LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 novembre 2012), que M. X... a été engagé par la société Adrexo en qualité de responsable commercial grands comptes pour le Centre de Vaulx-en-Velin suivant contrat écrit à durée indéterminée du 2 novembre 2005 ; que le contrat de travail contenait une clause de mobilité prévoyant la possibilité de muter le salarié dans tout autre établissement de l'entreprise, le périmètre géographique de cette clause correspondant à la France métropolitaine ; que par lettre recommandée du 2 avril 2009, l'employeur a notifié au salarié sa mutation à l'agence de Strasbourg ; qu'après avoir sollicité de l'employeur certaines précisions, le salarié a fait connaître par lettre recommandée du 8 mai 2009 son refus de la « proposition de mutation » ; que par lettre recommandée du 9 juin 2009, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour refus de se plier à la clause de mobilité et manquement à ses obligations contractuelles ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale, sollicitant le paiement d'indemnités de rupture ainsi que pour procédure vexatoire, et des rappels de salaire ;
Sur les deuxième à quatrième branches du moyen unique du pourvoi principal du salarié et sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Et sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses demandes à ce titre alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 1222-6 du code du travail que l'employeur qui propose au salarié, par lettre recommandée avec AR, sa mutation en lui laissant un délai d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus, reconnaît que cette proposition a pour objet de modifier son contrat de travail ; qu'en l'espèce, par lettre adressée en recommandée avec AR du 2 avril 2009, la société Adrexo avait précisément indiqué à M. X... qu'eu égard à la nécessité de développer l'activité commerciale de son agence de Strasbourg, elle souhaitait transférer son poste vers cette agence et lui demandait de « faire connaître sa décision (¿) au plus tard le 4 mai 2009 » ; qu'en affirmant dès lors que cette lettre ne constituait pas une proposition de mutation à laquelle le salarié aurait pu ne pas donner suite, quand il ressortait de ce document que l'employeur, en informant le salarié de sa mutation et en lui laissant un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse, lui avait proposé, peu important l'absence de référence à l'article L. 1222-6 du code du travail, une modification de son contrat de travail pour cause économique, de sorte que M. X... ne pouvait être tenu pour fautif de l'avoir refusée, la cour d'appel a violé les articles L. 1222-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir mentionné les termes de la clause de mobilité figurant au contrat de travail, a jugé que la lettre de l'employeur informant le salarié, comme une mutation définitive, du transfert à Strasbourg de son poste responsable grands comptes, ne s'analysait pas comme une simple proposition de mutation qu'il aurait pu refuser, et relevait d'une décision de faire jouer la clause de mobilité ; qu'elle a ainsi justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté, en conséquence, de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE sur la mise en oeuvre de la clause de mobilité, que d'abord, la lettre de la S. A. S. ADREXO en date du 9 avril 2009, informant Cédric X... du transfert à STRASBOURG de son poste de responsable grands comptes et lui notifiant sa mutation définitive, ne constituait pas une simple proposition de mutation à laquelle il aurait été loisible à Cédric X... de ne pas donner suite ; que la référence faite dans ce courrier à un « éventuel déménagement » n'impliquait pour le salarié aucune faculté de refuser sa mutation à STRASBOURG, seule lui étant réservée la possibilité de conserver son domicile à LYON ; que le paragraphe 3 du contrat de travail ne laissait aucun doute sur la conséquence d'une décision de refus : « Tout refus du salarié est susceptible de constituer une cause de licenciement » ;
