professionnelle pour la période en causer Olivier Z... mette la cour dans l'impossibilité d'apprécier l'importance effective de la clientèle personnelle qu'il a été en mesure de se constituer entre le 19 décembre 2007 et le 30 septembre 2010 ; qu'il affirme qu'elle se limiterait à sept clients ; que toutefois, ce chiffre est manifestement sous-évalué puisqu'il ne recouvre que la moitié des clients auxquels il a directement facturé des honoraires entre le 28 janvier 2008 et le 23 août 2010, et qui, sur cette seule période de 31 mois, ont été de quinze, pour 29 prestations fournies et un total d'honoraires perçus de 7 417,66 € ; qu'en outre, l'année 2010 révèle un net essor de sa clientèle personnelle dont il a perçu 5 427,66 € d'honoraires sur les deux derniers quadrimestres de sa participation au sein du cabinet avocat Conseil ; qu'il ressort également des coordonnées figurant sous son nom sur le papier à en-tête de ce cabinet qu'Olivier Z... disposait d'une ligne téléphonique directe et d'une adresse électronique personnalisée qui permettait à la clientèle de le joindre directement ; que la convention de mise à disposition lui donnait accès gratuitement aux locaux professionnels commun à la SCM Carnot (salle d'attente et de la salle de réunion, bibliothèque) avec le droit de fixer une plaque à l'entrée de l'immeuble portant son nom et sa qualité d'avocat, ainsi qu'à un bureau individuel dont le mobilier et l'agencement, pour sommaire qu'il soit, lui permettait de s'isoler pour travailler et s'entretenir avec ses clients ; qu'il disposait également d'un ordinateur et d'un poste téléphonique, ainsi que de la faculté de recourir aux services du secrétariat et de consulter les ouvrages et périodiques auxquels la SCM est abonnée ; qu'il bénéficiait, par conséquent, d'un accès gratuit aux moyens d'exercer sa profession et de se constituer sa propre clientèle sans soit établi que le développement modeste qu'il déplore puisse être imputé aux exigences de Jean-Pierre Y..., ou des autres donneurs être imputée aux exigences de Jean-Pierre Y..., ou des autres donneurs d'ordre libéraux de ce cabinet auxquels il prétend avoir consacré l'essentiel de sa force de travail ; que par ailleurs, Olivier Z... ne conteste pas avoir disposé d'une totale liberté dans l'organisation de son travail et de ses congés ; que les trois documents qu'il produit (n° 41 à 43) pour démontrer que Jean-Pierre Y... exerçait sur lui un pouvoir d'autorité, consistent en un unique jeu de conclusions comptant quelques annotations complétives et corrections de style, un projet de lettre préparé pour Jean-Pierre Y... et un mot manuscrit portant pour consigne de demander à I'URSSAF de retirer de son dossier une lettre classée « confidentielle » ; qu'ils sont insuffisants à démontrer l'existence d'un réel lien de subordination ou de dépendance économique ou intellectuelle impliquant la reconnaissance d'un contrat de travail entre Olivier Z... et Jean-Pierre Y..., qu'il présente comme son donneur d'ordre principal ; que la décision d'arbitrage du bâtonnier sera donc confirmée en toutes ses dispositions, étant rappelé qu'en prenant acte de la rupture d'un prétendu contrat de travail qui le liait au gérant de la SCM Carnot, Olivier Z... neutralisait les effets de son propre manquement au délai préavis de 6 mois qu'il s'était engagé à donner au terme de l'unique contrat écrit passé avec Jean-Pierre Y... (arrêt, p. 11-13),
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE monsieur Y..., en qualité de gérant de la SCM Carnot et Me Z... ont passé entre eux le 30 novembre 2007 une convention d'occupation précaire sous seing privé prévoyant entre autres dispositions la possibilité pour ce dernier de se domicilier à titre gratuit dans les locaux de la SCM situés ... dans le cadre de son exercice professionnel d'avocat et de disposer de locaux (salle d'attente, salle de réunion) pour la réception de sa clientèle ; que le 5 décembre 2007 une nouvelle convention sous seing privé a été signée par les deux parties ajoutant à la première « la mise à disposition de Me Olivier Z... d'un bureau pour la réception de sa clientèle » ; que ces deux conventions ont été soumises au Conseil de l'Ordre du Barreau d'Angers ; qu'en parallèle, Me Y... et Me Z... s'accordent pour reconnaître qu'ils sont convenus entre eux d'une relation de travail qu'ils n'ont pas formalisée par écrit ; que cette relation de travail a toutefois donné lieu à l'établissement de factures de la part de Me Z... à l'égard de Me Y... ; que c'est ainsi qu'à la date du 15 juillet 2008, Me Z... a émis sur papier à entête de son nom six factures d'un montant chacune de 1.000 euros à titre de rétrocession d'honoraires pour « diverses affaires Jean-Pierre Y... » et ce, rétroactivement, pour les mois de janvier, février, mars, avril, mai et juin 2008 ; que par la suite, il a régulièrement, chaque fin de mois, émis des factures sur le même mode. Fin décembre 2008, le montant de la facturation est passé à 1,100 euros ; que fin avril 2009, les factures ont été établies sur papier à entête du Cabinet de Me Y..., Me Z... figurant sur ce papier à entête sans distinction particulière dans la liste des avocats qui s'y trouvent mentionnés ; que début novembre 2009, le montant de la facturation est passé à 1.200 euros ; que fin décembre 2009, la mention « diverses affaires Jean-Pierre Y... » n'a plus figuré sur les factures ;qu'enfin, la dernière facture a été libellée le 30 septembre 2010 à entête du cabinet Papin, Me Z... figurant sur ce papier à entête dans la liste des avocats qui s'y trouvent mentionnés ; qu'un tel montage, résultant de la combinaison d'une convention d'occupation précaire gratuite et d'un contrat verbal portant sur des prestations d'avocat indéterminées exécutées en contrepartie de rétrocessions d'honoraires dont le mode de calcul n'a pas été mieux précisé entre les parties à l'origine de leur relation, révèle une réelle incertitude quant à son exacte qualification juridique ; que de ce point de vue, Me Y... peut difficilement invoquer le principe de la force obligatoire