LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée Bilton's, ultérieurement transformée en société civile immobilière (la société), a été créée en 1991 par M. X... et par Mme Y..., alors son épouse, pour l'exploitation d'un fonds de commerce de restaurant ; que Mme Y... a cédé les parts sociales lui appartenant à M. Z... qui les a, par la suite, vendues à M. A..., lequel les a cédées à Mme Y... par acte du 30 décembre 2005 ; que faisant valoir que cet acte, ne leur ayant pas été notifié, était intervenu en violation des dispositions de l'article L. 223-14 du code de commerce, M. X... et la société ont fait assigner Mme Y... et M. A... afin d'en voir prononcer l'annulation ; qu'un arrêt du 28 avril 2011, rendu par défaut, a déclaré valable la cession de parts du 30 décembre 2005 ; que M. A... ayant fait opposition à cette décision, la cour d'appel l'a rejetée et a dit que les dispositions de l'arrêt du 28 avril 2011 reprendront effet à l'égard de toutes les parties ;
Sur les premier et deuxième moyens :
Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 223-14 du code de commerce ;
Attendu que les parts d'une société à responsabilité limitée ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société que dans les conditions et selon les modalités prescrites par ce texte ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société et de M. X... tendant à l'annulation de la cession de parts du 30 décembre 2005, l'arrêt, après avoir énoncé que tous les actes juridiques frappés de nullité relative peuvent être confirmés, relève que le 4 janvier 2006, une « assemblée générale » de la société a réuni M. X... et Mme Y... en qualité de seuls associés et a autorisé le premier, en qualité de gérant, à vendre le fonds de commerce de la société ; que l'arrêt ajoute qu'une « assemblée générale extraordinaire » du 19 juin 2006, réunissant M. X... et Mme Y..., a autorisé à l'unanimité la transformation de la SARL en société civile immobilière et a désigné ces deux associés comme cogérants ; qu'il relève encore que les nouveaux statuts de la société ont été signés par ces derniers le 19 juin 2006 ; que l'arrêt en déduit que l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005 a été confirmé par M. X... et que celui-ci n'est pas fondé à en demander la nullité ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs erronés ou inopérants, sans constater que le projet de cession de parts avait été notifié à la société et à M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X... et autres
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur A... de l'opposition qu'il avait formée à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la Cour d'appel de Versailles, dit que les dispositions de cet arrêt reprendront effet à l'égard de toutes les parties, notamment en ce qu'il a dit valable la cession de parts intervenue le 30 décembre 2005 entre Madame Y... et Monsieur A... ;
AUX MOTIFS QUE « il convient de relever en premier lieu que dans cette hypothèse, c'est M. A..., cédant dans l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005, qui se prévaut de la nullité de la cession alors même qu'il doit être considéré comme étant à l'origine du non-respect de la procédure d'agrément qu'il invoque, aucun élément du dossier n'établissant, comme il l'affirme, que Mme Y... lui a indiqué qu'elle se chargeait de toutes les formalités de la cession litigieuse ; que l'article L. 223-14 du Code de commerce, applicable aux sociétés à responsabilité limitée, édicte : « Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis » ; que l'article 13 des statuts de la SARL BILTON'S stipule : « Entre les associés, les parts sont librement cessibles, mais elles ne peuvent être cédées à des personnes étrangères à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, cette majorité étant déterminée compte tenu de la personne et des parts de l'associé cédant. Tout projet de cession pour lequel ce consentement est requis doit être notifié par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception non seulement à la société mais à chacun des associés. Dans le délai de huit jours, à compter de cette notification, la gérance doit convoquer. L'assemblée des associés, pour qu'elle délibère sur le projet de cession départs sociales, ou consulter les associés par écrit sur ledit projet » ; que M. X... conclut également que la cession intervenue le 30 décembre 2005 à son insu, alors qu'il était associé au même titre de M. A..., cédant, est intervenue en violation des dispositions légales et statutaires susvisées, qu'aucun projet de cession ne lui a été notifié ni à la société BILTON'S et qu'il ne peut pas être pallié à cette absence de notification préalable ; que Mme Y... conteste l'annulation par les premiers juges de la cession de parts sociales de la SARL BILTON'S intervenue le 30 décembre 2005 entre elle et M. A.... Elle conclut que si le défaut d'agrément préalable est sanctionné par la nullité de l'acte de cession concerné, cette nullité est relative, que l'acte est susceptible de confirmation, qu'en l'espèce postérieurement à l'acte de ession de parts du 30 décembre 2005, bien que non soumis à l'agrément préalable de M. X..., ce dernier a accompli plusieurs actes positifs venant confirmer et valider la cession de parts en sorte qu'il ne peut plus en soulever la nullité. Elle soutient qu'en réalité par le biais de la cession