LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par le directeur général des finances publiques que sur le pourvoi incident relevé par Mme X... ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 761 du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission et cette valeur est constituée par le prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de leur situation de fait et de droit à cette date ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte notarié du 19 septembre 2007, Mme X... a reçu en donation la moitié en pleine propriété d'un immeuble ; que l'administration fiscale a proposé de rectifier la valeur déclarée ; qu'après mise en recouvrement d'un complément de droits de mutation et rejet de sa réclamation, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de ce supplément d'imposition ;
Attendu que, pour réduire le montant de l'imposition litigieuse, l'arrêt retient un abattement pour clause de retour et interdiction d'aliéner de 5 % et un abattement pour indivision de 10 % ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le bien, qui n'était pas indivis lors de sa transmission, ne l'était devenu que par l'effet de la donation, ce qui était sans incidence sur la détermination de sa valeur, et alors que la limite apportée par le donateur à la liberté de l'aliéner n'affectait pas sa valeur vénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 500 euros au directeur général des finances publiques ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a décidé d'appliquer, sur la valeur vénale de la moitié en pleine propriété de l'immeuble ayant fait l'objet de la donation, un abattement de 5% en raison de la clause de retour et d'interdiction d'aliéner à laquelle la donataire est soumise et un abattement de 10% pour tenir compte de l'indivision résultant de la donation.
AUX MOTIFS QUE « le litige porte sur l'appréciation de la valeur vénale de la moitié indivise du bien immobilier objet de la donation du 19 septembre 2007.
Le jugement du tribunal a déjà accepté de prendre en compte l'évaluation de l'expertise judiciaire qui a retenu une surface habitable de 158 m² plus les annexes, a pris en compte la moins value due à la proximité d'un pylône haute tension.
Le jugement du tribunal n'est pas contesté par l'administration fiscale qui, de ce fait, accepte l'expertise, prenant en compte la surface retenue dans cette expertise.
Les termes de comparaison proposés par l'administration fiscale sont adaptés et la valeur de 880.000 ¿ pour la pleine propriété, soit 440.000 ¿ pour la moitié indivise correspond à la valeur du bien.
Mme X..., qui a déjà obtenu un dégrèvement de ce fait, estime que des abattements supplémentaires doivent être appliqués.
Elle demande l'application de plusieurs abattements :-de 30% pour occupation du conjoint,-de 20% pour clause de retour et d'interdiction d'aliéner,-de 30% pour indivision.
Mme X... occupe elle-même ce bien avec son conjoint, avec lequel aucune instance en divorce n'est en cours. Cela correspond à une occupation par elle-même. Il n'y a pas lieu à abattement pour occupation.
Il sera admis un abattement pour clause de retour et interdiction d'aliéner, de cinq pour cent et un abattement pour indivision, de 10%.
La valeur à retenir est de 440.000 ¿ moins 15%, soit 374.000 ¿.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Par équité, Mme X... conservera ses frais irrépétibles. »
ALORS, D'UNE PART, QUE, les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement sont assis sur les valeurs ; que l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette valeur paraît inférieur à la valeur vénale réelle du bien désigné dans la déclaration ; que la notion de valeur vénale réelle telle que définie par la Cour de cassation au regard de l'article L.17 du livre des procédures fiscales, s'entend d'une valeur objective du bien correspondant à une valeur de marché, du point de vue d'un acheteur quelconque ; que par hypothèse, si la valeur du bien est celle du marché, cela suppose que ce bien est disponible à la vente et donc que l'interdiction d'aliéner ou d'hypothéquer ne doit pas être prise en compte ; qu'à cet égard, l'administration faisait valoir que la limite apportée à la liberté de disposer des biens n'affecte pas leur valeur vénale ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait de retenir un abattement de 5% pour prendre en compte la clause d'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé les articles 666 du code général des impôts et L.17 du livre des procédures fiscales.
