LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- La société Mas Entreprise Générale,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2013, qui pour blessures involontaires, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DUVAL-ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 121-1, 121-2, 222-19 et 222-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, L. 4741-2 et R. 4532-66 du code du travail ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société Mas Entreprise Générale coupable de blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à 3 mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, l'a condamnée au paiement d'une amende de 15 000 euros et a dit recevable la constitution de partie civile de M. Alexandre X...;
" aux motifs propres que, sur la culpabilité : la société Mas Entreprise Générale soutient en premier lieu que la responsabilité de la personne morale suppose, pour être retenue, que soit démontrée une infraction commise pour son compte par l'un de ses organes ou représentants. Ainsi que l'a très justement relevé la juridiction de première instance, la délégation de pouvoir donnée à un préposé de la personne morale pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, a pour effet de faire de ce préposé, dans le domaine de compétence délégué, un représentant de la personne morale, sans pour autant, exonérer celle-ci de sa responsabilité, à raison des fautes commises pour son compte par celui-ci. Dans ces conditions, peu importe que M. Y...et M. Z...n'aient pas été mis en cause dans la présente procédure, dès lors qu'une faute, commise pour le compte de la personne morale, peut leur être imputée au-delà de la faute commise par les préposés de l'entreprise. En effet, aucun texte n'exige pour engager la responsabilité de la personne morale d'exercer concomitamment des poursuites à l'égard de ses organes ou de ses représentants. En l'espèce, aucun élément ne permet de remettre en cause la validité des délégations de pouvoir écrites dont se prévaut la société Mas Entreprise Générale. Il en résulte que tant M. Z...que M. Y...sont susceptibles d'engager la responsabilité pénale de la personne morale qui les emploie dès lors qu'il sera caractérisé à leur encontre une faute commise pour le compte de la personne morale, ayant contribué à la réalisation des blessures du salarié M. X...Alexandre. La société Mas Entreprise Générale soutient par ailleurs qu'il n'existe aucune lien causal entre l'erreur commise dans la rédaction du PPSPS et l'accident dont a été victime M. X.... Il convient de souligner que l'accident s'est produit alors que les ouvriers étaient en train de retirer les passerelles fixées dans le voile de la façade à R + 2. Cette opération nécessitait d'enlever les sabots fixés dans le mur et pour se faire de retirer les tiges filetées, puis de reboucher les trous laissés par ces tiges. Il a été demandé par M. Anthony A..., chef d'équipe, à M. X...un travail supplémentaire consistant à reboucher un trou laissé par une plaque en bois de coffrage, alors que la passerelle n'était plus solidaire du mur. Selon les ouvriers interrogés, pour réaliser ces travaux de finition, la seule solution était de monter sur la passerelle une fois désolidarisée du mur. Les faits tels que recueillis par l'inspection du travail dès le lendemain de l'accident doivent être considérés comme acquis, rien ne permettant de mettre en doute la sincérité des constatations faites par un fonctionnaire assermenté de cette administration. Le fait que les témoins et la victime, interrogés plus de deux ans après les faits, fassent un récit quelque peu différent de celui initialement recueilli par l'inspection du travail, ne saurait affaiblir ces premières constatations et témoignages collationnés au plus près de l'accident. En effet, il y a lieu de tenir compte des séquelles résultant pour la victime du coma consécutif à sa chute, et de la tentation compréhensible des autres salariés dans l'entreprise, notamment le grutier et le chef de chantier, dont la responsabilité pourrait être recherchée, d'imputer la réalisation de l'accident à la seule victime, M. X.... S'agissant du témoignage de M. Z..., il doit être écarté. En effet, même s'il était présent sur le chantier, il n'a pas vu l'accident se produire et ses déclarations ne sont que pure spéculation ou propos de tiers qu'il rapporte sans aucune vérification. Il