LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé suivant contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2005 par la société Altergaz devenue la société Eni gaz et Power France (la société), en qualité de directeur des opérations moyennant le versement d'une rémunération composée d'une partie fixe et d'une part variable ; que le 28 décembre 2006, il a été nommé directeur général adjoint de la société auprès du directeur général, tout en conservant ses fonctions de directeur des opérations ; que par avenant du même jour, il a été convenu que la partie variable de la rémunération sera « calculée sur la base de 60 % de la rémunération annuelle brute et déterminée en fonction de la réalisation des objectifs annuels qui seront fixés d'un commun accord dans les 12 mois de la conclusion du présent contrat, puis ensuite au début de chaque année. » ; qu'il a saisi, le 3 juillet 2008, la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et le paiement de diverses sommes ; qu'il a été licencié le 3 octobre 2008 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur et le premier moyen du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de la condamner à payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le contrat de travail prévoit de fixer le montant de la rémunération variable du salarié en fonction d'objectifs annuels définis d'un commun accord entre les parties, l'initiative de cette négociation incombe tant au salarié qu'à l'employeur, de sorte que ni la circonstance que des objectifs n'ont pas été fixés, faute pour les parties d'avoir engagé une négociation à cette fin, ni le non paiement de la rémunération variable, lorsqu'il est consécutif à l'absence de définition de ces objectifs, ne peuvent constituer un manquement exclusivement imputable à l'employeur, de nature à justifier la rupture du contrat de travail à ses torts ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
2°/ qu'en se déterminant par la circonstance que le défaut de paiement de la rémunération variable prévue par l'avenant du 28 décembre 2006 constituait un manquement suffisamment grave de l'employeur, pour en déduire qu'un tel manquement justifiait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, tout en relevant par ailleurs qu'il appartenait à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de procéder avec son salarié à une négociation permettant de définir d'un commun accord les objectifs annuels à atteindre, ce dont il résultait que le seul manquement susceptible d'être retenu à la charge de l'employeur ne pouvait tenir au non paiement d'une rémunération variable au salarié mais tout au plus à l'absence de définition des objectifs annuels servant de base au calcul de cette rémunération, manquement sur lequel il lui appartenait dès lors de se prononcer pour vérifier s'il justifiait la résiliation du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur, qui avait l'obligation d'engager chaque année des négociations avec le salarié en vue de fixer d'un commun accord avec lui les objectifs dont dépendait la partie variable de sa rémunération, n'établissait pas avoir satisfait à cette obligation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il était débiteur, au titre des années 2007 et 2008, de la rémunération variable dont, à défaut d'accord entre les parties, elle a fixé le montant ; qu'ayant ensuite souligné, l'importance des sommes en litige, la rémunération variable étant calculée sur la base de 60 % de la rémunération fixe et ainsi fait ressortir que ce manquement avait empêché la poursuite du contrat de travail, elle a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts afférente à la perte des options de souscriptions d'actions du fait de son licenciement, l'arrêt retient qu'au moment de la rupture, l'intéressé n'avait toujours pas exercé la faculté dont il bénéficiait depuis deux ans et que l'exercice de cette faculté impliquait qu'il débourse d'abord le prix des actions que chaque bon attribué lui donnait le droit de souscrire avant de pouvoir espérer en tirer profit par la perception de dividendes ou la revente de ces actions ; que dès lors qu'il ne fournit aucun élément permettant d'apprécier l'évolution du cours des actions de la société et leur rentabilité, la perte de chance prétendument subie n'apparait pas suffisamment démontrée ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs inopérants alors, d'une part, que du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié, qui aurait disposé d'un délai plus long pour lever les options si son contrat de travail s'était poursuivi, a été privé de la possibilité d'exercer son droit à de meilleures conditions, et par là d'une chance de gain, d'autre part, que la perte de chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour d'appel, qui s'est abstenue de mesurer la réparation à la chance perdue, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages intérêts pour la perte des options de souscriptions d'actions, l'arrêt rendu le 13 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef faisant l'objet de la cassation ;
Dit que M. X... a droit à la réparation du préjudice résultant de la perte des options de souscriptions d'actions ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, pour qu'il soit statué sur le montant de l'indemnité due à M. X... en réparation de son préjudice né de la perte du droit de lever les options sur actions qui lui ont été attribuées ;
Condamne la société Eni Gas et Power France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eni Gas et Power France à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la société Eni Gas et Power France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'appel de Monsieur Pierre X... à l'encontre du jugement rendu le 15 janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Nanterre ;
Aux motifs que l'article R 1461-1 du code du travail qui précise que le délai d'appel est d'un mois prévoit que l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour ; que figure dans le dossier de la cour l'enveloppe de la lettre recommandée postée le 24 février 2010 sous le pli 1A 035 264 8717 1, l'avis de réception destiné à la cour portant sous le nom de l'expéditeur la référence du dossier suivante « X... P. C/ Altergaz » ; que cette lettre a été reçue à la cour le 25 février suivant, en même temps que la déclaration d'appel reçue au nom de M. Frédéric X..., l'enveloppe de cette seconde déclaration d'appel postée également le 24 février 2010 correspondant à l'envoi recommandé numéro 1A 035 264 8718 8 et portant la référence « X... F. C/ Altergaz » ; que la cour ne dispose effectivement à ce jour que de la lettre par laquelle le conseil de M. Frédéric X... indique faire appel du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 4 février 2010 et n'a pas en sa possession le courrier d'appel établi au nom de M. Pierre X... ; que cependant, le tableau établi par le greffe pour lister quotidiennement le nom des affaires dans lesquelles il est relevé appel des décisions des conseils de prud'hommes du ressort avec identification du conseil concerné, ce tableau étant en l'espèce signé du greffier en chef avec apposition du cachet de la cour d'appel pour copie certifiée conforme et daté du 25 février 2010, fait la preuve qu'une déclaration d'appel a été non seulement reçue au nom de M. Frédéric X... mais également au nom de M. Pierre X... ; qu'il est en effet mentionné sur ce tableau le nom et le prénom de ces deux appelants ce qui implique que le greffe a eu nécessairement en main les lettres d'appel de chacun des deux intéressés, étant relevé au surplus que le prénom de l'intéressé figure en entier sur ce tableau, alors même que sur l'enveloppe de la lettre de recours le prénom de l'appelant n'est identifié que par sa première lettre ; que par conséquent, il est suffisamment justifié qu'une déclaration d'appel a bien été reçue, dans le délai, de la part de Monsieur Pierre X... même si à ce jour la déclaration d'appel ne figure plus au dossier dans sa matérialité ; que la cour a donc été saisie régulièrement de l'appel de M. Pierre X... qui devra être déclaré recevable (arrêt attaqué, pages 5 et 6) ;
Alors qu'en statuant comme elle a fait sans autrement s'expliquer, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, sur le fait qu'une déclaration d'appel figurait bien au dossier et portait sous le timbre à date du greffe le numéro de RG de l'affaire concernant Monsieur Pierre X... mais constituant en réalité un acte d'appel formé au nom de Monsieur Frédéric X... contre un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 4 février 2010, la cour d'appel, qui a dès lors statué par des motifs impropres à exclure que cette même lettre ait été, par erreur, adressée deux fois par le conseil commun de Frédéric et Pierre X... et, partant, insuffisants à faire la preuve qu'une déclaration d'appel au nom de ce dernier avait été reçue par le greffe, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article R.1461-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaireEn ce que l'arrêt infirmatif attaqué a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X... aux torts de la société Eni gas et Power France, et en conséquence a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 96.000 € brut correspondant à la rémunération variable de l'année 2007, outre 9.600 € au titre des congés payés, celle de 72.000 € au titre de la rémunération variable de 2008, outre 7.200 € au titre des congés payés, celle de 63.996 € à titre d'indemnité de préavis, outre le congés payés y afférents, celle de 12.798 € à titre d'indemnité légale de licenciement, celle de 50.000 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture, celle de 128.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 7.000 € au titre de la perte de chance de n'avoir pu bénéficier de l'attribution gratuite des 500 actions, telle que fixée par le conseil d'administration du 12 octobre 2006 ;
Aux motifs que dès lors que le salarié présente une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail avant d'être licencié, il appartient à la cour de statuer sur cette demande et d'apprécier si elle est justifiée, préalablement à tout examen du bien fondé du licenciement prononcé postérieurement à l'encontre du salarié ; la date de la rupture est en tout état de cause celle du licenciement ; à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, Monsieur Pierre X... invoque une modification dans ses fonctions ainsi que le défaut de paiement d'une partie de son salaire dans sa part variable ; la société s'oppose à cette demande en faisant valoir que le salarié n'apporte aucun élément pour démontrer la prétendue modification de ses fonctions et qu'il s'est lui-même mis en congé de ses dossiers et a renoncé à s'investir dans la société à partir du mois de juillet 2008 ; elle souligne, s'agissant de la rémunération variable du salarié, que celui-ci n'a jamais formulé de réclamation à ce titre pendant l'exécution de son contrat de travail et que lors de la négociation en juin 2007 du second avenant à son contrat de travail, le salarié a indiqué qu'il préférait une augmentation de sa rémunération fixe annuelle à une rémunération variable dont le paiement était incertain, la société ajoutant que le paiement de cette rémunération variable était conditionné à la fixation d'objectifs d'un commun accord entre les parties ; le salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations ; lorsque les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante, la résiliation est prononcée aux torts de ce dernier et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il ressort des éléments du dossier que la société intimée et M. Pierre X... dont le salaire, tel que défini initialement à son contrat de travail, comprenait une partie fixe de 10.833,33 € et à compter de la seconde année d'emploi une partie variable pouvant atteindre 60 % de la rémunération annuelle brute et déterminée en fonction de la réalisation des objectifs annuels fixés d'un commun accord, ont de nouveau négocié les conditions de la rémunération du salarié et ont signé le 28 décembre 2006 un avenant au contrat de travail prenant effet au 1er janvier 2007 ; cet avenant prévoyait que M. Pierre X... serait rémunéré de la façon suivante : « sa rémunération annuelle brute est de 160.000 € au 1er janvier 2007, répartie en 12 mensualités, pour les années ultérieures, la rémunération annuelle brute fixe sera maintenue et le cas échéant revalorisée selon les dispositions prévues au contrat, il s'y ajoutera une partie variable, calculée sur la base de 60 % de la rémunération annuelle brute et déterminée en fonction de la réalisation des objectifs annuels qui seront fixés d'un commun accord dans les 12 mois de la conclusion du présent contrat, puis ensuite au début de chaque année. En fonction de la réalisation desdits objectifs, ces compléments seront payés à l'issue de l'année considérée » ;
il n'est justifié de la signature d'aucun autre avenant entre les parties et c'est sur la base de ces dispositions contractuelles que la rémunération du salarié devait être versée ; en effet, si la société intimée, dans un courrier de son directeur général du 25 juillet 2008, a indiqué que lors de négociations entamées en juin 2007, M. X... lui aurait fait savoir que la mise en place d'une rémunération variable lui était défavorable et qu'au cours du mois de juillet 2007 il avait été convenu de substituer la rémunération variable contractuellement prévue par une augmentation conséquente de sa rémunération fixe, il n'a été justifié en rien d'une telle négociation, au demeurant contestée par le salarié ; de plus, c'est à compter de janvier 2007 et non de juillet 2007 - aucun avenant n'ayant été signé en juin 2007 contrairement à ce que laisse entendre la société en page 15 de ses écritures - qu'il a été convenu entre les parties d'une augmentation de la rémunération mensuelle fixe de M. X... à 13.333,33 €, étant observé que le règlement de cette rémunération n'a été régularisé qu'à compter de juin 2007 ainsi qu'en justifie le bulletin de salaire correspondant sur lequel figure, à titre de « rappel de salaire de base », la somme de 12.491,67 € qui correspond à la régularisation, pour les mois de janvier à mai 2007, du salaire de base qui n'avait été payé que dans la limite de 10.835 € ; dès lors que l'avenant signé en décembre 2006 prévoyait le paiement d'une rémunération variable définie en fonction des objectifs à réaliser par le salarié, lesquels devaient être définis par négociation entre les parties au contrat, il appartenait à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de procéder avec son salarié, conformément aux conditions de cet avenant, au cours de l'année 2007, puis au début de l'année 2008, aux négociations contractuellement convenues pour fixer les objectifs dont dépendait l'ouverture du droit de ce dernier à sa rémunération variable ; l'employeur, faute de pouvoir justifier qu'à l'issue des négociations qui seraient intervenues avec le salarié en 2007, ce dernier aurait indiqué qu'il ne souhaitait pas l'application de la clause d'objectifs et qu'il aurait renoncé au paiement de sa rémunération variable, ce que M. X... conteste, et faute de pouvoir justifier d'une négociation sur les objectifs fixés au salarié tant pour l'année 2007 que pour l'année 2008, reste par conséquent débiteur de la rémunération variable contractuellement prévue sans pouvoir faire supporter au salarié l'absence de fixation des objectifs ; la société, quand bien même les fonctions de Monsieur Pierre X... étaient importantes, restait en effet tenue de respecter les dispositions contractuelles définissant la rémunération du salarié, toute modification de cette rémunération nécessitant l'accord exprès de ce dernier ; dès lors qu'il n'est démontré aucun accord exprès du salarié pour voir modifier les éléments composant sa rémunération et que