LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 621-1, alinéa 2, et L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le tribunal ne peut se prononcer sur l'extension d'une procédure collective qu'après avoir entendu ou dûment appelé l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, relève le débiteur visé par cette extension ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 21 avril 2009 et 9 juin 2009, la société JPA Midi-Pyrénées, ayant pour activités l'expertise-comptable et le commissariat aux comptes, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que le 30 août 2010, le liquidateur a demandé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société JPA Midi-Pyrénées à une filiale de celle-ci, la société JPA Bigorre, qui exerce la même activité ;
Attendu que pour déclarer régulière la procédure d'extension à la société JPA Bigorre de la liquidation judiciaire de la société JPA Midi-Pyrénées, l'arrêt retient que l'extension d'une procédure collective pour confusion de patrimoines ou fictivité de la personne morale n'obéissant pas aux conditions d'ouverture prévues par l'article L. 621-1 du code de commerce, le tribunal n'avait pas l'obligation de convoquer le président de l'ordre des experts-comptables et le président de la compagnie des commissaires aux comptes ou de recueillir leurs observations, ceux-ci, au demeurant, exerçant déjà les fonctions de contrôleurs dans la procédure collective ouverte contre la société JPA Midi-Pyrénées ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société JPA Bigorre
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception de nullité du jugement d'extension ;
Aux motifs que, « l'extension d'une procédure collective pour confusion des patrimoines ou fictivité de la personne morale, prévue par l'article L.621-2 du code de commerce, visant, en cas d'extension à une autre personne morale, à sanctionner un abus de la personnalité morale et qui est indépendante de l'état de cessation des paiements de la personne à laquelle la procédure collective est étendue, n'obéit pas aux conditions d'ouverture prévues par l'article L.621-1 du même code ; que, dès lors, le tribunal n'avait pas l'obligation de convoquer le président de l'ordre des experts comptables et le président de la compagnie des commissaires aux comptes ou de recueillir leurs observations ni de faire désigner un représentant du personne! de la personne morale assignée aux fins d'audition, avant de prendre sa décision ; que la désignation de l'ordre des experts comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes en qualité de contrôleurs ne s'imposait pas davantage dans le cadre de l'extension de la procédure collective, celle-ci aboutissant à une procédure unique et à une unicité des patrimoines des deux personnes morales, l'ordre des experts comptables et la compagnie des commissaires aux comptes exerçant déjà ces fonctions de contrôleurs dans la procédure collective ouverte contre la société JPA ; que l'exception de nullité du jugement ne peut donc prospérer » ;
Alors que le jugement d'extension pris en application de l'article L.621-2 du code de commerce a pour objet d'ouvrir la procédure collective d'une entreprise qui n'était pas visée par le jugement d'ouverture initial ; que ce jugement ne peut être rendu qu'à la suite d'une procédure conforme aux dispositions des articles L.621-1 et suivants, et R.621-1 et suivants du code de commerce ; que lorsque l'entreprise à laquelle la procédure doit être étendue exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal ne peut statuer qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont relève cette entreprise ; que l'arrêt attaqué a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de la société JPA Midi-Pyrénées à la société JPA Bigorre, qui exerce la profession réglementée d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, et relève ainsi de l'ordre des experts-comptables et de la compagnie des commissaires aux comptes ; qu'en jugeant toutefois qu'il était inutile d'entendre ces deux autorités préalablement à l'extension de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les articles L.621-2, L.621-1 et R.621-1, 10° du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir « prononcé » la confusion des patrimoines de la SA JPA Midi-Pyrénées et de la SARL JPA Bigorre et d'avoir étendu la liquidation judiciaire de la SA JPA Midi-Pyrénées à la SARL JPA Bigorre ;
Aux motifs qu', « il ressort du rapport d'expertise de M. Y... que pendant la période s'étendant du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2008, la société Bigorre s'est substituée à la société JPA dans l'encaissement des créances clients et le décaissement des dettes fournisseurs, des dettes fiscales et des dettes sociales ; que durant l'exercice clos au 30 juin 2008, l'expert (p 43 du rapport) constate ainsi une absence quasi totale de fonctionnement des comptes bancaires de la société JPA démontrant la mise en sommeil de cette société au profit de sa filiale ; que l'expert relève encore que l'utilisation quasi exclusive du compte courant et donc des comptes bancaires de la société Bigorre dans la gestion quotidienne de la trésorerie et de la tenue des comptes de la société JPA rend complexe, opaque et peu lisible la comptabilité de la société JPA ; que ce mode de fonctionnement ne s'inscrit pas dans le cadre de conventions de trésorerie ou d'accords conclus entre les deux sociétés puisque, d'une part, l'expert, qui avait réclamé ces pièces, n'en a pas été destinataire et n'en fait pas état, d'autre part, que ces conventions, pourtant invoquées par la société appelante dans ses conclusions, ne sont pas produites aux débats, n'ont pas été communiquées à la partie adverse ce dont il résulte que la société Bigorre ne justifie pas de leur existence ni de leur réalité ; qu'il ressort d'ailleurs du rapport spécial du commissaire aux comptes relatif à l'exercice clos le 30 juin 2007 que la société Bigorre a réalisé des opérations de trésorerie pour le compte de la société JPA s'élevant à la somme de 341.474 euros au titre des règlements effectués dans l'intérêt de la société JPA et à la somme de 87.214 euros au titre des encaissements ; que contrairement à ce que soutient la société JPA Bigorre, ce mode opératoire ne s'est pas effectué à son profit puisque l'expert relève que sur ta période considérée de 42 mois, les écritures comptables révèrent que la société Bigorre a réglé la somme de 1.311.495,84 euros pour le compte de la société JPA tandis qu'elle a encaissé la somme de 853.909,91 euros ce qui démontre que, sans contrepartie, la société Bigorre a payé 457.585,93 euros de plus que ce qu'elle a encaissé ; qu'au demeurant, l'imbrication des comptes entre les deux sociétés et la gestion de la trésorerie de la société JPA par la société Bigorre a pareillement été nuisible à la première puisque, contrairement aux affirmations de la société appelante, les avances de fonds dans l'intérêt de la société JPA et les encaissements par la société Bigorre des factures clients de la société JPA n'ont nullement contribué à la consolidation des fonds propres de la société JPA, les fonds propres de celle-ci étant négatifs à concurrence de la somme de 1.060.208 euros au 30 juin 2008 et le résultat net présentant une perte de 1.742.709 euros, soit75,4% de son chiffre d'affaires ; que l'expert relève que sur la même période la dette de la société JPA vis à vis de sa filiale s'est accrue de près de 650Keuros, observant que par le truchement d'une écriture comptable une somme de 370.000 euros a été portée du crédit du compte courant de M. Z..., dirigeant des deux sociétés, à celui de la société Bigorre de sorte que la société JPA se trouve redevable de la somme de 370 000 euros sans que le transfert de cette créance soit justifié ; qu'en page 81 de son rapport, l'expert rappelle qu'en ce qui concerne les prestations de sous-traitance effectuées par la société Bigorre pour le compte de la société JPA s'élevant à la somme globale de 282.854 euros, il n'est pas en, mesure de donner un avis, en l'absence de précisions sur le nombre d'heures, le nombre de jours facturés ou le taux horaire pratiqué sur le caractère justifié de ces factures et sur leur causalité ; que le montant des ces factures n'est toujours pas justifié à la date où la cour statue ; que l'accaparement, pendant 42 mois, par la société Bigorre de la gestion et de la trésorerie de la société JPA, au détriment de l'autonomie financière de celleci, qui a conduit à l'appauvrissement corrélatif des deux sociétés, en dehors de toute convention de trésorerie, l'imbrication des comptes qui en est résultée comme les facturations non justifiées opérées par la société Bigorre au détriment de la société JPA révèlent autant de relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines » ;
Alors que dans un groupe de sociétés, la gestion de la trésorerie par une filiale au profit de la société mère, et le soutien financier apporté à cette dernière ne suffisent pas à établir la confusion des patrimoines ; que pour juger que les patrimoines des sociétés JPA Midi-Pyrénées et JPA Bigorre étaient confondus, la cour d'appel a retenu que la société JPA Bigorre s'était substituée à la société JPA Midi-Pyrénées dans la gestion quotidienne de sa trésorerie, qu'elle en avait encaissé les créances et réglé les dettes, à son propre détriment, qu'il n'existait pas de convention écrite de trésorerie et que la comptabilité de la société JPA Midi-Pyrénées était peu lisible ; que la cour d'appel a également estimé que la dette de la société-mère à l'égard de sa filiale s'était accrue à la suite du soutien apporté par JPA Bigorre à JPA Midi-Pyrénées ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la confusion des patrimoines de deux sociétés dépendant du même groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.621-2 du code de commerce.