qu'ensuite, Cédric X..., qui met à la charge de la SAS ADREXO une preuve qui ne lui incombe pas, ne démontre pas que la décision de son employeur de faire jouer la clause de mobilité a en réalité été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; que le registre du personnel de l'établissement de STRASBOURG porte mention de l'engagement des responsables grands comptes suivants : Stéphane Y..., entré le 23 octobre 2000 et sorti le 15 septembre 2006, Anita Z..., entrée le 5 décembre 2005 et sortie le 18 mai 2006, Julien A..., entré le 9 octobre 2006 et sorti le 9 février 2009, Catherine B..., entrée le 1er octobre 2007 et sortie le 19 août 2009, Kevin C..., entré le 1er juillet 2008, Emmanuel D..., entré le 1er août 2008 et sorti le 31 août 2008, Thomas E..., entré le 4 mai 2009 et sorti le 3 novembre 2009, Jean-Philippe F..., entré le 1er septembre 2010 ; que début avril 2009, date de la notification à Cédric X... de sa mutation, deux responsables grands comptes faisaient partie des effectifs de l'établissement de STRASBOURG : Kevin C...et Catherine B...; que celle-ci, en congé de maladie depuis le mois de mars, a été licenciée pour inaptitude en août 2009 ; que de juillet 2008 à février 2009, l'établissement occupait trois responsables grands comptes ; qu'au mois d'avril 2009 la nécessité de renforcer les moyens humains de cet établissement en responsables grands comptes s'imposait par conséquent ; que le choix que la S. A. S. ADREXO a fait de Cédric X..., parmi les salariés susceptibles d'être mutés à STRASBOURG, relevait de son pouvoir de direction et ne peut être remis en cause devant le juge du contrat de travail, en l'absence de discrimination ; qu'enfin, seuls avaient un caractère contractuel les éléments de la grille de rémunération variable ayant fait l'objet d'avenants annuels ; que Cédric X... ne tenait ni de son contrat de travail ni des avenants à ce dernier le droit à une garantie de chiffre d'affaires personnel déterminé ou à un niveau fixe de résultat d'exploitation pour ce qui concernait les dépôts de son secteur géographique ; que la mutation refusée, qui s'accompagnait du maintien de la grille de rémunération variable ayant fait l'objet d'un avenant pour l'année 2009, n'apportait aucune modification au contrat de travail du salarié ; qu'il est donc superfétatoire de relever que la perte alléguée en terme de rémunération variable, pour tenter de justifier le refus du 8 mai 2009, repose sur l'extrapolation à une activité professionnelle, que l'appelant n'a jamais exercée à STRASBOURG, de résultats passés, obtenus par d'autres salariés, dans un contexte économique en permanente mutation ; que le préjudice allégué est donc purement hypothétique ; qu'en conséquence, le jugement qui a dit que le licenciement de Cédric X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et qui l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef doit être confirmé ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article L. 1222-6 du Code du travail que l'employeur qui propose au salarié, par lettre recommandée avec AR, sa mutation en lui laissant un délai d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus, reconnaît que cette proposition a pour objet de modifier son contrat de travail ; qu'en l'espèce, par lettre adressée en recommandée avec AR du 2 avril 2009, la Société ADREXO avait précisément indiqué à Monsieur X...qu'eu égard à la nécessité de développer l'activité commerciale de son agence de STRASBOURG, elle souhaitait transférer son poste vers cette agence et lui demandait de « faire connaître sa décision (¿) au plus tard le 4 mai 2009 » ; qu'en affirmant dès lors que cette lettre ne constituait pas une proposition de mutation à laquelle le salarié aurait pu ne pas donner suite, quand il ressortait de ce document que l'employeur, en informant le salarié de sa mutation et en lui laissant un délai d'un mois pour faire connaître sa réponse, lui avait proposé, peu important l'absence de référence à l'article L. 1222-6 du Code du travail, une modification de son contrat de travail pour cause économique, de sorte que Monsieur X... ne pouvait être tenu pour fautif de l'avoir refusée, la Cour d'appel a violé les articles L. 1222-6 et L. 1235-1 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une clause de résiliation du contrat de travail ne dispense pas le juge de rechercher si la rupture a une cause réelle et sérieuse ;
qu'en retenant, pour considérer que le refus par Monsieur X...de sa mutation sur le site de STRASBOURG justifiait son licenciement, que le paragraphe 3 de son contrat de travail ne laissait aucun doute sur la conséquence d'une décision de refus puisqu'il indiquait qu'elle constituait une cause de rupture, la Cour d'appel a procédé par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée, en conséquence, de base légale au regard des articles L. 1235-1 et L. 1231-4 du Code du travail ;
