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20/06/2013 | FRANCE | N°12-19816

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 juin 2013, 12-19816


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 avril 2012), que Jeanine X..., salariée de 1942 à 1982 de la société Rhône Poulenc chimie de base, aux droits de laquelle vient la société Rhodia chimie (la société), a établi une déclaration de maladie professionnelle le 30 septembre 2008, accompagnée d'un certificat médical faisant état d'un mésothéliome pleural ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la cai

sse) a pris en charge cette maladie au titre de la législation professi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 avril 2012), que Jeanine X..., salariée de 1942 à 1982 de la société Rhône Poulenc chimie de base, aux droits de laquelle vient la société Rhodia chimie (la société), a établi une déclaration de maladie professionnelle le 30 septembre 2008, accompagnée d'un certificat médical faisant état d'un mésothéliome pleural ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la caisse) a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle puis le décès de Jeanine X..., survenu le 30 juillet 2009 ; que les ayants droit de la victime, M. Pierre X...et M. Guy X..., ce dernier agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils mineur, ont saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société et de réparation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la maladie professionnelle dont a été atteinte Mme X...était due à la faute inexcusable de la société, alors, selon le moyen, que le CRRMP, appelé à se prononcer sur un mésothéliome déclaré hors délai, a retenu que le lien de causalité entre cette maladie et le travail de l'intéressé résultait d'une « exposition à l'amiante qui n'avait été possible que pendant une partie de la carrière » de l'intéressée, lorsqu'elle était « laborantine » ; qu'il n'appartenait pas aux juridictions de la sécurité sociale liées par cet avis qui limitait l'exposition au risque à une période (de 1942 à 1950) où l'entreprise ne pouvait avoir conscience du danger en l'état des seules données médicales et scientifiques de l'époque, de passer outre et de faire jouer une présomption tirée d'une soi-disant exposition environnementale due à la présence des installations de chauffage dans tous les locaux de l'établissement, pour affirmer que Mme X...aurait été de ce fait exposée « tout au long de sa carrière » et que la société Rhodia aurait, alors, été suffisamment informée par les publications et les textes réglementaires parus jusqu'en 1998 ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a violé les articles L. 461-1, alinéas 3 et 5 et, par fausse application, l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient que Jeanine X..., chargée à l'atelier acétol d'effectuer des analyses d'acétone, benzine et acétate d'éthyle, utilisait des matériels contenant de l'amiante ; que deux salariés ayant travaillé au laboratoire avec elle jusqu'en 1950 attestent que les isolations étaient faites par des cordons ou cartons d'amiante, qu'ils employaient de la poudre d'amiante avec du collodion acétonique pour isoler les bouchons de liège, sans protection, que toutes les conduites de vapeur étaient isolées avec de l'amiante, ainsi que les étuves et que l'utilisation de l'amiante était habituelle et sans aucune protection ; qu'elle a ensuite travaillé à l'atelier rhodialite de 1950 à 1962, puis à la saccharine, à la couture et à la bricole et enfin, à compter du 1er janvier 1966, au service administratif ; qu'il est certifié par un délégué du personnel que les vestiaires, ateliers, laboratoires et bureaux étaient chauffés à la vapeur et que les arrivées de vapeur étaient isolées avec des cordons d'amiante et l'air ambiant chargé de particules du fait du délitement de l'amiante sous l'effet de la chaleur ; qu'ainsi, depuis 1942 et tout au long de sa vie professionnelle, Jeanine X...a été exposée à l'amiante ; que, bien que n'utilisant pas directement l'amiante dans la fabrication de ses produits chimiques, la société ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait les risques liés à l'utilisation d'amiante comme isolant alors même que l'état des connaissances permettait, depuis de nombreuses années, aux entreprises de savoir qu'elles exposaient leurs salariés à des risques connus depuis le milieu du XXe siècle s'agissant des asbestoses ou des plaques pleurales, et depuis le début des années 70, avec certitude, s'agissant des cancers bronchiques ou des mésothéliomes ;
Qu'au vu de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, devant laquelle n'était pas débattu le caractère professionnel de la maladie, reconnu par la caisse en considération de l'avis du comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles ayant établi un lien de causalité entre la maladie et le travail habituel de la victime, a pu, au vu de l'ensemble des éléments de fait et de preuve dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, décider que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur était établie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire opposable à son égard la prise en charge de la maladie et du décès de Jeanine X...par la caisse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, que lorsqu'une maladie n'est pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; que selon l'article D. 461-30 du même code la caisse doit recueillir et transmettre au comité qui rend cet avis un dossier comprenant impérativement la demande motivée de reconnaissance de la maladie, le questionnaire rempli par le médecin de la victime, le rapport circonstancié de l'employeur et celui des services du contrôle médical, les éventuelles conclusions d'enquêtes de la caisse et l'avis motivé du médecin du travail ; qu'au cas présent, en déclarant la décision de prise en charge de la caisse opposable à l'employeur, sans rechercher si la caisse avait transmis l'avis motivé du médecin du travail au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ainsi qu'il lui était expressément demandé par la société Rhodia chimie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles L. 461-1 et D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles doit, sauf s'il justifie d'une raison légitime, prendre sa décision au vu de l'avis motivé du médecin du travail ; qu'au cas présent, en ne répondant pas au chef des conclusions déterminant de l'employeur qui faisait valoir que la décision du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionnait expressément qu'elle avait été prise sans consultation de l'avis du médecin du travail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; qu'il résulte des articles D. 461-29 et D. 461-30 du même code que la caisse saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail ; que le comité peut valablement exprimer l'avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément ;
Et attendu qu'ayant constaté que Jeanine X...avait cessé, en 1982, de travailler pour le compte de la société et établi une déclaration de maladie professionnelle en 2008, ce dont il résultait que la victime avait développé sa maladie plus de vingt cinq ans après avoir quitté la société et qu'il était matériellement impossible d'obtenir l'avis du médecin du travail, la cour d'appel, n'ayant pas à procéder à des recherches ni à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Rhodia chimie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Rhodia chimie ; la condamne à payer la somme de 1 500 euros aux consorts X...et la somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille treize

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Rhodia chimie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle dont avait été atteinte Madame X...était due à la faute inexcusable de la société RHONE POULENC CHIMIE DE BASE, aux droits de laquelle vient la société RHODIA CHIMIE, et d'AVOIR fixé le préjudice personnel de Madame X...à la somme de 113. 000 €, celui de ses enfants à 10. 000 € chacun et celui de son petit-fils à 8. 000 € ;
AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE « que l'employeur est tenu à l'égard des salariés, quelle que soit la fonction, du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, à une obligation de sécurité et de résultat laquelle trouve sa source dans le contrat de travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, dès lors que l'employeur avait conscience du danger auquel était exposé le travailleur et n'avait pas pris les mesures nécessaires à la prévention du risque encouru ; qu'en l'espèce que Mme Jeannine X...-victime à 82 ans d'un mésothéliome pleural-s'est vue reconnaître le 27/ 05/ 2009 par la CPAM, l'origine professionnelle de sa maladie ; qu'il est établi que Mme Jeannine • X...a été employée par la société Rhône-Poulenc Chimie de Base du 19/ 10/ 1942 au 31/ 12/ 1982 en qualité, successivement, d'ouvrière, d'employée sur machine simple, d'employée aux écritures et agent administratif ; Qu'elle a ainsi travaillé au sein du laboratoire de l'atelier Acétol, traitant l'acétate de cellulose, de 1942 à 1950 ou elle a effectué des analyses de laboratoire ; qu'elle utilisait des chauffe-ballons et des colonnes à distiller dont l'isolation était assurée avec de l'amiante » ; Que, dans le laboratoire ou elle oeuvrait les conduits de vapeur étaient calorifugés et les salariés utilisaient de façon habituelle des plaques et cordons d'amiante afin de réaliser ; Que les laborantins réalisaient l'étanchéité des bouchons de liège qu'ils utilisaient lors des expériences chimiques, en mélangeant du collodion cétonique avec de l'amiante en poudre ; que, comme le confirment les attestations de ses collègues de travail, elle n'a bénéficié d'aucune mesure de protection individuelle ou collective et n'a jamais été informée des risques qu'elle encourait :- M. Francis Z...: « Je reconnais avoir travaillé avec Madame J X...de 1942 à 1950- Au laboratoire toutes les isolations thermiques étaient par cordons d'amiante OU carton d'amiante-nous employions de la poudre d'amiante avec du collodion acétonique pour isoler les bouchons de liège (de mauvaise qualité). Tous ces travaux se déroulaient sans protection, dans l'ignorance des dangers à l'époque » ;- M. Jean A...: « j'ai travaillé avec Mme X...de fin 1947 à 1950 inclus au laboratoire Grass (acétol) – à cette époque au laboratoire toutes les conduites de vapeur étaient isolée. Même isolation pour les étuves. L'utilisation de l'amiante-plaques, cordons-était alors habituelle. 11 n'y avait aucune protection particulière (masque) et aucune conscience du danger d'utiliser cette matière-et aucune information a ce sujet » ;- M. Pierre B...« j'ai été délégué du personnel à partir de 1970 et délégué du comité d'établissement et du comité central d'entreprise jusqu'en 2000- … J'ai circulé dans toute l'usine, en conséquence, je certifie que les vestiaires et ateliers été chauffé a la vapeur avec des aérothermes et des radiateurs tubulaires à ailettes, les arrivées de vapeur peintes en blanc sur ces chauffages étaient isolées avec des cordons d'amiante et l'air ambiant été chargé en particules du fait du délitement de l'amiante sous l'effet de la chaleur. Dans les laboratoires et les bureaux, ce type de chauffage était identique... » ; que tout d'abord, que l'employeur est tenu depuis la loi du 12 juin 1893, relative à l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, prise en son article 2 de (I 4221- I du code du travail) à l'obligation de tenir son établissement dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel ; qu'ensuite, l'employeur, qui utilisait ce produit ne pouvait en ignorer la dangerosité, alors que les risques liés à l'amiante étaient connus depuis de nombreuses années et ont donné lieu :- à des communications scientifiques multiples :. les premiers cas de fibroses pulmonaires chez les sujets exposés à l'amiante ont été décrits pour la première fois en 1906 par Denis C..., Inspecteur du travail, l'existence d'une relation entre le risque de cancer du poumon et une exposition professionnelle à l'amiante, suggérée dès 1935 par le rapport de F..., a été confirmée en 1953 par l'étude de DOLL, dès 1930, en France, des scientifiques français ont publié plusieurs pages de recommandations précises en direction des industriels utilisateurs d'amiante sur les mesures à prendre afin de supprimer les poussières, lors du congrès international de Caen en 1964, organisé par la chambre syndicale de l'amiante, le professeur D...a précisé qu'à cette époque déjà plus de 70 pays indemnisaient l'asbestose comme maladie professionnelle et certains pays tels que l'Allemagne et le Royaume-Uni prenaient en charge les cancers bronchopulmonaires, le rapport du professeur (3. 071'remis le 15/ 07/ 1998 indique : « dès le début du siècle et les premiers développements de l'usage industriel de l'amiante, le risque d'asbestose a été identifié (en France par AURIBAULT en 1906)... Les moyens de préventions qui sont relativement simples ont été constamment sous-développées depuis Lutter contre l'empoussièrement a un coût mais c'est techniquement réalisable avec des méthodes qui étaient disponibles il y a 50 ans, au moment où de nombreuses victimes actuelles de l'amiante débutaient leur exposition à des niveaux d'empoussièrement dangereux … le risque rie développer un cancer en particulier pleural, est bien identifié depuis une quarantaine d'années … En France les écrits de TURIAF (1965) n'ont pas été des textes à diffusion réduites … ». les conclusions du B T en 1973.- à une réglementation plus stricte en matière d'hygiène et de sécurité : les articles 6a et 6b du décret du 06/ 03/ 1961, relatifs aux questions d'assainissement de l'atmosphère du lieu de travail à la mise cri place de ventilation efficace et le cas échéant d'appareils de protection individuelle appropriée, le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à L'action des poussières d'amiante,- au classement des maladies provoquées par l'inhalation de poussières d'amiante notamment, au rang des maladies professionnelles (ordonnance et décrets de 1945 et 1950 créant les tableaux n° 25 et 30) ; qu'enfin, que l'employeur, n'a pris aucune mesure de protection à l'égard de ses salariés et en particulier de Mme Jeannine X..., susceptible de la protéger et de lui garantir sa sécurité ; Qu'il s'ensuit que le Tribunal dispose de tous les éléments utiles pour retenir à l'encontre de la société Rhône-Poulenc Chimie de base, une faute inexcusable au sens de l'article L 452-2 du Code de la Sécurité Sociale engageant son entière responsabilité » ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir connaissance du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures pour l'en préserver ; que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le Tribunal a retenu l'existence d'une faute inexcusable, au vu des conditions dans lesquelles la salariée a travaillé tout au long de sa carrière, sans protection particulière, et des connaissances scientifiques et médicales sur les dangers de l'amiante que l'employeur ne pouvait ignorer, même si elles ont évolué dans le temps ; qu'il ressort en effet de l'enquête menée par la Caisse :- que Jeanine X..., chargée à l'atelier acétol (acétate de cellulose) d'effectuer des analyses acétone, benzine, acétate d'éthyle, suite aux prélèvements apportés directement à son poste, utilisait des matériels contenant de l'amiante, comme les chauffe-ballons ou certaines colonnes à distiller qu'il était nécessaire d'isoler ;- que deux salariés ayant travaillé au laboratoire avec elle jusqu'en 1950 attestent que les isolations thermiques étaient faites par des cordons ou carton d'amiante, qu'ils employaient de la poudre d'amiante avec du collodion acétonique pour isoler les bouchons de liège, sans protection, que toutes les conduites de vapeur étaient isolées avec de l'amiante, ainsi que les étuves, et que l'utilisation de l'amiante — plaques, cordons — était habituelle et sans aucune protection ;- qu'elle a ensuite travaillé à l'atelier rhodialite de 1950 à 1962, puis à la saccharine, à la couture et à la bricole et enfin à compter du 1er janvier 1966, au service administratif ; que Pierre B..., délégué du personnel depuis 1970, certifie que les vestiaires, ateliers, laboratoires et bureaux étaient-chauffés à la vapeur et que les arrivées de vapeur étaient isolées avec des cordons d'amiante et l'air ambiant chargé de particules du fait du délitement de l'amiante sous l'effet de la chaleur ; qu'ainsi depuis 1942 et tout au long de sa vie professionnelle, Jeanine X...a été exposée à l'amiante ; que bien que n'utilisant pas directement l'amiante dans la fabrication de ses produits chimiques, la société ne peut sérieusement soutenir qu'elle ignorait les risques liés à l'utilisation d'amiante comme isolant dans des opérations de production de produits chimiques, alors même que, comme l'a rappelé le Tribunal, l'état des connaissances permettait, depuis de nombreuses années, aux entreprises de savoir qu'elles exposaient leurs salariés à des risques connus depuis le milieu du XXème siècle s'agissant des asbestoses ou des plaques pleurales, et depuis le début des années 70, avec certitude, s'agissant des cancers bronchiques ou des mésothéliornes ; que d'ailleurs la société n'ignorait pas les dangers puisqu'elle précise avoir donné, à partir de 1977, des consignes de sécurité-pour " éviter le plus possible les émissions de poussière " d'amiante sur le site de Roussillon et avoir mené, dès 1980, des recherches sur les produits de substitution » ;
ALORS QUE le CRRMP, appelé à se prononcer sur un mésothéliome déclaré hors délai, a retenu que le lien de causalité entre cette maladie et le travail de l'intéressé résultait d'une « exposition à l'amiante qui n'avait été possible que pendant une partie de la carrière » de l'intéressée, lorsqu'elle était « laborantine » ; qu'il n'appartenait pas aux juridictions de la Sécurité Sociale liées par cet avis qui limitait l'exposition au risque à une période (de 1942 à 1950) où l'entreprise ne pouvait avoir conscience du danger en l'état des seules données médicales et scientifiques de l'époque, de passer outre et de faire jouer une présomption tirée d'une soi-disant exposition environnementale due à la présence des installations de chauffage dans tous les locaux de l'établissement, pour affirmer que Madame X...aurait été de ce fait exposée « tout au long de sa carrière » et que la société RHODIA aurait, alors, été suffisamment informée par les publications et les textes réglementaires parus jusqu'en 1998 ; qu'en statuant de la sorte la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1 alinéas 3 et 5 et, par fausse application, l'article L. 461-2 du Code de la Sécurité Sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir dit la prise en charge de la maladie