LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 2 mars 2009 par la société Sibel Bati en qualité de plaquiste ; que, victime d'un accident du travail le 20 janvier 2010, il s'est trouvé en arrêt de travail jusqu'au 1er mars 2010 et n'a pas été convoqué à une visite de reprise par le médecin du travail ; que les parties ont, le 15 février 2010, conclu une convention de rupture ; que l'administration a, le 5 mars 2010, reçu une demande d'homologation de la convention de rupture et a, le 22 mars 2010, pris une décision de refus d'homologation ; que l'administration a, le 12 avril 2010, fait savoir aux parties qu'elle homologuait la convention de rupture ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en nullité de la convention de rupture et en paiement de diverses sommes à ce titre ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, qui sont préalables :
Vu l'article L. 1237-11 du code du travail ;
Attendu, d'abord, que l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de ce texte ;
Attendu, ensuite, que sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
Attendu que pour dire nulle la convention de rupture et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt retient, d'une part, qu'une rupture conventionnelle n'était pas possible dans un contexte conflictuel contemporain de la conclusion de cette convention opposant M. X... à la société Sibel Bati, d'autre part, que son contrat de travail étant suspendu en raison de l'accident du travail dont il avait été victime et l'absence de visite de reprise, il n'y avait pas de possibilité de faire une rupture conventionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1237-14 du code du travail ;
Attendu que, selon l'article L. 1237-14 du code du travail, l'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande d'homologation, et qu'à défaut de notification dans ce délai, cette homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie ; qu'il en résulte que doit être regardée comme implicitement homologuée toute convention de rupture pour laquelle une décision administrative expresse n'a pas été notifiée aux parties à la convention dans les quinze jours ouvrables à compter de la réception de la demande d'homologation ;
Attendu que pour dire nulle la convention de rupture et condamner l'employeur au paiement de sommes à ce titre, l'arrêt, après avoir constaté que l'administration avait reçu la demande d'homologation le 5 mars 2010, retient que la directrice du travail a, par lettre du 22 mars 2010, pris une décision expresse de refus d'homologation et qu'il ne peut donc y avoir d'homologation tacite ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si la lettre en date du 22 mars 2010 par laquelle l'autorité administrative refusait d'homologuer la convention de rupture était parvenue aux parties au plus tard le 23 mars 2010 à minuit, date d'échéance du délai de quinze jours ouvrables dont disposait l'administration pour leur notifier sa décision expresse conformément aux règles régissant la notification des actes administratifs, une décision implicite d'homologation étant à défaut acquise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Sibel Bati au paiement de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation et déboute M. X... de sa demande en dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi, l'arrêt rendu le 1er octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Sibel Bati
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la convention de rupture conventionnelle et d'avoir, en conséquence, condamné l'Eurl Sibel Bati à payer à M. X... différentes sommes à titre de rappel de salaires, indemnités de licenciement, de préavis, pour procédure irrégulière ainsi que des dommages intérêts pour licenciement illégitime ;
Aux motifs que « L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ; que la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties ; qu'elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat ; que Monsieur X... soutient qu'il y a une absence d'homologation de la convention de rupture conventionnelle ; qu'il indique avoir fait part de son refus d'homologation le 22 mars 2010 soit avant l'expiration du délai d'instruction de 15 jours ouvrables ; qu'il ajoute également qu'il importe peu les circonstances dans lesquelles cette homologation tacite est intervenue des lors que le délai d'instruction était expiré et qu'une décision de refus avait été notifiée ; qu'il produit une lettre de la directrice du travail en date du 5 mars 2010 ; qu'il ressort de ce courrier que : « Par lettre reçue le 5 mars 2010 une demande d'homologation d'une rupture conventionnelle de contrat de travail vous concernant m'a été adressée... J'ai l'honneur de vous faire connaître que sauf décision expresse de refus de ma part, cette demande d'homologation sera réputée acquise le 24 mars 2010... » ; qu'il produit également une seconde lettre du directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région centre du 22 mars 2010 ; qu'il ressort de ce courrier que la directrice du travail décide : «... de refuser la demande d'homologation de la rupture conventionnelle entre le salarié Monsieur X... Amar et l'entreprise SIBEL BATI. La validité de la convention est subordonnée a son homologation, la convention n'est pas valide et ne peut servir de base à la rupture du contrat de travail... » ; qu'il produit enfin un courrier en date du 12 avril 2010 de la directrice du travail ; qu'il ressort de ce courrier ce qui suit : « Je vous prie de trouver ci-joint un exemplaire du formulaire de rupture conventionnelle d'un CDI homologuée par la directrice du travail en date du 24 mars 2010 dans le cadre d'un accord tacite vous concernant... » ; que l'EURL SIBEL BATI rétorque qu'il a été mis un terme au contrat de travail de Monsieur X... suite à l'homologation par l'inspecteur du travail, du formulaire de rupture conventionnelle ; que la cour remarque qu'il y a une décision expresse de refus de l'homologation de la part de l'administration le 22 mas 2010 ; que de ce fait, il ne pouvait y avoir d'homologation tacite ; qu'en outre, une homologation tacite ne pouvait résulter de renseignements complémentaires recueillis ultérieurement, le 9 avril 2010, et être en réalité décidée le 9 avril 2010 ; qu'ainsi, il aurait fallu que les parties concluent une nouvelle rupture ou qu'elles présentent une nouvelle demande d'homologation ; que donc l'homologation de la rupture conventionnelle intervenue entre Monsieur X... et l'EURL SIBEL BATI est irrégulière ; QUE, SUR LA CONVENTION INTERVENUE DANS UN CONTEXTE CONFLICTUEL, Monsieur X... souligne qu'il existait un contexte conflictuel contemporain de la conclusion de la convention de la rupture conventionnelle ; qu'il justifie avoir été convoqué à un entretien préalable le 21 janvier 2010 et que le 26 mars 2010 son employeur lui notifiait un avertissement ; que dans un tel contexte, une rupture conventionnelle n'était pas possible ; QUE SUR LA RUPTURE INTERVENUE EN PÉRIODE DE SUSPENSION Monsieur X... soutient, que le 20 janvier 2010, il est victime d'un accident du travail et se trouve en arrêt de travail jusqu'au 1er mars 2010 soit durant plus de 8 jours et qu'à compter du 1er avril 2010, son accident est connu comme ayant un caractère professionnel par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Indre et Loire ; qu'il indique n'avoir jamais subi de visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail pour son accident du travail qui a duré plus de 8 jours ; que ces faits sont exacts ; qu'il ajoute également que son contrat était toujours suspendu et ne pouvait être rompu par le biais d'une rupture conventionnelle ; que la cour remarque que le contrat de Monsieur X... ne pouvait être rompu que pour faute grave ou impossibilité de maintenir son contrat de travail ; que dès lors il n'y avait pas de possibilité de faire une rupture conventionnelle ; que cette rupture étant infondée, il convient donc de fixer la date de cette rupture au 24 mars 2010 (date de l'homologation irrégulière) ; que l'employeur doit donc le salaire du 1er au 24 mars 2010, puisqu'il est fautif de ne pas avoir organisé la visite de reprise, soit 1. 516, 70 x 24/ 31 = 1. 174, 12 euros, les congés payés étant de 117, 42 euros ; que le préavis est d'un mois mais il est doublé car il est salarié handicapé, comme le prouve son contrat de travail ; qu'il est donc dû 3. 033, 40 euros, les congés payés étant de 303, 34 euros ; que l'indemnité de licenciement est bien de 323, 62 euros ; qu'aucune procédure de licenciement n'a été suivie, cette grave irrégularité justifiant l'allocation de 1. 516, 70 euros ; que concernant les dommages et intérêts au fond, il justifie par un avis Pôle Emploi avoir perçu 320 indemnités du 23 avril 2010 au 24 août 2010 ; qu'il a donc dû retrouver quelques emplois précaires pendant cette période ; que son préjudice matériel et moral sera fixé à 9. 000 euros » ;
Alors, d'une part, qu'à défaut de notification dans un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande, l'homologation de la convention de rupture par l'autorité administrative saisie, chargée de s'assurer du respect des conditions légales et de la liberté de consentement des parties, est réputée acquise ; qu'en l'espèce, la demande d'homologation de la rupture conventionnelle ayant été reçue par l'administration le 5 mars 2010, le délai d'instruction de 15 jours ouvrables expirait le 23 mars à minuit en sorte qu'à défaut de décision dans ce délai, l'homologation était réputée acquise ; que le refus d'homologation du 22 mars 2010 ayant été notifié à l'Eurl Sibel Bati le 24 mars 2010, soit en dehors du délai de 15 jours, l'homologation de la rupture conventionnelle était réputée acquise depuis le 23 mars à minuit en sorte que l'homologation, notifiée par lettre du 12 avril 2010 à la suite de l'enquête menée par l'autorité administrative, a pu confirmer la décision implicite d'homologation initiale ; que dès lors, en déclarant que la décision expresse de refus d'homologation du 22 mars 2010 excluait une homologation tacite ultérieure, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-14 du code du travail ;
Alors, d'autre part, en tout état de cause, que l'existence, au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ; que dès lors en déclarant que le conflit existant entre M. X... et l'Eurl Sibel Bati au moment de leur décision de rompre conventionnellement le contrat s'opposait à la conclusion d'une convention de rupture, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Et, alors, enfin, que la suspension du contrat de travail ne s'oppose pas à la rupture conventionnelle du contrat dès lors que des garanties sont mises en oeuvre pour assurer la protection du salarié ; qu'à la suite du recours formé par M. X... contestant le refus d'homologation de la convention, la direction départementale du travail a convoqué l'employeur, le salarié, assisté de son frère, a entendu les parties puis, assurée du libre consentement de l'intéressé, a homologué rétroactivement la convention ; qu'ainsi, l'autorité administrative a vérifié le libre consentement des parties et a contrôlé les conditions de rupture du contrat dans les termes de l'article L. 1237-15 applicable aux salariés protégés ; que dès lors, en refusant de valider la rupture conventionnelle intervenue au cours de la suspension du contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail.