LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., âgé de soixante-trois ans, s'est rendu caution, le 26 septembre 2007 du remboursement de prêts consentis pour une durée de soixante-douze mois, à la société Patrice Alexandre (la société), dont il était gérant, par la Banque populaire Val-de-France (la banque) et a adhéré au contrat d'assurance groupe souscrit par celle-ci, garantissant les risques de décès jusqu'à soixante-dix ans, et de perte totale irréversible d'autonomie et d'incapacité de travail jusqu'à soixante-cinq ans ; que M. X..., ayant été victime d'un accident vasculaire cérébral, l'assureur a pris en charge les échéances des prêts jusqu'au 4 février 2009 ; que la société ayant été mise, le 29 septembre 2009, en liquidation judiciaire, la banque a assigné M. X... en paiement de diverses sommes ; que reconventionnellement celui-ci a recherché sa responsabilité pour manquement à son obligation d'information et de conseil ;
Attendu que pour rejeter la demande en dommages-intérêts de M. X... et le condamner, en sa qualité de caution, à payer à la banque, dans la limite de 34 600 euros, la somme de 31 704,11 euros avec intérêts au taux contractuel, l'arrêt retient qu'il ne démontre pas qu'il aurait pu obtenir d'un autre assureur une garantie de ce type au-delà de l'âge de 65 ans, compte tenu du risque important de survenance d'une maladie invalidante à cette période de la vie ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure toute probabilité de réalisation de la perte de chance invoquée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne la Banque populaire Val-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Me Foussard, avocat de M. X..., la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par Monsieur X..., en vue d'une compensation, et condamné en conséquence Monsieur X... à payer à la BANQUE POPULAIRE VAL DE France, dans la limite de 34.600 euros, la somme de 31.704,11 euros sur le fondement d'un cautionnement avec intérêts au taux contractuel ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. X... expose au soutien de son appel que la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE lui a fait souscrire un contrat d'assurance groupe auprès de la compagnie AGF à hauteur de 100% pour décès perte totale irréversible d'autonomie et incapacité de travail; que la notice d'assurance stipulait que cette assurance prenait fin à son 65ème anniversaire en ce qui concerne les garanties PTIA et IT quelque soit l'âge à l'adhésion et la durée restant éventuellement à courir jusqu'au terme du prêt ; qu'il avait 64 ans et 10 mois lors de son accident vasculaire cérébral survenu le 15/1/2/2008, et a eu 65 ans le 4/02/2009 date à laquelle il n'était plus assuré au titre du prêt; que la banque engage sa responsabilité pour ne pas avoir attiré son attention sur la déchéance de la garantie à compter du 65ème anniversaire et lui avoir fait souscrire une assurance groupe devenue obsolète et inutile dès le 4/02/2009 alors que le prêt continuait de courir jusqu'au 15/10/2011; que l'intimée a manqué à son obligation de conseil et lui a fait perdre une chance de ne pas être inquiété en cas de survenance d'un sinistre; que la remise de la notice d'assurance par la banque ne suffit pas à satisfaire son obligation d'information ; qu'il est fondé à lui réclamer une indemnité égale à la somme due au titre du prêt litigieux ; que la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE réplique que lors de la souscription du prêt elle a remis à M. X... la notice d'assurance annexée à l'engagement de caution et paraphée de sa main; que les conditions générales mentionnent clairement que l'assurance prend fin au plus tard lorsque l'assuré atteint son 65ème anniversaire s'agissant des garanties perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail et au 70ème anniversaire pour l'assurance décès ; que la notice d'assurance prévoyait que l'assuré pouvait demander des précisions à l'assureur; que M. X... n'a jamais demandé à bénéficier d'une couverture plus large et restait en tout état de cause assuré pour le risque décès jusqu'au terme du contrat ; qu'elle n'a donc pas failli à son devoir d'information ; que subsidiairement l'appelant ne peut prétendre qu'à la perte d'une chance d'être assuré et qu'il ne démontre pas qu'il aurait pu bénéficier auprès de l'assureur ou bien d'un autre assureur d'une couverture du risque perte totale et irréversible d'autonomie, et incapacité de travail, passé son 65ème anniversaire; que cette garantie n'est jamais proposée en raison de l'importance du risque de réalisation d'un tel sinistre ; qu'il est constant que le banquier qui propose à son client emprunteur un contrat d'assurance groupe est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; qu'il apparaît en l'espèce, et en application du contrat d'assurance, la garantie perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité de travail souscrite par M. X... a pris fin à la date de ses 65 ans, c'est à dire un peu plus d'un an après la signature du contrat de prêt, et que précisément il est tombé gravement malade juste avant ; que cependant si cette garantie expirant à la date anniversaire des 65 ans du souscripteur semble inadaptée, ce dernier ne rapporte pas la preuve qu'il aurait pu obtenir d'un autre assureur une garantie de ce type au delà de l'âge de 65 ans compte tenu en effet du risque important de survenance d'une maladie invalidante à cette période de la vie ; qu'il ne démontre donc pas qu'il a perdu une chance d'être mieux assuré et doit être débouté de sa demande de ce chef ; le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur le montant de la condamnation prononcée, laquelle portera intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 22/10/2009» ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « en garantie du prêt consenti par la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, Monsieur Patrice X... a souscrit un contrat d'assurance groupe auprès de la compagnie AGF ; que Monsieur Patrice X... était âgé de 63 ans et 10 mois au moment de la signature du prêt ; qu'il ressort de l'article IV de la « convention générale » que l'assurance prend fin au plus tard et pour tous les prêts, lorsque l'assuré atteint son 65ème anniversaire en ce qui concerne les -garanties P.T.I.A et I.T ; qu'il est versé aux débats le refus de prise en charge de l'assurance en raison des dispositions de l'article IV de la « convention générale » ; que la jurisprudence versée aux débats par Monsieur Patrice X... distingue le débiteur profane du débiteur averti au sujet du devoir d'information et de conseil des établissements bancaires ; que Monsieur X..., gérant de la SARL PATRICE ALEXANDRE, a signé le contrat de prêt, le contrat d'assurance groupe ainsi que l'acte de cautionnement solidaire du 26 septembre 2007 ; que, pour être qualifié de débiteur profane, Monsieur Patrice X... devrait apporter la preuve que la SARL PATRICE ALEXANDRE était la première société dont il était le gérant ou qu'il n'avait jusqu'alors jamais exercé d'activité commerciale ; que Monsieur Patrice X..., âgé de plus de 63 ans lors de la signature du prêt, n'évoque aucun élément en ce sens, ni dans ses conclusions, ni lors de l'audience ; que le tribunal considérera que Monsieur Patrice X... est un débiteur averti dans cette affaire ; qu'ainsi, c'est en qualité de débiteur averti que Monsieur Patrice X..., gérant et caution solidaire de la SARL PATRICE ALEXANDRE, a reçu, paraphé et signé la notice sur l'assurance garantie de prêt « convention générale N° 5245 » ; que le tribunal considérera que la BANQUE POPULAIRE VAL DE France n'a pas failli à son devoir d'information et de conseil lors de la signature du contrat d'assurance groupe et déboutera Monsieur Patrice X... de sa demande à titre subsidiaire » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, ayant admis que la garantie proposée par le banquier était inadaptée, eu égard à la durée du prêt et aux risques que les parties avaient entendu d'un commun accord couvrir et que le banquier n'avait pas alerté Monsieur X... sur cette situation, les juges du fond ont admis en son principe un droit à réparation à son profit ; que s'il est exact qu'en cas de manquement à l'obligation d'information et de conseil, le préjudice subi s'analyse en une perte de chance, les juges du fond se sont mépris sur la preuve incombant à Monsieur X... ; qu'en effet, il appartenait seulement à ce dernier, au titre du préjudice, d'établir qu'il aurait eu la possibilité de solliciter, soit auprès de la banque, soit auprès d'un organisme tiers, une assurance couvrant son incapacité au-delà du 65ème anniversaire ; qu'en exigeant de lui qu'il rapporte la preuve, avec certitude, de trouver une assurance garantissant le risque de l'incapacité, au-delà du 65ème anniversaire, les juges du fond ont commis une erreur quant au préjudice prenant la forme d'une perte de chance et violé les articles 1137 et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, force est de constater que la formule utilisée par l'arrêt laisse incertain le point de savoir si les juges du second degré ont entendu exiger de Monsieur X... une certitude quant à la souscription d'une assurance, pour la période postérieure à son 65ème anniversaire ou s'ils ont simplement entendu exiger de lui que soit rapportée la preuve d'une possibilité de souscription d'assurance pour cette période ; qu'à tout le moins, l'arrêt doit être censure pour défaut de base légale au regard des articles 1137 et 1147.