LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 125 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'imputant à la société Gifi Mag une rupture sans motif légitime du contrat de gérance-mandat qui les liait et, à titre subsidiaire, une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la société Rocade l'a, le 20 juin 2012, assignée devant le tribunal de commerce de Lille métropole ; que la compétence de cette juridiction ayant été contestée par la société Gifi Mag au profit du tribunal de commerce d'Agen, désigné par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat, le tribunal de commerce de Lille métropole s'est déclaré compétent ; que la société Gifi Mag a formé un contredit qui a été transmis à la cour d'appel de Douai ;
Attendu que l'arrêt rejette le contredit, en retenant que la seule invocation de l'article L. 442- 6, I,5° du code de commerce, fût-ce à titre subsidiaire, commande l'application des règles d'ordre public dérogatoires de compétence territoriale des juridictions spécialisées désignant le tribunal de commerce de Lille métropole ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur le contredit ;
Ordonne le retour du dossier de l'affaire au greffier du tribunal de commerce de Lille métropole aux fins de sa transmission, avec le contredit et une copie du jugement, au greffier de la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens, incluant ceux afférents à la procédure suivie devant la cour d'appel de Douai ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gifi Mag.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole qui s'est déclaré compétent,
ET D'AVOIR débouté la société Gifi Mag de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la seule invocation de l'article L 442-6.1.5° du code de commerce, fût-ce à titre subsidiaire, commande l'application des règles d'ordre public dérogatoires de compétence territoriale des juridictions spécialisées ; que ce raisonnement a été réaffirmé par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mars 2013 dans lequel elle considère que la détermination du tribunal compétent n'est pas subordonné à l'examen du bien-fondé des demandes ; que l'action engagée pour partie sur cette base par la société Rocade est de nature délictuelle et la clause attributive de compétence contenue dans le contrat ne peut trouver application en ce qu'elle fait échec aux règles d'ordre public conférant compétence aux juridictions spécialisées, l'application invoquée de l'article L 146-4 du code de commerce n'étant pas davantage de nature à y déroger dans la mesure où comme le fait remarquer la société Rocade, il n'exclut pas l'application éventuelle de l'article L 442-6.1.5°, au contraire de la rupture du contrat d'agent commercial ; qu'en matière de rupture brutale des relations commerciales, le préjudice est réputé avoir été subi au lieu du siège social de celui qui l'invoque, au cas d'espèce Wizernes, dans le ressort de la cour d'appel de Douai, le décret prévoyant la compétence du tribunal de Lille ; que la décision mérite confirmation ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QU'un examen sommaire de l'assignation montre que le litige porte sur une question de rupture brutale des relations commerciales entre les parties, de nature délictuelle, relevant des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce ; que l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 mars 2013 « c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'au regard de l'article L 442-6 précité, la détermination du tribunal compétent n'était pas subordonnée à l'examen du bien-fondé des demandes » ; qu'en matière de rupture brutale des relations commerciales, le préjudice est réputé avoir été subi au lieu du siège social de celui qui l'invoque ; que le siège social de la demanderesse est situé à Wizernes qui est du ressort de la cour d'appel de Douai ; que le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 indique que les litiges relevant de l'article L 442-6 du code de commerce du ressort de la cour d'appel de Douai sont de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Lille ; que le tribunal dira la demande d'exception d'incompétence de la Sas Gifi Mag recevable mais mal fondée et se dira compétent rationae loci pour entre du présent litige ;
ALORS QUE la rupture d'un contrat de gérance-mandat étant soumise aux dispositions spéciales et d'ordre public de l'article L 146-4 du code de commerce, elle échappe à l'application de la règle générale prévue par l'article L 442-6 du code de commerce ; qu'en retenant la compétence du Tribunal de commerce de Lille désigné sur le fondement de ce dernier texte, au motif erroné que l'application de l'article L 146-4 du code de commerce n'exclut pas son application, la cour d'appel a violé les articles L 146-4 et L 442-6 du code de commerce, ensemble le principe specialia generalibus derogant.