Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Baptiste X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 27 juin 2014, qui, pour abus de faiblesse, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 novembre 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 223-15-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris, s'agissant de la déclaration de culpabilité du demandeur du chef d'abus de faiblesse et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, assortie des obligations n° 1, 3 et 5 de l'article 132-45 du code pénal et a déclaré le demandeur responsable du préjudice subi par M. Kim Z..., partie civile, et en le condamnant à lui payer la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral ;
" aux motifs que M. Z... a indiqué qu'il était suivi depuis l'âge de 17 ans en psychiatrie pour schizophrénie, dépression et bipolarité ; que son père a confirmé qu'il rencontrait des problèmes psychiatriques ; que le docteur A..., psychiatre de M. Z... a indiqué, dans les limites du secret professionnel au respect duquel il est astreint, qu'il le suivait depuis plusieurs années, qu'il s'agissait d'une personne fragile, naïve, psychologiquement instable et qui faisait facilement confiance ; que M. B..., en des termes certes peu élégants mais révélateurs de l'état mental de M. Z..., a déclaré qu'il avait très vite compris que celui-ci était un « neuneu » et qu'il n'était pas nécessaire d'être médecin pour comprendre qu'il n'allait pas bien ; que M. Jean-Sébastien C...a lui-même indiqué que M. Z... était « un peu particulier » et lui avait parlé de ses problèmes de dépression ; que le tribunal a relevé que l'audition de ce dernier à l'audience établissait son état de vulnérabilité résultant de son état psychologique ; que la cour a été en mesure de constater au cours des débats que M. Z..., était ralenti, s'exprimait avec confusion et que malgré son âge il était accompagné de son père ; que s'il habite seul et semble gérer ses biens, il ressort du dossier, et en particulier des déclarations de M. C...lui même, qu'il n'est pas totalement indépendant ; qu'il se déduit de ce qui précède que M. Z... était au moment des faits dans une situation de faiblesse et présentait un état de vulnérabilité résultant de la déficience psychique dont il était atteint, qui était manifestement apparente ; et que, ni M. C..., ni M. X..., qui, quant à eux ne semblent pas manquer de discernement, ainsi que les faits reprochés le démontrent, et qui, en raison de leurs activités professionnelles, ont nécessairement acquis un bon sens de l'observation, n'ont pu ignorer, étant souligné en outre que M. X..., qui a négocié avec la partie civile le prêt de 8 000 euros et la cession du jet ski a entretenu avec elle des relations suffisamment soutenues démontrant qu'il ne pouvait qu'avoir conscience de son état ; qu'il convient de relever que concernant l'abus de faiblesse c'est en raison d'une erreur matérielle qu'il a été fait état dans la prévention de l'acquisition par M. Z... auprès de M. C...de trois montres Rolex, alors qu'il est établi dans la procédure que sont en cause deux montres Rolex et que si la vente d'une montre Tot a été évoquée, les éléments du dossier ne permettent pas d'en imputer la vente à M. Z... dans le cadre d'un abus de faiblesse ; qu'il est constant que M. C...a vendu à M. Z... deux montres Rolex ; que cette vente, ainsi que cela ressort des éléments du dossier ci-dessus rappelés, n'a pu se réaliser que grâce à l'état de vulnérabilité que présentait M. Z... qui, en raison de sa naïveté et de son caractère influençable relevés par son psychiatre, n'était pas en mesure d'apprécier l'ensemble des conséquences de l'engagement qu'il prenait, alors que l'achat de deux montres de luxe pour un montant total de 12 000 euros ne revêtait pour lui aucun caractère d'utilité et n'était pas en rapport avec sa situation personnelle ; qu'il est établi que M. Z... a établi un chèque d'un montant de 8 000 euros au profit de M. X... ; que M. Z... a affirmé de façon constante que M. C...lui avait expliqué qu'un ami avait besoin d'argent et lui avait alors présenté M. X... ; que M. C...a admis qu'il avait présenté M. Z... à M. X... et que celui-ci ne l'a pas démenti ; que les circonstances et les conditions dans lesquelles le « prêt » a été obtenu de M. Z... sont peu claires, notamment quant aux explications qui lui ont été données sur son objet ; que le fait que M. X... ait affirmé qu'il verserait des intérêts au taux de 10 % est en lui-même suspect ; que la remise par M. X... d'un chèque antidaté, d'un montant de 8 400 euros ne l'est pas moins ; que le fait que M. C...ait fait connaître à M. Z... que M. X... ne pourrait pas le rembourser est tout autant curieux ; que l'épisode du jet ski est également surprenant ; qu'il se déduit de tout ce qui précède l'existence d'une mise en scène élaborée en vue de semer la confusion dans l'esprit de M. Z... et d'exploiter son état de faiblesse ; que ces faits ont été gravement préjudiciables à M. Z... en ce que, même si M. Z... a en définitive acquis la propriété du jet ski, il a cependant subi un préjudice découlant de ce qu'il a été privé de la jouissance de la somme non négligeable de 8 000 euros alors que le jet ski ne lui était d'aucune utilité, qu'il ne pouvait être revendu dans de brefs délais, le projet d'achat par M. C...n'ayant pas eu de suite ; que de plus, eu égard à l'état mental de M. Z..., les actes commis ont nécessairement eu des conséquences sur l'équilibre psychique d'une personne fragile ; que l'argument tiré de ce que le bénéficiaire du chèque de 8 000 euros a été la société Delta diffusion, employeur de M. X..., que cette somme a été utilisée pour régler des loyers de cette société et que ce prévenu n'a pas retiré de bénéfice de l'opération est inopérant, dès lors que l'article 223-15-2 du code pénal, s'il exige que les actes commis soit gravement préjudiciables à la victime, ne dispose pas qu'ils aient été accomplis au profit de leur auteur ; qu'il résulte de ces éléments que M. C...et M. X... ont frauduleusement abusé de la situation de faiblesse de M. Z..., qu'ils savaient particulièrement vulnérable en raison de son état de santé psychologique, pour le conduire à des actes gravement préjudiciables pour lui, pour le premier en obtenant qu'il acquiert deux montres Rolex et qu'il octroie un prêt à hauteur de 8 000 euros au profit de M. X... et pour le second à se voir octroyer un prêt de 8 000 euros ; qu'il convient de les déclarer coupables de l'abus de faiblesse reproché et de confirmer le jugement entrepris sur ce point sous la réserve mentionnée plus haut relative au nombre de montres Rolex ; que sur la peine ; que les faits sont graves ; que toutefois ils s'avèrent anciens comme ayant été commis au mois de juin 2009 ; que si le bulletin n° 1 de M. C...porte la mention « néant » et s'il justifie d'une insertion stabilité familiale et professionnelle, il ressort de la procédure qu'il a joué un rôle moteur dans la commission des faits ; que dans ces conditions, une peine de huit mois d'emprisonnement entièrement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans qui permettra de soutenir les efforts d'insertion entrepris et de favoriser l'indemnisation de la victime est adapté à la fois à la personnalité de l'intéressé et à la gravité des faits ; que si le bulletin n° 1 de M. X... porte les mentions ci-dessus rappelées, il y a lieu de relever qu'il n'a pas été condamné pour des faits postérieurs à ceux de la présente affaire, qu'il semble, dès lors, s'être engagé sur la voie de la réinsertion ; que par ailleurs son implication est moins importante que celle de M. C...; qu'en conséquence, une peine de six mois d'emprisonnement entièrement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans qui permettra de soutenir les efforts d'insertion entrepris et de favoriser l'indemnisation de la victime est adapté à la fois à la personnalité de l'intéressé et à la gravité des faits ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur les peines ;
" 1°) alors que l'abus de faiblesse s'apprécie seulement au regard de l'état de particulière vulnérabilité de la victime au moment où est accompli l'acte gravement préjudiciable à sa personne ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. Z... avait indiqué qu'il était suivi depuis l'âge de 17 ans en psychiatrie pour schizophrénie, dépression et bipolarité, que le docteur A..., psychiatre, avait indiqué qu'il le suivait depuis plusieurs années, qu'il s'agissait d'une personne fragile, naïve, psychologiquement instable et qui faisait facilement confiance, que M. B...avait déclaré qu'il avait très vite compris que celui-ci était un « neuneu » et qu'il n'était pas nécessaire d'être médecin pour comprendre qu'il n'allait pas bien, que M. C..., co-prévenu, avait lui-même indiqué que M. Z... était « un peu particulier » et lui avait parlé de ses problèmes de dépression, que le tribunal correctionnelle avait relevé que l'audition de M. Z... à l'audience établissait son état de vulnérabilité résultant de son état psychologique et encore que la cour avait été en mesure de constater, au cours des débats, que M. Z... était ralenti, s'exprimait avec confusion et que malgré son âge il était accompagné de son père, la cour d'appel ne s'est fondée sur aucun élément contemporain à la remise du chèque de 8 000 euros à titre de prêt et n'a ainsi nullement établi qu'au moment des faits reprochés, M. Z... se trouvait dans un état de particulière vulnérabilité apparente et que le demandeur connaissait ou ne pouvait ignorer et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 223-15-2 du code pénal ;
" 2°) alors que le demandeur avait fait valoir, qu'en tout état de cause, ne pouvait être retenu comme constituant un abus de l'état de faiblesse ou d'ignorance de la victime, le simple fait d'avoir sollicité un prêt en garantie du remboursement duquel avait été remis à son auteur un chèque d'un montant plus élevé ; qu'en se bornant à relever, pour conclure à l'existence « d'une mise en scène élaborée en vue de semer la confusion dans l'esprit de M. Z... et d'exploiter son état de faiblesse », que les circonstances et les conditions dans lesquelles le « prêt » a été obtenu de M. Z... sont peu claires, notamment quant aux explications qui lui ont été données sur son objet, que le fait que M. X... ait affirmé qu'il verserait des intérêts au taux de 10 % est en lui-même suspect, que la remise par M. X... d'un chèque antidaté, d'un montant de 8 400 euros ne l'est pas moins, que le fait que M. C...ait fait connaître à M. Z... que M. X... ne pourrait pas le rembourser est tout autant curieux, que l'épisode du jet ski est également surprenant, la cour d'appel n'a nullement caractérisé en quoi le demandeur aurait frauduleusement abusé de l'état de faiblesse ou d'ignorance de la victime, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 223-15-2 du code pénal ;
" 3°) alors que l'abus de faiblesse n'est caractérisé que si la personne particulièrement vulnérable a été conduite à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ; que le demandeur avait fait valoir que la remise par M. Z... d'un chèque de 8 000 euros, à titre de prêt, au seul profit de la société Delta diffusion dont le demandeur était uniquement salarié, n'avait pas constitué pour M. Z... un acte gravement préjudiciable, dès lors, d'une part, qu'en échange de ce chèque il lui avait été remis un chèque d'un montant de 8 400 euros correspondant au remboursement de la somme prêtée assortie d'intérêts et que, par la suite, c'est M. Z... lui-même qui avait préféré, en remboursement de la somme prêtée, devenir propriétaire d'un jet-ski d'une valeur de 12 000 euros, M. Z... ayant lui-même reconnu lors de son audition par les enquêteurs que « les papiers de cession du jet ski ont été faits. Donc JB ne me devait plus rien c'est comme cela que c'était convenu » ; qu'ayant retenu qu'en échange du chèque de 8 000 euros, remis à titre de prêt par M. Z..., il avait été remis à ce dernier un chèque antidaté d'un montant de 8 400 euros, puis que M. Z... était effectivement devenu propriétaire d'un jet ski, la cour d'appel, qui néanmoins retient que les faits ont été gravement préjudiciables à M. Z..., dès lors « qu'il a été privé de la jouissance de la somme non négligeable de 8 000 euros, alors que le jet ski ne lui était d'aucune utilité, qu'il ne pouvait être revendu dans de brefs délais », n'a par là même nullement caractérisé le fait que le prêt consenti par M. Z... lui aurait été gravement préjudiciable et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 223-15-2 du code pénal " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de faiblesse dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze janvier deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.