LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 7111-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., photo-journaliste, a saisi, le 16 juillet 2010, la juridiction prud'homale pour revendiquer la qualité de journaliste salarié de la Société anonyme d'édition de publications et de journaux syndicaux, aux droits de laquelle vient le syndicat Confédération générale du travail, pour lesquels il effectuait des piges depuis le 1er octobre 1995 ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient qu'il n'a pas tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique durant les sept premières années d'exercice et que l'inversion de tendance constatée les sept années suivantes n'était pas liée à un accroissement de ses tâches de journaliste ou des sujétions nouvelles envers la société de presse mais à la circonstance qu'il avait perdu ses autres sources de revenus ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le syndicat Confédération générale du travail aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat Confédération générale du travail à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les parties ne sont pas liées par un contrat de travail, d'AVOIR rejeté le contredit formé par Monsieur Bertrand X..., d'AVOIR dit que le Conseil de prud'hommes de Bobigny n'est pas compétent pour connaître des demandes de Monsieur Bertrand X... et d'AVOIR renvoyé l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Bobigny ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la qualification des relations contractuelles, aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient » et « juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti » ; le contrat de travail se définit par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; sous réserve des présomptions instituées par la loi dans certains cas, en l'absence d'un contrat de travail écrit ou apparent, c'est à celui qui invoque l'existence d'une relation contractuelle salariale d'en rapporter la preuve ; en l'espèce précisément, Monsieur X... se prévaut de la présomption édictée par l'article L. 7111-3 du code du travail qui dispose « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa » ; l'article L. 7111-4 du même code dispose « Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle » ; enfin, l'article L. 7112-1 dispose « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties » ; par ailleurs, l'article 1 de la Convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 et étendue par arrêté du 2 février 1988, à laquelle il est fait référence dans les bulletins de paie émis par la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » puis par la CGT à l'intention de Monsieur X..., prévoit : « La présente convention collective nationale règle les rapports entre les employeurs et les journalistes professionnels, salariés des entreprises tels qu'ils sont définis à l'article L. 761-2 (devenu L. 7111-3) du code du travail et à l'article 93 de la loi du 29 juillet 1982. Alinéa 1 : Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources. Alinéa 2 : Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il reçoit des appointements fixes et remplit les conditions prévues au paragraphe précédent » ; l'alinéa 3 reprend in extenso les dispositions de l'article L. 7111-4 du code du travail ; il résulte de ces dispositions que le statut de journaliste professionnel est reconnu à celui qui remplit deux conditions :- exercer sa profession à titre principal, de manière régulière et rétribuée, dans une ou plusieurs entreprises de presse ;- en tirer le principal de ses ressources ; la qualité de pigiste, qui est celle de Monsieur X... n'est pas de nature à priver l'intéressé du bénéfice du statut de journaliste professionnel, s'il remplit les deux conditions précitées, et par voie de conséquence du bénéfice de l'accord collectif du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige ; contrairement à l'argumentation de la CGT, il ne saurait être exigé d'un reporter-photographe pigiste, dont l'activité consiste à réaliser des prises de vue à l'occasion d'événements déterminés, une collaboration intellectuelle permanente à la publication considérée pour bénéficier du statut de journaliste professionnel, condition supplémentaire qui priverait de tout effet l'assimilation du reporter-photographe au journaliste professionnel prévue par l'article L. 7111-4 ; la circonstance que l'intéressé soit titulaire ou non de la carte d'identité professionnelle - qu'il n'a obtenue qu'en 2005 et en 2010 - est sans incidence sur la reconnaissance le cas échéant de son statut de journaliste professionnel ; 1) sur l'exercice régulier et rétribué, à titre principal, de la profession de journaliste, il appartient à Monsieur X... de démontrer qu'il a régulièrement réalisé des photographies moyennant rétribution pour le compte de la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » aux droits de laquelle vient la CGT ; en effet, le caractère régulier de sa collaboration doit s'apprécier au regard des seules missions effectuées pour le compte de cette société de presse, le pigiste ne bénéficiant pas de la présomption légale vis-à-vis de l'ensemble des entreprises de presse auxquelles il apporte sa collaboration de façon occasionnelle ; à l'examen des pièces versées aux débats et en particulier des bulletins de paie de l'intéressé, cette preuve est amplement rapportée : entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2009, Monsieur X... a collaboré par la prise de photographies à la publication de la quasi-totalité des éditions du journal « Le Peuple », du numéro 1447 au numéro 1693 ; il n'est pas pertinent de comptabiliser les bulletins de paie émis chaque année, alors que d'une part il n'est pas contesté que le journal ne paraissait pas durant une partie de l'été et que d'autre part certaines prestations effectuées sur plusieurs mois étaient regroupées quelquefois sur un seul bulletin de paie ; c'est ainsi qu'en 2002 et en 2003, deux bulletins de paie seulement ont été édités, au 30 juin et au 31 décembre, récapitulant le travail réalisé au cours du semestre écoulé ; il est constant que ses travaux photographiques ont été rétribués ; cette première condition légale peut donc être considérée comme remplie ; 2) sur le caractère principal des ressources tirées de l'activité : Pour vérifier si cette seconde condition est remplie, il doit cette fois être tenu compte non seulement des rémunérations versées par la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » mais également de celles acquittées par d'autres entreprises de presse, comme le soutient à juste titre le demandeur au contredit ; Monsieur Bertrand X... a réalisé un tableau de ses revenus principaux de presse de 2000 à 2010 (sa pièce n° 14) et versé aux débats ses avis d'imposition sur les revenus des années 2002 à 2011 (sa pièce n° 12), pour en tirer la conclusion que pendant les sept années qui précèdent la naissance du litige, c'est-à-dire entre 2003 et 2009, il a tous les ans tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique ; toutefois, en s'en tenant à la période couverte par ce tableau, difficile à exploiter en ce qu'une confusion est opérée entre les revenus bruts et les revenus nets (contrairement aux rémunérations énumérées en brut, les revenus déclarés figurant sur les avis d'imposition avant abattement sont nets), il apparait que l'intéressé n'a pas tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique en 2000, 2001 et 2002 ; de surcroît, ce critère des ressources principales doit être apprécié au regard de l'ensemble de la période des relations contractuelles, en l'espèce, depuis le 1er octobre 1995 ; or l'intéressé ne fournit aucune explication sur ses revenus au titre de la période du 1er octobre 1995 et au 31 décembre 1999 ; en réalité, il ressort du relevé de carrière de l'intéressé établi par la Caisse d'assurance vieillesse (sa pièce n° 11), qu'au cours des années 1995 à 2000, il a tiré le principal de ses revenus des sommes qui lui ont été versées par les communes d'Epinay sur Seine et de Livry Gargan et non par des entreprises de presse ; il ressort également de ce document que les activités journalistiques de Monsieur Bertrand X... n'ont pas évolué à la hausse après l'année 2000 ou après l'année 2002, en particulier dans le cadre de la collaboration avec la « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » et que l'inversion de tendance constatée les sept années suivantes n'est pas liée à un accroissement de ses tâches de journaliste ou à des sujétions nouvelles envers la société précitée, mais à la circonstance qu'il a perdu ses autres sources de revenus ; dans ces conditions, la seconde condition prévue par l'article L. 7111-3 du code du travail ne saurait être considérée comme remplie ; il s'ensuit que Monsieur Bertrand X... ne peut se réclamer du statut de journaliste professionnel et qu'il est par voie de conséquence mal fondé à se prévaloir des présomptions légales instituées par les articles L. 7111-3 et L. 7112-1 du code du travail ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, Monsieur X... est payé à la pige, tel que cela apparait sur ses bulletins de paie ; ceux-ci ne comportent pas de rémunération fixe ; ses piges lui sont payés de manière forfaitaire sur présentation de « relevés de piges » ou de « relevés de parutions » émis par Monsieur Bertrand X... ; que celui-ci n'a jamais signé un contrat de travail avec la SA EPJS pas plus qu'avec la CGT ; que la qualification apparaissant sur ses bulletins de paie est « pigiste non permanent », qualification qui n'est pas contestée par Monsieur X... ; qu'il fournit une carte de journaliste professionnel pour l'année 2010, mais ne justifie pas que cette carte lui ait été attribuée pour son activité de pigiste au sein de la CGT ; toutefois la possession de la carte professionnelle ne constitue qu'une simple présomption que son titulaire remplit les conditions édictées par le code du travail ; que les bulletins de paie fournis par Monsieur X... démontrent qu'il collaborait de façon très irrégulière, voire occasionnelle avec la SA EPJS puis avec la CGT ; qu'il ne percevait pas de rémunération systématiquement chaque mois, celle-ci était variable en fonction des piges qu'il effectuait durant le mois écoulé ; il était sollicité par la SA EPJS puis par la CGT pour certains évènements, de manière variable, selon les mois et les années ; les bulletins de paie fournis de l'année 1997 à 2010 en attestent ; en effet 2 bulletins de paie ont été établis comme pour l'année 2002, et certaines années comme en 1998, 1999 et 2000, 10 bulletins de paie ont été établis ; mais aucune année d'activité ne comporte un bulletin de paie chaque mois, soit 12 bulletins de paie ; ces documents attestent de l'activité occasionnelle de pigiste de Monsieur X... ; que les montants cumulés des bulletins de salaire par année ne sont pas suffisants pour constituer l'essentiel des ressources de Monsieur X... ; ce dernier fournit une copie de son avis d'imposition sur l'année 2009, dont le montant imposable est de 8. 491 €, montant inférieur au SMIC annuel 2009 ; pour les autres années, aucun avis d'imposition n'est fourni, mais le revenu annuel cumulé est inférieur, parfois même largement inférieur à celui de 2009 ; le montant annuel des piges payées confirme le caractère accessoire de l'activité de pigiste de Monsieur X... ; qu'il n'apporte aucune élément permettant de supposer qu'il était soumis à un lien de subordination de la part de ses employeurs et qu'il participait à la politique rédactionnelle du journal ; que la qualité de journaliste professionnel ne peut se déduire, à elle seule, ni de la mention de la Convention collective sur les bulletins de paie, ni de l'application de certains avantages prévus par cette convention collective pendant l'exécution du contrat de travail, comme par exemple les primes d'ancienneté ; en conséquence, Monsieur X... ne remplit pas les conditions nécessaires pour avoir la qualité de journaliste professionnel salarié, définies dans l'article L. 7111-2 du code du travail ; selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le Conseil de prud'hommes est compétent pour régler les litiges qui s'élèvent entre employeurs et salariés ; Monsieur X... n'ayant pas la qualité de salarié, le Conseil de prud'hommes de Bobigny se déclare matériellement incompétent pour régler ce litige, au profit du Tribunal de grande instance de Bobigny ;
ALORS, D'UNE PART, QUE bénéficie de la présomption de salariat instaurée au profit du journaliste professionnel, le journaliste pigiste qui, en raison de sa contribution régulière, est un collaborateur direct de la rédaction d'un journal ; qu'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel qu'entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2009, soit pendant treize ans, Monsieur X... avait collaboré par la prise de photographies à la publication de la quasi-totalité des éditions du journal « Le Peuple » du numéro 1447 au numéro 1693 ; qu'en retenant néanmoins que Monsieur X... ne pouvait invoquer une présomption de salariat, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; que les ressources ne sont pas nécessairement celles perçues d'une unique entreprise de presse et sont toutes celles qui proviennent de l'activité journalistique, peu important que certaines d'entre elles aient été payées au journaliste sous forme de droits d'auteur ; que Monsieur X..., pour établir qu'il avait, entre 2003 et 2009, tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique, avait versé aux débats, non seulement ses relevés de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et ses avis d'imposition pour toutes les années 2003 à 2011 mais également une attestation de Monsieur Philippe Y..., président de l'association « Confrontations Europe », qui certifiait que les « droits d'auteur » payés de 1999 à 2009 à Monsieur X... étaient la contrepartie de son activité de photographe de presse pigiste pour les revues « La Lettre de confrontations » et « Confrontations Europe » ; qu'en se bornant à énoncer qu'en s'en tenant à la période couverte par le tableau réalisé par Monsieur X... de ses revenus principaux de presse de 2000 à 2010, difficile à exploiter en ce qu'une confusion était opérée entre les revenus bruts et les revenus nets, il apparaissait que l'intéressé n'avait pas tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique en 2000, 2001 et 2002, sans préciser si elle avait tenu compte des ressources payées à Monsieur X... sous forme de droits d'auteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le journaliste pigiste, en dépit du caractère variable de sa rémunération, qui dépend du nombre de piges, bénéficie de la présomption de salariat dès lors qu'il justifie d'une activité journalistique régulière, principale et rétribuée, dont il tire le principal de ses revenus ; qu'en se fondant, pour retenir que Monsieur X... n'avait pas tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique au cours des années 1995 à 2000, sur la circonstance que les activités journalistiques de Monsieur X... n'avaient pas évolué à la hausse après l'année 2000 ou après l'année 2002, en particulier dans le cadre de sa collaboration avec la société EPJS mais que l'intéressé avait perdu ses autres sources de revenus, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, impropre à écarter le fait que Monsieur X... tirait de son activité journalistique le principal de ses ressources, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le journaliste pigiste bénéficie de la présomption de salariat dès lors qu'il justifie d'une activité journalistique régulière, principale et rétribuée, dont il tire le principal de ses revenus ; que Monsieur X... faisait valoir que, depuis 1997, il avait collaboré de façon constante pour la société EPJS, qu'il avait également travaillé pour d'autres entreprises de presse, que cette activité journalistique avait constitué son occupation principale dont il avait tiré l'essentiel de ses revenus, ce qui était démontré, pour les années 2003 à 2009, par ses relevés de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, par ses avis d'imposition et par une attestation de Monsieur Philippe Y..., versés aux débats (conclusions d'appel de Monsieur X... p. 11), ce dont il s'évinçait que le principal de ses revenus depuis 1997 provenait de son activité journalistique ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail, qu'au cours des années 1995 à 2000 Monsieur X... n'avait pas tiré le principal de ses revenus de son activité journalistique, sans rechercher, comme elle y était invitée si, de l'année 2003 à l'année 2009, soit pendant la plus grande partie des relations contractuelles avec la société EPJS, il n'avait pas tiré le principal de ses ressources de son activité journalistique, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les parties ne sont pas liées par un contrat de travail, d'AVOIR rejeté le contredit formé par Monsieur Bertrand X..., d'AVOIR dit que le Conseil de prud'hommes de Bobigny n'est pas compétent pour connaître des demandes de Monsieur Bertrand X... et d'AVOIR renvoyé l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Bobigny ;
AUX MOTIFS QU'il lui appartient de rapporter la preuve de l'existence de la relation contractuelle salariale qu'il invoque, en particulier de l'existence du lien de subordination caractérisant tout contrat de travail ; il convient de rappeler à ce stade que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; il importe peu en conséquence que certaines mentions figurant sur les bulletins de paie édités par la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » évoquent le statut de salarié et que Monsieur Bertrand X... ait bénéficié d'une prime d'ancienneté ; la mention de deux pigistes salariés (puis 1, 5) figurant dans le document « effectif moyen » annexé au rapport général du commissaire aux comptes établi pour les exercices clos au 31 décembre 1994 et 1998 de la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » n'est pas révélatrice des conditions dans lesquelles Monsieur Bertrand X... a exercé son activité ; n'est pas davantage révélateur des conditions d'exercice de cette activité le paragraphe inséré dans les rapports de gestion du conseil d'administration au titre des années 2003 et 2008, faisant état d'une baisse du poste salaires et charges des pigistes « qui ne comprend désormais quasiment plus de piges de rédaction mais essentiellement les piges photos des photographes salariés » ; Monsieur Bertrand X... ne produit strictement aucune pièce laissant supposer qu'il aurait exercé son activité de façon subordonnée, la seule circonstance que le syndicat l'ait sollicité pour procéder à des prises de vue à l'occasion d'évènements déterminés étant insuffisante à cet égard ; il communique plusieurs attestations émanant notamment d'autres pigistes, qui confirment que les commandes de photographies étaient faites verbalement ou téléphoniquement sans qu'un bon de commande ne soit établi, mais qui ne prétendent pas avoir travaillé sous l'autorité et les directives de la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » ; s'agissant du défaut de commandes écrites, la cour relève néanmoins que la CGT communique plusieurs courriers adressés par la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » à Monsieur X... lui confirmant son intervention ponctuelle pour un événement organisé par le syndicat et lui indiquant avoir enregistré son accord ; il n'est nullement démontré que Monsieur X... n'avait pas la possibilité de refuser les missions proposées, alors au contraire qu'il résulte des attestations précitées que la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » faisait aussi appel à d'autres pigistes ; il n'est pas davantage établi que l'intéressé aurait reçu des directives précises sur les photos à prendre, ni qu'il était soumis à un quelconque pouvoir de sanction ; il s'ensuit que Monsieur X... manque à rapporter la preuve qu'il a travaillé dans un lien de subordination avec la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » puis avec la CGT ; c'est donc pertinemment qu'en l'absence de tout contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Bobigny s'est déclaré incompétent pour connaitre des demandes de Monsieur X..., au profit du Tribunal de grande instance de Bobigny ; il convient en conséquence de dire que Monsieur X... et la société « Société anonyme d'édition de publications et journaux syndicaux » (puis la CGT) ne sont pas liés par un contrat de travail, de rejeter le contredit et de dire que le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des demandes de Monsieur X..., qui ressortissent à la compétence du Tribunal de grande instance de Bobigny ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Monsieur X... faisait valoir que le lien de subordination juridique existant entre un journaliste et une entreprise de presse était par nature ténu dès lors que l'exercice de cette profession impliquait le respect des libertés fondamentales, telles que la liberté de la presse, la liberté d'opinion et la liberté d'expression et que la CGT ne pouvait sérieusement prétendre qu'il travaillait sans aucun lien de subordination juridique tout en reconnaissant dans le même temps qu'il n'intervenait que sur sa demande à l'occasion d'événements de la vie syndicale de la confédération ; qu'en se bornant à retenir que la seule circonstance que le syndicat l'ait sollicité pour procéder à des prises de vue à l'occasion d'événements déterminés était insuffisante à établir l'existence d'un lien de subordination sans tenir compte, comme elle y était invitée, du statut particulier des journalistes dont le lien de subordination à l'égard de l'employeur ne peut être que ténu du fait de la liberté indispensable à l'exercice de leur activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que le lien de subordination de Monsieur X... à l'égard de la société EPJS n'était pas établi, qu'il n'était nullement démontré que Monsieur X... n'avait pas la possibilité de refuser les missions proposées ni qu'il aurait reçu des directives précises sur les photos à prendre ni qu'il était soumis à un quelconque pouvoir de sanction, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le travail de Monsieur X... ne s'intégrait pas dans le service organisé de la rédaction du journal « Le Peuple » et si les lieux, les heures d'intervention, les sujets des photographies à prendre, choisis par la société EPJS, n'étaient pas imposés à Monsieur X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il ressort des constatations mêmes de la cour d'appel que la CGT a communiqué plusieurs courriers adressés par la société EPJS à Monsieur X... lui confirmant son intervention ponctuelle pour un événement organisé par le syndicat et lui indiquant avoir enregistré son accord, ce dont il s'évinçait que Monsieur X... avait reçu des directives de son employeur ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'était pas établi que Monsieur X... aurait travaillé dans un lien de subordination avec la société EPJS, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail.