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07/05/2014 | FRANCE | N°13-13934

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2014, 13-13934


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 9 février 2012, n° 10-24.160), que M. X..., engagé par la SNCF en 1973, a été mis à la retraite d'office le 16 novembre 2005

, date de ses 55 ans ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande ten...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc., 9 février 2012, n° 10-24.160), que M. X..., engagé par la SNCF en 1973, a été mis à la retraite d'office le 16 novembre 2005, date de ses 55 ans ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à juger que sa mise à la retraite était constitutive d'un licenciement nul et de celles tendant à obtenir indemnisation des préjudices en découlant, l'arrêt retient que la décision de l'employeur est conforme aux dispositions réglementaires applicables dans l'entreprise pour les salariés âgés de 55 ans et ayant vingt-cinq ans de service, et qu'elle répond à l'objectif légitime de permettre à l'intéressé de bénéficier au plus tôt de sa retraite, peu important, au regard des textes réglementaires applicables, qu'elle ne soit pas à taux plein ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants alors que, si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise à la retraite d'un salarié à un âge donné peuvent ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination prohibée, il n'en résulte pas que la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé est nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire, l'employeur devant justifier que la mesure répond aux exigences de la directive consacrant un principe général du droit de l'Union, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit besoin de statuer sur les troisième et quatrième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la Société nationale des chemins de fer français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Daniel X... de l'intégralité de ses demandes tendant à voir juger que sa mise à la retraite d'office par la SNCF constituait un licenciement nul et à voir condamner celle-ci à lui payer diverses indemnités ;
AUX MOTIFS QUE le litige est désormais circonscrit à la mise à la retraite d'office de Monsieur X... par la SNCF, les autres points du litige ayant été tranchés définitivement ou ayant fait l'objet d'un rejet des pourvois principal et incident sur les arrêts de la cour d'appel de Bordeaux et de la Cour d'appel de Limoges ; que la mise à la retraite d'office doit s'apprécier par référence aux textes applicables à la date à laquelle elle a été effective, le 17 novembre 2005, peu important que certains aient été depuis modifiés ; il est en outre rappelé que Monsieur X... a attendu 17 mois après sa retraite pour saisir le Conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une contestation de celle-ci, alors qu'à la date de sa retraite, la Cour d'appel de Bordeaux était saisie de l'appel du jugement du 28 novembre 2005 ; que l'aveu judiciaire est invoqué à tort, d'une part car l'aveu judiciaire est indivisible, ainsi qu'il résulte de l'article 1356 du Code civil, et que Monsieur X... sépare de leur contexte les extraits des conclusions de la SNCF, et d'autre part car la SNCF ne conteste pas que la mise à la retraite a été faite à son initiative ainsi que cela ressort clairement de la notification qui en a été faite à Monsieur X... le 11 juillet 2005 par acte d'huissier après qu'il a refusé la notification par d'autres voies ordinaires ; que par ailleurs, la SNCF ne se contredit pas et le principe de l'estoppel invoqué par Monsieur X... trouve ses limites dans la procédure orale et dans la possibilité d'adapter l'argumentation à l'évolution du litige telle qu'elle résulte de la décision de la Cour de cassation ; que l'article L 3111-1 du Code du travail exclut les entreprises publiques du champ d'application du titre II du Code du travail, l'article L 1237-5 du Code du travail n'est pas applicable au salarié dont la rupture du contrat de travail pour mise à la retraite d'office est régie par les dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ; qu'il est constant et non contesté que la SNCF a mis Monsieur X... à la retraite d'office au jour de ses 60 ans le 16 novembre 2005 ;que cette possibilité lui était offerte par l'article 7 du règlement des retraites SNCF qui dispose que tout agent peut demander la liquidation de sa pension de retraite lorsqu'il a au moins 25 ans de service et 55 ans sauf certaines professions (conducteur notamment) et que la SNCF peut liquider la pension de tout agent remplissant ces conditions ; que par ailleurs, l'article 10 du référentiel RH 0043 (ancien règlement PS 15) dispose que « la SNCF peut de sa propre initiative et dans des conditions où elle l'estime utile, mettre d'office à la retraite tout agent qui remplit les conditions d'âge et de durée de service valables définies au règlement des retraites de la SNCF. » que le référentiel RH 0360 dispose article 43 : « la SNCF peut de sa propre