LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. David X...,- Mme Patricia Y..., épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 3 décembre 2013, qui, pour infractions à la législation fiscale sur les maisons de jeux, les a condamnés, solidairement, à des amendes et pénalités fiscales, ainsi qu'au paiement des droits éludés ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 mars 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUEGUEN ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... et sa tante, Mme X..., renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir, du 1er janvier 2003 au 23 décembre 2005, participé à l'exploitation d'une maison de jeux de hasard, ont été, sur le fondement des articles 1er et 3 de la loi du 12 juillet 1983, déclarés coupables de ces faits par un jugement du 17 février 2011, devenu définitif; que la direction générale des douanes et des droits indirects les a cités à comparaître, les 10 et 11 septembre 2011, pour avoir, de février à juillet 2005, omis de déclarer leur activité et les recettes qu'elle générait et pour ne pas s'être acquittés de l'impôt y afférent ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 365 du code des douanes, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a, infirmant le jugement, rejeté l'exception de nullité des citations ;
"aux motifs que selon l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale applicable aux actes délivrés par l'administration des douanes, la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime aucun texte n'exigeant formellement que les procès-verbaux d'infractions soient annexés à la citation délivrée à une personne poursuivie pour une infraction douanière ; que les citations à comparaître devant le tribunal correctionnel de Toulouse délivrées aux consorts X... mentionnent qu'ils auront à répondre en qualité de prévenus « sur et aux fins du procès verbal dont copie jointe à la présente dressé le 15 décembre 2005 par les agents des douanes de la direction des opérations douanières de Toulouse des infractions suivantes à la législation fiscale applicable aux maisons de jeux commises à Toulouse, Muret et Colomiers entre février 2003 et juillet 2005 : - exploitation d'une maison de jeux de hasard sans déclaration préalable - défaut de ternie de comptabilité générale et de comptabilités annexes - défaut de déclaration des recettes et de paiement de l'impôt sur les spectacles de 4ème catégorie prévues par les articles 1559,1560-1, 1565 du code général des impôts, 124, 126, 146, 149, 152 et 154 de l'annexe IV de ce même code et réprimées par les articles 1791, 1797, 1799, 1799A, 1804B et 1805 de ce même code et qu'il est demandé leur condamnation à payer pour chacune des trois infractions une amende de 15 à 750 euros, et une pénalité proportionnelle égale à une à trois fois le montant des droits fraudés lesquels s'élèvent à 1091 991 ¿ outre le paiement des droits fraudés ; que ces citations indiquent les faits reprochés et les dispositions du code général des impôts sur lesquelles les poursuites sont fondées et visent, en outre, le procès-verbal de constat des mêmes infractions qui leur avait été notifié le 15 décembre 2005 aux consorts X... de sorte que même si les actes de signification des citations ne font pas expressément mention de la remise dudit procès verbal, les prévenus étaient suffisamment informés de la matérialité des opérations incriminées pour être mis en mesure de préparer leurs moyen de défense ;
"alors que sont nulles les citations qui ne permettent pas au prévenu de connaître avec précision les faits qui lui sont reprochés et le texte de loi qui les réprime ; que tel est le cas lorsque ne sont pas joints les procès-verbaux de notification d'infraction, seuls à même d'en préciser l'objet ; que l'acte de signification, qui seul fait foi, ne fait pas mention de la remise du procès-verbal devant être joint à la citation ; qu'en jugeant que le simple visa, par la citation, du procès-verbal de constat des infractions, a permis aux prévenus d'être suffisamment informés de la matérialité des opérations poursuivies, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des citations, l'arrêt énonce que celles-ci, d'une part, indiquent les faits reprochés et les dispositions du code général des impôts sur lesquelles les poursuites sont fondées, d'autre part, visent le procès verbal de constat de ces infractions notifié aux prévenus le 15 décembre 2005 ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que M. et Mme X..., informés de la nature des infractions poursuivies et des textes applicables, ont été mis en mesure de préparer leur défense, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
Qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 1797, dernier alinéa, du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a déclaré M. et Mme X... coupables des infractions fiscales visées à la prévention ;