et du décès de Madame X...par la CPAM de l'ISERE opposable à la SOCIETE RHODIA CHIMIE ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'opposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie à l'employeur : La CPAM produit l'ensemble des courriers qu'elle a adressés à la société Rhône Poulenc Chimie à Roussillon :- le 1er octobre 2008 pour l'informer de la transmission de la déclaration de l'assurée, et lui transmettre la copie de la déclaration et du certificat médical initial, accompagné d'une demande de rapport sur les conditions et l'environnement de travail de la salariée,- le 26 décembre 2008 pour l'informer du recours au délai complémentaire d'instruction,- le 16 janvier 2009 pour l'aviser de la transmission du dossier au CRRMP de Lyon,- le 13 mai 2009 pour l'informer de la clôture de l'instruction et l'inviter à venir consulter le dossier, ce dernier courrier étant produit en original ; que la société Rhodia Chimie, qui intervient aux droits de la société Rhône Poulenc Chimie et qui a mandaté un de ses préposés, en la personne de Carole E..., pour répondre à l'enquêteur de la caisse, n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été régulièrement informée, étant observé qu'aucun des courriers n'a été retourné à la caisse et qu'ils ont donc été bien réceptionnés ; que par ailleurs l'employeur n'est pas fondé à invoquer le dépassement des délais d'instruction, dont seul l'assuré peut se prévaloir ; qu'enfin, en vertu de l'article R 461-9 du code de la sécurité sociale alors en vigueur, les délais prévus au troisième alinéa de l'article R 441-10 ne s'appliquaient pas ; que la décision de la caisse doit donc être déclarée opposable à l'employeur et le jugement infirmé en ce sens ; que l'équité commande d'allouer aux appelants la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, que lorsqu'une maladie n'est pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; que selon l'article D. 461-30 du même code la Caisse doit recueillir et transmettre au comité qui rend cet avis un dossier comprenant impérativement la demande motivée de reconnaissance de la maladie, le questionnaire rempli par le médecin de la victime, le rapport circonstancié de l'employeur et celui des services du contrôle médical, les éventuelles conclusions d'enquêtes de la CPAM et l'avis motivé du médecin du travail ; qu'au cas présent, en déclarant la décision de prise en charge de la Caisse opposable à l'employeur, sans rechercher si la Caisse avait transmis l'avis motivé du médecin du travail au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ainsi qu'il lui était expressément demandé par la société RHODIA CHIMIE, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de la combinaison des articles L. 461-1 et D. 461-29 et D. 461-30 du Code de la sécurité sociale que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles doit, sauf s'il justifie d'une raison légitime, prendre sa décision au vu de l'avis motivé du médecin du travail ; qu'au cas présent, en ne répondant pas au chef des conclusions déterminant de l'employeur qui faisait valoir que la décision du Comité Régional de Reconnaissance des maladies professionnelles mentionnait expressément qu'elle avait été prise sans consultation de l'avis du médecin du travail, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 12-19816
Date de la décision : 20/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles - Dispositions générales - Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles - Avis - Dossier constituté par la caisse primaire - Contenu du dossier - Avis motivé du médecin du travail - Exception - Impossibilité matérielle - Caractérisation

S'il résulte de la combinaison des articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale, que, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, saisi après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier, parmi lesquels figure un avis motivé du médecin du travail, le comité peut, néanmoins, valablement exprimer son avis en cas d'impossibilité matérielle d'obtenir cet élément, laquelle est caractérisée par le constat de l'écoulement d'une durée de plus de 25 ans entre la date à laquelle le salarié a développé sa maladie et celle à laquelle il a quitté son employeur


Références :

articles L. 461-1, D. 461-29 et D. 461-30 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 05 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 jui. 2013, pourvoi n°12-19816, Bull. civ. 2013, II, n° 129
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, II, n° 129

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : Mme de Beaupuis
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19816
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