LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 20 décembre 2012), que Mme X..., titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la société BNP Paribas (la banque) a conclu le 17 mai 2005 sur ce même compte une convention de découvert autorisé d'un montant de 1 500 euros ; que la banque l'a assignée en paiement d'une somme incluant le solde débiteur dudit compte ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société BNP Paribas, au titre de la convention de découvert autorisé, une somme de 1 724, 89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2009, alors, selon le moyen, que la déchéance du droit aux intérêts s'applique à l'ensemble des intérêts courus sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert pendant plus de trois mois, et non aux seuls intérêts afférents au solde débiteur constaté à compter du début de la période de dépassement ; qu'en jugeant que la déchéance des intérêts ne devait s'appliquer qu'à compter du début de la période de dépassement, la cour d'appel a violé l'article L. 311-33 du code de la consommation dans sa version applicable à la présente espèce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le découvert autorisé avait été dépassé en juin 2007, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la déchéance du droit aux intérêts du prêteur devait s'appliquer à compter de cette date ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'une banque dispensant des crédits est tenue, à l'égard d'emprunteurs profanes, d'un devoir de mise en garde lors de la conclusion des prêts sur les risques liés à l'existence de charges de remboursements excessives ; que, dans le cadre de ce devoir de mise en garde, il appartient à la banque de vérifier les capacités financières et de remboursement des emprunteurs, telles qu'elles résultent notamment des déclarations de ceux-ci ; que, dans la présente espèce, les juges d'appel ont constaté que les deux fiches de renseignement remplies par Mme X... pour l'octroi des prêts de 2007 et de 2008, ne mentionnaient pas le même nombre d'enfants et que les revenus qu'elle avait déclarés n'étaient pas ses revenus réels ; qu'en jugeant néanmoins que la nécessité d'une mise en garde n'apparaissait pas caractérisée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir pris en considération l'ensemble des biens et revenus déclarés par Mme X... ainsi que ses charges, la cour d'appel a souverainement estimé qu'en dépit des différences existant entre les deux fiches de renseignements remplies par l'emprunteuse, celle-ci n'était pas exposée à un risque d'endettement excessif par rapport à ses capacités financières, ce dont il résultait que la banque n'était pas tenue à une mise en garde ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame X... épouse Y...à payer à la société BNP PARIBAS, au titre du contrat passé le 17 mai 2005, une somme de 1. 724, 89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE
« Pour l'ouverture de crédit en compte, l'autorisation de découvert de 1. 500 ¿ a été dépassée pendant plus de trois mois au moins, comme l'invoque Mme Y..., à compter de juin 2007.
Vu les dispositions des articles L 311-1 et 3, L 311-8 et suivants anciens du code de la consommation, il convenait alors que la banque propose une nouvelle offre de crédit conforme à la réglementation en matière de crédit à la consommation.
L'irrégularité a été constituée à l'expiration de ces trois mois, la régularisation possible était la conclusion d'une nouvelle autorisation.
Si, courant 2008 (essentiellement d'avril à octobre), le débit est repassé en dessous de l'autorisation de découvert, cela est indifférent. L'irrégularité était constituée et perdurait. La restauration du découvert concerne un autre aspect (relatif à la forclusion) mais non la déchéance du droit aux intérêts, acquise par l'absence de nouvelle autorisation dans les trois mois du dépassement.
Cela étant, cette déchéance s'applique à compter du début de la période de dépassement, en l'espèce juin 2007 (il sera retenue le 25 juin 2007, vu le relevé et le solde de cette date).
Auparavant, la situation était régulière en raison de l'existence d'une autorisation de découvert prévue par le contrat de crédit du 17 mai 2005 (cas différent de celui où il n'y a pas à l'origine de contrat régulier d'autorisation de découvert).
Il n'est pas certain que les intérêts à restituer dépassent le principal restant dû. Ces intérêts étaient de l'ordre de 19 ¿ par mois de juillet 2007 à janvier 2009, puis ensuite entre 35/ 38 ¿ environ.
Le principal est de 2. 753, 36 ¿ au lieu au 25. 11. 2009 dont il convient de déduire les acomptes pour un total de 1. 028, 47 ¿ (vu décompte BNP 22/ 06/ 2010 mentionnant 4 acomptes), soit un solde de 1. 724, 89 ¿.
Il sera donc prononcé, vu l'article L 311-33 ancien du code de la consommation, une condamnation de l'emprunteur à payer cette somme et une condamnation de la banque à restituer les intérêts perçus selon les précisions au dispositif »,
ALORS QUE
La déchéance du droit aux intérêts s'applique à l'ensemble des intérêts courus sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert pendant plus de trois mois, et non aux seuls intérêts afférents au solde débiteur constaté à compter du début de la période de dépassement ; qu'en jugeant que la déchéance des intérêts ne devait s'appliquer qu'à compter du début de la période de dépassement, la Cour d'appel a violé l'article L. 311-33 du Code de la consommation dans sa version applicable à la présente espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts de Madame X... épouse Y....
AUX MOTIFS QUE
« Pour les deux autres crédits, les créances sont justifiées par les contrats de prêt, les tableaux d'amortissement et les décomptes.
En ce qui concerne un manquement au devoir de mise en garde, les actes de prêts comprennent chacun une fiche de renseignement sur la situation de l'emprunteur (intitulée informations client recueillies pour étudier la demande de crédit).
Cette fiche comporte, comme sur les autres pages où il n'y a pas la signature elle-même, un paraphe « BN », devant correspondre à Y...Nathalie, avec un n° de demande correspondant au prêt. Cela permet de considérer que ces fiches se rapportent bien aux prêts litigieux et ont été visées par Mme Y....
Dans la fiche pour le premier prêt, il est mentionné essentiellement : marié, pas d'enfants à charge, propriétaire, aide à domicile (avec nom employeur) revenus 18. 720 ¿ (soit 1. 560 ¿/ mois) charges incluant celle liées au crédit demandé : 6. 006 ¿ (500 ¿/ mois).
Sur la base de ces éléments déclarés par l'emprunteur, il n'y avait pas de risque d'endettement excessif et donc matière à mise en garde (les mensualités du prêt représentaient en elles-mêmes 16 % du revenu, les charges avec donc ces mensualités : 32 %).
La fiche du second prêt mentionne les mêmes données sauf : trois enfants à charge, charges dont celles liées au crédit demandé : 6. 433 ¿ (536 ¿).
S'il y a certes une anomalie d'une fiche à l'autre par rapport aux enfants, le taux des charges (non détaillées) par rapport aux ressources restait admissible (34 %). Les mensualités des deux prêts (total 383 ¿) représentaient 24, 55 % de 1. 560 ¿ (les prélèvements pour la réserve Aurore courant 2007 étaient de 60 ¿).
Par ailleurs, s'il apparaît selon une fiche interne, qu'il a été pris en considération les allocations familiales (5. 520 ¿ et 13. 200 ¿ revenus professionnels = 18. 720 ¿), il s'agit bien de revenus, elles peuvent être prises en considération dans l'analyse du budget, d'autant qu'il est pris en compte les charges, dont les charges d'enfant. Ces données (nature emploi, revenus professionnels, prestations sociales) ne manifestaient pas en elles-mêmes d'anomalies.
Il s'avère que les revenus de Mme Y...n'étaient pas ceux déclarés, mais ce qui est imputable à celle-ci.
Il est certes discutable qu'une banque dispense des crédits sans demander de justificatifs mais, en l'occurrence, si selon l'avis IRPP 2007, le revenu de Mme Y...n'était que de 2. 122 ¿, il convient d'observer que son mari avait des salaires (ou assimilés) pour 22. 515 ¿ (soit 1. 876 ¿/ mois et 24. 637 ¿ au total pour le couple, soit 2. 053 ¿, couple sous le régime de la communauté légale). Il peut être observé aussi, même si cela concerne une période postérieure que, selon l'avis d'IRPP 2008, les revenus du mari étaient de 21. 851 ¿ et ceux du conjoint : 11. 407 ¿.
Par ailleurs, il convient de rappeler que Mme Y...était propriétaire, elle avait donc un bien immobilier, même s'il n'y a pas d'élément sur sa consistance et valeur, il s'agi en soi d'un élément d'actif et de solvabilité.
Dans ce contexte, l'état du compte qui était débiteur, mais de moins de 1. 000 ¿, n'est guère significatif. Et il peut être observé que les prêts ont été payés jusque dans le courant 2009.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments (notamment donc déclarations erronées, situation du couple) la nécessité d'une mise en garde n'apparaît pas caractérisée en l'espèce.
Le jugement sera donc réformé de ce chef »,
ALORS QUE
Une banque dispensant des crédits est tenue, à l'égard d'emprunteurs profanes, d'un devoir de mise en garde lors de la conclusion des prêts sur les risques liés à l'existence de charges de remboursements excessives ; que, dans le cadre de ce devoir de mise en garde, il appartient à la banque de vérifier les capacités financières et de remboursement des emprunteurs, telles qu'elles résultent notamment des déclarations de ceux-ci ; que, dans la présente espèce, les juges d'appel ont constaté que les deux fiches de renseignement remplies par Madame X... épouse Y..., pour l'octroi des prêts de 2007 et de 2008, ne mentionnaient pas le même nombre d'enfants et que les revenus qu'elle avait déclarés n'étaient pas ses revenus réels ; qu'en jugeant néanmoins que la nécessité d'une mise en garde n'apparaissait pas caractérisée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du Code civil.