La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2014 | FRANCE | N°13-19010

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2014, 13-19010


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :
Attendu que le moyen, qui est de pur droit, est recevable ;
Et sur le moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1871-1 et 1872-1 du code civil et l'article L. 621-46 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Entreprise Jean Spada et la société Chantiers modernes, aux droits de laquelle se trouve la société Vinci construction France, ont constitué en 1995 une soc

iété en participation (SEP) ayant pour objet l'exécution de travaux de terra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :
Attendu que le moyen, qui est de pur droit, est recevable ;
Et sur le moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1871-1 et 1872-1 du code civil et l'article L. 621-46 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Entreprise Jean Spada et la société Chantiers modernes, aux droits de laquelle se trouve la société Vinci construction France, ont constitué en 1995 une société en participation (SEP) ayant pour objet l'exécution de travaux de terrassement ; que chaque associé participait à hauteur de 50 % à la SEP dont la gérance était assurée par la société Chantiers modernes ; qu'un jugement irrévocable du 13 mars 2002, auquel la société Entreprise Jean Spada n'était pas partie, a condamné la société Chantiers modernes, en sa qualité de gérante de la SEP, à payer une certaine somme à un tiers ; que le 26 décembre 2002, la société Entreprise Jean Spada a été mise en redressement judiciaire, un plan de continuation étant arrêté le 7 janvier 2004 ; que le 31 décembre 2005, la société Chantiers modernes a procédé à la dissolution de la SEP et établi les comptes définitifs entre associés ; que, soutenant que la société Chantiers modernes n'était pas en droit de soustraire du solde créditeur de son compte la créance née du jugement du 13 mars 2002 qui, à défaut d'avoir été déclarée au passif de son redressement judiciaire, était éteinte, la société Entreprise Jean Spada l'a fait assigner en paiement de ce solde ; que la société Chantiers modernes s'est opposée à cette demande et a réclamé reconventionnellement la somme qu'elle estimait lui être due ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société Entreprise Jean Spada et la condamner à paiement, l'arrêt constate que la condamnation prononcée par jugement du 13 mars 2002 ne la concernait pas dès lors que, n'ayant été ni assignée ni appelée en intervention, elle n'en était pas débitrice ; qu'il relève que jusqu'à la dissolution de la SEP le 31 décembre 2005, la société Chantiers modernes a fait fonctionner cette dernière en sa qualité de gérante sans réclamer à la société Entreprise Jean Spada les sommes qu'elle avait avancées ; qu'il retient que la créance de la société Chantiers modernes sur la société Entreprise Jean Spada est apparue à la date de la dissolution de la SEP, à l'occasion de l'établissement du compte définitif, lorsqu'il s'est avéré que l'actif de la société Entreprise Jean Spada était inférieur à son passif dans la SEP ; qu'il en déduit que la société Chantiers modernes n'avait pas à déclarer de créance au passif du redressement judiciaire de la société Entreprise Jean Spada ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la condamnation de la société Chantiers modernes à payer une certaine somme à un tiers, au titre d'une opération entrant dans l'objet de la SEP, avait fait naître une créance de cette société à l'égard de son coassocié, laquelle, ayant une origine antérieure à l'ouverture de la procédure collective de ce dernier, était soumise à déclaration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Vinci construction France, venant aux droits de la société Chantiers modernes, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Jean SpadaIL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Entreprise Jean Spada à verser à la société Chantiers Modernes la somme de 47.149,61 € outre intérêts aux taux légal, et D'AVOIR débouté la société Entreprise Jean Spada de ses demandes tendant à voir constater l'extinction de toute créance de la société Chantiers Modernes envers elle, à voir en conséquence condamner la société Les Chantiers Modernes à donner mainlevée de la caution n° 16 délivrée par la société L'Etoile Commerciale, et à voir condamner la société Chantiers Modernes à lui payer la somme de 65.355 € au titre du solde créditeur de son compte courant ainsi que la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« en sa qualité de gérante, la société Chantiers Modernes a procédé à la dissolution de la société en participation le 31 décembre 2005 et a dressé les comptes définitifs entre les deux associés ; qu'en ce qui concerne la société Entreprise Jean Spada, elle a établi un solde débiteur d'un montant de 47.149,61 € en indiquant que le compte est créditeur de la somme de 65.354,82 €, et qu'il doit en être déduit la somme de 112.504,43 € ; que la somme de 112.504,43 € correspond à la participation de moitié de la société Entreprise Jean Spada au passif résultant de la condamnation d'un montant 225.008,96 € prononcée le 13 mars 2002 au profit de la société SCREG et relative au chantier de l'autoroute 404 ; que la société Entreprise Jean Spada soutient que la créance de 112.504,43 € est éteinte car elle n'a pas été déclarée au passif de son redressement judiciaire ; qu'elle fait valoir à ce propos qu'en sa qualité d'associé à 50 % de la SEP, elle est tenue de payer la moitié du passif de celle-ci, dès sa naissance, que dès que le jugement de condamnation a été prononcé, le 13 mars 2002, elle est devenue débitrice de la somme de 112.504,43 €, qu'il s'agit donc d'une créance antérieure au jugement qui a ouvert sa procédure de redressement judiciaire le 26 décembre 2002, qu'en application des textes alors applicables, cette créance est éteinte pour n'avoir pas été déclarée ; que sur ce, l'article 1872-1 du code civil dispose que chaque associé d'une société en participation contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers ; que contrairement à ce que soutient la société Entreprise Jean Spada, les associés ne sont pas tenus solidairement vis-à-vis des tiers ; qu'il n'en va autrement que si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que la créance litigieuse est née du jugement du 13 mars 2002 qui a fait droit à la demande de la société SCREG dirigée contre la société Chantiers Modernes, gérante de la SEP, sans que la société Entreprise Jean Spada ait été assignée, ni appelée en intervention ; que la condamnation de la société Chantiers Modernes à payer la somme de 225.408,86 € ne concerne que cette dernière ; qu'elle est étrangère à la société Entreprise Jean Spada qui n'en est donc pas débitrice ; qu'en outre la créancière est la société SCREG, la société Chantiers Modernes est au contraire débitrice ; qu'il en résulte que la société Chantiers Modernes n'avait pas à déclarer de créance, alors qu'elle n'était pas créancière, mais débitrice, et qu'aucune déclaration n'avait à être faite au passif de la société Entreprise Jean Spada qui n'était pas débitrice ; que dès lors que la somme 112.504,43 € due par la société Entreprise Jean Spada au titre de sa participation au passif n'est pas éteinte, c'est à bon droit que le tribunal de commerce, a retenu que dans le compte définitif entre associés après dissolution de la SEP, la société Chantiers Modernes était en droit de soustraire cette somme de l'actif de la société Entreprise Jean Spada ; que la société Entreprise Jean Spada ne conteste pas que son actif s'élevait à 65.354,82 € ; qu'elle ne peut en conséquence en réclamer le paiement, alors que son passif est supérieur ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Entreprise Jean Spada de sa demande en paiement de la somme de 65.354,82 € ; que la société Chantiers Modernes calcule que le compte définitif fait apparaître un solde débiteur de 47.149,61 € (65.354,82 -112.504,43) et demande que la société Entreprise Jean Spada soit condamnée à lui payer cette somme qu'elle a avancée ; que jusqu'à la dissolution de la SEP le 31 décembre 2005, la société Chantiers Modernes a fait fonctionner cette société en sa qualité de gérante sans réclamer à la société Entreprise Jean Spada les sommes qu'elle avançait ; que la créance de la société Chantiers Modernes sur la société Entreprise Jean Spada est apparue à cette date lors de l'établissement du compte définitif lorsqu'il s'est avéré que l'actif de cette société était inférieur à son passif dans la société en participation ; qu'il en résulte que la société Chantiers Modernes n'avait pas à déclarer la créance de 47.149,61 € au passif de la société Entreprise Jean Spada, et qu'elle est en droit d'en réclamer le paiement à cette dernière ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la société Entreprise Jean Spada à payer à la société Chantiers Modernes la somme de 47.149,61 € avec les intérêts au taux légal à compter du jugement du 17 janvier 2012 ; que compte tenu de la mainlevée partielle la caution est désormais limitée à la somme de 50.000 € ; qu'iI n'y a pas lieu d'en ordonner la mainlevée, alors que la dette de la société Entreprise Jean Spada est d'un montant similaire ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la caution » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la demande principale, la société Entreprise Jean Spada réclame à la société Chantiers Modernes la main levée de la caution de 50.000 € délivrée par la société L'Etoile Commerciale, constatant que toute créance prétendue par la société Chantiers Modernes est aujourd'hui éteinte ; que le montant du compte courant de la société Entreprise Jean Spada annoncé le 31 décembre 2005 par la société Chantiers Modernes résulte de l'imputation à ce compte, le 31 décembre 2005, de sa participation à la condamnation de la SEP pour un montant de 112.504.43 €, comme il apparaît sur le grand livre de la SEP ; que cette imputation trouve sa source dans une charge solidaire résultant de la condamnation de la SEP prononcée le 13 mars 2002 ; que la société Entreprise Jean Spada prétend que, lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la société Chantiers Modernes se devait de déclarer au passif de la société Entreprise Jean Spada une créance à hauteur de 112.504,43 €, équivalente à la part de société Entreprise Jean Spada dans la condamnation subie par la SEP antérieurement à cette procédure, que la société Chantiers Modernes n'en a rien fait et qu'ainsi, cette créance serait éteinte ; mais que le principe fondamental qui gouverne le fonctionnement d'une société en participation est l'absence de personnalité morale de cette société ; qu'il en résulte que la société ne peut devenir ni propriétaire, ni créancière ni débitrice et que ses droits et obligations ne reposent que sur la tête des associés eux-mêmes ; qu'il ne saurait ainsi être reproché à la SEP ou à la société Chantiers Modernes es-qualités de gérant, de ne pas avoir produit au passif de la société Entreprise Jean Spada ; que, conformément aux dispositions des statuts de la SEP, la dépense correspondant à la condamnation totale de la SEP a été régulièrement imputée pour moitié sur chacun des comptes courants des associés et entrant dans la masse de ceux-ci ; qu'ainsi, la société Entreprise Jean Spada étant infondée dans son argumentation, elle sera déboutée de ses demandes ; que sur la demande reconventionnelle de la société Chantiers Modernes, l'activité de la société Entreprise Jean Spada a été poursuivie, ainsi que l'existence de la SEP qui ne s'achèvera que le 31 décembre 2005, jour de sa dissolution ; qu'à cette date, soit postérieurement au jugement arrêtant le plan de continuation de la société Entreprise Jean Spada, la clôture des comptes de la SEP présente un solde débiteur du compte d'associé de la société Entreprise Jean Spada à hauteur de 47.149,61 € (65.354,82 € non contesté par la société Entreprise Jean Spada - 112.504,43 €, quote-part de la société Entreprise Jean Spada dans la condamnation de mars 2002) ; que la créance de la société Chantiers Modernes, au titre de gérant de la SEP, est donc certaine, liquide et exigible à hauteur de 47.149,61 € ; qu'en conséquence, le tribunal condamnera la société Entreprise Jean Spada à lui verser cette somme, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir » ; ALORS, D'UNE PART, QUE la condamnation de l'associé d'une société en participation occulte à payer une somme d'argent à un tiers, au titre d'une opération relative à la réalisation de l'objet de la société en participation, fait immédiatement naître une créance de l'associé condamné sur son coassocié, à hauteur de la quote-part des droits de ce dernier dans la répartition des bénéfices et des pertes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société Chantiers Modernes avait été condamnée à payer la somme de 225.408,86 € à la société SCREG par jugement du 13 mars 2002, et que cette condamnation était relative au chantier de l'autoroute 404, objet du contrat de société en participation ; qu'il en résultait que, dès sa condamnation, la société Chantiers Modernes était créancière de la société Entreprise Jean Spada à hauteur de 50 % du montant de la condamnation, conformément à la répartition des bénéfices et des pertes prévue par les statuts ; que dès lors, à supposer que la cour d'appel ait jugé que la société Chantiers Modernes n'était devenue créancière de la société Entreprise Jean Spada qu'après le décompte définitif entre associés, et qu'elle n'était pas personnellement créancière de sa coassociée dès la condamnation, elle a violé les articles 1871 et 1872-1 du code civil ;ALORS, D'AUTRE PART, QUE si l'associé débiteur de son coassocié fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, l'associé créancier qui ne déclare pas sa créance auprès du représentant des créanciers de son coassocié voit sa créance éteinte ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que la société Chantiers Modernes était créancière de la société Entreprise Jean Spada à hauteur de 112.504,43 €, en conséquence de la condamnation du 13 mars 2002 et conformément à la répartition des bénéfices et des pertes prévue par les statuts ; que la cour d'appel a encore constaté qu'une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte à l'encontre de la société Entreprise Jean Spada le 26 décembre 2002 ; qu'il s'ensuivait que la société Chantiers Modernes était tenue de déclarer sa créance de 112.504,43 €, ayant son origine avant l'ouverture de la procédure collective, au représentant des créanciers de la société Entreprise Jean Spada ; que dès lors, en jugeant que la société Chantiers Modernes n'avait pas à déclarer cette créance, et en imputant la somme correspondante dans le compte définitif entre associés après dissolution de la société en participation, la cour d'appel a violé l'article L. 621-46 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable, ensemble les articles 1871 et 1872-1 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-19010
Date de la décision : 08/07/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE EN PARTICIPATION - Associés - Règlement des comptes - Créance née d'une opération rentrant dans l'objet social - Déclaration au passif du redressement judiciaire de l'associé - Condition

La condamnation de l'associé d'une société en participation à payer une certaine somme à un tiers, au titre d'une opération rentrant dans l'objet de ladite société, fait naître une créance de cet associé sur son coassocié, qui doit être déclarée au passif du redressement judiciaire de ce dernier, lorsque cette condamnation intervient avant l'ouverture de la procédure collective de ce coassocié


Références :

articles 1871-1 et 1872-1 du code civil

article 621-46 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2006 de sauvegarde des entreprises

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2014, pourvoi n°13-19010, Bull. civ. 2014, IV, n° 116
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, IV, n° 116

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Fédou
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19010
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award