LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société les Abattoirs de Provence, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 19 octobre 2011, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée du chef de tromperie, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 novembre 2013 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN, les observations de Me SPINOSI, la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du code de la consommation, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance de non lieu ;
" aux motifs que, selon mémoire régulièrement adressé au greffe de la chambre de l'instruction, le conseil de la société à responsabilité limitée (SARL) Abattoirs de Provence, partie civile, sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée ; qu'il considère que la société Charal a trompé volontairement la société Abattoirs de Provence en ne s'assurant pas de la conformité de l'abattage, rituel selon le rite hallal, critères définis par la loi et les principes religieux qui régissent cette matière mais également en ne contrôlant pas directement les différentes étapes de l'abattage ; qu'il se réfère au rapport d'expertise de M. Y..., il considère que jusqu'en 2006, un règlement publié par le LNV, le " Shlachtregeling Aamwijzing hallal 2004 " listait les abattoirs hollandais habilités à effectuer l'abattage hallal et que depuis l'abrogation de ce règlement le 6 décembre 2006, les abattoirs doivent déposer au plus tard la veille de l'abattage rituel une déclaration auprès du service général d'inspection sanitaire (WWA) placé sous l'autorité du LNV ; qu'il constate que depuis le rachat de BRADA en octobre 2003, aucune déclaration n'a été déposée par la société Friesland Beef ; qu'en conséquence, le conseil de la partie civile estime que la société Charal s'est rendue coupable du délit de tromperie visé par l'article L. 213-1 du code de la consommation ; que, par mémoire régulièrement déposé au greffe de la chambre de l'instruction, le conseil de la SAS Charal fait tout d'abord observer que le présent contentieux pénal s'inscrit dans un cadre purement commercial puisque la société Charal avait assigné devant le tribunal le tribunal de commerce les Abattoirs de Provence pour le règlement d'une somme de 183 379, 43 euros hors taxe ; que, du fait de la plainte avec constitution de partie civile contre X déposée par les abattoirs de Provence, le tribunal de commerce rendait le 20 décembre 2006 un jugement de sursis à statuer ; que le conseil de la SAS Charal considère que le supplément d'information a permis de démontrer que l'abattage s'effectuait dans le respect des règles communautaires et des rites musulmans ; qu'il ajoute que la commission rogatoire internationale a permis de démontrer l'authenticité des certificats hallal à la société Friesland Beef ; que, constatant que seul un certificat en date du 9 juillet 2002 associé à la société BRADA n'a pas été signé par le bureau du COHS, il considère que la société CHARAL a démontré avoir tout mis en oeuvre pour s'assurer du respect des exigences spécifiques de l'abattage rituel, et qu'ainsi, aucune imputabilité de faits de tromperie ne peut lui être reprochée ; que si l'authenticité d'un seul certificat du COHS associé à la société BRADA et daté du 9 juillet 2002, pourrait encore être discutée, l'absence de signature et de tampon ne saurait être constitutive d'un faux ; que, par ailleurs, il est établi que la société Charal a, à deux reprises, une première fois, en octobre 2001 avant le début de son approvisionnement en viandes hallal et une deuxième fois en mars 2004 après son rachat par Friesland Beef, procédé à un audit de ces sociétés ; que M. X..., directeur de la société Charal, entendu en qualité de témoin assisté, a précisé que les certificats produits par la société provenaient du Control Office Of Halal Slaughtering, organisme lié au consulat de Syrie ; et reconnu comme organisme de certification important dans ce pays ; qu'il résulte du supplément d'information que l'abattage s'effectuait dans les règles communautaires et des rites musulmans ; que les investigations sur commission rogatoire internationale ont permis d'établir que le ministère hollandais de l'agriculture, de la nature et de la qualité alimentaire n'exerçait aucun contrôle sur la certification " Halle de l'abattage des bovins et qu'il n'existait pas de registre public des entreprises agréées ; que concernant les animaux abattus par la société Friesland Vlees, sise à Leeuwarden, susceptible d'avoir repris les abattoirs Brada en 2003, les investigations n'ont pas permis de mettre en évidence d'infraction spécifique du chef de cette société, Attendu que les importations de viande réalisées par la société Charal auprès de la société Friesland Beef sise à Damwoude et Leeuwarden, et concernées par les certificats de qualité hallal délivrés par le CONS les 17, 24 et 25 novembre 2005 sous les numéros 42231, 42234 et 42235, ne présentent aucune anomalie ; que l'authenticité des certificats susvisés apparaît de nature à contredire les termes d'un courrier produit par les parties civiles, par lequel le COHS signifiait le 9 août 2005 à Friesland Beef qu'aucun certificat de qualité hallal ne serait délivré à leur abattoir, les règles et conditions de l'abattage hallal n'y étant pas respectées (D70) ; qu'il y a lieu de relever, au surplus, qu'en aucun cas un rite religieux ne saurait supplanter une législation en vigueur, dont aucun élément au dossier ne permet de soutenir qu'elle aurait été violée ; qu'en conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour confirmer l'ordonnance de non lieu, s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense selon lequel, depuis le rachat de Brada en octobre 2003, aucune déclaration n'a été déposée par la société Friesland Beef auprès du service général d'inspection sanitaire (WWA) placé sous l'autorité du « Shlachtregeling Aamwijzing hallal 2004 » (LNV), organisme de certification aux Pays-Bas, lorsque, depuis l'abrogation le 7 décembre 2006 du règlement publié par le LNV, les abattoirs doivent déposer au plus tard la veille de l'abattage rituel une déclaration auprès du service général d'inspection sanitaire (WWA) placé sous l'autorité de l'organisme de certification ;
" 2°) alors qu'en confirmant l'ordonnance de non lieu à suivre du chef de tromperie, tout en constatant que l'authenticité d'un certificat d'un COHS associé à la société Brada et daté du 9 juillet 2002, pendant la période de prévention, pourrait être discutée, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" 3°) alors qu'enfin, constitue une tromperie sur les qualités substantielles le non respect des interdits religieux alimentaires par une société fournissant de la viande prétendant à l'appellation « hallal » ; qu'en relevant qu'en aucun cas un rite religieux ne saurait supplanter une législation en vigueur dont aucun élément au dossier ne permet de soutenir qu'elle aurait été violée, lorsque la seule méconnaissance des rites d'abattage suffit à caractériser l'infraction, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article L. 213-1 du code de la consommation " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que la société les Abattoirs de Provence devra payer à la société Charal, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;