Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Azize X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1re section, en date du 16 avril 2015, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'association de malfaiteurs, recel et vols aggravés, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 octobre 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Sadot, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mme de la Lance, M. Germain, Mme Planchon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller SADOT, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 juillet 2015, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80, 706-75, 706-77, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la requête en nullité de l'ordonnance de soit-communiqué et des actes subséquents, présentée par le demandeur ;
" aux motifs que sur le moyen de nullité soulevé, que selon les dispositions de l'article 706-75 du code de procédure pénale : " la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champs d'application des articles 706-73, à l'exception du 11° et du 18° ou 706-74 dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, cette compétence s'étend aux infractions connexes " ; que l'article 706-77 du code de procédure pénale dispose : " le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l'article 702-75 peut, pour les infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 11° et du 18° et 706-74 requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application de l'article 705-75 " ; qu'il est constant que les faits dont le juge d'instruction de Pontoise était saisi relevaient des dispositions des articles 706-73, 706-75 et 706-77 du code de procédure pénale ; que par l'ordonnance de soit-communiqué critiquée du 14 avril 2014, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise en charge de l'information ouverte le 13 mars 2014, décidait, dans les termes suivants, de transmettre le dossier : " à Monsieur le procureur de la République pour réquisitions ou avis sur l'éventuel dessaisissement au profit d'un magistrat instructeur habilité Juridiction interrégionale spécialisée en vertu de l'article 706-77 du code de procédure pénale eu égard à la grande complexité des faits et à leur connexité avec des faits déjà instruits par ladite juridiction " ; que cette ordonnance de soit-communiqué qui constitue par ailleurs un simple acte d'administration judiciaire laissait en réalité l'initiative de la mise en oeuvre de la procédure de dessaisissement de la juridiction d'instruction de Pontoise au profit de la juridiction interrégionale spécialisée, au ministère public, en ce que le juge d'instruction de Pontoise se limitait, au regard de la grande complexité des faits et de leur connexité avec ceux déjà instruits par la juridiction interrégionale spécialisée de Paris, à alerter le parquet pour obtenir des réquisitions, ou également un avis, sur une transmission qualifiée d'éventuelle ; que ces précautions ne pouvaient pas correspondre à une décision de mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 706-77 du code de procédure pénale qui restait à la disposition du parquet ; que l'ordonnance du 14 avril 2014, n'a été que conforme à la circulaire crim. 04-13 G1 du 2 septembre 2004, qui prévoit la solution suivante : " bien que le texte ne le prévoit pas, il est envisageable que le juge d'instruction d'une juridiction de droit commun, prenant conscience de la complexité des faits dont il est saisi, considère comme opportun de voir saisie une juridiction interrégionale spécialisée ; qu'il conviendra dans ce cas que le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République aux fins d'appeler l'attention de ce dernier sur ce point ; que ce magistrat procédera alors conformément à ce qui a été précisé au paragraphe précédent lorsqu'il est à l'origine de la procédure de dessaisissement " ; que suite à cette ordonnance du 14 avril 2014, prise pour attirer l'attention du parquet, le ministère public, le 30 avril 2014, prenait l'initiative de requérir le juge d'instruction de se dessaisir dans les termes suivants : " Vu au parquet le 30 avril 2014, et ne s'oppose au dessaisissement au profit d'un magistrat instructeur habilité Juridiction interrégionale spécialisée en application des dispositions de l'article 706-77 du code de procédure pénale et eu égard à la grande complexité des faits et à leur connexité avec des faits déjà instruits par ladite juridiction " ; que la formule utilisée, peut être maladroite dans sa rédaction, de " Vu et ne s'oppose ", étayée cependant par la motivation ci-dessus rappelée, tirée de la complexité des faits et de leur connexité avec ceux déjà instruits par la Juridiction interrégionale spécialisée, a constitué un acte positif, pouvant être qualifié de réquisitions aux fins de dessaisissement, et mettant en oeuvre cette procédure, interprété, par ailleurs, comme telles par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise qui les a visées sous cet intitulé, dans son ordonnance de dessaisissement du 15 mai 2014, sachant qu'à défaut de réquisitions en ce sens, le juge d'instruction ne pouvait pas mettre plus avant une telle mesure ; qu'en conséquence le moyen de nullité soulevé sera rejeté, car il n'est pas démontré que la procédure prévue à l'article 706-77 du code de procédure pénale a été méconnue ; que la cour n'a trouvé dans le dossier de l'information aucune cause d'annulation de pièces ou actes de la procédure examinée jusqu'à la cote D 437 ;
" alors qu'en vertu de l'article 706-77 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut rendre une ordonnance de dessaisissement au profit d'une juridiction interrégionale spécialisée que sur réquisitions du procureur de la République ; que ne peuvent valoir réquisitions, au sens de ce texte, les mentions apposées sur une ordonnance de soit-communiqué prise par le juge d'instruction lui-même aux termes desquelles le procureur de la République affirme ne pas s'opposer au dessaisissement ; que le dessaisissement au profit de la Juridiction interrégionale spécialisée n'ayant pas respecté les conditions fixées par la loi, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler l'ordonnance de soit-communiqué ainsi que l'ensemble des actes réalisés par la juridiction interrégionale spécialisée en violation des règles de compétence " ;
Vu l'article 706-77 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le dessaisissement d'un juge d'instruction au profit de la juridiction interrégionale spécialisée ne peut intervenir que sur les réquisitions du procureur de la République ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 14 avril 2014, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise a communiqué au procureur de la République le dossier de l'information ouverte à son cabinet, le 13 mars 2013, des chefs précités, aux fins de recueillir ses réquisitions ou avis sur un éventuel dessaisissement au profit de la juridiction interrégionale spécialisée en matière de délinquance organisée ; que, le 30 avril 2014, le procureur de la République, a retourné le dossier au magistrat instructeur avec la mention suivante : " Vu au parquet le 30/ 4/ 2014, et ne s'oppose au dessaisissement au profit d'un magistrat instructeur habilité JIRS en application des dispositions de l'article 706-77 du CPP et eu égard à la grande complexité des faits et à leur connexité avec des faits déjà instruits par ladite juridiction " ; que, par ordonnance du 15 mai 2014, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Pontoise s'est dessaisi au profit du magistrat instructeur spécialisé du tribunal de grande instance de Paris ; que, par requêtes présentées les 12 et 15 septembre 2014, M. X..., mis en examen le 6 juin 2014, a sollicité l'annulation de l'ordonnance de soit-communiqué et des pièces subséquentes, dont l'ordonnance de dessaisissement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, la chambre de l'instruction énonce notamment que la formule utilisée a constitué un acte positif, pouvant être qualifié de réquisitions aux fins de dessaisissement ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la seule absence d'opposition manifestée par le procureur de la République ne peut s'analyser en des réquisitions engageant la procédure de dessaisissement, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 16 avril 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze novembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.