le paiement de la rémunération des salariés, dans toutes ses composantes, constitue l'une des obligations essentielles de l'employeur, le défaut de paiement de la rémunération variable constitue un manquement suffisamment grave de l'employeur qui justifie la résiliation du contrat de travail, d'autant que le paiement de cette rémunération variable était calculé sur la base de 60 % de la rémunération fixe contractuellement fixée ; en l'absence de fixation d'objectifs à M. X..., la rémunération variable à laquelle il peut prétendre doit s'établir ainsi pour l'année 2007 à la somme de 96.000 € et pour l'année 2008 à celle de 72.000 € ; le fait que M. X... n'ait pas réclamé pendant l'exécution de son contrat de travail le paiement de cette rémunération variable ne saurait constituer une renonciation à son droit de réclamer le paiement des salaires contractuellement convenus ; par conséquent, la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. Pierre X... doit être prononcée aux torts de la société intimée, sans qu'il soit utile d'examiner s'il est en outre caractérisé une modification dans les fonctions du salarié ; le jugement sera infirmé de ce chef ; cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la demande de la société de voir apprécier le licenciement et la faute de M. Pierre X... devient donc sans objet ; il conviendra de prévoir que la date de résiliation est celle du licenciement de M. X... prononcé par lettre du 3 octobre 2008 (arrêt attaqué, pages 6 à 8) ;
1°/ Alors que lorsque le contrat de travail prévoit de fixer le montant de la rémunération variable du salarié en fonction d'objectifs annuels définis d'un commun accord entre les parties, l'initiative de cette négociation incombe tant au salarié qu'à l'employeur, de sorte que ni la circonstance que des objectifs n'ont pas été fixés, faute pour les parties d'avoir engagé une négociation à cette fin, ni le non paiement de la rémunération variable, lorsqu'il est consécutif à l'absence de définition de ces objectifs, ne peuvent constituer un manquement exclusivement imputable à l'employeur, de nature à justifier la rupture du contrat de travail à ses torts ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
2°/ Et alors en tout état de cause qu'en se déterminant par la circonstance que le défaut de paiement de la rémunération variable prévue par l'avenant du 28 décembre 2006 constituait un manquement suffisamment grave de l'employeur, pour en déduire qu'un tel manquement justifiait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, tout en relevant par ailleurs qu'il appartenait à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de procéder avec son salarié à une négociation permettant de définir d'un commun accord les objectifs annuels à atteindre, ce dont il résultait que le seul manquement susceptible d'être retenu à la charge de l'employeur ne pouvait tenir au non paiement d'une rémunération variable au salarié mais tout au plus à l'absence de définition des objectifs annuels servant de base au calcul de cette rémunération, manquement sur lequel il lui appartenait dès lors de se prononcer pour vérifier s'il justifiait la résiliation du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié une indemnité de rupture contractuelle de 50.000 € au lieu de celle de 447.972 € faisant l'objet de la demande ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Pierre X... sollicite enfin, en application des dispositions de son contrat de travail, le paiement de l'indemnité prévue en cas de rupture de son contrat à hauteur de la somme de 447.972 €, demande à laquelle s'oppose la société intimée ; que le contrat de travail conclu entre les parties prévoit en son article 12 relatif à la « rupture et indemnité de rupture » que après un an de présence dans la société le salarié percevra en cas de licenciement pour tout autre motif qu'une faute lourde, outre les indemnités légales ou conventionnelles, une "indemnité complémentaire de rupture égale au minimum à quinze mois de son salaire brut calculé sur la moyenne des douze derniers mois de rémunération, tous compléments inclus y compris toute gratification sur des opérations particulières et d'autre part toute partie variable sera supposée due aux deux tiers sans que le montant puisse être inférieur à celui de l'année précédente. Chaque année, l'indemnité complémentaire sera augmentée de trois mois sans pouvoir dépasser deux ans" ; que contrairement à ce que soutient la société intimée, les dispositions de l'article L 225-42-1 du code de commerce telles qu'issues de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, lesquelles prévoient l'approbation par le conseil d'administration des engagements contractuels pris au bénéfice notamment des directeurs généraux et des directeurs généraux délégués, ne sont pas applicables en l'espèce dès lors qu'il n'est pas contesté par la société que ses titres n'étaient pas admis à la négociation sur un marché réglementé mais relevant du marché libre ; qu'il n'est pas davantage établi par la société pour faire obstacle à l'application de cette clause contractuelle que celle-ci aurait été stipulée uniquement dans la perspective de l'entrée au capital d'un nouvel investisseur qui aurait mis en oeuvre l'éviction du salarié sans raison valable, la société ne produisant aucun élément pour justifier de la commune intention des parties à cet égard ; que de même, la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne peut être valablement argué, par la société intimée, pour s'opposer à toute mise en oeuvre de cette indemnité, de la prétendue faute du salarié ; qu'il doit par contre être considéré, comme le soutient la société intimée, que cette indemnité contractuelle a le caractère d'une clause pénale et qu'elle peut être modérée lorsqu'elle a un caractère manifestement excessif ; qu'en l'espèce, l'application de cette clause aurait pour conséquence d'allouer à Monsieur X... une indemnité égale à 21 mois de salaire, soit 447.000 €, alors même qu'il n'avait que trois années d'ancienneté lors de la rupture de son contrat et qu'à cette date, il ne s'est pas trouvé sans ressources puisqu'il bénéficie d'une retraite de son emploi dans la société EDF, la société ajoutant dans ses écritures, sans être contredite par le salarié, que ce dernier a exercé après son licenciement une activité de consultant ; une indemnité allouée dans de telles proportions aurait un caractère manifestement excessif et il convient de la réduire à la somme de 50.000 € au paiement de laquelle la société sera condamnée ;
ALORS QUE l'indemnité de licenciement, lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d'une clause pénale qui peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif ; qu'en décidant que l'indemnité complémentaire de rupture prévue à l'article 12 du contrat de travail a le caractère d'une clause pénale et qu'elle peut être modérée lorsqu'elle a un caractère manifestement excessif alors pourtant qu'elle avait constaté qu'elle était due en sus des indemnités légales ou conventionnelles, en cas de licenciement pour tout autre motif qu'une faute lourde, ce dont il s'évinçait qu'elle ne constituait pas une indemnité de licenciement contractuelle, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1152 du code civil ;
ALORS en tout état cas QU'en décidant que la clause contractuelle prévoyant une indemnité complémentaire de rupture en sus des indemnités légales et conventionnelles en cas de licenciement pour tout autre motif qu'une faute lourde est une clause pénale, sans rechercher comme elle y avait été invitée, quelle avait été la volonté commune des parties en stipulant cette clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;
ALORS plus subsidiairement le juge qui décide de modérer la clause pénale en ce qu'elle est manifestement excessive doit justifier concrètement qu'il ne fixe pas une somme inférieure au préjudice subi ; qu'en l'espèce, en se contentant de retenir que le salarié bénéficiait d'une retraite de son emploi dans la société EDF et qu'il exerçait une activité de consultant pour estimer que la somme de 50.000 ¿ était satisfactoire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1152 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande de paiement de la somme de 90.750 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pouvoir exercer les bons de créateurs d'entreprise;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Pierre X... sollicite enfin la condamnation de la société intimée à lui verser la somme de 90.750 € à titre de dommages et intérêts pour compenser la perte de chance de bénéficier de bons de créateurs d'entreprise qui avaient été attribués par délibérations du conseil d'administration de la société en date du 12 octobre 2006 ; qu'il est justifié de la production de la délibération du conseil d'administration que celui-ci a décidé, à cette date et à l'unanimité, de l'attribution de 10.000 bons de créateurs d''entreprise, 5.000 bons étant attribués à Pierre X..., étant précisé que chaque bon donnait droit au salarié de souscrire, au-delà de deux ans d'ancienneté et dans un délai de cinq ans à compter de la délibération que seuls la démission ou le licenciement faisaient perdre au salarié le bénéfice de ces bons ; que dès lors la rupture produits les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. X... a certes perdu une chance de souscrire les actions qui lui étaient ainsi attribuées ; il doit être relevé qu'au moment de la rupture, il n'avait toujours pas exercé la faculté dont il bénéficiait depuis deux ans et que l'exercice de cette faculté impliquait qu'il débourse d'abord le prix des actions que chaque bon attribué lui donnait le droit de souscrire, avant de pouvoir espérer en tirer profit par la perception de dividendes ou la revente de ces actions ; que dès lors qu'il ne fournit aucun élément permettant d'apprécier l'évolution du cours des actions de la société et leur rentabilité, la perte de chance prétendument subie par le salarié n'apparait pas suffisamment démontrée ; il sera par conséquent débouté de toute demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point ;
ALORS QU'en déboutant le salarié au motif qu'il ne fournit aucun élément permettant d'apprécier l'évolution du cours des actions de la société et leur rentabilité, tout en constatant qu'à la date du licenciement de Monsieur X... la valeur des actions était de 19,99 € ainsi qu'il l'a précisé dans ses écritures en sorte que la perte de chance pouvait être estimée à tout le moins à ce moment, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil et L 1221-1 du code du travail.