LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Mme Martine X...,- M. Philippe Y..., - M. Norbert Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13e chambre, en date du 12 avril 2013, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de recels, les a condamnés au paiement des droits éludés et a fait droit aux demandes de l'administration des douanes ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 juin 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Nocquet, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Azema, conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZEMA, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 343 et 377 bis du code des douanes, 4 et 203 du code des douanes communautaire, 321-1 du code pénal, 28-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. Y..., Mme X... et M. Z... au paiement des droits et taxes douanières soit la somme de 1 167 208 euros ;
"aux motifs que l'ordonnance de renvoi a saisi le tribunal correctionnel du chef de recel en détenant, transmettant, dissimulant faisant office d'intermédiaire en vue de sa transmission, ou bénéficiant du produit du crime ou d'un délit, en l'espèce des cigarettes qu'ils savaient provenir du délit douanier de soustraction de marchandises fortement taxées sous douane ; qu'en première instance, l'administration a sollicité la requalification du délit de recel de soustraction de marchandises sous douane en délit d'intéressement à la fraude au sens de l'article 399 du code des douanes ; qu'en effet les délits de recel de vol et de recel du délit de soustraction de marchandises sous douane ne sont que la déclinaison du seul délit de recel de droit commun prévu à l'article 321-1 du code pénal, dès lors que le délit de recel n'existe pas en droit douanier ; que l'administration a considéré que les faits commis devaient s'analyser comme étant des faits d'intéressement à la fraude, prévus et réprimés par l'article 399 du code des douanes ; que par jugement en date du 19 avril 2012, le tribunal correctionnel de Marseille a rejeté la demande de l'administration relative à la requalification, considérant que le chef d'infraction initial (recel de l'article 321-1 du code pénal) et le délit douanier de l'article 399 du code des douanes ne constituaient pas des infractions similaires ou assimilées pouvant donner lieu à requalification ; que le tribunal a ajouté que le délit de l'article 399 du code des douanes prévoyait des sanctions plus lourdes qui venaient s'ajouter à celles du délit de droit commun de l'article 321-1 du code pénal pour lequel les prévenus étaient renvoyés ; que par ailleurs le tribunal correctionnel a rejeté également les demandes de l'administration visant à ordonner le paiement solidaire des droits avec la société Watson Brown ; que l'administration a relevé appel de la décision entreprise ; que si l'administration prend acte du rejet de sa demande de requalification, il n'en va pas de même relativement à la demande concernant le paiement solidaire des droits et taxes ; qu'en effet le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des faits de recel et en répression les a condamnés à différentes peines d'emprisonnement avec sursis ; que la dette douanière constitue l'obligation pour une personne de payer les droits à l'importation ou les droits à l'exportation qui s'appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur ; que la dette douanière est une disposition du champ d'application de la réglementation douanière prévue par l'article 4.9 du code des douanes communautaire ; que les articles 4.10 et 4.11 du code des douanes communautaire énoncent les droits à l'importation (dette douanière à l'importation) et les droits à l'exportation (dette douanière à l'exportation), parmi lesquels figurent les droits de douane ; que les faits de vol ont fait naître une dette douanière, les cigarettes étant des marchandises fortement taxées ; que les cigarettes, objet de la présente, étaient importées de Tunisie ; que l'article 203 du code des douanes communautaire dispose que fait naître une dette douanière à l'importation la soustraction d'une marchandise passible de droits à la surveillance douanière ; que la directive CEE 92/12 du 25 février 1992 relative aux droits d'accises en matière notamment de cigarettes (art. 3) précise que I'accise devient exigible lors de la mise à la consommation même irrégulière ou lors de la constatation de manquants ; qu'est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise toute sortie y compris irrégulière d'un régime suspensif ; que tel est le cas dans cette affaire, puisque les marchandises, en l'occurrence les cigarettes, ont été volées et irrégulièrement mises à la consommation ; que l'article 203.3 du code des douanes communautaire fixe la liste des débiteurs au nombre desquels figurent les personnes "qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu'il s'agissait d'une marchandise soustraite à la surveillance douanière" ; que tel est bien le cas des ex-prévenus, intimés en cause d'appel ; que conformément aux dispositions de l'article 285.1 du code des douanes, l'administration des douanes est chargée de recouvrer ou faire garantir la perception des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes intérieures prévues par la législation des contributions indirectes ou de tous autres droits et taxes exigibles à l'importation ou à l'exportation ; que les prévenus qui savaient que les cigarettes avaient été soustraites à la surveillance douanière seront donc condamnés au paiement desdites taxes ; que lorsqu'il y a plusieurs débiteurs pour une même dette douanière, ils sont tenus au paiement de cette dette à titre solidaire (art. 213 du code des douanes communautaire) ; que en sus des pénalités fiscales, il y a lieu d'ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues (art. 377 bis 1 du code des douanes) ; que les tribunaux ne peuvent dispenser le redevable du paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues "ni de la confiscation des marchandises dangereuses pour la santé ou la moralité et la sécurité publique, des marchandises contrefaisantes, ainsi que de celles qui sont soumises à des restrictions quantitatives'' (art.369.4 du code des douanes) ; que dans la présente affaire il a été soustrait sous douane une quantité de 900 cartons de 50 cartouches de cigarettes, soit un total de 45000 cartouches de cigarettes ; que sur ce total de 45000 cartouches, il a été saisi 260 cartouches par les enquêteurs ; que dès lors le nombre de cartouches mises à la consommation, et donc soumises au paiement des droits et taxes est de 44740 cartouches ; que la valeur hors taxes des 900 cartons (ou 45000 cartouches) est de 335 000 euros soit 7,44 euros HT/cartouche, qui constitue l'assiette des droits et taxes ; qu'en conséquence la valeur hors taxes des 44740 cartouches est de 332 865 euros ; que le montant des droits et taxes pour les 44740 cartouches est le suivant : droits de douane : 332.865 x 57,6 % = 191 730 euros ; droit de consommation : 108 euros pour 1000 cigarettes soit 0,108 euros/cigarette, soit 2,16 euros/paquet, soit 21,60 euros/cartouche : 44740 x 21,60 euros = 966.384 euros ; taxe BAPSA :0,61 % de la valeur soit 332.865 (valeur en douane) + 191.730 (droits de douane) + 966.384 (droit de consommation) = 1.490.979 x 0,61 % = 9 094 euros ; total droits et taxes : 191 730 euros + 966.384 euros + 9 094 euros = 1 167 208 euros ; que les ex-prévenus seront condamnés au paiement solidaire de ladite somme ;
"1°) alors que l'article 343 du code des douanes prévoit que l'administration des douanes exerce l'action en paiement des droits et taxes compromis ou éludés prévue à l'article 377 bis de ce même code, dans les procédures dont elle est saisie en application des I et II de l'article 28-1 du code de procédure pénale ; que l'article 377 bis du code des douanes prévoyant que « les tribunaux ordonnent le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues », s'insère dans un paragraphe 3 intitulé « Dispositions particulières aux instances résultant d'infractions douanières », excluant nécessairement les infractions de droit commun ; qu'en outre l'article 28-1 I et II du code de procédure pénale ne vise pas dans la liste limitative des infractions de droit commun concernées par l'action de l'administration des douanes, le délit de recel prévue à l'article 321-1 du code pénal ; qu'en énonçant cependant qu' « il y a lieu d'ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues (article 377 bis 1 du code des douanes) », pour condamner les prévenus, déclarés coupables du délit de recel, au paiement des droits et taxes douaniers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, l'article 203 du code des douanes communautaire qui prévoit l'existence d'une dette douanière lors de la soustraction d'une marchandise à la surveillance douanière, mentionne comme débiteurs de cette dette les personnes ayant acquis ou détenu la marchandise si elles « savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu'il s'agissait d'une marchandise soustraite à la surveillance douanière » ; que conformément à l'article 321-1 du code pénal, le seul fait d'avoir été condamné du chef de recel n'implique pas la connaissance des circonstances de la commission de l'infraction d'origine ni de sa qualification exacte ; qu'en se bornant à énoncer que les prévenus savaient que les cigarettes avaient été soustraites à la surveillance douanière quand il ne résulte d'aucune pièce de la procédure ni de la décision de condamnation, leur connaissance des circonstances précises du vol, comme cela a été invoqué dans les conclusions régulièrement déposées, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors qu'en outre, aux termes de l'article 203 du code des douanes communautaire, les personnes qui ont acquis ou détenu la marchandise ne sont débitrices de la dette douanière que si leur connaissance d'une marchandise soustraite à la surveillance douanière est établie « au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise » ; qu'en se bornant à énoncer que les prévenus « savaient que les cigarettes avaient été soustraites à la surveillance douanière » sans établir si cette prétendue connaissance existait au moment de la réception des cigarettes, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision" ;
Attendu que, pour condamner solidairement au paiement de la somme de 1 167 208 euros au titre des droits et taxes éludés Mme X..., MM. Y... et Z..., déclarés définitivement coupables du recel de cigarettes provenant d'un vol assorti d'une soustraction sous douane de ces marchandises fortement taxées, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les prévenus savaient que les cigarettes avaient été soustraites à la surveillance douanière, la cour d'appel, compétente, en application de l'article 377 bis du code des douanes, pour ordonner le paiement des droits éludés se rapportant aux faits dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix septembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;