LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 2 janvier 2006 par la société H. Y... et fils en qualité d'assistant export, a travaillé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable import export ; qu'il a été licencié, le 11 mars 2009, pour faute lourde ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 3141-26 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute lourde et rejeter les demandes du salarié au titre de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que celui-ci a détourné sur son compte personnel une somme de 60 000 euros venant en règlement partiel, par un client, d'une facture correspondant à la livraison d'une commande de vins, qu'il a reconnu avoir sollicité cette somme auprès du client et l'avoir perçue et ne démontre pas qu'il s'agissait d'un prêt personnel ni en avoir informé l'employeur, qu'il n'apporte aucune preuve contraire de ce qui constitue un abus de confiance au préjudice de son employeur et une tentative d'enrichissement personnel au détriment de la société, qu'il a manifestement commis une faute grave avec intention de nuire à son employeur ;
Attendu, cependant, que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans caractériser la volonté de nuire du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en vérification d'écriture et en ce qu'il rejette la demande de la société H. Y... et fils au titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 26 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société H. Y... et fils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la somme de 1. 500 euros allouée à titre de dommages-intérêts, déboutant ainsi monsieur X... de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE : « Lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé non seulement du droit au préavis et à l'indemnité de licenciement, mais également, en application de l'article L. 3141-26 du code du travail, de l'indemnité compensatrice de congés payés prévue à l'article L. 3141 du même code ; la faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié ; l'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve ; la lettre de licenciement, dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, est articulée autour des griefs suivants : 1er grief : lors d'un déplacement à Moscou, avec monsieur Sergueï X..., le responsable de la SAS
Y...
, monsieur Olivier
Y...
recevait un e-mail de monsieur Z...directeur financier de la société Antian, société financière de leur client russe Vinoterra, le lundi 9 février 2009, répondant aux demandes formulées par le service comptable de la SAS
Y...
concernant le nonpaiement de facture ; il précisait que la facture FVE 002 122 d'un montant de 60. 000 euros avait déjà été payée par un virement fait sur le compte personnel de monsieur Sergueï X..., à la demande de ce dernier ; lequel avait indiqué à Valery A..., responsable de Vinoterra, Antian, que ce paiement interviendrait en déduction du paiement de la facture précitée, et ce en accord avec son employeur, monsieur Olivier
Y...
(pièce 19 de l'employeur) ; lors d'une réunion organisée le 11 février 2009 à Moscou, monsieur Valery A...reconnaissait avoir adressé à monsieur X... 60. 000 euros conformément aux demandes de ce dernier faites par e-mails le 17 mars 2008 et le 25 mars 2009 qui étaient remis à monsieur Olivier
Y...
; dans le premier e-mail du 17 mars 2008, monsieur X... écrivait : « cher Valery, j'ai un gros problème, je dois racheter la moitié de l'appartement avant mercredi 19 mars, j'ai besoin de 60. 000 euros ; je n'ai personne à qui m'adresser hormis toi, je te rembourserai si c'est possible » ; et dans celui du 25 mars 2008, « Cher Valery, ma proposition est la suivante, sur le montant de la facture Vinoterra nous doit 180. 356, 75 euros ; je te propose ceci 120. 000 euros à la société
Y...
, et le reste à moi je rembourserai la société moi-même, pour la garantie, je te remettrai un chèque de 60. 000 euros au cas où je ne rembourserai pas la société (pièces 14 et 15 de l'employeur) ; par e-mail du 8 décembre 2008, Valery A...indiquait à Serguey X... « je voudrais qu'Olivier me confirme que ta dette envers moi est bien prise en compte dans l'un de mes achats et qu'ainsi je ne dois rien sur cet achat, c'est tout ce que je veux (pièce 16 de l'employeur) ; Sergueï X... lui répondait : « on ne peut compter sur toi comme partenaire nous pourrions nous accorder sur les conditions du « divorce » sans psychodrame ; le directeur financier de Antian Management a attesté qu'en février 2008, monsieur Sergueï X... avait bien demandé que soit viré sur son compte personnel de la société générale no FR 7630003700005214688403 60. 000 euros pour le paiement de vins correspondant à la facture no X0700385 du 25 juillet 2007 ; le paiement par virement du montant indiqué ci-dessus sur le compte de M. X... avait été effectué par Antian le 28 mars 2008 (pièce 21 de l'employeur). À l'appui de cette attestation, il était remis à l'employeur une copie du virement bancaire effectué par Swift le 28 mars 2008 sur le compte de Sergueï X... pour un montant de 60. 000 euros (pièce 20 de l'employeur) ; il résulte de ces pièces et de cette attestation que les faits reprochés à Sergueï X... sont parfaitement établis ; en détournant sur son compte personnel la somme de 60. 000 euros qui devait revenir à la société
Y...
en paiement d'une partie d'une facture correspondant à une commande de vins, livrée à la société russe Vinoterra, monsieur X..., responsable import export pays de l'est pour la société
Y...
, a manifestement commis une faute grave, et ce, avec l'intention de nuire à son employeur ; à l'appui de son appel, M. X... ne conteste pas avoir perçu sur son compte personnel après l'avoir sollicitée auprès du client russe, la somme de 60. 000 euros (page 6 de ses écritures) ; mais il indique désormais qu'il s'agissait là d'un prêt personnel qui lui aurait été octroyé par Valery A...et que son employeur monsieur
Y...
était parfaitement au courant de ce prêt ; il est non seulement incapable de produire la moindre pièce prouvant ses dires ; mais au surplus, il ne nie même pas avoir avoué les faits qui lui sont reprochés dans une attestation rédigée de sa main qu'il a remise à son employeur, de retour en France (pièce 14bis de l'employeur) cette pièce aurait été récupérée par son employeur à son insu ; il se contente, en fait, d'essayer de réinterpréter (dans ses 34 pages de conclusion), sans produire aucune pièce, en dehors de l'attestation de sa maîtresse madame Anne C...ex employée des établissements
Y...
(pièce 20 du salarié), les preuves accablantes recueillies par son employeur concernant la matérialité de ce qui constitue manifestement un abus de confiance commis par monsieur X... au préjudice de son employeur ; dès lors, la cour dit que le premier grief reproché à monsieur X... est établi par l'employeur qui a bien rapporté la preuve qu'il s'agissait bien d'une faute lourde ; dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs reprochés au salarié ; la cour dit que le licenciement de monsieur X... est bien fondé sur une faute lourde et confirme, en conséquence, la décision qui a débouté monsieur X... de ses chefs de demande » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE : « que selon l'article L. 1232-1 du code du travail le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur fonde sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'il appartient à la société H. Y... et fils de démontrer la gravité des faits reprochés à monsieur X... ainsi que son intention de nuire à la société ; que la lettre de licenciement donne le périmètre que l'employeur a choisi de donner à sa procédure ; qu'il ressort clairement des pièces du dossier que monsieur X... s'est rendu coupable de détournement des fonds normalement destinés à son employeur ; qu'ainsi monsieur X... a reconnu ces faits pour une somme de 60. 000 euros ; (...) qu'il n'existe aucun doute sur la matérialité des faits reprochés à monsieur X... par la société H. Y... et Fils ; que la nature même de ces faits justifie la gravité retenue par la société H. Y... et Fils ; de plus, qu'au-delà même de l'intention de nuire, monsieur X... est directement responsable de nuisance à l'encontre de son employeur ; qu'il s'agit de tentative d'enrichissement personnel par monsieur X... au détriment de la société H. Y... et fils ; que le conseil estime que le licenciement pour fautes lourdes est particulièrement fondé en l'espèce ;
ALORS 1°) QUE la faute lourde se définit comme celle qui traduit l'intention du salarié de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; et que l'intention de nuire ne saurait se déduire de l'élément intentionnel du comportement reproché au salarié ; qu'en l'espèce, pour retenir que le comportement de monsieur X... était bien constitutif d'une faute lourde, la cour d'appel a considéré que celui-ci avait détourné sur son compte personnel la somme de 60. 000 euros qui devait revenir à la société
Y...
en paiement d'une partie d'une facture correspondant à une commande de vins, livrée à la société russe Vinoterra, commettant ainsi une faute grave, et ce avec l'intention de nuire à son employeur ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser dans quelle mesure le comportement de monsieur X... était constitutif d'une intention de nuire à la société Y... et Fils, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
ALORS 2°) QUE lorsque l'écriture ou la signature d'un acte sous seing privé est déniée ou méconnue, il appartient au juge saisi du principal de vérifier l'acte contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; que si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions mises par les articles 1316-1 à 1316-4 du code civil à la validité de l'écrit ou de la signature électronique, sont satisfaites ; qu'en l'espèce, pour retenir que le comportement de monsieur X... était bien constitutif d'une faute lourde, la cour d'appel s'est principalement fondée sur un courriel du 25 mars 2008 aux termes duquel monsieur X... prétendait rembourser monsieur A...par une imputation sur ce que la société Vinoterra devait à son employeur, commettant ainsi éventuellement un détournement ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à la vérification d'écritures qui s'imposait, quand pourtant monsieur X... avait toujours nié être l'auteur du courriel du 25 mars 2008, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 287 et 288 du code de procédure civile.