LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Limoges, 17 septembre 2012), que par lettre du 16 juillet 2010, M. X... a demandé à bénéficier, pour la détermination de ses droits à pension de retraite au titre de l'assurance vieillesse du régime général, de la majoration de la durée d'assurance pour l'éducation de ses quatre enfants nés respectivement en 1979, 1981, 1984 et 1989 ; que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Centre-Ouest lui ayant opposé un refus, il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors qu'un État contractant met en place une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, que l'octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations, cette législation engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'en raison de l'interdiction de toute discrimination prévue par l'article 14 de cette Convention, une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu'en présence d'une justification objective et raisonnable ; qu'en l'état des dispositions de l'article L. 351-4 nouveau du code de la sécurité sociale, qui prévoient que le bénéficiaire de la majoration de durée d'assurance est déterminé d'un commun accord entre les parents, une telle justification d'une différence de traitement entre hommes et femmes ne résulte pas des dispositions de l'article 65 IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, qui prévoient que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, le bénéfice de la majoration de durée d'assurance, qui est de droit pour la mère, ne peut être accordé au père que par exception, si celui-ci rapporte la preuve qu'il a élevé seul son ou ses enfants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention ;
2°/ qu'en se déterminant par la circonstance que les femmes dont les enfants sont nés avant 2010 ont nécessairement pris en compte, pour leur choix de carrière, l'existence de la majoration prévue par la législation sociale antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2009, pour en déduire que la différence de traitement prévue par l'article 65 de cette loi pour la période transitoire était justifiée par des considérations objectives et raisonnables et n'était donc pas contraire aux exigences de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, sans préciser l'origine de ces constatations de fait, notamment sans indiquer en quoi, dans le cadre de la législation antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, les mères, plus que les pères, auraient pris une part prépondérante dans l'éducation des enfants, ou y auraient consacré un temps plus important, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions combinées et de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention ;
Mais attendu que l'article 65 IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 qui prévoit que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration d'assurance pour éducation est attribuée à la mère, sauf si, dans le délai qu'il détermine, le père apporte la preuve qu'il a élevé seul les enfants au cours de leurs quatre premières années, repose sur des critères objectifs et rationnels, tenant à la prise en compte des inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ; que la différence de traitement, de caractère transitoire, ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention ;
Et attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, d'une part, que M. X... n'alléguait pas avoir élevé seul ses enfants, d'autre part, que son épouse avait bénéficié du complément familial et de l'assurance vieillesse des parents au foyer de 1979 à 1999 ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que M. X... ne pouvait prétendre à la majoration de la durée d'assurance pour l'éducation de ses quatre enfants ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Centre-Ouest ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la majoration de durée d'assurance prévue par l'article L 351-4 du Code de la sécurité sociale au titre de l'éducation de ses quatre enfants ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes des dispositions de l'article L 351-4 alinéa 2 et 3 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 : « il est institué au bénéfice du père ou de la mère assuré social une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres attribués pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption. Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent entre eux la répartition de cet avantage » ; qu'au titre des dispositions transitoires, l'article 65 IX de cette même loi prévoit que « pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, les majorations prévues au II et III de l'article L 351-4 sont attribuées à la mère sauf si, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi précitée, le père de l'enfant apporte la preuve auprès des caisses d'assurance vieillesse qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans ce cas, les majorations sont attribuées au père à raison d'un trimestre par année » ; qu'eu égard à la date de naissance des enfants, ces dispositions transitoires sont applicables au cas d'espèce ; que Monsieur X... estime que ces dispositions transitoires sont discriminatoires au regard des dispositions de l'article 14 de la Cour (Convention) européenne des droits de l'homme et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention ; que les premiers juges ont à bon droit rappelé le principe selon lequel une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes conditions ne peut être admise qu'en présence d'une justification objective et raisonnable ; que les premiers juges ont pertinemment relevé que ces dispositions transitoires qui certes constituent un avantage pour la mère, sont justifiées par une raison objective et raisonnable, à savoir le choix de carrière fait par la mère d'élever ses enfants, en raison de la majoration allouée jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle législation ; qu'au surplus, Monsieur Pascal X... n'allègue pas avoir élevé seul ses enfants ; qu'au regard de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé (arrêt, pages 2 et 3) ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTES DU JUGEMENT, QUE ces dispositions transitoires, concernant les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, sont bien de nature à créer un avantage à la mère puisque la majoration d'assurance pour éducation lui est attribuée sauf au père à démontrer qu'il a élevé seul pendant au moins un an l'enfant au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption, et encore faut-il qu'il rapporte cette preuve dans le délai d'un an à compter de la publication de la loi du 24 décembre 2009 ; que néanmoins, ces dispositions transitoires ne doivent pas être considérées comme ayant un caractère discriminatoire au regard des dispositions de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la convention, puisqu'elles sont de nature à préserver les droits des femmes dont les enfants sont déjà nés et qui ont déjà pris en compte, pour leur choix de carrière, l'existence de cette majoration ; que par conséquent, il y a lieu de débouter Pascal X... de l'ensemble de ses demandes (jugement, page 4 ) ;
ALORS, d'une part, QUE dès lors qu'un État contractant met en place une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, que l'octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations, cette législation engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'en raison de l'interdiction de toute discrimination prévue par l'article 14 de cette Convention, une différence de traitement entre hommes et femmes ayant élevé des enfants dans les mêmes circonstances ne peut être admise qu'en présence d'une justification objective et raisonnable ; qu'en l'état des dispositions de l'article L 351-4 nouveau du Code de la sécurité sociale, qui prévoient que le bénéficiaire de la majoration de durée d'assurance est déterminé d'un commun accord entre les parents, une telle justification d'une différence de traitement entre hommes et femmes ne résulte pas des dispositions de l'article 65 IX de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, qui prévoient que pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, le bénéfice de la majoration de durée d'assurance, qui est de droit pour la mère, ne peut être accordé au père que par exception, si celui-ci rapporte la preuve qu'il a élevé seul son ou ses enfants ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions combinées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à cette Convention ;
ALORS, d'autre part, QU'en se déterminant par la circonstance que les femmes dont les enfants sont nés avant 2010 ont nécessairement pris en compte, pour leur choix de carrière, l'existence de la majoration prévue par la législation sociale antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2009, pour en déduire que la différence de traitement prévue par l'article 65 de cette loi pour la période transitoire était justifiée par des considérations objectives et raisonnables et n'était donc pas contraire aux exigences de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention, sans préciser l'origine de ces constatations de fait, notamment sans indiquer en quoi, dans le cadre de la législation antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, les mères, plus que les pères, auraient pris une part prépondérante dans l'éducation des enfants, ou y auraient consacré un temps plus important, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions combinées et de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à cette Convention.