LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 décembre 2013), que M. X... a été engagé par la société Eismann du 24 mars 2003 au 31 décembre 2007 comme VRP exclusif puis, jusqu'au 1er janvier 2010 comme administrateur des ventes, puis à nouveau comme VRP à compter de cette date ; qu'ayant été licencié le 28 juillet 2010, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié ne relevait pas du statut de VRP et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés, alors, selon le moyen, que l'activité de vente au « laissé sur place » et le suivi de plannings établis par l'employeur et désignant les clients à visiter, n'excluent pas par elles mêmes le statut de VRP si le salarié a par ailleurs une mission de prospection et de développement de la clientèle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de la société Eismann si M. X... n'était pas tenu, aux termes de son contrat de travail, de « rechercher, auprès de la clientèle existante, la prise de commandes, suivre commercialement la clientèle, accroître et développer par une prospection personnelle et systématique la clientèle du secteur qui lui était confié », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7311-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié ne visitait que les clients dont la liste lui était fournie par l'employeur, que la vente des articles était assurée au moyen d'un véhicule magasin selon une tournée fixée par l'employeur, que le rôle du salarié se limitait à la prise des ordres et à leur exécution immédiate, la marchandise étant laissée sur place contre encaissement du prix, et qu'il retournait à l'entreprise tous les jours notamment pour restituer la recette, la cour d'appel a pu décider que M. X... ne relevait pas du statut de VRP ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert du grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve produits devant eux ;
Sur le pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse les dépens à la charge de chaque partie ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Eismann, demanderesse au pourvoi principal.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... ne relevait pas du statut de VRP et d'avoir condamné en conséquence la société EISMANN à payer à M. X... la somme de 43 826,79 ¿, outre 4 382,27 ¿ au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
AUX MOTIFS QUE l'article L7311-3 du code du travail prévoit qu'est VRP toute personne qui travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant, ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel, est liée à l'employeur par des engagements déterminant la nature des marchandises offertes à la vente, la région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter et le taux de rémunération. Ce statut est d'ordre public et il ne peut être contractuellement choisi si les conditions n'en sont pas remplies. Si Mr X... bénéficiait d'un secteur et ne prenait aucune commande pour son propre compte, et si les modalités de sa rémunération étaient définies, il apparaît en revanche que les conditions d'exercice de l'activité de Mr X... ne correspondaient pas à ce statut. En effet, Mr X... ne visitait que les clients dont la liste lui était fournie par l'employeur, ce qui ressort clairement de l'article 4 du contrat de travail : "Vous exercerez votre activité en conformité absolue avec les instructions et directives qui vous seront données concernant notamment l'organisation de vos tournées et visites selon le planning qui vous sera fourni.", et de l'article III de l'annexe 4 au contrat de travail qui dispose ; ¿¿Le bordereau de tournée qui vous est remis chaque jour constitue votre plan de travail de la journée... les clients doivent être placés dans l'ordre de la tournée en fonction des horaires de passage chez les clients ... les listings doivent être remis chaque jour avec la recette correspondante ". En l'espèce, la vente des articles est assurée au moyen d'un véhicule magasin, selon la tournée fixée par l'employeur, et le rôle du salarié se limite à la prise des ordres et à leur exécution immédiate, la marchandise étant laissée sur place contre encaissement du prix, et le salarié devant retourner avec son camion à l'entreprise tous les jours notamment pour restituer la recette. Les tâches de livraison dont l'employeur allègue qu'elles auraient un caractère accessoire n'en sont pas puisque la notion de livraison s'entend de l'exécution en différé d'une commande, alors qu'en l'espèce, la remise de la marchandise est concomitante à la commande. Il ressort de ces éléments que Mr X... n'était pas VRP mais employé commercial, et à ce titre soumis à la législation sur le temps de travail, qui est de 35 h hebdomadaires. Le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté Mr X... de sa demande d'exclusion du statut de VRP. Il n'appartient pour autant pas à la cour de qualifier l'emploi de Mr X...
