LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 juillet 2012), que les époux X..., propriétaires d'une parcelle et d'une maison d'habitation, ont assigné M. Y..., nu-propriétaire de la parcelle voisine à usage agricole, Mme Y..., usufruitière, et le groupement agricole d'exploitation de cette parcelle (le Gaec du Plan) aux fins de les voir condamnés à mettre en oeuvre les moyens appropriés pour éviter l'entraînement des produits phytosanitaires vers leur propriété et en réparation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de toutes leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que les époux X... faisaient valoir qu'indépendamment des règles de la responsabilité civile de l'article 1382, le litige devait être soumis aux règles des quasi-contrats ainsi qu'au principe de précaution qui, tous deux, ne nécessitent pas la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité au sens de l'article 1382 ; qu'en ignorant le fondement ainsi avancé à l'appui de la prétention, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile, privé sa décision de base légale au regard des articles 1371 du code civil que des articles 1 à 4 de la charte de l'environnement ;
2°/ qu'en exigeant la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité conformément à l'article 1382 du code civil dans un litige relevant du principe de précaution à valeur constitutionnel qui est étranger, dans ses conditions de mise en oeuvre, au triptyque de l'article 1382, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 3, 4 et 5 de la charte de l'environnement et l'article 1371 du code civil ;
3°/ qu'en reprenant la motivation des premiers juges qui ont d'abord exposé dans leur motifs que le fonds des époux X... recevait les eaux provenant du fonds supérieur exploité par M. Y... et le GAEC du Plan tout en constatant, ensuite, que la présence d'un aqueduc bouché par des déchets et végétaux rejetait les eaux vers le fonds exploité par M. Y... et le GAEC de sorte que le fonds des époux X... ne recevait pas les eaux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'effet des produits sur le dépérissement des végétaux était contredit par les conclusions techniques de M. Z... qui l'attribuait à d'autres causes, et relevé que, quel que soit le fondement, il n'était rapporté aucun commencement de preuve par les époux X... d'un transport aérien préjudiciable des produits phytosanitaires litigieux, de l'effectivité des troubles de Mme X... et d'un lien de cause à effet entre l'activité agricole et lesdits troubles, à les supposer établis, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et n'a pas violé l'article 4 du code de procédure civile, a pu, par ces seuls motifs, retenir que les demandes des époux X... ne pouvaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que les griefs formulés par les époux X... tenaient exclusivement à l'exploitation de la parcelle par M. Y... et le Gaec du Plan et que s'ils formulaient également des demandes tendant à imposer la réalisation de travaux sous astreinte, ces travaux devraient être réalisés par les mêmes en qualité de nu-propriétaire et d'exploitant pour l'un, et de simple exploitant pour l'autre, et relevé que Mme Y... n'était pas propriétaire des terrains et n'était nullement concernée par les prétentions, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, en déduire que celle-ci devait-être mise hors de cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que l'action des époux X... avait pour objet la condamnation des consorts Y... et du Gaec du Plan à effectuer des travaux pour éviter l'écoulement des eaux de ruissellement sur leur fonds, à mettre en oeuvre les moyens appropriés pour éviter l'entraînement des produits phytosanitaires vers leur propriété et à réparer leurs préjudices, et relevé que leur demande de paiement de sommes au titre de dégradations n'avait pas été formulée en première instance, la cour d'appel en a déduit à bon droit, s'agissant d'une demande qui ne tend pas aux mêmes fins, qu'elle était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer la somme de 3 000 euros aux consorts Y... et au Gaec du Plan ; rejette la demande des époux X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR débouté les époux X... de l'ensemble de leurs prétentions ;
AUX MOTIFS QUE « quel que soit le fondement de la demande des appelants tendant à ce qu'il soit interdit à Monsieur Christian Y..., Madame Jeannette A..., veuve Y..., le GAEC du Plan et à tout préposé d'utiliser, sur la parcelle BP 491 tout produit phytosanitaire sur leurs plantations si cette utilisation n'est pas effectuée au sein d'une serre permettant de stopper le transport aérien de ces produits à l'extérieur et à défaut qu'ils soient condamnées à 10 000 ¿ par infraction constatée, cette prétention, pour prospérer, suppose la démonstration nécessaire et préalable du transport aérien préjudiciable des produits phytosanitaires litigieux, démonstration qui n'est pas faite en l'espèce où l'effet de ces produits, en l'espèce l'intoxication alléguée de la haie de lauriers cerise, sur le dépérissement de ces végétaux, est au surplus contredit par les conclusions techniques de Monsieur Z... qui attribue ce dépérissement à d'autres causes, une asphyxie racinaire étant évoquée ¿
Attendu que, de même, aucune démonstration n'est rapportée ni de l'effectivité des troubles dont se plaint Madame Isabelle X... au titre de son préjudice de santé, ni d'un fait qui pourrait être à l'origine de ces troubles, ni, à plus forte raison, d'un lien de cause à effet entre l'activité agricole développée par Monsieur Christian Y... et le GAEC du Plan et les dits troubles, à les supposer établis » ;
1/ ALORS, d'une part, QUE les époux X... faisaient valoir qu'indépendamment des règles de la responsabilité civile de l'article 1382, le litige devait être soumis aux règles des quasi-contrats ainsi qu'au principe de précaution qui, tous deux, ne nécessitent pas la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité au sens de l'article 1382 ; qu'en ignorant le fondement ainsi avancé à l'appui de la prétention, la cour a :
- violé l'article 4 du code de procédure civile,- privé sa décision de base légale au regard des articles 1371 du code civil que des articles 1 à 4 de la Charte de l'Environnement ;
2/ ALORS, d'autre part, QU'en exigeant la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité conformément à l'article 1382 du code civil dans un litige relevant du principe de précaution à valeur constitutionnel qui est étranger, dans ses conditions de mise en oeuvre, au triptyque de l'article 1382, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 3, 4 et 5 de la charte de l'environnement et l'article 1371 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE « c'est par des motifs pertinents tenant à l'examen de Monsieur H..., conseiller agricole, au constat de maître B..., huissier de justice, aux attestations de voisins D..., E..., F..., G... et au courrier de Monsieur Z..., que le premier juge, relevant que les époux X... ne démontrent pas la réalité de la faute qu'ils invoquent, la cour ajoutant l'absence de démonstration de la réalité d'un fait quelconque qui soit imputable à l'activité agricole développée sur la parcelle BP 491, a rejeté la demande des époux X... relative à l'écoulement des eaux, étant observé qu'aucune démonstration n'est faite en appel de ce que les préjudices et inconvénients allégués par les époux X... de ce chef seraient la conséquence de l'arrosage qui serait excessif et non celle des intempéries qui relèvent de la servitude légale d'écoulement des eaux » ;
3/ ALORS QU'en reprenant la motivation des premiers juges qui ont d'abord exposé dans leur motifs que le fonds des époux X... recevait les eaux provenant du fonds supérieur exploité par Monsieur Y... et le GAEC du Plan tout en constatant, ensuite, que la présence d'un aqueduc bouché par des déchets et végétaux rejetait les eaux vers le fonds exploité par Monsieur Y... et le GAEC de sorte que le fonds des époux X... ne recevait pas les eaux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR mis hors de cause Madame A... veuve Y... et débouté les époux X... de l'ensemble des demandes formulées contre eux ;
AUX MOTIFS QUE « les griefs formulés par les époux X... tiennent exclusivement à l'exploitation de la parcelle BP 491 par Monsieur Christian Y... et le GAEC du Plan, et s'ils formulent également des demandes tendant à imposer la réalisation de travaux sous astreinte, ces travaux devraient être réalisés par les même en qualité de nu-propriétaire et d'exploitant pour l'un, et de simple exploitant pour l'autre ;
Attendu, dès lors que Madame Jeannette A... veuve Y... n'étant nullement concernée par les prétentions de Monsieur Angelo X... et Madame Isabelle C..., son épouse, c'est à juste titre que le premier juge l'a mise hors de cause » ;
1/ ALORS, d'une part, QU'en ne répondant pas aux conclusions des époux X... qui faisaient valoir qu'en sa qualité d'usufruitière, Madame A... veuve Y... était directement concernée par la demande des époux X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
2/ ALORS, d'autre part, QU'est directement intéressé au sens de l'article 31 du code de procédure civile l'usufruitier d'un fonds qui cause, ou risque de causer une nuisance à un fonds voisin de sorte que la demande dirigée contre l'usufruitier est nécessairement recevable ; qu'en mettant hors de cause Madame A... veuve Y... du fait qu'elle n'était pas propriétaire de la parcelle dont sont susceptibles d'émaner les nuisances la cour d'appel a violé 31 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR déclaré irrecevable la demande des époux X... tendant à ce que Monsieur Y..., Madame A... veuve Y... et le GAEC du Plan soient condamnés in solidum à leur payer la somme de 10 692, 24 ¿ au titre des dégradations des 10 et 28 février 2003, et la somme de 589, 74 ¿ au titre des dégradation du 4 décembre 2006 ;
AUX MOTIFS QUE la demande « n'avait pas été formulée en première instance et qu'ainsi, en application de l'article 582 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable » ;
ALORS QUE ne constitue pas une demande nouvelle, la demande qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en qualifiant de nouvelle la demande de dommages et intérêts relative aux dégradations qu'a subi le fonds des époux X..., la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile.