LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Jacques Simon X...,
- M. Yvan Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 16 mars 2012, qui les a condamnés à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, le premier, pour banqueroute, le second, pour complicité de banqueroute, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de M. Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II - Sur le pourvoi de M. Simon X... :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 654-2, 2°, du code de commerce, 1583 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement déféré et déclaré M. Simon X... coupable de banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif ;
"aux motifs qu'il convient de rappeler que les deux prévenus sont en substance poursuivis pour avoir, courant 2004, en qualité de dirigeants de sociétés commerciales, détourné une partie de l'actif de la société Comevard en déconfiture, comme la cession de matériel en laissant à la SA précitée la charge des remboursements d'emprunts y afférent, pour M. Simon X..., et comme complice de la cession d'actifs corporels sans contrepartie par le biais d'un contrat de sous-traitance et la cession à vil prix de stock pour M. Y... ; que M. Simon X... fait développer par son Conseil des écritures tendant à l'infirmation du jugement déféré et à sa relaxe ;
- qu'il invoque en substance le fait que, selon lui, les stocks de broyats ne constituaient pas une valeur d'actif, mais bien évidemment un passif ; d'autant plus que ces stocks se trouvaient sur des terrains n'ayant pas les autorisations nécessaires pour les recevoir ; qu'en second lieu, il invoque l'absence d'intervention frauduleuse dans la mesure où les conventions passées étaient annoncées dans le plan de continuation ; que M. Y... fait développer pour sa part par son Conseil des conclusions déposées le 8 décembre 2011 par lesquelles il demande à la cour sa relaxe au motif qu'il n'existe aucun élément démontrant une quelconque assistance tirée de la révocation de M. Z... ou d'une convention de cession passée au profit de la société Terra Valor, cette cession ayant pour objet de soulager la société Comevard de charges incontestables ; qu'il est constant que, le 18 mars 2004, les deux prévenus ont crée la société Terra Valor, M. X... était dirigeant de la société Comevard, dont M. Y... était consultant ; que M. Y... était gérant associé de la société Natura 06 GMBH ; qu'il est encore constant qu'au vu des éléments recueillis au cours de la procédure que la société Comevard se trouvait alors en grave difficulté et qu'elle a vu disparaître de son actif du matériel lourd acquis au moyen d'emprunts dont les remboursements restaient à sa charge ; que ce matériel acquis à crédit a été mis à la disposition de la société Terra Valor nouvellement créée par les deux prévenus, avec le même objet social, soit la valorisation de déchets végétaux en vue de réaliser du compost destiné aux terres agricoles ; que M. Simon X... n'invoque à propos de cette cession de matériel au mieux qu'un paiement partiel ; qu'aucune preuve de la libération totale du prix de ce matériel lourd n'a été apporté par les deux prévenus au dossier de la procédure, ni davantage pendant les deux audiences pénales ; qu'en second lieu, les deux prévenus ont organisé efficacement le transfert de l'activité commerciale de la société Comevard en déconfiture au profit de la société Terra Valor, par le biais de deux sociétés de droit allemand, et surtout par le moyen de deux conventions constituant un contrat de sous-traitance entre les deux sociétés précitées d'une durée de cinq ans et portant notamment l'achat à 0,15 euros la tonne des excédents végétaux détenus par la société Comevard ; qu'il n'est pas inutile de relever, ainsi que l'a fait le premier juge, que ces conventions n'ont obtenu aucune approbation du conseil de surveillance, aucun quorum indispensable n'étant d'ailleurs réuni au vu des listes de présence lors du conseil du 15 juillet 2004 ; que ces comportements frauduleux et délibérés des deux prévenus agissant en plein accord ont entraîné la chute très importante du chiffre d'affaires de la société Comevard, déjà en difficulté certaine, tout en permettant un spectaculaire démarrage de la société Terra Valor ; que ces comportements ne peuvent trouver de justification dans la concurrence exercée de façon importante par la société Véolia, où l'urgence invoquée par M. Simon X... au cours de ses auditions ; qu'il résulte des éléments objectifs de la procédure que la société Comevard, en déconfiture, a été délibérément asphyxiée au profit de la société Terra Valor nouvellement créée à cette fin par les deux prévenus, en toute connaissance de cause, par le biais de sociétés de droit allemand ; qu'il est évident qu'il n'existe aucune contrepartie vérifiable aux charges laissées au passif de la SA Comevard par suite du transfert à la société Terra Valor d'éléments de son actif (matériel, stock), la société Comevard supportant même la charge du remboursement des emprunts contractés pour l'achat du matériel lourd qui lui a été soustrait sans contrepartie financière ; qu'enfin, aucun élément objectif n'est apporté au dossier de la procédure par les prévenus, en particulier par M. Y..., en ce qui concerne la non-valeur constituée selon eux par les stocks de broyats végétaux cédés sur leur décision à vil prix à la société Terra Valor, alors cependant qu'ils figuraient comme des actifs importants dans la comptabilité de la société Comevard et qu'ils ont fait l'objet d'une convention de cession mentionnant un prix à la tonne, sans accord du conseil de surveillance ; que, dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a retenu M. Simon X... et M. Y... dans les liens de leur prévention respective, les infractions étant parfaitement constituées dans leurs éléments matériel et intentionnel ;
"1) alors que la vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on est convenu de la chose et du prix ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever qu'aucune preuve de la libération totale du prix du matériel n'a été invoqué, sans répondre au moyen péremptoire de défense présenté par le prévenu qui faisait valoir que la vente du matériel prétendument détourné était parfaite avant le prononcé du redressement judiciaire, condition préalable du délit, puisqu'un accord était convenu sur la chose et le prix, circonstance exclusive de toute banqueroute ;
"2) alors que, pour entrer en voie de condamnation du chef de banqueroute par détournement d'actif, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense faisant valoir que les broyats prétendument détournés au profit de la société Terra Valor avaient une valeur négative, circonstance exclusive de tout détournement ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de banqueroute par détournement d'actifs dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. Simon X... devra payer à M. A..., ès qualités de liquidateur de la société Bennes Guillaume, partie civile ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Couffrant ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;