"aux motifs que la prescription, l'article 351 du code des douanes prévoit que l'action de l'administration des douanes en répression des infractions fiscales se prescrit dans les mêmes délais et dans les mêmes conditions que l'action publique en matière de délits de droit commun soit trois ans ; que le cours de cette prescription peut être interrompu par tout acte de poursuite ou d'instruction accompli dans le cadre de l'action publique dès lors que les deux actions sont connexes, ce qui est le cas, en l'espèce, puisqu'elles concernent les mêmes personnes et ont le même support d'infractions commises dans le même temps et le même lieu ; qu'au vu de l'enquête diligentée par les services des douanes, le procureur de la République de Toulouse a ouvert, le 7 février 2006, une information judiciaire qui s'est terminée par une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel datée du 19 mai 2008 et a été suivie d'un mandement de citation établi le 11 mai 2009, tous actes interruptifs de prescription laquelle n'était donc pas acquise en septembre 2011 ; que sur la recevabilité des poursuites, l'information judiciaire susvisée a été ouverte contre X des chefs d'exploitation de cercles de jeux sans autorisation, travail dissimulé pour défaut d'immatriculation des établissements de Colomiers et Muret et abus de confiance constitutifs de délits de droit commun et les consorts X... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel et condamnés pour avoir participé à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public était librement admis, infraction de droit commun prévue et réprimée par les articles 1, alinéa 1, 1 et 3 de la loi du 12 juillet 1983 alors en vigueur ; qu'en optant pour des qualifications de droit commun le ministère public n'a pas, même en l'absence de l'administration à l'audience, exercé l'action fiscale accessoirement à l'action publique et le jugement du 17 février 2011 ne peut avoir autorité de la chose jugée et faire obstacle à l'engagement de poursuites fiscales par voie de citation directe ; que sur le fond : sur la culpabilité, l'enquête a établi que les consorts X... avaient, au travers de la société Presta Passion et malgré un changement d'objet social en 2003 la faisant passer de la gestion d'activités récréatives, l'animation et la restauration à la location de salles, organisé des jeux de hasard (bingos et lotos) interdits par l'article 1 de la loi du 21 mai 1836 applicable à la date des faits et jusqu'au 1er mai 2012, manifestations qui ne pouvaient relever de l'exception prévue par l'article 6 de la même loi dès lors que le bingo ne peut être assimilé à un loto du fait de la spécialité des gains mis en jeu (pourcentage de reversion sur le montant des paris) et du type de support utilisé (ticket valable pour un seul tirage) et que les parties de loto ne remplissaient pas les critères exigés par la loi à savoir l'organisation dans un cercle restreint, dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation sociale et avec des mises inférieures à 20 euros ; que l'article 126 de l'annexe IV du code général des impôts considère comme jeux de hasard tous les jeux d'argent et comme maisons de jeux les établissements où sont pratiqués des jeux d'argent et qui ne sont ni des cercles de jeux autorisés par le ministre de l'intérieur ni des associations ayant fait la déclaration prévue pour les jeux de commerce, l'organisation de loteries prohibées étant assimilée à l'ouverture certes illicite d'une maison de jeux ; qu'or ce type d'établissement est soumis à diverses obligations fixées par le code général des impôts et plus particulièrement par les articles 146, 149, 152 et 154 de l'annexe IV à savoir : une déclaration dans les 24 heures précédant l'ouverture de l'établissement, la tenue d'une comptabilité générale et d'une comptabilité annexe concernant les jeux, la déclaration mensuelle des recettes et le paiement de l'impôt dans le délai maximum de deux jours à dater de cette déclaration ; qu'il est constant que ces obligations n'ont pas été respectées ce qui caractérise l'élément matériel des infractions fiscales ; qu'en particulier ne saurait constituer une comptabilité les fichiers temporaires générés par l'application informatique de M. Z... ni les dépôts bancaires effectués hebdomadairement sur les comptes des associations et qui n'étaient destinés qu'à compenser les prélèvements de charges ; que, selon l'article 1797, dernier alinéa, du code général des impôts applicable aux infractions commises en matière d'impôt sur les spectacles et maisons de jeux, sont tenues solidairement des condamnations toutes personnes, dirigeant, administrant ou exploitant le cercle ou la maison de jeux à un titre quelconque comme toutes celles qui ont participé à la fraude ou l'ont sciemment favorisée ; au-delà de la condamnation pénale définitive prononcée à l'encontre des consorts X... pour participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard, il résulte des éléments du dossier que M. X..., gérant de la société Presta Passion qui a pris l'initiative d'ouvrir une salle de jeux de bingo à Toulouse en s'attachant les services de M. Z..., concepteur d'un logiciel, s'occupait du développement, du fonctionnement et du contrôle de la logistique informatique, planifiait les manifestations, fixait les tarifs et, avec la collaboration de sa tante Mme X..., supervisait la création et la diffusion de la publicité par voie de panneaux publicitaires et de messages diffusés par voie de presse ou expédiés à des habitués figurant dans un fichier clients ; que Mme X... dont le neveu a indiqué qu'elle servait d'intermédiaire entre la société Presta Passion et les associations, assurait l'organisation et le déroulement des jeux et se procurait auprès du magasin Carrefour les bons d'achat non remboursables mais réutilisés par les joueurs pour se procurer de nouveaux cartons de lotos ou tickets de bingo, elle percevait les recettes et se faisait remettre par les trésoriers des associations une enveloppe contenant une dizaine de chèques signés en blanc dans le but de leur facturer les charges liées à l'organisation des manifestations ; qu'en outre, d'août 2003 à mai 2004, elle a présidé l'association Loisir et Détente puis l'association Casanova ; que les prévenus ne peuvent valablement se décharger de leur responsabilité sur les associations lesquelles ne disposaient d'aucun pouvoir d'organisation et n'établissait même pas les cartes de leurs adhérents, n'apparaissaient dans aucune des documents publicitaires et ne recevaient qu'une infime part des bénéfices tout en supportant les frais ; que M. X... ne peut davantage soutenir que les documents présents sur ses ordinateurs n'étaient que des sauvegardes alors qu'ils ne se retrouvent pas sur les disques durs des ordinateurs des associations ; qu'il est constant qu'en matière de contributions indirectes, la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121 -3 du code pénal ; l'élément intentionnel est d'autant plus caractérisé en l'espèce que M. X... avait déjà été condamné en 2001 pour organisation de loterie prohibée commise courant 1999 et que Mme X... était jusqu'en 2003 associée de la société Presta Passion ; que la culpabilité des consorts X... est ainsi suffisamment démontrée ;
"1°) alors qu'il résulte de la jurisprudence conventionnelle que l'article 4 du protocole n° 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde « infraction » pour autant que celle-ci a pour origine des faits qui sont en substance les mêmes à ceux qui ont fait l'objet de la première condamnation définitive et ce indifféremment de la réserve qui a pu être faite par l'Etat membre (Grande Stevens et autres C. Italie, Requêtes n° 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, 4 mars 2014) ; qu'en affirmant que le jugement du 17 février 2011 sur l'action publique ne peut avoir autorité de chose jugée et faire obstacle à l'engagement de poursuites fiscales, la cour d'appel a méconnu le principe ne bis in idem ;
"2°) alors que cour d'appel ne pouvait affirmer que la prescription de l'action fiscale a été interrompue par les actes de poursuite et d'instruction accomplis à l'occasion de l'action publique dès lors que ces deux actions sont connexes s'agissant des même personnes et du même « support d'infractions commises dans le même temps et le même lieu », lorsque ces nouvelles poursuites, ayant pour origine des faits identiques à ceux ayant fait l'objet de la première condamnation définitive, méconnaissent l'article 4 du protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu que, pour dire l'action fiscale régulièrement engagée et non prescrite, l'arrêt retient que, le ministère public n'ayant pas exercé cette action accessoirement à l'action publique, le jugement du 17 février 2011 ne peut ni avoir autorité de la chose jugée ni faire obstacle aux poursuites et que, du fait de la connexité entre les infractions, la prescription n'est pas acquise ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, l'exercice de l'action fiscale pour les infractions à la législation des contributions indirectes qui ne sont pas punies de l'emprisonnement relève de l'administration des douanes et des droits indirects, d'autre part, les infractions d'omissions déclaratives et de soustraction au paiement de l'impôt qui sont poursuivies, distinctes du délit de tenue d'une maison de jeux ayant fondé la précédente condamnation des demandeurs, présentent avec ce délit des liens de connexité permettant à l'action fiscale, malgré son indépendance, de bénéficier des actes interruptifs de la prescription de l'action publique, la cour d'appel, qui n'a méconnu ni le principe "ne bis in idem" ni les textes conventionnels invoqués, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.