ALORS, D'AUTRE PART, QU' il résulte des dispositions combinées des articles 761 du code général des impôts et L.17 du livre des procédures fiscales qu'en dehors des cas où le législateur a fixé des bases d'évaluation, la valeur à retenir pour la liquidation des droits d'enregistrement est la valeur vénale réelle des biens appréciée au jour du fait générateur de l'impôt c'est à dire qu'elle correspond au prix qui pourrait être obtenu du bien par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu de l'état dans lequel il se trouve avant la mutation ; que la valeur à considérer est donc une valeur fondée sur des éléments intrinsèques relatifs à l'état de fait et de droit du bien avant la mutation ; qu'en matière de donation, dès lors que le bien transmis n'est pas affecté d'indivision avant sa transmission mais ne l'est que par l'effet de celle-ci, l'état d'indivision ne saurait avoir d'incidence sur la détermination de la valeur de la pleine propriété du bien donné ; qu'en décidant d'appliquer néanmoins une décote de 10% sur la valeur vénale du bien pour tenir compte de l'indivision née de la donation de la moitié en pleine propriété de l'immeuble, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a encore violé les articles 761 du code général des impôts et L.17 du livre des procédures fiscales.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour Mme X....
Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la valeur vénale de la donation par son époux séparé de biens de la moitié en pleine propriété d'une maison sise à Nice à la somme de 374.000 euros ;
AUX MOTIFS QUE le litige porte sur l'appréciation de la valeur vénale de la moitié indivise du bien immobilier objet de la donation du 19 septembre 2007 ; que le jugement du tribunal a déjà accepté de prendre en compte l'évaluation de l'expertise judiciaire qui a retenu une surface habitable de 158 m² plus les annexes et a pris en compte la moins-value due à la proximité d'un pylône haute tension ; que le jugement du tribunal n'est pas contesté par l'administration fiscale qui, de ce fait, accepte l'expertise, prenant en compte la surface retenue par cette expertise ; que les termes de comparaison proposés par l'administration fiscale sont adaptés et la valeur de 880.000 euros pour la pleine propriété, soit 440.000 euros pour la moitié indivise correspond à la valeur du bien ; que Mme X..., qui a déjà obtenu un dégrèvement de ce fait, estime que des abattements supplémentaires doivent être appliqués ; qu'elle demande l'application de plusieurs abattements de 30 % pour occupation du conjoint, de 20 % pour clause de retour et d'interdiction d'aliéner, de 30 % pour indivision ; que Mme X... occupe elle-même ce bien avec conjoint, avec lequel aucune instance en divorce n'est en cours ; que cela correspond à une occupation par elle-même ; qu'il n'y a pas lieu à abattement pour occupation ; qu'il sera admis un abattement pour clause de retour et interdiction d'aliéner de 5 % et un abattement pour indivision de 10 % ; que la valeur à retenir est de 440.000 euros moins 15 %, soit 374.000 euros ; que le jugement sera réformé en ce sens ;
ALORS QUE Mme X..., avant de solliciter des abattements sur la valeur vénale de la donation pour occupation, interdiction d'aliéner et indivision, a expressément sollicité que l'évaluation de la maison déterminée par le rapport d'expertise judiciaire fasse l'objet d'une moins-value supplémentaire de 15 % en soutenant que l'expert n'avait pas retenu des termes de comparaison adéquats, avait outrepassé sa mission en utilisant l'indice du fichier Perval au lieu de l'indice INSEE et avait sous-estimé les nuisances occasionnées par la ligne à haute tension passant à proximité de la maison (pp. 3-4) et en fournissant des photographies, une attestation de RTE ainsi que des attestations d'agents immobiliers démontrant la présence de trois pylônes à proximité immédiate de la maison et de la difficulté en résultant de vendre celle-ci pour un prix supérieur à 700.000 euros ; qu'en validant la valeur de la donation retenue par l'expert sans répondre à cette argumentation opérante ni examiner, même succinctement, les pièces versées aux débats pour l'étayer, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.