de parts du 30 décembre 2005, son époux a cherché à conserver seul le contrôle du produit de la vente du fonds de commerce en faisant transférer les parts qui ne lui appartenaient pas à son épouse, à qui il ne laissait aucune latitude ; que tous les actes juridiques frappés de nullité relative peuvent être confirmés ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que : la promesse de vente du 10 novembre 2005, par laquelle la SARL BILTON'S, représenté par M. X... son gérant, a consenti à la SARL Sainte Marie une promesse de vente du fonds de commerce de restaurant exploité ... à Antony prévoyait pour la signature de l'acte de vente un délai au plus tard le 31 décembre 2005, que c'est la veille, par l'acte sous seing privé contesté du 30 décembre 2005 que Mme Y... épouse X... a acquis les 250 parts détenues par M. A... dans la SARL BILTON'S, que cet acte a fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 05 janvier 2006, en même temps que l'acte sous seing privé en date du 26 septembre 2002 conclu plus de trois ans avant et par lequel M. A... avait lui-même acquis de M. Habib Z... ces mêmes 250 parts sociales de la SARL BILTON'S, que s'agissant de cet acte de cession de parts du 26 septembre 2002, la cour relève d'une part que la version manuscrite versée aux débats porte deux signatures dont l'une, apposée après la mention " bon pour accord de 250 parts sociales " est en réalité la signature de M. X... ainsi que l'établit la comparaison avec la signature de ce dernier apposée tant au bas de l'acte de vente du fonds de commerce du 10 janvier 2006 qu'au bas de l'acte de cession de parts du 31 mars 1995, et d'autre part qu'il n'a été enregistré à Sceaux Nord que le janvier 2006 bordereau n° 2006/ 6, que quelques jours après la cession de parts contestée du 30 décembre 2005 entre M. A..., cédant, et Mme Y..., cessionnaire, soit le 04 janvier 2006, une assemblée générale de la SARL BILTON'S a réuni M. X... et son épouse Y..., en qualité de seuls associés, et a autorisé M. X... en sa qualité de gérant à vendre le fonds de commerce de restaurant selon les modalités contenues dans la promesse de vente du 10 novembre 2005, vente conclue le 10 janvier 2006, date à laquelle non seulement la SARL BILTON'S mais également les époux X...- Y... à titre personnel ont consenti à la société Sainte Marie, cessionnaire du fonds de commerce, deux baux sur les différents locaux dont ils sont propriétaires, qu'une assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2006 réunissant M. X... et Mme Y... a autorisé à l'unanimité la transformation de la SARL BILTON'S en société civile immobilière et a désigné ces deux associés comme co-gérants, que les nouveaux statuts de la SCI BILTON'S, dont les seuls associés sont également les époux X...- Y..., ont été établis et signés par eux le 19 juin 2006 et il résulte d'un extrait Kbis que la SCI BILTON'S a été immatriculée au RCS de Nanterre (avec une date d'immatriculation au 22 juin 1989) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005 a été confirmé par M. X... qui n'est pas fondé à en demander la nullité, pas plus que M. A... ; qu'il y a lieu de relever que s'il est soutenu par eux que le prix total de 100 euros ne saurait représenter la réelle valeur de la moitié des parts de la SARL BILTON'S, c'est néanmoins la valeur à laquelle M. X... proposait de fixer les parts sociales de Mme Y... dans le cadre du retrait de cette dernière ; qu'en conséquence, l'opposition formée par M. A... est mal fondée et le jugement du 10 septembre 2009 doit dès lors être infirmé » ;
ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal impartial et indépendant ; que fait peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction statuant sur opposition, la décision qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire les termes de ce précédent jugement rendu par défaut ; qu'en statuant, sur l'opposition formée par M. A..., par des motifs qui ne sont que la reproduction des motifs par lesquels elle s'était déjà prononcée dans le cadre de la procédure ayant abouti à son arrêt du 28 avril 2011 rendu par défaut, la Cour d'appel, qui a statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction qui avait déjà connu de l'affaire en cause, a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur A... de l'opposition qu'il avait formée à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la Cour d'appel de Versailles, dit que les dispositions de cet arrêt reprendront effet à l'égard de toutes les parties, notamment en ce qu'il a dit valable la cession de parts intervenue le 30 décembre 2005 entre Madame Y... et Monsieur A...,
AUX MOTIFS QUE : « A la date du 10 novembre 2005, date à laquelle M. X... en sa qualité de gérant de la SARL BILTON'S a passé seul la promesse de vente du fonds de commerce au profit de la SARL Sainte Marie, M. Sayed A... était associé de la SARL BILTON'S depuis le 26 septembre 2002 alors que Mme Hoda Y... ne l'était plus quant à elle depuis le 30 mars 1995, date à laquelle elle avait cédé ses parts à M. Habib Z... ; qu'il résulte des pièces du dossier que le fonds de commerce a toujours été exploité par la SARL BILTON'S jusqu'à la promesse de vente du 10 novembre 2005, date à laquelle c'est M. Sayed A... qui était associé et non Mme Hoda Y..., laquelle ne l'était plus depuis mars 1995 ; que le fait que la société BILTON'S ait acquis les murs d'une partie des locaux commerciaux remontaient à l'année 1997 ; que M. A..., devenu associé de la SARL BILTON'S en septembre 2002, ne peut pas valablement soutenir qu'il n'avait pas connaissance de l'existence et de la valeur des ensembles des actifs de cette société et qu'il a été trompé sur cette valeur par Mme Hoda Y... ; que M. A... ne rapporte pas la preuve de manoeuvres dolosives de la part de cette dernière qui l'auraient déterminé à lui céder ses parts, étant relevé qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que Mme Hoda Y... disposait d'une quelconque latitude dans l'exploitation du fonds de commerce de restaurant » ;
ALORS QU'en se bornant à affirmer que, devenu associé de la SARL en septembre 2002, Monsieur A... ne peut valablement soutenir qu'il n'avait pas connaissance de l'existence et de la valeur de l'ensemble des actifs de la société, sans autrement s'en expliquer, la Cour d'appel n'a pas donné de véritable motif à sa décision et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, en toute hypothèse, QUE le dol peut être commis par toute partie au contrat, qu'il s'agisse du cédant ou du cessionnaire ; qu'en partant du principe que Monsieur A... ne pouvait pas soutenir qu'il aurait été trompé par Madame Y... sur la valeur des actifs de la société puisqu'il était « associé de la SARL BILTON'S (depuis) septembre 2002 », autrement dit « cédant », la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'un dol dont se serait rendu coupable le cessionnaire, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur A... de l'opposition qu'il avait formée à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 avril 2011 par la Cour d'appel de Versailles, dit que les dispositions de cet arrêt reprendront effet à l'égard de toutes les parties, notamment en ce qu'il a dit valable la cession de parts intervenue le 30 décembre 2005 entre Madame Y... et Monsieur A... ;
AUX MOTIFS QUE : « Tous les actes juridiques frappés de nullité relative peuvent être confirmés ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que : la promesse de vente du 10 novembre 2005, par laquelle la SARL BILTON'S, représenté par M. X... son gérant, a consenti à la SARL Sainte Marie une promesse de vente du fonds de commerce de restaurant exploité ... à Antony prévoyait pour la signature de l'acte de vente un délai au plus tard le 31 décembre 2005, que c'est la veille, par l'acte sous seing privé contesté du 30 décembre 2005 que Mme Y... épouse X... a acquis les 250 parts détenues par M. A... dans la SARL BILTON'S, que cet acte a fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le 05 janvier 2006, en même temps que l'acte sous seing privé en date du 26 septembre 2002 conclu plus de trois ans avant et par lequel M. A... avait lui-même acquis de M. Habib Z... ces mêmes 250 parts sociales de la SARL BILTON'S, que s'agissant de cet acte de cession de parts du 26 septembre 2002, la cour relève d'une part que la version manuscrite versée aux débats porte deux signatures dont l'une, apposée après la mention " bon pour accord de 250 parts sociales " est en réalité la signature de M. X... ainsi que l'établit la comparaison avec la signature de ce dernier apposée tant au bas de l'acte de vente du fonds de commerce du 10 janvier 2006 qu'au bas de l'acte de cession de parts du 31 mars 1995, et d'autre part qu'il n'a été enregistré à Sceaux Nord que le 04 janvier 2006 bordereau n° 2006/ 6, que quelques jours après la cession de parts contestée du 30 décembre 2005 entre M. A..., cédant, et Mme Y..., cessionnaire, soit le 04 janvier 2006, une assemblée générale de la SARL BILTON'S a réuni M. X... et son épouse Y..., en qualité de seuls associés, et a autorisé M. X... en sa qualité de gérant à vendre le fonds de commerce de restaurant selon les modalités contenues dans la promesse de vente du 10 novembre 2005, vente conclue le 10 janvier 2006, date à laquelle non seulement la SARL BILTON'S mais également les époux X...- Y... à titre personnel ont consenti à la société Sainte Marie, cessionnaire du fonds de commerce, deux baux sur les différents locaux dont ils sont propriétaires, qu'une assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2006 réunissant M. X... et Mme Y... a autorisé à l'unanimité la transformation de la SARL BILTON'S en société civile immobilière et a désigné ces deux associés comme co-gérants, que les nouveaux statuts de la SCI BILTON'S, dont les seuls associés sont également les époux X...- Y..., ont été établis et signés par eux le 19 juin 2006 et il résulte d'un extrait Kbis que la SCI BILTON'S a été immatriculée au RCS de Nanterre (avec une date d'immatriculation au 22 juin 1989) ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'acte de cession de parts du 30 décembre 2005 a été confirmé par M. X... qui n'est pas fondé à en demander la nullité, pas plus que M. A... » ;
ALORS QUE lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession des parts sociales à des tiers étrangers à la société est, à peine de nullité, notifié à la société et à chacun des associés ; qu'en retenant que l'acte de cession aurait été ratifié par Monsieur X... par la participation de Madame Y... à diverses assemblées générales, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le projet de cession avait bien été notifié à la SARL BILTON'S et à Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 223-14 du Code de commerce.