ALORS, ENSUITE, QUE la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu'elle est susceptible d'entraîner une réduction de sa rémunération ; qu'il en est ainsi lorsque la part variable de la rémunération dépend du chiffre d'affaires réalisé par l'établissement auquel le salarié est affecté, l'affectation dans un établissement dont le chiffre d'affaires est moindre affectant nécessairement son montant et imposant dès lors son accord préalable ;
qu'en déclarant néanmoins « superfétatoire » la question du préjudice allégué par Monsieur X... du fait de sa mutation sans rechercher si, du fait de cette mesure, le salarié n'aurait pas effectivement subi une perte de rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du Code du travail ;
ET ALORS, ENFIN, QUE la décision de mettre en oeuvre une clause de mobilité doit, en toute hypothèse, être dictée par l'intérêt légitime de l'entreprise ; qu'en affirmant que la mutation de Monsieur X... dans un établissement situé à plus de 500 kilomètres était justifiée dans l'intérêt de l'entreprise dans la mesure où ce site ne comptait qu'un responsable grands comptes au lieu de trois, sans répondre au moyen des écritures du salarié (conclusions p. 10 et suivantes) tiré de ce que sa présence n'y était nullement indispensable, son employeur ayant d'ores et déjà procédé à l'embauche d'un autre salarié, Monsieur E..., pour occuper un poste de responsable grands comptes dès le 4 mai 2009 et qu'en toute hypothèse l'établissement avait ensuite fonctionné de novembre 2009 à septembre 2010 avec un seul responsable sans que cela n'ait ni entravé son fonctionnement, ni justifié la mutation d'un autre salarié en son sein, de sorte que la nécessité de la mutation n'était pas démontrée, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan Sarano, avocat aux Conseils pour la société Adrexo
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SAS Adrexo à payer à M. Cédric X... la somme de 5. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral consécutif aux circonstances vexatoires du licenciement ;
AUX MOTIFS QUE « même lorsque le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute ouvrant droit pour le salarié à la réparation de son préjudice moral ; qu'en l'espèce, la SAS Adrexo n'a jamais été en mesure de justifier la mise à pied conservatoire notifiée à Cédric X... le 15 mai 2009 ; qu'à cette date le salarié se trouvait en congés payés depuis le 11 mai et jusqu'au 29 mai 2009 ; que l'intérêt pour l'employeur de prendre une mesure conservatoire d'éloignement, sans attendre les explications de Cédric X... au cours de l'entretien préalable du 28 mai, n'est pas ressorti des pièces et des débats ; qu'il s'agit d'une décision abrupte et vexatoire qui a causé à l'appelant un préjudice moral dont il est fondé à demander réparation ; qu'en conséquence, la SAS Adrexo sera condamnée à verser à l'appelant une somme de 5. 000, 00 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef » ;
1°) ALORS QUE l'octroi de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales de la rupture du contrat de travail suppose que soit établi un comportement fautif de l'employeur, et un préjudice du salarié distinct de celui causé par la rupture du contrat ; que ce constitue pas, par nature, un comportement fautif de l'employeur justifiant l'allocation de dommages et intérêts au titre des circonstances du licenciement, le fait de mettre le salarié à pied de manière conservatoire dans l'attente de l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en retenant, pour décider d'allouer au salarié la somme de 5. 000, 00 euros de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement, que celui-ci avait été mis à pied de manière conservatoire sans qu'il lui soit demandé de fournir des explications, la cour d'appel a violé ensemble les articles L 1235-3, L 1235-5 du code du travail et 1382 du code civil ;
2°) ET ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que la société Adrexo soutenait précisément dans ses écritures d'appel (conclusions p. 20 § 8) qu'après avoir décidé qu'elle devait être le motif du licenciement, elle avait finalement rémunéré la période de mise à pied conservatoire ; qu'en affirmant péremptoirement, sans répondre à ce chef des conclusions de l'exposante, que le salarié pouvait prétendre à des dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.