LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 mars 2012), que Mme X... a été engagée le 7 mai 1996 par la société Domaine du grand vallon en qualité d'ouvrier agricole ; que, par acte du 25 avril 2007, la société a donné à bail à ferme une partie des terres à la SCEA Ratto ; que par lettre du 27 juin 2007, la salariée a été licenciée pour motif économique ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'une lettre de licenciement invoque deux causes économiques de licenciement, le juge est tenu de se prononcer sur chacune d'entre elles ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoquait pour justifier la rupture non seulement la cessation d'exploitation mais également des difficultés économiques ; que l'employeur s'expliquait sur ces difficultés dans ses conclusions en exposant notamment que son chiffre d'affaires avait été réduit de 61 512,23 euros en 2004 à 22 573 euros en 2007, et ses pertes, sur la même période, avaient augmenté de façon constante, pour passer de 1 053,12 euros à 18 578 euros ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne justifiait pas de la cessation de l'exploitation, quand il lui appartenait encore de rechercher si les difficultés économiques également invoquées étaient établies et ne justifiaient pas la suppression du poste de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-3, et L. 1233-16 du code du travail ;
2°/ qu'à supposer que la cour d'appel, en énonçant que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du Domaine du grand vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme, ait retenu que la lettre de licenciement invoquait exclusivement cette cessation d'exploitation à titre de cause économique, elle aurait alors dénaturé ladite lettre, qui invoquait également des difficultés économiques (« le marché vinicole traverse actuellement une grave crise sans précédent, du fait notamment de la surproduction mondiale de vin, de la baisse régulière de la consommation de vin en France et de la concurrence accrue des vins dits du Nouveau Monde. Notre domaine viticole n'est malheureusement pas épargné par cette crise et subit une baisse de chiffre d'affaires conséquente. La dégradation continue de nos résultats place aujourd'hui notre société dans une situation critique ») ; qu'elle a donc méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen ;
Mais attendu que c'est par une interprétation que l'ambiguïté de la lettre de licenciement rendait nécessaire que la cour d'appel a estimé que cette lettre ne faisait état que de la cessation de l'exploitation du domaine viticole ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier, alors, selon le moyen, qu'en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'employeur n'est tenu au paiement du salaire au titre des périodes non travaillées ou au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice subi à ce titre que si le salarié démontre s'être tenu à la disposition de l'employeur durant les périodes séparant les divers contrats à durée déterminée ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour n'avoir pas fourni à la salariée le travail auquel elle pouvait prétendre en l'état de la requalification de la relation en contrat à durée indéterminée, que l'employeur n'établissait pas que la salariée savait à quel rythme elle devait travailler et n'était pas constamment à disposition, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1134 et 1315 du code civil, ensemble les articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté l'absence de contrat écrit conforme aux prescriptions de l'article L. 1242-12 du code du travail, en a exactement déduit que le contrat de travail était nécessairement à durée indéterminée et à temps complet ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée la somme de 751,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que dans une entreprise où la durée d'activité effective des salariés porte sur 8 à 10 mois par an, il y avait lieu de retenir pour l'évaluation du salaire servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement les trois ou douze derniers mois d'activité et non les trois ou douze derniers mois antérieurs à la fin du contrat soit un montant de 879,68 euros concernant la salariée, ce qui ouvrait droit à une indemnité de licenciement de 586,47 euros ; qu'en retenant pour base du calcul de l'indemnité de licenciement 1 254,41 euros, soit le salaire mensuel de base pour un temps plein, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant pour base de calcul de l'indemnité de licenciement le salaire mensuel de base pour un temps plein, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Domaine du grand vallon aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Domaine du grand vallon à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 000 euros, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Domaine du grand vallon.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à lui payer la somme de 15.000 ¿ à titre de dommages et intérêts à ce titre,
AUX MOTIFS QU'il appartient à l'employeur de justifier du caractère réel et sérieux du motif invoqué au soutien du licenciement économique et permettre au juge de le contrôler en produisant aux débats tous les éléments nécessaires ; que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du domaine du Grand Vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme ; qu'en vertu du bail emphytéotique à effet du 1er novembre 1990, la SCEA Grand VALLON tenait du Conseil Général de Vaucluse une propriété rurale sise sur la commune de la Tour d'Aigues en nature de terre, vigne, bois et verger d'une contenance de 39 ha 02a 86ca qu'elle exploitait ; que le bail à ferme invoqué en date du 25 avril 2007 à effet du 1 er janvier 2007 ne porte que sur des parcelles d'une superficie de 9 ha 0l a 49 ca ; qu'il existe donc une différence de 30 hectares conservés par la SCEA Grand VALLON qui ne justifie pas de la cessation de leur exploitation alors qu'il lui était particulièrement loisible et facile de produire le relevé parcellaire d'exploitation de la Mutualité Sociale Agricole et de le commenter au regard de la nature des parcelles ; que la réalité du motif invoqué n'est donc pas établi l'allégation de la SCEA GRAND VALLON selon laquelle, après signature du bail à ferme, elle n'exploitait plus que 4 hectares au lieu des 13 initiaux ne reposant sur aucun élément tangible ; que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1. ALORS QUE lorsqu'une lettre de licenciement invoque deux causes économiques de licenciement, le juge est tenu de se prononcer sur chacune d'entre elles ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoquait pour justifier la rupture non seulement la cessation d'exploitation mais également des difficultés économiques ; que l'employeur s'expliquait sur ces difficultés dans ses conclusions (p. 5-7) en exposant notamment que son chiffre d'affaires avait été réduit de 61.512,23 € en 2004 à 22.573 € en 2007, et ses pertes, sur la même période, avaient augmenté de façon constante, pour passer de 1.053,12 € à 18.578 € ; qu'en se bornant à affirmer que l'employeur ne justifiait pas de la cessation de l'exploitation, quand il lui appartenait encore de rechercher si les difficultés économiques également invoquées étaient établies et ne justifiaient pas la suppression du poste de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2, L. 1233-3, et L. 1233-16 du Code du travail ;
2. ALORS QU'à supposer que la cour d'appel, en énonçant que la lettre de licenciement fait état de la cessation d'exploitation du domaine du Grand Vallon et de la décision subséquente de réorganisation par la mise en place d'un bail à ferme, ait retenu que la lettre de licenciement invoquait exclusivement cette cessation d'exploitation à titre de cause économique, elle aurait alors dénaturé ladite lettre, qui invoquait également des difficultés économiques (« le marché vinicole traverse actuellement une grave crise sans précédent, du fait notamment de la surproduction mondiale de vin, de la baisse régulière de la consommation de vin en France et de la concurrence accrue des vins dits du Nouveau Monde. Notre domaine viticole n'est malheureusement pas épargné par cette crise et subit une baisse de chiffre d'affaires conséquente. La dégradation continue de nos résultats place aujourd'hui notre société dans une situation critique ») ; qu'elle a donc méconnu l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents soumis à leur examen.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à payer à la salariée 5.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,
AUX MOTIFS QUE Madame X... formule une demande de dommages et intérêts fondée sur la perte de salaires et congés payés afférents durant les cinq années précédant le licenciement ; que l'employeur ne caractérisant pas le caractère saisonnier des contrats à durée déterminée successifs qu'il invoque et la relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminée, Madame X... a effectivement subi une perte financière dès lors que l'employeur, qui n'établit pas qu'elle savait à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas constamment à disposition, sauf période de congés pour se rendre au Maroc avec son époux également employé sur l'exploitation, ne lui a pas fourni le travail auquel elle pouvait prétendre en l'état de cette relation contractuelle ; que ce préjudice sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 5.000 € ;
ALORS QU'en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'employeur n'est tenu au paiement du salaire au titre des périodes non travaillées ou au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi à ce titre que si le salarié démontre s'être tenu à la disposition de l'employeur durant les périodes séparant les divers contrats à durée déterminée ; qu'en retenant, pour condamner l'employeur à payer des dommages et intérêts pour n'avoir pas fourni à la salariée le travail auquel elle pouvait prétendre en l'état de la requalification de la relation en contrat à durée indéterminée, que l'employeur n'établissait pas que la salariée savait à quel rythme elle devait travailler et n'était pas constamment à disposition, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1134 et 1315 du Code civil ensemble les articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DOMAINE GRAND VALLON à payer à la salariée 1.338,03 ¿ à titre d'indemnité de licenciement sous déduction de la somme de 586,47 €, soit un solde de 751,56 €,
AUX MOTIFS QUE l'indemnité conventionnelle de licenciement, calculée conformément à la convention collective sur la base d'1/10ème de mois par année d'ancienneté auquel s'ajoute 1/15e de mois par année d'ancienneté supérieure à 10 ans s'élève à (1.254,41 euros x 10 x 1/10e = 1.254,41 euros + (1.254,41 euros / 1/15e) = 1.338,03 euros ; que Madame X... ayant perçu la somme de 586,47 euros à ce titre, un solde de 751,56 euros lui reste dû ;
ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que dans une entreprise où la durée d'activité effective des salariés porte sur 8 à 10 mois par an, il y a lieu de retenir pour l'évaluation du salaire servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement les trois ou douze derniers mois d'activité et non les trois ou douze derniers mois antérieurs à la fin du contrat (Rép. Bernard : AN 24 mars 1979 p. 1947 n° 8467) soit un montant de 879,68 € concernant Madame X..., ce qui ouvrait droit à une indemnité de licenciement de 586,47 € (conclusions d'appel, p. 13-14) ; qu'en retenant pour base du calcul de l'indemnité de licenciement 1.254,41 euros soit le salaire mensuel de base pour un temps plein, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.