ALORS QUE l'activité de vente au « laissé sur place » et le suivi de plannings établis par l'employeur et désignant les clients à visiter, n'excluent pas par elles mêmes le statut de VRP si le salarié a par ailleurs une mission de prospection et de développement de la clientèle ;. qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de la société EISMANN (p. 11 dernier alinéa) si M. X... n'était pas tenu, aux termes de son contrat de travail, de « rechercher, auprès de la clientèle existante, la prise de commandes, suivre commercialement la clientèle, accroître et développer par une prospection personnelle et systématique la clientèle du secteur qui lui était confié », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 7311-3 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Eismann à payer à M. X... la somme de 43 826,79 ¿, outre 4 382,27 ¿ au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la prériode semaines 7 à 52 de l'année 2006, année 2007 et année 2010 ;
AUX MOTIFS QUE dès lors que Mr X... n'était pas VRP, il était soumis à la législation de droit commun sur la durée du travail, soit 35 h hebdomadaires. Mr X... forme une demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires sur cette base d'une part pour la période VRP et d'autre part pour celle des années 2008 et 2009, où il était animateur des ventes. En application de l'article L3171-4 du code du travail,"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. "
Sur la période VRP (2005, 2006, 2007, 2010)
A titre liminaire, il convient d'observer que Mr X... a saisi le conseil de prud'hommes le 16 février 2011, de sorte qu'en raison de la prescription quinquennale applicable aux créances salariales, il ne peut former de demande de rappel de salaire que pour la période courant à partir de février 2006, et non pour l'année 2005 et les six premières semaines de 2006, son décompte étant fait par semaine.
Mr X... produit un décompte précis (pièces 22, 23, 24) pour les années 2005, celle-ci étant exclue du fait de la prescription, 2006 et 2007 ; ces décomptes sont effectués semaine par semaine, avec le nombre d'heures travaillées, le nombre d'heures supplémentaires majorées à 25% et le nombre d'heures supplémentaires majorées à 50%, et ces décomptes font apparaître des semaines non ouvrées correspondant aux congés ; il produit ses rapports journaliers pour l'année 2010 (pièce 19). De même, les conclusions de Mr X... indiquent précisément pour chaque année, les sommes qui auraient dû être payées, celles qui ont été versées et le reliquat dû. Force est de constater qu'à ces éléments précis et cohérents, l'employeur n'apporte aucun élément de réponse, de sorte qu'il sera fait droit à la demande en son principe si ce n'est en son montant dès lors qu'il convient d'exclure l'année 2005 et les six premières semaines de 2006
Le décompte s'établit comme suit :année 2006 moins les six premières semaines : 23 193,90 ¿ somme demandée, moins 516 ¿ (8 h majorées à 25% par semaine soit 86 ¿ X 6), et moins 1290 ¿ (154 h majorées à 50%), à déduire 1806 ¿ = 21387,90 ¿année 2007 : 14685,86 ¿année 2010 ; 7753,03 ¿ total : 43 826,79 ¿, outre 4382,27 ¿ au titre des congés payés afférents, somme au paiement de laquelle la société Eismann sera condamnée (arrêt attaqué, p.4-5).
ALORS QUE la société Eismann faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les décomptes produits par M. X... comportaient des incohérences manifestes, notamment en ce que, pour la semaine 29 de 2008, le décompte mentionnait une durée hebdomadaire de travail de 44 heures alors que M X... était en congé, en ce que les décomptes des semaines 50 et 51 de 2008 mentionnaient un travail de 53 heurs alors que M. X... avait pris deux jours de RTT au cours de chacune de ces semaines, en ce que M. X... prétendait avoir travaillé 36 heures au titre de la semaine n° 1 de 2009 alors qu'il était en congés, et enfin en ce que M. X... prétendait avoir travaillé 60 heures les semaines 18, 19 et 21 de l'année 2009 alors que chacune de ces semaines comportaient un jour férié ; qu'en faisant droit à la demande de M. X... sans répondre aux conclusions précises et circonstanciées de l'employeur qui établissaient l'incohérence, au moins partielle des demandes de M. X..., la cour d¿appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.Moyens produits par la SCP SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Eric X... de sa demande tendant au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 et de sa demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
AUX MOTIFS QU'un avenant au contrat de travail a été établi, prévoyant un forfait annuel de 1.672,40 h, dont la validité n'est pas contesté ; que Monsieur X... fait en revanche valoir que le nombre d'heures réellement travaillées ne correspond pas au nombre théorique mentionné dans le forfait qui correspond à 37 heures par semaine, conformément à l'article 2 de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail du 20 décembre 2000 pour le personnel itinérant, soit du lundi au vendredi 7,40 h par jour ; qu'il ne sera pas fait droit à sa demande, dès lors que précisément il relevait du régime du forfait, que ce forfait est conforme au texte conventionnel pertinent, qu'il n'est pas établi que les tâches mentionnées dans l'avenant ne pouvaient être exécutées dans le cadre de celui-ci, Monsieur X... n'ayant qu'une mission d'assistance au chef d'agence, et non d'accompagnement systématique des vendeurs et le document pièce 21 mentionnant les tâches accomplies ne précisant pas le temps consacré à celles-ci, de sorte que Monsieur X... est défaillant dans la part de charge de la preuve qui lui incombe.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE les parties ne contestent pas le choix du forfait ; que Monsieur Eric X..., dans ses fonctions d'animateur de ventes, effectuait des visites clientèle avec les commerciaux dont il assurait le suivi ; que Monsieur Eric X... disposait d'une réelle autonomie dans la gestion de son temps de travail et dans l'organisation de celui-ci ; qu'il n'a jamais fait état de cette charge considérable de travail et d'une quelconque demande de règlement d'heures supplémentaires ; que les heures de travail supplémentaires accomplies avec l'accord de l'entreprise ouvrent droit à rémunération et qu'en l'espèce il n'est pas démontré un tel acquiescement ; que le juge ne peut se déterminer au vu des seules pièces et autres éléments fournis par le salarié afin de justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci ; que la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, le salarié devant produire les éléments de nature à étayer sa demande et l'employeur ceux de nature à justifier les horaires de son salarié ; qu'en l'espèce, les copies de carnets et le décompte fourni par le salarié ne peuvent manifestement pas permettre de justifier sa demande ; qu'au surplus, le choix incontesté du forfait annuel et les fonctions de Monsieur X... ne peuvent imposer à l'employeur d'avoir un suivi journalier de l'activité de son salarié autonome dans son organisation ; qu'ainsi Monsieur Eric X... ne fournit aucun élément susceptible d'étayer sa demande de dépassement du forfait fixé contractuellement ; qu'ainsi il sera débouté de sa demande de payement des heures supplémentaires prétendument effectuées et de sa demande concernant les congés payés y afférents.
ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que pour la période concernée par sa demande, Monsieur Eric X... produisait aux débats des décomptes faisant état des horaires qu'il soutenait avoir effectués auxquels l'employeur pouvait répondre et auxquels il avait répondu ; que pour débouter le salarié de ses demandes relatives aux heures supplémentaires en l'état de ces éléments de nature à étayer sa demande, la Cour d'appel qui lui a reproché une défaillance probatoire sans exiger de l'employeur qu'il justifie des horaires effectivement réalisés, a violé l'article L.3171-4 du Code du travail.
ET ALORS QUE seuls les cadres dirigeants sont exclus du bénéfice des dispositions légales relatives à la durée du travail et aux heures supplémentaires, les autres cadres ayant pour leur part la possibilité de conclure une convention individuelle de forfait rémunérant les heures supplémentaires ; qu'en retenant, par motifs adoptés des premiers juges, que Monsieur Eric X... aurait été autonome dans son organisation, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L.3111-2, L.3121-39, L.3121-38 du Code du travail.
ALORS en outre QU'en fondant sa décision sur une telle considération quand il n'était soutenu par aucune des parties que la législation sur les heures supplémentaires n'aurait pas été applicable au salarié, la Cour d'appel a méconnu les limites du litige en méconnaissance des articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
ALORS encore QUE la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, que Monsieur Eric X... n'aurait jamais fait une quelconque demande de règlement d'heures supplémentaires pour le débouter de sa demande de ce chef, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
ALORS enfin QUE le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, dès lors que ces heures ont été effectuées avec l'accord ne serait-ce qu'implicite de l'employeur ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu'il n'était pas démontré un acquiescement de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article L.3171-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Eric X... de sa demande de dommages-intérêts pour abattement de 30% pour frais professionnels.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... ne justifie pas du préjudice résultant de l'application de cette dispositions, corollaire du statut VRP, qui présente par ailleurs des avantages fiscaux ; qu'il sera débouté de cette demande.
ALORS QUE pour s'opposer à la réparation du préjudice résultant de l'abattement de 30% pour frais professionnels, l'employeur se bornait à soutenir que le salarié ne contestait pas utilement son statut de VRP ; qu'après avoir écarté ce statut, la Cour d'appel a retenu, pour rejeter la demande d'indemnisation de Monsieur Eric X..., qu'il ne justifiait pas de son préjudice ; qu'en statuant ainsi quand les parties ne s'opposaient pas sur ce point, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
ET ALORS QUE le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe du contradictoire ; qu'en opposant l'absence de préjudice sans inviter les parties à discuter ce moyen soulevé d'office, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
ALORS enfin QU'en affirmant que Monsieur X... ne justifiait pas du préjudice résultant de l'application de cette disposition, quand cette disposition, qui n'était pas légalement applicable au regard du statut du salarié, réduisait la base de ses cotisations et l'exposait à des poursuites de l'administration fiscale pour avoir bénéficié d'un avantage auquel il ne pouvait prétendre, ce dont il se déduisait nécessairement l'existence d'un préjudice, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil.