LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Dominique X...,
- M. Marc X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 28 janvier 2015, qui les a renvoyés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône sous l'accusation d'association de malfaiteurs, tentatives d'assassinat en bande organisée et tentative d'assassinat aggravé en bande organisée ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 197, 199, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de supplément d'information visant à obtenir la communication de pièces absentes du dossier et prononcé la mise en accusation de MM. Marc et Dominique X... ;
"aux motifs que, sur la demande de supplément d'information, les demandes présentées dans le mémoire en défense l'ont déjà été, le 7 mars 2014, au magistrat instructeur, qui y a répondu, le 31 mars 2014, par une ordonnance disant n'y avoir lieu à mesure d'instruction complémentaire(D9677, D9673) ; que la chambre de l'instruction, saisie en appel, a, le 24 septembre 2014, infirmé cette ordonnance en ce qu'elle rejetait une demande qu'il y avait lieu de déclarer purement et simplement irrecevable ; qu'il a donc été répondu aux demandes formulées, par décisions devenues définitives et que l'appel sur l'ordonnance de mise en accusation ne saurait permettre à une partie de renouveler une demande qu'elle n'a pas présenté dans les délais légaux ; qu'en outre, au regard des dispositions de l'article 201 du code de procédure pénale, que si la chambre de l'instruction peut, même d'office, ordonner tout acte d'information complémentaire, encore faut-il que cet acte lui paraisse utile à la manifestation de la vérité ; que la défense des appelants sollicite la délivrance de copies de pièces, ce qui, en soi, n'est pas un acte utile à la manifestation de la vérité ; que, plus précisément, s'agissant de la demande de copie du CD Rom de modélisation de la scène de crime dont la photocopie du support figure en côte D55, il sera observé que chacune des parties a eu accès aux mêmes pièces du dossier et que figure en procédure l'album photographique complet des lieux, permettant une parfaite appréhension de la scène ainsi que des munitions et objets découverts ; qu'en conséquence, la demande formulée à ce titre n'est d'aucune pertinence dans la recherche de la vérité ; que s'agissant des demandes de copies de CD Rom, qu'il s'agit de supports concernant des écoutes téléphoniques réalisées à partir des lignes filaire et fixe attribuées à M. François-Marie X... (D1621, D1665, D1644, D1664) et de la ligne cellulaire utilisée par M. Yves Y... (D1013) ; que l'officier de police judiciaire, sous l'autorité du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, tous deux magistrats garants des libertés individuelles, transcrit les correspondances utiles à la manifestation de la vérité ; qu'à ce titre, ont été transcrites, d'une part, des conversations intéressant MM. Marc X... et François-Marie X... présentant un intérêt pour l'enquête et, d'autre part, les échanges entre M. Yves Y... et certains interlocuteurs, présentant le même intérêt, les autres conversations captées n'ayant pas la même pertinence ; qu'il ne saurait dont être ordonné la transcription de l'intégralité de conversations sans intérêt ; qu'il ne sera donc pas fait droit à la demande de supplément d'information ;
"1°) alors que les prescriptions de l'article 197 du code de procédure pénale, qui ont pour objet de permettre aux avocats des parties de prendre connaissance de l'ensemble du dossier de l'information, et de pouvoir, en temps opportun, produire devant la chambre de l'instruction tous mémoires utiles, sont essentielles aux droits de la défense et doivent être observées à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de supplément d'information visant à obtenir copie du cédérom de modélisation de la scène du crime, qui, n'ayant pas été placé sous scellé et déposé au greffe à titre de pièce à conviction, faisait partie du dossier au sens de ce texte, tout en constatant que les avocats des mis en examen n'avaient pas pu prendre connaissance de cette pièce, la chambre de l'instruction, qui a méconnu une disposition essentielle aux droits de la défense, n'a pas justifié sa décision ;
"2°) alors que le principe du contradictoire implique pour les parties le droit d'accès aux informations et la communication de toutes les pièces de la procédure ; qu'en rejetant la demande de supplément d'information visant à obtenir copie des cédéroms contenant les écoutes téléphoniques réalisées à partir des lignes filaire et fixe attribuées à M. François-Marie X... et de la ligne cellulaire utilisée par M. Yves Y..., aux motifs inopérants que les conversations présentant un intérêt ont déjà été retranscrites, lorsqu'elle constatait ainsi que les avocats des mis en examen n'avaient pas pu prendre connaissance de la retranscription de l'ensemble des communications téléphoniques interceptées, et qu'elle avait le pouvoir d'ordonner l'apport des pièces à conviction placées sous scellés, en application de l'article 199 du code de procédure pénale, afin de garantir le respect du principe du contradictoire, entravé par le placement sous scellés de pièces utiles à l'exercice des droits de la défense, la chambre de l'instruction a de plus méconnu les droits à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que MM. Marc et Dominique X... ont relevé appel de l'ordonnance de mise en accusation les renvoyant devant la cour d'assises ; que l'avocat des mis en examen a régulièrement déposé un mémoire faisant valoir qu'il n'avait pas eu accès à l'intégralité du dossier de la procédure demandant à ce qu'un supplément d'information soit ordonné aux fins d'obtenir la copie de cédéroms, notamment celui de modélisation de la scène de crime ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire grief du rejet de la demande de supplément d'information visant à obtenir la copie de cédéroms, placés sous scellés, auxquels leur avocat n'avait pas eu accès, avant l'audience de la chambre de l'instruction, dès lors que les scellés déposés au greffe à titre de pièces à conviction ne font pas partie du dossier au sens de l'article 197 du code de procédure pénale, et que les personnes mises en examen n'ont pas demandé à la chambre de l'instruction d'ordonner l'apport des pièces à conviction ainsi qu'elle en a le pouvoir, en application de l'article 199 dudit code ;
D'où il suit que le grief ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
Attendu que les prescriptions de ce texte, qui ont pour objet de permettre aux avocats des parties de prendre connaissance de l'ensemble du dossier de l'information, et de pouvoir, en temps opportun, produire devant la chambre de l'instruction tous mémoires utiles, sont essentielles aux droits de la défense, et doivent être observées à peine de nullité ;
Attendu que, pour rejeter la demande de supplément d'information aux fins d'obtenir la copie du cédérom de modélisation de la scène de crime, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'avocat des mis en examen n'avait pu prendre connaissance, durant le délai prévu par l'article 197 susvisé, de l'ensemble du dossier d'information et, spécialement du cédérom de modélisation de la scène de crime, qui, n'ayant pas été placé sous scellé et déposé au greffe à titre de pièces à conviction, faisait partie du dossier au sens de ce texte, et qu'ainsi avait été méconnue une disposition essentielle aux droits de la défense, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 28 janvier 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Mirguet, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.