initiative et dans les conditions fixées par le règlement PS 15, mettre d'office à la retraite tout agent qui remplit les conditions d'âge et de durée de services valables prévues à l'article 42 cidessus » ; que l'article 42 de ce référentiel prévoit que : « l'agent peut demander son admission à la retraite lorsqu'il compte 25 années de service valable et remplit les conditions d'âge définies à l'article 7 du règlement des retraites de la SNCF » article rappelé ci-dessus ; que l'âge maximum de mise à la retraite était en 2005 de 60 ans, mais il était loisible à un salarié atteignant l'âge de 55 ans et remplissant les conditions de durée de services d'en solliciter le bénéfice, ce qui est en soi exclusif d'une discrimination puisque l'initiative pouvait émaner de l'agent ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur X... remplissait les conditions d'âge et de services valables, et que le règlement de la SNCF sur les retraites, dont la légalité a été reconnue et qui constitue un acte réglementaire relevant du contrôle du juge administratif, permet la mise à la retraite d'office ; qu'il appartient à Monsieur X... qui se prévaut d'une discrimination en raison de l'âge contraire aux textes européens de faire état d'éléments de nature à faire présumer une discrimination et à l'employeur de répondre sur ces agissements pour établir qu'ils ne sont pas la manifestation d'une discrimination ; que la mise à la retraite ne constitue pas en elle-même une discrimination liée à l'âge et les textes cidessus rappelés ne prévoient pas que la SNCF doive motiver sa décision de mise à la retraite d'office ; qu'il est rappelé au préalable que Monsieur X... avait en 2002 engagé des démarches pour un départ volontaire auquel il a renoncé (pièce 11 de la SNCF) ; que la circonstance qu'à la date de la retraite de Monsieur X... une action prud'homale fût pendante ne peut constituer ni une cause de mise à la retraite, ni en tant que telle un empêchement pour l'employeur d'utiliser une faculté qui lui est ouverte par les textes applicables pour tous ses salariés ; qu'il importe de rappeler le déroulement chronologique de la mise à la retraite d'office de Monsieur X... : -19 mai 2004 : envoi à Monsieur X... par le service de gestion de carrière d'un imprimé confidentiel de consultation retraite auquel il n'a pas répondu, imprimé mentionnant la date à laquelle il pouvait prendre sa retraite et avec une rubrique « motifs particuliers de maintien en service » (pièce 1 de la SNCF) -28 juillet 2004 : envoi à Monsieur X... d'un nouvel imprimé auquel il a refusé de répondre, suivi d'un courrier par lequel Monsieur X... s'offusquait de l'envoi de ce document (pièce 2 de la SNCF) -8 septembre 2004 : courrier de la direction régionale de la SNCF informant Monsieur X... que faute de réponse, elle considérait que son départ à la retraite interviendrait le 16 11 novembre 2005, sans réponse de Monsieur X... et sans demande de poursuite d'activité au-delà de cette date (pièce 3 de la SNCF) -30 mai 2005 : réunion entre Monsieur X... et son responsable sur les congés à solder suivi d'un compte rendu signé de Monsieur X... en date du 31 mai 2005 adressé à la direction des ressources humaines indiquant que la date prévue de départ en retraite est le 16 novembre 2005 et qu'à partir de cet élément et des jours de congés restant à prendre, Monsieur X... serait absent à compter du 18 août 2005 avec la mention que cet accord « engage les deux parties » (pièce 4 de la SNCF) -14 juin 2005 : lettre recommandée avec accusé de réception de la direction générale des ressources humaines de la SNCF notifiant à Monsieur X... sa retraite au 16 novembre 2005, refusée (pièce 5 de la SNCF) ¿8 juillet 2005 : tentative de notification par lecture en présence de témoins, refusée (pièce 6 de la SNCF) -11 juillet 2005 : notification de la mise à la retraite d'office par acte d'huissier ; que tout au cours de ce processus, qui a duré dix huit mois, Monsieur X... n'a jamais pris explicitement position contre sa retraite, ni sollicité de la SNCF, la possibilité de prolonger son activité salariée, comme il en avait la faculté, que prévoyait expressément le document initial qu'il a refusé de remplir, qui émanait du service de gestion de carrière et est adressé à titre prévisionnel à tous les salariés susceptibles de bénéficier d'une retraite, ce dont il se déduit qu'il acceptait cette mise à la retraite d'office ; que cette possibilité de prolongation lui était également offerte par la lettre du 8 septembre 2004 ; qu'il ressort par ailleurs de la signature du document du 31 mai 2005 fixant le calendrier de ses congés à prendre par référence à la date de sa retraite, document qu'il a signé le lendemain de la réunion, après avoir eu le temps de la réflexion, avec la mention qui l'engage, que les congés ne sont traités que par référence à la date de départ en retraite et sous forme de compte à rebours par rapport à la date de celle-ci ; que dans ces conditions, Monsieur X... est mal fondé à prétendre a posteriori que la mise à la retraite d'office lui a été imposée et est à ce titre discriminatoire, et ne répondait pas à l'objectif légitime de lui permettre de bénéficier au plus tôt de sa retraite -étant rappelé que le fait qu'elle ne soit pas au taux plein est sans incidence au regard des textes applicables aux agents de la SNCF -et dans un objectif légitime de politique de l'emploi dans une entreprise publique, et alors que Monsieur X... n'allègue pas que des agents dans une situation comparable ne se soient pas vu mettre à la retraite, ou refuser une prolongation d'activité sollicitée, et que la SNCF indique accepter de prolonger l'activité des agents susceptibles d'acquérir un avancement à brève échéance de nature à augmenter le montant de leur pension, laquelle est calculée sur les six derniers mois, disposition particulièrement favorable ;
1°) ALORS QUE d'une part, si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise à la retraite d'un salarié à un âge donné peuvent ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination interdite par l'article L. 1132-1 du Code du travail, il n'en résulte pas que la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé est nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire ; que, d'autre part, les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et lorsque les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en affirmant que la mise à la retraite d'office de Monsieur X... par la SNCF répondait à un objectif légitime de l'emploi dans une entreprise publique, quand la généralité du motif invoqué par la SNCF ne permettait pas de considérer la mise à la retraite comme étant justifiée par un objectif légitime, de sorte qu'elle était constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge, la Cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE d'une part, si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise à la retraite d'un salarié à un âge donné peuvent ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination interdite par l'article L. 1132-1 du Code du travail, il n'en résulte pas que la décision de l'employeur de faire usage de la faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé est nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire ; que, d'autre part, les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et lorsque les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en décidant que la mise à la retraite d'office de Monsieur X... ne constituait pas une discrimination en raison de son âge, au motif inopérant qu'il n'avait jamais pris position contre sa retraite ni sollicité de la SNCF la possibilité de prolonger son activité salariée, pour en déduire qu'il aurait accepté cette mise à la retraite d'office, quand il ressort des constatations de l'arrêt que la mise à la retraite de Monsieur X... n'était ni objectivement ni raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif n'étaient pas appropriés et nécessaires, la Cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, L. 1132-1, L. 1133-1, L. 1237-5 et L. 3111-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE la Cour d'appel a modifié les termes du litige en retenant que la SNCF avait mis Monsieur X... à la retraite d'office au jour de ses 60 ans le 16 novembre 2005, quand il ressortait des éléments constants du dossier qu'il était né le 16 novembre 1950 et qu'il n'avait à cette date atteint que l'âge de 55 ans, fait expressément reconnu par les écritures des parties et notamment de la SNCF ; que, par suite, l'arrêt attaqué a violé les dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE l'article L. 3111-1 du Code du travail exclut les entreprises publiques à statut du champ d'application du titre II du livre 1er du Code du travail relatives au contrat de travail et qu'en conséquence les dispositions de l'article L. 1237-5 de ce Code ne sont pas applicables au salarié dont la rupture du contrat de travail pour mise à la retraite est régie par les dispositions du statut des relations entre la SNCF et son personnel ; que le statut (chapitre 7 article 3) prévoit spécialement que l'agent qui désire être admis à la retraite doit en faire la demande par écrit ; que, dès lors, la Cour d'appel, qui a retenu que Monsieur X... était mal fondé à prétendre que la mise à la retraite d'office lui avait été imposée en se fondant notamment sur la circonstance qu'il n'avait jamais pris explicitement position contre sa retraite, ni sollicité de la SNCF la possibilité de prolonger son activité salariée ou encore sur la signature du document relatif aux congés à prendre par référence à la date de sa retraite, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ensemble l'article 3 Chapitre 7 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-13934
Date de la décision : 07/05/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 30 janvier 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2014, pourvoi n°13-13934


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Laugier et Caston, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13934
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