LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Philippe X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2011, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 8221-1, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 3171-4 du code du travail, de l'article préliminaire, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X..., en sa qualité de gérant, coupable de travail dissimulé, l'a condamné en répression à trois mois d'emprisonnement avec sursis, à 10 000 euros d'amende et à la publication de la décision et l'a condamné à payer aux parties civiles la somme de 500 euros au titre de leur préjudice moral ;
"aux motifs qu'il est reproché au prévenu de ne pas faire figurer sur les bulletins de salaire des boulangers et pâtissiers employés par la société d'exploitation le Pain Landais, notamment MM. Y... et Z..., les heures supplémentaires effectuées ; qu'il ressort des données de l'enquête de gendarmerie, notamment des auditions quasi unanimes du personnel des différents sites de production ou de vente que le temps de travail été largement supérieur à celui figurant sur les bulletins de paie : sur ce document figurait un temps de travail fixe, 151,67 heures, et un nombre constant, en saison estivale et hors saison, d'heures supplémentaires, 17,33 à 10 %, à l'évidence pour demeurer dans les normes fixées par la convention collective ; que le surplus des heures supplémentaires était rémunéré sous forme de primes, dénoncent les plaignants ; que de fait, sous diverses dénominations, figurent chaque mois des primes variables, parfois importantes : « prime exceptionnelle 250 euros », «1/2 prime annuelle 300,500 ou 587 euros x prime 250 euros » sur les bulletins produits par M. Y..., « prime 150 ou 250 euros », « prime 250 + 1/2 primes annuelle 400 euros » sur certains seulement des bulletins de M. Z... ; que le prévenu a reconnu, lors de son audition, dans la deuxième phase de l'enquête, à des service de police, que les ouvriers boulangers et pâtissiers travaillaient plus de 60 heures par semaine, amenés à faire beaucoup d'heures en raison de problèmes de recrutement qu'il rencontrait ; qu'ils effectuaient déjà des horaires similaires avant mon arrivée et étaient consentants pour le faire ; qu'en contrepartie des heures effectuées, ils touchaient des primes ; que l'infraction dénoncée est ainsi reconnue ; que matériellement et juridiquement, le nombre d'heures figurant sur le bulletin de paye est notablement inférieur aux heures travaillées : le régime de ces heures supplémentaires à leur rémunération sous forme de primes constitue bien une fraude ; que le prévenu ne saurait s'abriter derrière les errements passés du précédent employeur, dont il a repris les contrats de travail, trois ans auparavant ; que ni le fait de son personnel, alors qu'aucun des documents, aucune des mesures propres à déterminer et de contrôler le temps de travail n'avait été établies ou prises ; ni sa propre négligence, dès lors qu'il est le chef d'entreprise, et surtout qu'il prétend que cette question de rémunération sous cette forme était discutée depuis la reprise du fonds ; que c'est donc à bon droit que le tribunal l'a déclaré coupable de cette infraction ;
"1°) alors que la caractérisation de l'élément matériel du délit de travail dissimulé impose que soit rapportée la preuve de la mention sur le bulletin de paie du salarié d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que conformément au principe de la présomption d'innocence, cette preuve, qui incombe à l'accusation, ne saurait être rapportée par les seules déclarations de salariés non corroborées par le moindre élément extérieur ; qu'en retenant que le nombre d'heures figurant sur le bulletin de paie était notablement inférieur aux heures travaillées et que ces heures avaient été rémunérées frauduleusement sous la forme de primes sur la base des seules déclarations tardives de salariés qui n'avaient jamais contesté auprès de leur employeur le décompte de leurs heures supplémentaires, et alors qu'aucun élément extérieur ne venait établir un quelconque lien entre la réalisation d'heures supplémentaires et les primes régulièrement versées aux salariés en vertu d'une pratique antérieure à l'entrée en fonction du demandeur, la cour a violé le principe de la présomption d'innocence et les textes susvisés ;
"2°) alors que la matérialité d'une infraction ne saurait être irréfragablement présumée ; que l'exposant a fait valoir devant la cour qu'une procédure interne chargeait le chef d'atelier de procéder au décompte des heures supplémentaires réalisées par les salariés et que l'exposant était dès lors tributaire, à raison de son absence de l'entreprise sur les horaires de nuit, du décompte effectué par le chef d'atelier qui, s'il avait été incomplet, aurait nécessairement dû donner lieu à des contestations de la part des salariés bien avant le contrôle de l'inspection du travail ; qu'en retenant, au titre de l'élément matériel du délit, l'existence d'heures supplémentaires non mentionnées au bulletin de paie sans prendre en considération ces éléments qui privaient pourtant de toute crédibilité les déclarations des salariés, la cour a privé M. X... de tout moyen de se défendre et a consacré à sa charge une présomption irréfragable de matérialité, contraire au principe de la présomption d'innocence ;
"3°) alors que le délit de travail dissimulé est une infraction intentionnelle ; qu'en déduisant l'élément moral du délit de travail dissimulé de la seule mention par l'employeur sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures inférieur aux heures travaillées sans aucun égard pour l'état d'ignorance légitime dans lequel se trouvait le demandeur de la réalisation par les salariés d'heures supplémentaires non décomptées par le chef d'atelier et non réclamées par les salariés eux-mêmes, la cour n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit et, en réprimant au pire une négligence de l'employeur, a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ;
"4°) alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de savoir quel comportement engage sa responsabilité pénale ; que la divergence d'interprétation jurisprudentielle de l'article L.8221-5 du code du travail concernant l'élément intentionnel du travail dissimulé entre les juridictions civiles et les juridictions répressives méconnaît le principe de légalité des délits et des peines qui impose une formulation claire et précise des comportements incriminés, permettant ainsi une prévisibilité des actes susceptibles d'être pénalement sanctionnés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et ne méconnaissant pas les dispositions légales et conventionnelles invoquées, ont caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé retenu à la charge du prévenu ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à M. Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Beauvais conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;