des conventions posé à l'article 1134 du Code Civil et qui suppose non seulement qu'elles soient légalement formées mais aussi, et avant tout, qu'elles soient suffisamment claires pour permettre d'apprécier la nature et la portée exacte des obligations respectives de chacune des parties ; que la volonté réelle des parties qui a présidé en l'espèce à la mise en place d'une relation de travail aussi mal cadrée entre deux avocats, pourtant rompus à l'exercice du Droit social, apparaît aussi peu évidente, tant de la part de Me Z... qui est taisant à cet égard, que de celle de Me Y..., lequel tout en affirmant qu'il n'avait aucun besoin d'un collaborateur en Droit social n'en a pas moins accueilli au sein de son cabinet un avocat versé en cette matière, qu'il a régulièrement appointé pendant près de trois ans ; que pour autant, il n'apparaît pas que Me Z... et Me Y... aient pu être ni l'un ni l'autre de mauvais foi, leur relation de travail ayant plutôt répondu à des circonstances dont elle a suivi le fil, chacune des parties trouvant plus ou moins son intérêt personnel dans le service qu'elle pouvait rendre à l'autre ; que cela dit, suivant la jurisprudence, nonobstant la volonté des parties et la dénomination conférée à leur relation de travail, sa requalification au contrat de travail doit s'apprécier exclusivement en considération des éléments de fait qui la caractérisent de manière objective ; que parmi ces éléments, l'existence d'une clientèle personnelle doit ainsi conduire à écarter cette requalification suivant le principe posé par l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et ce, hormis le cas où la clientèle en question présente un caractère dérisoire et où cette situation n'est pas due au fait du demandeur mais à des conditions d'exercice de sa profession ne lui permettant pas de développer effectivement une clientèle personnelle (Cass. Civ. 1ère, 14 mai 2009) ; qu'il incombe incontestablement à Me Z..., demandeur à la requalification, d'établir qu'il n'a bénéficié pendant cette période de travail au sein du cabinet de Me Y... d'aucune clientèle personnelle autre que dérisoire et que cette situation serait imputable à des conditions de travail incompatibles avec le développement d'une clientèle personnelle ; que, sur ce point, il s'est abstenu de communiquer le moindre élément probant, à commencer par sa comptabilité afférente à sa période de travail au sein du cabinet de Me Y... ; qu'il ne démontre pas mieux qu'il aurait été matériellement dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle ; que contrairement à la situation jugée par Monsieur le bâtonnier de Bordeaux dans sa décision du 1er juillet 2009 (Becam / SELAFA Taj), il n'a jamais été tenu de rendre des comptes à Me Y... vis-à -vis d'une telle clientèle ; qu'il n'établit pas davantage, ni même n'offre d'établir l'existence d'initiatives qu'il aurait prises pour développer sa clientèle et qui auraient été rendues vaines en raison de sa charge de travail auprès de Me Y... ; qu'enfin, il fait état dans ses écritures de ce qu'il a été matériellement en mesure de traiter d'importants dossiers pour le compte de Me Y..., ce dont on peut déduire qu'il disposait de conditions matérielles de travail appropriées, qui ne pouvaient pas l'être moins pour le traitement de sa clientèle personnelle ; qu'en considération de ce premier élément, la requalification de sa relation libérale en contrat salarié sollicitée par Me Z... ne paraît donc pas justifiée ; que par ailleurs, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit une présomption légale de non-salariat s'appliquant à tout travailleur indépendant inscrit auprès de l'URSSAF, ce qui a été le cas de Me Z... ; que l'article L. 8221-6 II dispose cependant que « L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci » ; mais que s'il est vrai que des lieux et moyens matériels d'exercice professionnel sont susceptibles de caractériser l'existence d'un tel lien de subordination, encore faut-il qu'ils n'offrent aux travailleurs aucune possibilité de s'isoler personnellement ni aucune liberté d'action ; que tel peut être le cas lorsque deux avocats sont contraints de partager un même bureau au sens où ils y travaillent concomitamment sans possibilité de recevoir un client en respectant la confidentialité de l'entretien ; qu'en revanche, l'utilisation par plusieurs avocats de bureaux mis à leur disposition en fonction de leurs disponibilités ne constitue pas un indice pertinent de l'existence d'un lien de subordination ; que quant aux caractéristiques de périodicité et de fixité des montants réglés à Me Z... par Me Y... au titre de « rétrocession d'honoraires », elles ne sauraient davantage être regardées comme un indice péremptoire de l'existence d'un contrat de travail, dès lors qu'il s'agit là d'éléments qui se retrouvent habituellement dans le contrat de collaboration libérale dont il convient de remarquer que Me Z... ne revendique pas la qualification dans le cadre de son action ; qu'enfin, Me Z... n'établit pas mieux l'absence d'indépendance vis-à -vis de Me Y... dans le cadre de son exercice professionnel ; qu'il ne justifie pas qu'il aurait été contraint à des horaires de travail ou à une durée hebdomadaire de travail ; que s'il fait état d'une importante charge de travail, il n'en prouve d'aucune manière la réalité ; qu'il n'est produit aux débats aucun planning de travail qui aurait été imposé par Me Y... ; que le droit de regard exercé par celui-ci sur les dossiers dont il confiait le traitement à Me Z... ne constitue pas encore un indice pertinent de l'existence d'un lien de subordination ; qu'au demeurant, il a été ci-dessus relevé que Me Z... a lui-même indiqué qu'il avait lui-même traité d'importants dossiers pour le compte de Me Y... en développant personnellement des argumentations qui, selon ce qu'il rapporte, se seraient révélées plus efficaces que celles développées par Me Y... dans le cadre d'autres dossiers de même nature, ce qui suffit à établir qu'il jouissait d'une réelle indépendance autant matérielle qu'intellectuelle ; qu'en conséquence de ce second chef, Me Z... ne justifie pas du bien-fondé de la requalification qu'il revendique ; qu'il sera donc débouté de son action et de l'ensemble des demandes qu'il a exposées (décision du bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Angers, pp. 11-14),
ALORS QUE l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 31 décembre 1990 n'offre pas les garanties requises par les articles 2, 4, 6 et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ensemble l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'en l'état de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à ces différents égards dans la présente instance en cassation, les dispositions législatives en cause, qui sont applicables au litige, encourent une abrogation dont il résultera que l'arrêt attaqué devra être censuré pour perte de fondement juridique.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Incompatibilité de l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée avec le droit dérivé de l'Union européenne
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'incompatibilité de l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée avec le droit de l'Union européenne et D'AVOIR rejeté la demande de monsieur Z... tendant à voir qualifier de contrat de travail la relation de travail issue de la convention d'occupation précaire passée avec la société civile de moyens (SCM) Carnot,
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'incompatibilité alléguée de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre modifié avec le droit dérivé de l'Union, Olivier Z... soutient que l'article 7, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en ce qu'il dispose que « l'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle », ne serait pas conforme à l'article B de la directive CE 98/5 de l'Union Européenne relatif à l'exercice salarié de la profession d'avocat, aux termes duquel : « L'avocat inscrit dans L'Etat membre d'accueil sous le titre professionnel d'origine peut exercer en qualité d'avocat salarié d'un autre avocat, d'une association ou société d'avocats, ou d'une entreprise publique ou privée, dans la mesure où l'Etat membre d'accueil le permet pour les avocats inscrits sous le titre professionnel de cet Etat membre », et à la jurisprudence de la CJUE qui, à propos de ce texte, a dit pour droit (CJUE, 5ème chambre, 2 décembre 2010, affaire C-225/09) : « L'article I de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit être interprété en ce sens qu'il est loisible à l'Etat membre d'accueil d'imposer, aux avocats y inscrits et employés – que ce soit à temps plein ou à temps partiel – par un autre avocat, une association ou société d'avocats, ou une entreprise publique ou privée, des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et dudit emploi pourvu que ces restrictions n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention de conflits d'intérêts et s'appliquent à l'ensemble des avocats inscrits dans ledit Etat membre » ; qu'Olivier Z... se réfère ensuite aux dispositions réglementaires ou déontologiques internes définissant la notion de conflits d'intérêts (articles 7 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 4.1, 4.2 du RIN), applicables indistinctement à l'avocat collaborateur libéral ou salarié, pour en déduire que l'impossibilité pour le second d'avoir une clientèle personnelle excéderait ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention des conflits d'intérêts, dans les limites de l'interprétation donnée par la CJUE de l'article B de la directive ; qu'en conséquence, il demande à la cour, principalement, d'écarter l'application de la première phrase de l'alinéa 4 de l'article 7 de la loi interne, qui interdit à un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, et, subsidiairement, de poser, en application de l'article 267 du TFUE, la question préjudicielle suivante : « L'article B de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise…, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale telle que celle applicable au principal dans le cadre du litige donnant lieu à la présente question qui dispose que "l'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle" ? » ; que sur la demande principale, tendant à faire écarter l'application de la première phrase de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 comme non conforme à l'article B de la directive CE 98/5 de l'Union Européenne, il convient de rappeler que ce dernier texte n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre les Etats-membres à permettre, sans restriction, aux avocats qui ont acquis leur qualification dans un autre Etat-membre d'exercer leur profession sur leur territoire sous le régime du salariat, mais seulement de leur permettre cet exercice sans discrimination par rapport à ceux qui ont acquis leur qualification dans l'Etat-membre d'accueil ; que l'objectif de prévention de conflits d'intérêts dégagé par l'arrêt de la CJUE, dit « Jakubowska », du 2 décembre 2010 pour éclairer la portée de ce texte, cité par Olivier Z... au soutien de sa demande principale, constitue un critère de la compatibilité avec le droit dérivé de l'Union d'une législation interne, en l'occurrence la loi italienne, qui interdisait strictement l'exercice de la profession d'avocat aux fonctionnaires travaillant à temps partiel, quand bien même ils disposaient de l'habilitation nécessaire à l'exercice de cette profession ; qu'il s'entend, par conséquent, de la prévention d'un conflit d'intérêts d'ordre général entre deux statuts professionnels réglementés dont une législation interne interdit le cumul ; qu'il ne peut en aucun cas s'agir du conflit d'intérêts personnel d'ordre contractuel pouvant exister entre l'avocat salarié et l'avocat employeur sur la « propriété » de la clientèle, et encore moins du conflit d'ordre déontologique entre les intérêts de leurs clients, que visent et règlent les articles du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et 4.1 et 4.2 du RIN ; que l'argumentation que développe Olivier Z... autour de la jurisprudence de la CJUE, pour démontrer que l'impossibilité d'avoir une clientèle personnelle constituerait une restriction disproportionnée à l'objectif de prévention des conflits d'intérêts, est donc inopérante, étant rappelé qu'il est acquis que tout avocat salarié, inscrit en France, est soumis, quel que soit l'Etat membre où sa qualification a été acquise, à cette même restriction ; que le moyen pris d'une incompatibilité entre la directive CE 98/5 du 16 février 1998 telle qu'interprétée par te CJUE et l'article 7, alinéa 4, de la loi modifiée du 31décembre 1971, n'est donc pas sérieux et ne saurait justifier que la cour écarte l'application de ce dernier texte pour régler le présent litige ; que quant à la question préjudicielle proposée, il a été démontré qu'elle procédait d'une mésinterprétation de la jurisprudence de la CJUE sur le sens et la portée de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts auquel la législation interne doit obéir pour « faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise » ; qu'elle ne justifie pas un renvoi préjudiciel devant la CJUE (arrêt, p. 7-9),
ALORS, D'UNE PART, QU'en application l'article 8 de la directive 98/5/CE du 16 février 1998, modifiée notamment par la directive 2006/100/CE du 20 novembre 2006, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que cette disposition devait être interprétée en ce sens qu'il est loisible à l'Etat membre d'accueil d'imposer, aux avocats y inscrits et employés – que ce soit à temps plein ou à temps partiel – notamment par un autre avocat, des restrictions sur l'exercice concomitant de la profession d'avocat et dudit emploi, pourvu que ces restrictions n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif de prévention des conflits d'intérêts et s'appliquent à l'ensemble des avocats inscrits dans ledit Etat membre ; qu'en ce qu'il prévoit l'impossibilité, pour un avocat salarié, d'avoir une clientèle personnelle, l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 applicable en la cause institue une restriction disproportionnée à l'exercice de la profession d'avocat à titre individuel, au-delà de l'objectif de prévention des conflits d'intérêts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'article précité de la directive 98/5/CE du 16 février 1998 modifiée ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si un doute devait subsister sur la compatibilité des dispositions de l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée avec le droit de l'Union européenne, la Cour de cassation, juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours en droit interne, devra, conformément à l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « L'article 8 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale qui dispose, comme le fait l'article 7 alinéa 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, que "l'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle" ? ».
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Inconventionnalité de l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'inconventionnalité soulevée par monsieur Z... afin d'écarter l'application de l'article 7, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et D'AVOIR rejeté la demande de monsieur Z... tendant à voir qualifier de contrat de travail la relation de travail issue de la convention d'occupation précaire passée avec la société civile de moyens (SCM) Carnot,
AUX MOTIFS PROPRES QUE les développements qu'Olivier Z... consacre au moyen pris de l'inconventionnalité de l'article 7, alinéa 4, de la loi modifiée du 31 décembre 1971 occupent les pages 21 à 30 des conclusions écrites qu'il a déposées au greffe de la cour le 13 octobre 2011, mais se concentrent sur l'incertitude prétendument induite par l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 mai 2009 (Bull. Civ. I, n° 90) qui énonce : « si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement d'un nombre dérisoire de dossiers propres à l'avocat lié à un cabinet par un contrat de collaboration ne fait pas obstacle à la qualification de ce contrat en contrat de travail lorsqu'il est établi que cette situation n'est pas de son fait mais que les conditions d'exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer effectivement une clientèle personnelle » ; que rappelant qu'au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la loi doit être entendue en son acception matérielle et non formelle, et s'entend l'ensemble constitué par le droit écrit, y compris les textes de rang infra-législatif ainsi que la jurisprudence qui l'interprète, l'appelant soutient que cet arrêt serait source d'une insécurité juridique portant atteinte au droit à valeur patrimoniale de l'avocat salarié sur sa clientèle, et caractériserait une violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et de son premier protocole additionnel ; qu'il conteste l'existence d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971, qui loin d'être inspiré par l'intérêt général aurait pour seul objectif de préserver l'intérêt particulier des cabinets d'affaires en empêchant leurs collaborateurs salariés de développer leur propre clientèle, dans un but clairement anticoncurrentiel ; que suivent ensuite une série d'analyses censées conforter l'objectif purement anticoncurrentiel de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, et fondées : sur l'article L. 123-1-1 du code de commerce qui instaure en faveur des salariés la possibilité d'exercer une activité commerciale complémentaire et concurrente à celle de leur employeur avec l'accord de ce dernier, sur l'article L. 1222-1 du code du travail, qui assurerait une protection suffisante de l'avocat employeur sous l'angle de l'obligation de loyauté, sur les articles L. 8261-1 et suivants du même Code, qui permettent à un salarié « ordinaire » de cumuler plusieurs emplois salariés dans la limite de la durée maximale du travail soit 48h hebdomadaires, sur l'article 7 alinéa 5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, qui serait un leurre en ce qu'il préserverait la liberté d'établissement de l'avocat salarié après la rupture d'un contrat de travail durant l'exécution duquel il n'a pas la faculté de se constituer une clientèle personnelle ce qui revient à lui interdire d'exercer la profession à titre libéral ; qu'à ces griefs, qui ne sont pas sans rappeler ceux développés au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité que la cour a refusé de transmettre comme étant dépourvue de sérieux, il convient de répondre, d'abord, que si l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi du 31 décembre 1990, ne permet pas à l'avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, il préserve son indépendance dans l'exercice des missions qui lui sont confiées et limite le lien de subordination à l'égard de son employeur à la seule détermination de ses conditions de travail ; que les restrictions que ce statut salarié apporte au droit à valeur patrimoniale de clientèle de l'avocat ont pour contrepartie la prise en charge des cotisations sociales et professionnelles en rapport avec son activité et le versement des avantages sociaux (RTT, intéressement, 13ème mois, minima conventionnels en matière de salaires) prévus par la convention collective nationale des cabinets d'avocats du 17 février 1995 ; qu'elles ne constituent donc pas un moyen disproportionné d'atteindre l'objectif de la loi modificative du 31 décembre 1990, qui était d'instaurer la faculté d'exercer la profession d'avocat, jusqu'alors strictement libérale, au titre du salariat ; qu'ensuite, aucune des dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifié ne contraint un avocat salarié à temps partiel à consacrer l'exclusivité de son activité à un seul employeur, contrairement à ce que postule l'argumentation d'Olivier Z... ; qu'il peut cumuler plusieurs emplois à temps partiels dans la limite de la durée maximale du travail soit 48 heures hebdomadaires, et sous réserve de ne pas attenter aux règles déontologiques inhérentes à sa profession (confidentialité, absence de conflits d'intérêts entre deux clients...) ; que le traitement différentiel existant entre le « salarié avocat » et le « salarié ordinaire » résulte de la nécessaire adaptation du salariat aux particularités de la profession d'avocat dans les conditions prévues par les articles L. 3121-42 et suivants du code du travail relatifs aux cadres et salariés autonomes, comme le souligne au demeurant Olivier Z... lui-même, en page 39 de ses conclusions (pour démontrer que l'absence d'horaire imposé au titre de ses conditions de travail n'est pas, en soi, exclusive d'un contrat de travail) ; que la visée du texte critiqué n'est donc pas purement anticoncurrentielle ; qu'enfin, l'arrêt de la première chambre civile qu'incrimine Olivier Z... comme une source d'insécurité juridique (Civ. 1ère, 14 mai 2009, B. 90) est clair, et repose sur un critère objectif, aisé à comprendre et à mettre en oeuvre : le nombre dérisoire de dossiers personnels traités par l'avocat pendant la période de collaboration ; que cette jurisprudence, qui exclut du statut du salariat l'avocat collaborateur qui a disposé des moyens de développer une clientèle personnelle non dérisoire, c'est-à -dire effective, n'entraîne aucun risque de divergences d'appréciation « considérables » dans les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ; qu'elle n'expose pas les avocats salariés à un risque d'insécurité juridique contraire aux principes gouvernant le droit à un procès équitable ; que l'exception d'inconventionnalité que soulève Olivier Z... pour conduire la cour à écarter l'application de l'article 7, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée au litige arbitral objet du présent appel, n'est donc pas fondée (arrêt, p. 9-11),
ALORS, D'UNE PART, QU'en ce qu'elles prévoient l'impossibilité pour un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, les dispositions l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 applicables en la cause instituent une atteinte aux biens, notamment de l'avocat libéral adoptant le statut d'avocat salarié, sans rapport avec un but d'intérêt général, et comme telle contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en ce qu'elles prévoient l'impossibilité pour un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, les dispositions l'article 7, alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 applicables en la cause, telles qu'interprétées par la jurisprudence selon laquelle la requalification d'un contrat de collaboration libérale en contrat de travail n'est pas exclue en cas de traitement d'un nombre « dérisoire » de dossiers par l'intéressé, du fait des conditions d'exercice de son activité, ne satisfont pas au principe de sécurité juridique implicitement contenu, notamment, à l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux divergences majeures d'interprétation susceptibles de découler de la notion de nombre « dérisoire » de dossiers personnels traités et de celle de « conditions d'exercice de l'activité » ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Qualification de la relation de travail en contrat de travail
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de monsieur Z... tendant à voir qualifier de contrat de travail la relation de travail issue de la convention d'occupation précaire passée avec la société civile de moyens (SCM) Carnot,
AUX MOTIFS PROPRES QU'en premier lieu, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le bâtonnier a relevé qu'Olivier Z... ayant été inscrit auprès de l'URSSAF en qualité de travailleur indépendant, et ce pendant toute la durée d'exécution des contrats de mise à disposition gratuit des locaux et moyens gérés par la SCM Carnot, les relations qu'il a liées avec d'éventuels donneurs d'ordre dans l'exercice de sa profession étaient soumises à la présomption légale de non-salariat qu'édicte l'article L 8221-6, l° du code du travail ; que cette présomption est réfragable, mais fait porter sur l'appelant la charge de la preuve que la relation professionnelle qui l'a lié à son confrère Jean-Pierre Y..., gérant de la SCM, qui ne conteste pas lui avoir régulièrement délégué le traitement de certains dossiers moyennant une rétrocession d'honoraires, constituait en réalité un contrat de travail ; qu'au titre des preuves qu'il déclare apporter d'un tel contrat, figurent les 33 factures mensuelles qu'il a émises entre le 15 juillet 2008 et le 30 septembre 2010, tantôt sur un papier à en-tête personnel, portant les mentions « Olivier Z..., avocat, ... », suivie de ses coordonnées téléphoniques, d'un numéro de télécopie et d'une adresse électronique professionnelle, tantôt sur le papier à en-tête du cabinet avocat Conseil dont Jean-Pierre Y... est le gérant, où son nom est reproduit avec celui des autres avocats composant ce cabinet, sans précision sur sa qualité, et suivi d'un numéro de téléphone et d'une adresse électronique distincts, et s'agissant de la dernière facture, datée du 30 septembre 2010, sur le papier à en-tête d'un cabinet d'avocats concurrent, où son nom figure en qualité d'avocat collaborateur ; que le bâtonnier a procédé à une analyse exhaustive et circonstanciée de ces factures en relevant qu'elles mentionnaient toutes une « rétrocession d'honoraires » consentie par Jean-Pierre Y... pour un montant mensuel fixe de 1 000 €, successivement porté à 1 100 puis 1 200 €, analyse dont il a pertinemment déduit que la constance et la périodicité de la rétrocession consentie ne constituait pas un indice « péremptoire » d'un travail salarié dès lors que ces caractéristiques se retrouvaient habituellement dans le contrat de collaboration libérale, Olivier Z..., auquel le bâtonnier a reproché de n'avoir pas communiqué sa comptabilité professionnelle pour la période d'activité litigieuse, produit devant la cour 41 autres factures dont la numérotation ne se suit pas, émises pour le recouvrement : soit de rétrocessions d'honoraires consenties par d'autres avocats du cabinet au titre de consultations en droit social, de rédaction de conclusions ou de plaidoirie dans le contentieux de droit social relevant de spécialité, soit d'honoraires de consultation, de rédaction d'actes ou de conclusions et de plaidoiries payés par les clients (notaires ou particuliers) ; que ces pièces nouvelles démontrent que contrairement à ce qu'affirme Olivier Z..., le travail confié par Jean-Pierre Y... ne mobilisait pas tout son temps et sa force de travail puisqu'il restait en mesure de donner des consultations à d'autres de ses confrères, de rédiger leurs conclusions écrites et de les substituer à l'audience, et de consacrer concomitamment ses compétences de travailliste au développement d'une clientèle personnelle ; qu'il est à déplorer qu'une fois de plus, en s'abstenant de produire sa comptabilité professionnelle pour la période en causer Olivier Z... mette la cour dans l'impossibilité d'apprécier l'importance effective de la clientèle personnelle qu'il a été en mesure de se constituer entre le 19 décembre 2007 et le 30 septembre 2010 ; qu'il affirme qu'elle se limiterait à sept clients ; que toutefois, ce chiffre est manifestement sous-évalué puisqu'il ne recouvre que la moitié des clients auxquels il a directement facturé des honoraires entre le 28 janvier 2008 et le 23 août 2010, et qui, sur cette seule période de 31 mois, ont été de quinze, pour 29 prestations fournies et un total d'honoraires perçus de 7 417,66 € ; qu'en outre, l'année 2010 révèle un net essor de sa clientèle personnelle dont il a perçu 5 427,66 € d'honoraires sur les deux derniers quadrimestres de sa participation au sein du cabinet avocat Conseil ; qu'il ressort également des coordonnées figurant sous son nom sur le papier à en-tête de ce cabinet qu'Olivier Z... disposait d'une ligne téléphonique directe et d'une adresse électronique personnalisée qui permettait à la clientèle de le joindre directement ; que la convention de mise à disposition lui donnait accès gratuitement aux locaux professionnels commun à la SCM Carnot (salle d'attente et de la salle de réunion, bibliothèque) avec le droit de fixer une plaque à l'entrée de l'immeuble portant son nom et sa qualité d'avocat, ainsi qu'à un bureau individuel dont le mobilier et l'agencement, pour sommaire qu'il soit, lui permettait de s'isoler pour travailler et s'entretenir avec ses clients ; qu'il disposait également d'un ordinateur et d'un poste téléphonique, ainsi que de la faculté de recourir aux services du secrétariat et de consulter les ouvrages et périodiques auxquels la SCM est abonnée ; qu'il bénéficiait, par conséquent, d'un accès gratuit aux moyens d'exercer sa profession et de se constituer sa propre clientèle sans soit établi que le développement modeste qu'il déplore puisse être imputé aux exigences de Jean-Pierre Y..., ou des autres donneurs être imputée aux exigences de Jean-Pierre Y..., ou des autres donneurs d'ordre libéraux de ce cabinet auxquels il prétend avoir consacré l'essentiel de sa force de travail ; que par ailleurs, Olivier Z... ne conteste pas avoir disposé d'une totale liberté dans l'organisation de son travail et de ses congés ; que les trois documents qu'il produit (n° 41 à 43) pour démontrer que Jean-Pierre Y... exerçait sur lui un pouvoir d'autorité, consistent en un unique jeu de conclusions comptant quelques annotations complétives et corrections de style, un projet de lettre préparé pour Jean-Pierre Y... et un mot manuscrit portant pour consigne de demander à I'URSSAF de retirer de son dossier une lettre classée « confidentielle » ; qu'ils sont insuffisants à démontrer l'existence d'un réel lien de subordination ou de dépendance économique ou intellectuelle impliquant la reconnaissance d'un contrat de travail entre Olivier Z... et Jean-Pierre Y..., qu'il présente comme son donneur d'ordre principal ; que la décision d'arbitrage du bâtonnier sera donc confirmée en toutes ses dispositions, étant rappelé qu'en prenant acte de la rupture d'un prétendu contrat de travail qui le liait au gérant de la SCM Carnot, Olivier Z... neutralisait les effets de son propre manquement au délai préavis de 6 mois qu'il s'était engagé à donner au terme de l'unique contrat écrit passé avec Jean-Pierre Y... (arrêt, p. 11-13),
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE monsieur Y..., en qualité de gérant de la SCM Carnot et Me Z... ont passé entre eux le 30 novembre 2007 une convention d'occupation précaire sous seing privé prévoyant entre autres dispositions la possibilité pour ce dernier de se domicilier à titre gratuit dans les locaux de la SCM situés ... dans le cadre de son exercice professionnel d'avocat et de disposer de locaux (salle d'attente, salle de réunion) pour la réception de sa clientèle ; que le 5 décembre 2007 une nouvelle convention sous seing privé a été signée par les deux parties ajoutant à la première « la mise à disposition de Me Olivier Z... d'un bureau pour la réception de sa clientèle » ; que ces deux conventions ont été soumises au Conseil de l'Ordre du Barreau d'Angers ; qu'en parallèle, Me Y... et Me Z... s'accordent pour reconnaître qu'ils sont convenus entre eux d'une relation de travail qu'ils n'ont pas formalisée par écrit ; que cette relation de travail a toutefois donné lieu à l'établissement de factures de la part de Me Z... à l'égard de Me Y... ; que c'est ainsi qu'à la date du 15 juillet 2008, Me Z... a émis sur papier à entête de son nom six factures d'un montant chacune de 1.000 euros à titre de rétrocession d'honoraires pour « diverses affaires Jean-Pierre Y... » et ce, rétroactivement, pour les mois de janvier, février, mars, avril, mai et juin 2008 ; que par la suite, il a régulièrement, chaque fin de mois, émis des factures sur le même mode. Fin décembre 2008, le montant de la facturation est passé à 1,100 euros ; que fin avril 2009, les factures ont été établies sur papier à entête du Cabinet de Me Y..., Me Z... figurant sur ce papier à entête sans distinction particulière dans la liste des avocats qui s'y trouvent mentionnés ; que début novembre 2009, le montant de la facturation est passé à 1.200 euros ; que fin décembre 2009, la mention « diverses affaires Jean-Pierre Y... » n'a plus figuré sur les factures ; qu'enfin, la dernière facture a été libellée le 30 septembre 2010 à entête du cabinet Papin, Me Z... figurant sur ce papier à entête dans la liste des avocats qui s'y trouvent mentionnés ; qu'un tel montage, résultant de la combinaison d'une convention d'occupation précaire gratuite et d'un contrat verbal portant sur des prestations d'avocat indéterminées exécutées en contrepartie de rétrocessions d'honoraires dont le mode de calcul n'a pas été mieux précisé entre les parties à l'origine de leur relation, révèle une réelle incertitude quant à son exacte qualification juridique ; que de ce point de vue, Me Y... peut difficilement invoquer le principe de la force obligatoire des conventions posé à l'article 1134 du Code Civil et qui suppose non seulement qu'elles soient légalement formées mais aussi, et avant tout, qu'elles soient suffisamment claires pour permettre d'apprécier la nature et la portée exacte des obligations respectives de chacune des parties ; que la volonté réelle des parties qui a présidé en l'espèce à la mise en place d'une relation de travail aussi mal cadrée entre deux avocats, pourtant rompus à l'exercice du Droit social, apparaît aussi peu évidente, tant de la part de Me Z... qui est taisant à cet égard, que de celle de Me Y..., lequel tout en affirmant qu'il n'avait aucun besoin d'un collaborateur en Droit social n'en a pas moins accueilli au sein de son cabinet un avocat versé en cette matière, qu'il a régulièrement appointé pendant près de trois ans ; que pour autant, il n'apparaît pas que Me Z... et Me Y... aient pu être ni l'un ni l'autre de mauvais foi, leur relation de travail ayant plutôt répondu à des circonstances dont elle a suivi le fil, chacune des parties trouvant plus ou moins son intérêt personnel dans le service qu'elle pouvait rendre à l'autre ; que cela dit, suivant la jurisprudence, nonobstant la volonté des parties et la dénomination conférée à leur relation de travail, sa requalification au contrat de travail doit s'apprécier exclusivement en considération des éléments de fait qui la caractérisent de manière objective ; que parmi ces éléments, l'existence d'une clientèle personnelle doit ainsi conduire à écarter cette requalification suivant le principe posé par l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et ce, hormis le cas où la clientèle en question présente un caractère dérisoire et où cette situation n'est pas due au fait du demandeur mais à des conditions d'exercice de sa profession ne lui permettant pas de développer effectivement une clientèle personnelle (Cass. Civ. 1ère, 14 mai 2009) ; qu'il incombe incontestablement à Me Z..., demandeur à la requalification, d'établir qu'il n'a bénéficié pendant cette période de travail au sein du cabinet de Me Y... d'aucune clientèle personnelle autre que dérisoire et que cette situation serait imputable à des conditions de travail incompatibles avec le développement d'une clientèle personnelle ; que, sur ce point, il s'est abstenu de communiquer le moindre élément probant, à commencer par sa comptabilité afférente à sa période de travail au sein du cabinet de Me Y... ; qu'il ne démontre pas mieux qu'il aurait été matériellement dans l'impossibilité de développer une clientèle personnelle ; que contrairement à la situation jugée par Monsieur le bâtonnier de Bordeaux dans sa décision du 1er juillet 2009 (Becam / SELAFA Taj), il n'a jamais été tenu de rendre des comptes à Me Y... vis-à -vis d'une telle clientèle ; qu'il n'établit pas davantage, ni même n'offre d'établir l'existence d'initiatives qu'il aurait prises pour développer sa clientèle et qui auraient été rendues vaines en raison de sa charge de travail auprès de Me Y... ; qu'enfin, il fait état dans ses écritures de ce qu'il a été matériellement en mesure de traiter d'importants dossiers pour le compte de Me Y..., ce dont on peut déduire qu'il disposait de conditions matérielles de travail appropriées, qui ne pouvaient pas l'être moins pour le traitement de sa clientèle personnelle ; qu'en considération de ce premier élément, la requalification de sa relation libérale en contrat salarié sollicitée par Me Z... ne paraît donc pas justifiée ; que par ailleurs, l'article L. 8221-6 du code du travail prévoit une présomption légale de non-salariat s'appliquant à tout travailleur indépendant inscrit auprès de l'URSSAF, ce qui a été le cas de Me Z... ; que l'article L. 8221-6 II dispose cependant que « L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci » ; mais que s'il est vrai que des lieux et moyens matériels d'exercice professionnel sont susceptibles de caractériser l'existence d'un tel lien de subordination, encore faut-il qu'ils n'offrent aux travailleurs aucune possibilité de s'isoler personnellement ni aucune liberté d'action ; que tel peut être le cas lorsque deux avocats sont contraints de partager un même bureau au sens où ils y travaillent concomitamment sans possibilité de recevoir un client en respectant la confidentialité de l'entretien ; qu'en revanche, l'utilisation par plusieurs avocats de bureaux mis à leur disposition en fonction de leurs disponibilités ne constitue pas un indice pertinent de l'existence d'un lien de subordination ; que quant aux caractéristiques de périodicité et de fixité des montants réglés à Me Z... par Me Y... au titre de « rétrocession d'honoraires », elles ne sauraient davantage être regardées comme un indice péremptoire de l'existence d'un contrat de travail, dès lors qu'il s'agit là d'éléments qui se retrouvent habituellement dans le contrat de collaboration libérale dont il convient de remarquer que Me Z... ne revendique pas la qualification dans le cadre de son action ; qu'enfin, Me Z... n'établit pas mieux l'absence d'indépendance vis-à -vis de Me Y... dans le cadre de son exercice professionnel ; qu'il ne justifie pas qu'il aurait été contraint à des horaires de travail ou à une durée hebdomadaire de travail ; que s'il fait état d'une importante charge de travail, il n'en prouve d'aucune manière la réalité ; qu'il n'est produit aux débats aucun planning de travail qui aurait été imposé par Me Y... ; que le droit de regard exercé par celui-ci sur les dossiers dont il confiait le traitement à Me Z... ne constitue pas encore un indice pertinent de l'existence d'un lien de subordination ; qu'au demeurant, il a été ci-dessus relevé que Me Z... a lui-même indiqué qu'il avait lui-même traité d'importants dossiers pour le compte de Me Y... en développant personnellement des argumentations qui, selon ce qu'il rapporte, se seraient révélées plus efficaces que celles développées par Me Y... dans le cadre d'autres dossiers de même nature, ce qui suffit à établir qu'il jouissait d'une réelle indépendance autant matérielle qu'intellectuelle ; qu'en conséquence de ce second chef, Me Z... ne justifie pas du bien-fondé de la requalification qu'il revendique ; qu'il sera donc débouté de son action et de l'ensemble des demandes qu'il a exposées (décision du bâtonnier de l'Ordre des avocats d'Angers, pp. 11-14),
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE la qualification d'honoraires donnée à la rémunération n'est pas en soi de nature à exclure l'existence d'une relation salariée ; que la perception d'une rémunération mensuelle fixe, ajoutée à la circonstance particulière, expressément invoquée par monsieur Z... dans ses conclusions d'appel (spécialement p. 33, § 2 et suivants), de l'absence de tout contrat de collaboration libérale entre les intéressés prévoyant une rétrocession mensuelle, induit une présomption en faveur d'une relation de travail salarié ; qu'en retenant le contraire, sans procéder aux recherches qui lui étaient demandées sur la question de l'existence entre les intéressés d'une simple convention d'occupation précaire de locaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à relever, pour en déduire l'absence d'une relation de travail salariée, que le travail confié par monsieur Y... ne mobilisait pas tout le temps et la force de travail de monsieur Z... (arrêt, p. 12, pénult. §), sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions d'appel de M. Z..., pp. 51-52), s'il n'était pas loisible à ce dernier d'accomplir, en sus d'un travail salarié à plein temps pour le compte de monsieur Y..., des travaux pour son compte personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8261-1 à L. 8261-3 du code du travail ;
3°) ALORS, DE PLUS, QUE la possibilité pour un avocat, à la supposer avérée, de développer eu égard aux moyens mis à sa disposition une clientèle personnelle n'est pas en soi indicative de l'absence de relation salariée avec l'avocat dont il traite les dossiers ; qu'en retenant, pour écarter l'existence de tout salariat entre messieurs Y... et Z..., que les moyens mis à la disposition de ce dernier lui auraient permis de constituer sa propre clientèle, la cour d'appel a statué par motifs inopérants et méconnu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 8261-1 à L. 8261-3 du code du travail ;
4°) ALORS, DE SURCROIT, QUE l'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet ; qu'il incombe à l'employeur qui entend contester cette présomption d'établir, d'une part, que le contrat s'exécutait à temps partiel, d'autre part, que le salarié disposait d'une prévisibilité suffisante quant au rythme de travail et n'était pas tenu de rester constamment à sa disposition ; qu'en faisant peser sur monsieur Z... la charge d'établir l'existence d'une relation de travail à temps complet, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 3123-14 du code du travail ;
5°) ALORS ENFIN QUE tant l'avocat collaborateur libéral que l'avocat salarié indiquent, dans l'exercice de leurs activités professionnelles en ces qualités respectives, outre leur propre nom, celui de l'avocat pour le compte de qui ils agissent ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée (conclusions de monsieur Z..., pp. 34-37) si monsieur Y... n'exerçait pas, en mentionnant seul son propre nom sur les documents préparés par monsieur Z..., un contrôle plaçant ce dernier dans un lien de subordination complet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132 et 136 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.