LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Rothelec, invoquant la défectuosité de thermostats électroniques fournis par la société Jaeger controls (le fournisseur), l'a, après avoir obtenu la désignation d'un expert en référé, assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la société Aviva assurances, assureur du fournisseur (l'assureur), a été appelé en la cause ; que le fournisseur ayant été mis en redressement puis liquidation judiciaires, la société Rothelec a déclaré sa créance et les organes de la procédure ont été mis en cause ; que l'assureur a relevé appel du jugement ayant fixé cette créance à la somme de 1 628 343 euros et l'ayant condamné à en garantir le montant à concurrence d'une certaine somme ;
Sur le premier moyen :
Met hors de cause, sur sa demande, la société Aviva assurances contre laquelle n'est pas dirigé le premier moyen ;
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel incidemment formé par la société Rothelec, l'arrêt retient que sa demande en vue de faire modifier l'admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire du fournisseur constitue un appel provoqué qui aurait dû être formé par assignation à l'égard du liquidateur et que ses conclusions n'ont pas été notifiées à celui-ci ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans provoquer les explications des parties sur cette fin de non-recevoir qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Rothelec, l'arrêt, après avoir relevé que l'expert avait mis en cause l'adaptation du thermostat litigieux affecté de dysfonctionnements à la suite d'une surchauffe, cette défectuosité conduisant à mettre des radiateurs hors service ou en puissance maximale continue, retient qu'aucun élément ne corrobore l' évaluation faite par cette société de son préjudice ;
Attendu qu'en refusant ainsi d'évaluer le montant d'un dommage dont elle avait constaté l'existence en son principe, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar, autrement composée ;
Condamne la société Aviva assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Rothelec.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'appel que la société ROTHELEC avait formé à l'encontre de la société JAEGER CONTROLS en liquidation judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE la demande présentée par la société ROTHELEC à l'égard de la liquidation judiciaire de la société JAEGER CONTROLS en vue de faire modifier son admission au passif constitue en réalité un appel provoqué qui aurait dû être formé par assignation à l'égard d'un défendeur défaillant ; que les conclusions de la société ROTHELEC n'ont pas été notifiées au liquidateur et que son appel provoqué tendant à faire modifier l'admission au passif de la liquidation judiciaire n'est donc pas recevable ;
ALORS QUE le juge doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en relevant de sa propre initiative l'irrecevabilité de l'appel provoqué que la société ROTHELEC avait formé à l'encontre du mandataire liquidateur de la société JAEGER CONTROLS qui était défaillante par la voie de simples conclusions non signifiées au lieu d'agir par la voie d'une assignation, la cour d'appel, qui n'a pas provoqué les explications des parties sur cette fin de non-recevoir qu'elle a relevée d'office, a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande que la société ROTHELEC avait formée à l'encontre de la société AVIVA ASSURANCES, assureur de la société JAEGER CONTROLS, afin d'être indemnisée des différents préjudices qu'elle avait éprouvés en raison de la fourniture de thermostats défectueux par son assuré, la société JAEGER CONTROLS ;
AUX MOTIFS QU'au fond, l'affaire dévolue à cette Cour concerne la défectuosité de thermostats acquis par la société ROTHELEC, qui fabrique des radiateurs électriques, auprès de la société JAEGER CONTROLS ; que d'après une récapitulation de la société ROTHELEC, elle aurait acquis un total de 12 473 thermostats du 17 avril 2002 au 25 mars 2005 ; que cinq factures seulement de la société JAEGER CONTROLS sont produites, et qu'elles montrent que les thermostats ont été acquis au prix unitaire de 13,66 ¿ HT ; que selon l'expert judiciaire, ces thermostats ont été montés sur des appareils neufs dénommés THEI-C d'avril 2002 à 2004 ; que leur défectuosité aléatoire conduit à mettre des radiateurs hors service ou en puissance maximale continue ; que la société ROTHELEC produit une vingtaine de courriers d'acquéreurs mécontents de radiateurs ROTHELEC ; qu'elle produit en pièces numéros 13 et 15 des listes de suivi du service après-vente concernant le thermostat en cause dénommé TCN 2002 ; que ces interventions dont le nombre total avoisine apparemment 800 concernent cependant pour la plupart des radiateurs mis en service de 1991 à 2001, c'est-à-dire à une période antérieure à la commercialisation du thermostat en cause ; que la société ROTHELEC a expliqué qu'elle avait utilisé de nouveaux thermostats pour réparer des pannes concernant d'anciens thermostats, mais qu'il demeure mal compréhensible qu'alors qu'elle déplorait la défectuosité du nouveau thermostat, elle l'ait placé dans le même temps en remplacement d'anciens thermostats ; que l'expert, M. X..., a indiqué dans son pré-rapport qu'il n'était pas en mesure de valider le bien-fondé du remplacement des 5 431 thermostats allégués ; que dans son rapport définitif, il indique qu'il aurait questionné le juge mandant, et que celui-ci lui aurait indiqué que sa mission ne devait pas aller jusqu'à chiffrer le préjudice (page 3) ; qu'il n'a donc pas fourni d'évaluation du préjudice ; que la société ROTHELEC a établi elle-même (pièce n°15 b) une récapitulation qui fait apparaître un coût de 326.393 ¿ pour les réparations déjà effectuées et de 1.132.645 ¿ pour celles qui seront à effectuer de manière à remettre en état l'ensemble du parc ; qu'aucune pièce ne vient corroborer cependant les évaluations unilatérales de la société ROTHELEC, lesquelles n'ont fait l'objet d'aucun début de contrôle ; qu'en ce qui concerne ses acquisitions de thermostats du type TCN 2002, seules ont été produites les cinq factures précitées pour 760 pièces ; qu'un autre dossier connexe également soumis à cette Cour à la même audience oppose les parties relativement à un autre modèle de thermostat dénommé TCN 2001 ; que l'expert qui a eu en charge l'examen de ses malfaçons et de leurs conséquences, M. Y..., a indiqué en page 9 de son pré-rapport qu'il avait dénombré 836 interventions entre le 9 octobre 2004 et le 14 juin 2007 ; que dans un tableau joint au prérapport de l'expert X... concernant le litige relatif aux thermostats TCN 2002, un tableau des remplacements selon une annexe dénommée LE15 fait également état de 836 interventions du service après-vente ; qu'une telle coïncidence entre le nombre d'interventions recensées dans les deux dossiers est un peu étonnante et troublante ; qu'en définitive, aucun élément objectif d'évaluation de son préjudice n'a été versé par la société ROTHELEC dans le cadre du présent dossier ; que ses allégations unilatérales renvoient à des dénombrements personnels mal compréhensibles ou douteux, comme le tableau de suivi du service après-vente du TCN 2002 entre 2004 et 2005 (pièce n°15) pour des radiateurs posés pour la plupart avant 2002 ; qu'aucune mesure d'instruction n'est recevable à pallier la carence d'une partie ; que la société ROTHELEC pouvait aisément rechercher les factures qu'elle a dû payer aux installateurs pour remplacer les thermostats, ou soumettre les ordres d'intervention de ses propres techniciens à son expert-comptable, lequel aurait pu donner un avis sur la réalité et l'importance de son préjudice, susceptible de légitimer en cas de contestation une mesure d'instruction complémentaire et contradictoire ; qu'au lieu de cela, elle n'a versé que des dénombrements personnels qui ont suscité les interrogations précédentes ; que dans un tel contexte, la seule solution qui s'impose en réponse aux demandes indemnitaires de la société ROTHELEC et le rejet pur et simple de celles présentées à l'encontre de la compagnie AVIVA ASSURANCES ; que celle-ci ne doit aucune garantie à la liquidation de la société JAEGER CONTROLS malgré l'admission d'une créance au passif de cette procédure ;
1. ALORS QUE le juge ne peut pas fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas compris dans le débat ; qu'en se fondant, de sa propre initiative, sur les connaissances personnelles qu'elle avait acquises à l'occasion d'une autre instance opposant les mêmes parties mais portant sur un autre modèle de thermostat TCN pour dénier tout crédit au tableau des remplacements établis par la société ROTHELEC dont le nombre était identique dans les deux instances, la cour d'appel qui s'est déterminée sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé les articles 6 et 7, alinéa 1er, du Code de procédure civile ;
2. ALORS à tout le moins QUE le juge doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en se fondant, de sa propre initiative, sur les connaissances personnelles qu'elle avait acquises à l'occasion d'une autre instance opposant les mêmes parties mais portant sur un autre modèle de thermostat TCN pour dénier tout crédit au tableau des remplacements établis par la société ROTHELEC dont le nombre était identique dans les deux instances, la cour d'appel, qui s'est déterminée sur un fait qui n'était pas dans le débat sans inviter les parties à en débattre, a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QUE tenu d'évaluer le préjudice dont il constate l'existence en son principe, le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en reprochant à la société ROTHELEC d'avoir omis de produire des éléments objectifs propres à la convaincre de l'évaluation de son préjudice dont l'existence, en son principe, n'était pas déniée en conséquence de la fourniture des thermostats défectueux, quand il lui appartenait d'évaluer les différents préjudices éprouvés par la société ROTHELEC, la Cour d'appel de Colmar a violé l'article 4 du Code civil.