est d'ailleurs le seul en janvier 2011 à prétendre que le grutier et la victime se seraient mis d'accord pour utiliser la plate-forme élinguée comme un ascenseur. S'il est exact que M. X...est tombé alors qu'il était débout sur la console n° 16 levée par le grutier à l'occasion d'une manoeuvre pour tenter de la débloquer, il n'en demeure pas moins que sa présence en ce lieu a été induite par la mauvaise organisation du chantier en terme de sécurité. Ainsi, le grutier indiquera que même si la présence de la victime sur cette plate-forme élinguée et suspendue à une grue est anormale, " personne n'a trouvé un autre système pour enlever ces fameux sabots ", précisant que " cela s'est toujours passé ainsi heureusement sans accident jusque là ". Ces déclarations démontrent que les opérateurs n'avaient pas été destinataires de consignes particulières pour cette phase d'enlèvement des plate-formes de nature à garantir la sécurité pour les travaux en hauteur. Interrogé sur ce point en 2011, M. Y...indique qu'il avait prévu dans le PPSPS les modalités de la pose des sabots et des tiges filetées mais admet qu'il n'était pas allé vérifier sur place la conformité du matériel présent sur le chantier avec les préconisations retenues par lui pour assurer la sécurité des ouvriers travaillant en hauteur. Au surplus, M. Z..., selon les propres déclarations de M. Y..., aurait dû vérifier que le PPSPS était en adéquation avec la configuration des lieux et le matériel présent sur le chantier. Il aurait dû également contrôler la bonne dépose des passerelles et s'assurer que personne ne se trouvait dessus. Ce n'est que postérieurement à l'accident le 25 juillet 2008 que le PPSPS a fait l'objet d'un additif concernant la dépose des consoles pignons et la dépose des attaches volantes, opérations qui n'avaient pas été prévues initialement et qui n'avait pas fait l'objet d'instructions particulières auprès des ouvriers. A partir de cette date a été mis en oeuvre une nacelle élévatrice permettant aux ouvriers d'accéder aux points de fixation des sabots sans avoir à monter sur les passerelles, ce qui démontre que la solution technique existait mais que l'entreprise s'est volontairement abstenue de la mettre en oeuvre. Enfin, dans son audition du 4 octobre 2010, M. B..., président du directoire de la société Mas Entreprise Générale reconnaît que le PPSPS était incomplet et qu'il manquait une fiche d'adaptation. Or, l'entreprise, compte-tenu de son importance et de son ancienneté dans la profession, ne pouvait ignorer la réglementation en matière de sécurité et se devait d'être particulièrement rigoureuse au regard du nombre d'ouvriers engagés sur ce chantier. En fait c'est bien un défaut de rigueur dans l'organisation du chantier qui est à l'origine de l'accident, le grutier ayant pris l'initiative de porter M. X...sur la passerelle parce que personne ne lui avait donné d'autres instructions et pour pallier le manque de matériel destiné à assurer la sécurité de l'ouvrier au moment du retrait des sabots et des tiges filetées. Il appartenait aux responsables de l'entreprise de former le grutier aux particularités du chantier mais également de lui donner les instructions nécessaires en matière de sécurité et de lui proposer une solution pratique de nature à protéger les autres salariés du risque de chute. Ainsi, en ne prévoyant pas dans le PPSPS une procédure spécifique pour l'enlèvement des passerelles, des sabots et la réfection des trous laissés par les tiges, l'entreprise par le biais de son délégataire, M. Y..., a bien commis un manquement grave à ses obligations, qui a indubitablement été à l'origine de l'accident. Compte-tenu de ses fonctions, de sa compétence et des moyens dont il disposait, il apparaît qu'il n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombait, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 4352-66 du code du travail. Pour sa part, M. Z..., délégataire des mêmes pouvoirs, a commis une faute de négligence en ne s'assurant pas de la faisabilité du PPSPS élaboré par M. Y...sur place et de la bonne utilisation du matériel mis à disposition du personnel. Le tribunal a ainsi parfaitement caractérisé les manquements résultant de l'abstention d'un des organes ou représentants de la personne morale, manquements ou abstentions qui ont été effectivement commis pour son compte et sont à l'origine directe du dommage subi par la victime. La négligence dont a fait preuve la société Mas Entreprise Générale engage indubitablement sa responsabilité pénale et il convient de confirmer la déclaration de culpabilité prononcée par la juridiction de première instance, en ce que la société Mas Entreprise Générale, au travers de la faute de ses représentants, MM. Y...et Z..., délégataires en matière d'hygiène et de sécurité, a délibérément et manifestement violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, en l'espèce en rédigeant un PPSPS incomplet et inadéquat, ne correspondant pas aux moyens disponibles sur le chantier. Compte tenu des conséquences physiques subies par la victime et de l'importance du chiffre d'affaires annuel réalisé par la société Mas Entreprise Générale, la peine d'amende de 15 000 euros prononcée par le tribunal sera confirmée » ;
" et aux motifs adoptés que, la société Mas Entreprise Générale a soulevé la nullité de la citation qui lui a été délivrée, sur le fondement de l'article 565 du code de procédure pénale, la citation étant rédigée, de son point de vue, dans des termes contradictoires. La citation porterait ainsi atteinte aux intérêts de la société MAS, en laissant planer un doute sur ce qui lui est précisément reproché. La prévenue constate ainsi que la citation lui fait grief d'avoir à la fois rédigé un plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs en inadéquation avec la réalité des moyens matériels dont elle disposait et de ne pas s'être conformée au PPSPS ainsi rédigé. Cependant, il convient de relever que la citation qui saisit le tribunal s'appuie sur une procédure d'enquête et notamment sur le procès verbal de l'inspection du travail n° 1026 du 19 mars 2010, dont la société MAS a eu connaissance et qui précise, dans son paragraphe II B2, ce que ce service entend par l'inadéquation du PPSPS aux modes opératoires adoptés sur le chantier. Dès lors, il apparaît que la citation est suffisamment précise. En outre, il ressort de la formulation de la citation que l'inadéquation du PPSPS aux moyens matériels disponibles sur le chantier et le non respect du PPSPS rédigé sont les deux formulations d'un même grief : soit le PPSPS prévoyait des moyens qui pouvaient être engagés sur le chantier de la clinique Marzet et il est reproché à la prévenue de ne pas avoir fait respecté ce document de sécurité, en négligeant de mettre en oeuvre les moyens ou dispositifs de sécurité prévus ; soit ces moyens spécifiques ne pouvaient être appliqués sur ce chantier, ce que soutient l'inspection du travail, et le PPSPS aurait dû prévoir d'autres dispositifs ou procédures de sécurité. Dans les deux cas, la citation pointe une inadéquation du PPSPS à la réalité du chantier au moment où est survenu l'accident. Cette exception de nullité doit en conséquence être rejetée. En second lieu, la société Mas Entreprise Générale soulève l'irrecevabilité de l'action publique dirigée contre elle, au motif qu'on ne saurait retenir la responsabilité pénale d'une personne morale pour blessures involontaires, au seul motif que celle-ci aurait créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n'aurait pas pris les mesures permettant de l'éviter, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultent de l'abstention d'un des organes ou représentants de la personne morale en question et s'ils ont été commis pour le compte de cette dernière. Elle soutient en effet qu'ayant donné délégation en matière d'hygiène et de sécurité, d'une part à son conducteur de travaux M. Y..., rédacteur du PPSPS, d'autre part au chef de chantier M. Z...chargé d'appliquer et de mettre en oeuvre les règles et moyens de sécurité prévus par ce document, elle s'est exonérée de sa responsabilité pénale, dans la mesure où elle rapporte la preuve qu'elle a délégué ses pouvoirs à deux personnes qui disposaient d'une formation suffisante au regard des responsabilités déjà exercées et de leur ancienneté, du pouvoir disciplinaire sur le personnel de chantier placé sous leurs ordres leur permettant de prendre à son encontre des sanctions disciplinaires définies dans le règlement intérieur de l'entreprise et du pouvoir de décider des dépenses afférentes s'avérant nécessaires et en vue d'appliquer la réglementation du travail et de la main d'oeuvre, les prescriptions d'hygiène et de sécurité contenues dans le code du travail. Elle considère en outre que pour satisfaire aux conditions légales de la responsabilité pénale des personnes morales, telles que réaffirmées par la cour de cassation depuis un arrêt du 11 avril 2012, le ministère public ne pouvait faire l'économie de poursuites engagées contre les deux délégataires précités. Cependant, la délégation de pouvoir donnée à un préposé de la personne morale pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires a pour effet de faire de ce préposé, dans le domaine de compétence délégué, un représentant de la personne morale, sans pour autant exonérer celle-ci de sa responsabilité pénale, à raison des fautes commises pour son compte par celui-ci. Dans ces conditions, peu importe que M. Y...et M. Z...n'aient pas été mis en cause, dès lors qu'une faute, commise pour le compte de la personne morale, peut leur être imputée au delà de la faute commise par les préposés de l'entreprise. En effet, l'article 121-2 du code pénal relatif à la responsabilité pénale des personnes morales n'impose nullement de poursuivre, en même temps que celle-ci, ses organes ou représentants contre lesquels une faute pourrait être retenue. En effet, si tel était le cas, le législateur n'aurait pas cru bon de devoir préciser, dans l'alinéa 3 du texte, que la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits. Dans ces conditions, ce moyen d'irrecevabilité de l'action publique engagée contre la société MAS doit être rejeté. Au fond, la société Mas Entreprise Générale conclut à sa relaxe au motif qu'aucune faute pénale à l'origine du dommage n'aurait été commise par ses organes ou représentants, l'accident étant entièrement imputable à la faute respective commise par le grutier, M. D...et par M. X...lui même, indépendamment de la rédaction du PPSPS. Selon elle, M. X...n'aurait pas dû se positionner sur la console n° 16 une fois celle-ci désolidarisée du voile en béton et le grutier n'aurait pas dû accepter de lever cette console avec M. X...dessus. L'absence sur le chantier de sabots à chaînettes et de plate-formes sécurisées destinées à les mettre en place est donc sans lien de causalité directe avec le dommage. S'il est indiscutable que l'opérateur de la grue a lui même commis une faute, contraire aux règles d'utilisation de la grue qu'il était habilitée à manoeuvrer et auxquelles il avait été formé, cette faute n'est pas exclusive de celles des dirigeants ou représentants de la personne morale qui par leur imprudence, leur négligence, ou leur manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, au sens de l'article 121-3 du code pénal, s'il est établi qu'ils n'ont pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de leurs missions ou de leurs fonctions, de leurs compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont ils disposaient. En sa qualité de conducteur de travaux chargé de rédiger le PPSPS, M. Y...devait respecter les dispositions de l'article R. 4352-66 du code du travail et notamment analyser de manière détaillée les procédés de construction et d'exécution ainsi que les modes opératoires retenus, dès lors qu'ils ont une incidence particulière sur la santé et la sécurité des travailleurs sur le chantier, et définir les risques prévisibles de façon à indiquer les mesures de protection collective ou à défaut individuelle les plus adaptées pour les prévenir. M. Z..., chef de chantier, devait quant à lui mettre en oeuvre le PPSPS rédigé et plus généralement veiller au respect des règlements en matière d'hygiène et de sécurité des conditions de travail. Selon la prévention, il peut être reproché à la société Mas, au travers de la faute de ses représentants MM. Y...et Z..., délégataires en matière d'hygiène et de sécurité, d'avoir délibérément et manifestement violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, en l'espèce en rédigeant un PPSPS en inadéquation avec la réalité des moyens matériels dont elle disposait et en ne se conformant pas au PPSPS rédigé. En effet, le PPSPS prévoyait pour la mise en oeuvre des sabots de fixation des consoles, des plate-formes sécurisées de travail, absentes sur le chantier. Ces plate-formes si elles avaient été utilisées auraient permis d'effectuer les travaux de finition de façade de haut en bas au fur et à mesure de l'enlèvement des consoles. Toutefois, l'inspection du travail estime que compte tenu de l'exiguïté du chantier et de l'encombrement des voies de circulation, ces équipements ne pouvaient pas être positionnés de manière sécurisée. Dans ces conditions, le PPSPS devait envisager des moyens ou un mode opératoire alternatifs pour effectuer les travaux de finition des voiles, après enlèvement des sabots de fixation des consoles. Or, le PPSPS est taisant sur ce point, contrairement à la partie C du document intitulé « schémas explicatifs » produit par la société Mas en annexe de ses conclusions qui prévoit que « le ragréage de la façade sera effectué ultérieurement, à l'aide d'une nacelle ou depuis l'échafaudage du peintre ». Ce document n'était pas le document de sécurité applicable au chantier au moment de l'accident. De fait, après l'accident, un additif au PPSPS a été rédigé pour tenir compte des observations formulées par l'inspectrice du travail. Ce document prévoit dorénavant l'enlèvement des sabots de fixation de consoles et le rebouchage des trous laissés par les tiges filetés, à l'aide d'une nacelle à flèche articulée manoeuvrée par deux opérateurs titulaires du CACES. Ainsi, il apparaît que le PPSPS, rédigé par M. Y..., était manifestement incomplet, celui-ci ayant omis de préciser le protocole d'enlèvement des sabots de fixation de consoles et de rebouchage des trous laissés par les tiges filetées, en tenant compte des particularités de ce chantier. Compte tenu de ses fonctions, de sa compétence et des moyens dont il disposait, il apparaît qu'il n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, méconnaissant délibérément les dispositions de l'article R. 4352-66 précité. En outre, il ressort du procès verbal n° 1026 établi par l'inspection du travail que le matin de l'accident, la console élinguée était utilisée comme nacelle, au mépris des dispositions de l'article R. 4323-31 du code du travail, à l'initiative de M. Anthony A...chef de file, afin d'enlever les sabots de fixation et de reboucher les trous laissés par les tiges filetées. C'est M. A...qui a demandé à M. X...de monter sur la console détournée de son usage pour reboucher les trous laissés dans le voile béton. M. Z..., présent ce matin là sur le chantier, ne pouvait ignorer le mésusage de la console n° 16 ainsi transformée en nacelle improvisée. Afin d'éviter ce mode opératoire contraire aux règlements, il aurait dû soit mettre en oeuvre des moyens prévus par le PPSPS, sabots à chaînettes et plate-forme sécurisée positionnées sur la terrasse du premier étage pour effectuer les finitions une fois les sabots enlevées, soit, confronté à l'impossibilité d'utiliser ces dispositifs, demander à M. Y...de rédiger un additif au PPSPS de façon à envisager un mode opératoire alternatif, tel que celui qui a été adopté après l'accident. Il s'agit là également d'un manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, car M. Z...était directement en charge de la sécurité sur le chantier et devait veiller à l'application du PPSPS et plus généralement aux règlements en matière d'hygiène et de sécurité des conditions de travail. Compte tenu de ses fonctions, de sa compétence et des moyens dont il disposait, il apparaît qu'il n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient. En conséquence, M. Y...et M. Z..., tous deux représentants de l'entreprise Mas, en vertu de la délégation qu'ils avaient respectivement reçue, ont, par les manquements qui peuvent leur être reprochés, créé la situation qui a permis la réalisation du dommage, en laissant pratiquer sur le chantier de la clinique Marzet un mode opératoire pour les finitions de façade qui ne préservait pas la sécurité des ouvriers et en permettant un usage détourné des consoles pignons, utilisées comme nacelles. La faute de ces deux représentants, commise pour le compte de l'employeur personne morale, auquel incombe l'obligation d'assurer l'hygiène et la sécurité des conditions de travail de ses salariés, engage par conséquent la responsabilité pénale de la Société Mas entreprise générale qui sera condamnée à une amende de 15 000 euros » ;
" 1°) alors que le délit de blessures involontaires par une personne morale avec incapacité supérieure à trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement suppose que les éléments constitutifs du délit, notamment l'élément intentionnel, soient caractérisés à l'encontre d'une personne physique qui est l'organe ou le représentant de la personne morale prévenue et qui a agi pour le compte de cette dernière ; que viole les principes du procès équitable et de l'égalité des armes le fait de poursuivre, juger et condamner une personne morale pour un tel délit sans avoir également poursuivi et jugé son organe ou représentant, à l'encontre duquel les éléments constitutifs dudit délit sont jugés réalisés sans qu'il ait été entendu ou appelé, donc sans qu'il ait pu s'expliquer devant le juge, dans l'intérêt de la personne morale prévenue, sur les faits, notamment l'intention coupable, qui sont imputés à cette dernière ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait déclarer coupable et condamner la société Mas Entreprise Générale en énonçant qu'au travers de la faute de ses représentants, MM. Y...et Z..., délégataires en matière d'hygiène et de sécurité, elle avait délibérément et manifestement violé une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en rédigeant un plan particulier de sécurité et de protection de la santé incomplet et inadéquat, ne correspondant pas aux moyens disponibles sur le chantier, quand MM. Y...et Z...n'avaient pas été poursuivis et jugés pour ce délit et n'avaient donc pas pu s'expliquer devant les juges dans l'intérêt de la société Mas Entreprise Générale sur les faits, notamment la violation délibérée et manifeste d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité, qui étaient imputés à cette dernière ;
" 2°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait elle-même constaté, d'une part, que la faute imputée à la sté Mas Entreprise Generale avait été commise par MM. Y...et Z...dans le domaine de compétence et en vertu des pouvoirs qui leur avaient été délégués par écrit et, d'autre part, que ces derniers étaient pourvus de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exécution de la mission qui leur avait été déléguée ; qu'en déclarant coupable et en condamnant la société Mas Entreprise Generale en lieu et place de MM. Leroy et Lopez pour la faute commise par ces derniers, la cour d'appel a privé d'effet les délégations de pouvoirs qui leur avaient été valablement données et a violé le principe susvisé " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, pour déclarer la société Mas Entreprise Générale coupable de blessures involontaires, à la suite d'un accident du travail subi par M. X..., salarié intérimaire ayant fait une chute sur un chantier de l'entreprise depuis une passerelle qui n'était pas destinée au levage des personnes et était élinguée par une grue, la cour d'appel a retenu que M. Y..., conducteur de travaux, et M. Z..., chef de chantier, titulaires de délégations de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité, avaient l'un, manqué à ses obligations en élaborant un plan particulier de sécurité et de protection de la santé incomplet et inadéquat, ne correspondant pas aux moyens disponibles sur le chantier et l'autre, commis une faute de négligence en ne s'assurant pas de la faisabilité de ce plan sur place et de la bonne utilisation du matériel mis à disposition du personnel, que ces manquements résultaient de l'abstention de représentants de la personne morale, agissant pour le compte de celle-ci et étaient à l'origine directe du dommage subi par la victime et qu'aucun texte n'exigeait pour engager la responsabilité de la personne morale d'exercer concomitamment des poursuites à l'égard de ses organes ou de ses représentants ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel qui a caractérisé à la charge de la société poursuivie une faute d'imprudence et de négligence, commise pour son compte par ses représentants et en lien causal avec le dommage subi par la victime, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, les salariés d'une société titulaires d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, et comme tel investis dans ce domaine de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de leur mission, sont des représentants de la personne morale au sens de l'article 121-2 du code pénal et engagent la responsabilité de celle-ci en cas d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu'il étaient tenus de faire respecter en vertu de leur délégation ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Mas Entreprise générale devra payer à la société civile professionnelle Benabent et Jehannin, avocat en la cour, en vertu de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la société Mas Entreprise générale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.