Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Mario X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 18 septembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Patrick Y..., du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, Me BLONDEL, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 29 alinéa 1er, 32 et de la loi du 29 juillet 1881, R. 621-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré M. X...mal fondé en son appel, a confirmé le jugement ayant relaxé M. Patrick Y..., des chefs de diffamation publique envers un particulier et débouté M. X...de ses demandes de dommages-intérêts ;
" aux motifs que c'est à juste titre et par des motifs pertinents, exacts et suffisants qui seront ci-après repris, que les premiers juges ont considéré que le fait justificatif de la bonne foi pouvait être retenu en faveur de M. Y... et que par suite le délit de diffamation n'était pas établi ; qu'en effet, qu'en l'absence de preuve, M. Y..., secrétaire général de la confédération des syndicats des travailleurs de Polynésie, soutient qu'il a agi de bonne foi car il n'est pas à l'origine de la publication dans la presse, par voie électronique, du préavis de grève déposé par le syndicat et de la publicité qui en a ensuite été donnée ; qu'il ressort des débats de première instance que le journal en ligne Tahiti Today a diffusé le 29 juillet 2013, un article intitulé « le syndicat CSTP/ FO vient de lancer un préavis de grève au port autonome et accuse M. X...d'avoir poussé un salarié au suicide ; on touche le fond » ; que cet article commente et reprend in extenso le texte du préavis de grève adressé le 26 juillet 2013, par le syndicat à M. Bruno Z..., président du conseil d'administration du port autonome et à M. X...directeur du port autonome ; que ce préavis de grève comporte sept points dont le 7e constitue le fait diffamatoire reproché ; qu'il n'est pas démontré que la diffusion du préavis de grève dans Tahiti Today est imputable à M. Y... ; que le ton employé par l'article qui commente le courrier adressé par la voie interne aux responsables du port autonome, est très critique à l'égard du syndicat et permet d'établir que l'initiative de la diffusion n'est pas le fait du syndicat CSTP/ FO ; que, par ailleurs, le journal « les nouvelles » en date du 30 juillet 2013, en page 5, développe le « bras de fer entre Banner et Y... » avec deux interviews l'un de M. X..., l'autre de M. Y..., propos recueillis avant l'ouverture des négociations ; qu'il en ressort que la CSTP/ Fo demande des mises aux normes depuis deux ans et une enquête officielle sur les deux morts recensés chez les acconiers et sur le décès survenu au port autonome ; qu'il résulte d'une jurisprudence constance que les énonciations dans le cadre d'une activité syndicale doivent être appréciées dans le contexte précis de leur diffusion et les propos dénoncés doivent être jugés dans leur ensemble au regard de la manifestation des luttes syndicales qui opposent les parties ; que dès lors que les propos traduisent l'expression d'un libre droit de critique sans excéder les limites de la polémique, toujours particulièrement vive en matière syndicale, ce que tout lecteur de la presse ne peut ignorer, la diffamation n'est pas établie ; que la bonne foi de M. Y... doit être appréciée en tenant compte de l'intérêt collectif des salariés qui étaient défendus et du contexte de conflit de travail dans lequel les propos ont été tenus ; que le point 2 du préavis de grève concerne la sécurité au niveau de la zone portuaire ; que lors de son interview M. Y... reprend ce thème et évoque les décès survenus dans la zone portuaire et au port autonome, sans mentionner le cas de suicide ; que les propos de M. Y... diffusés par la voie de la presse quotidienne qui n'a fait que relayer la parution par la voie électronique de la polémique opposant le syndicat au directeur du port autonome, s'inscrivent dans la légitimité de l'action syndicale entreprise et du préavis de grève déposé ; qu'ils ne démontrent aucune animosité personnelle et ne font que dénoncer les faits à l'origine du combat syndical engagé ; que dans ces conditions la mesure dans l'expression n'a pas été outrepassée ; que la dénonciation de décès de salariés, non contestés par ailleurs, est sincère et constitue une cause légitime de l'action syndicale ;
" 1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que ne respecte pas l'obligation de motivation une cour d'appel qui se borne à reproduire exactement, au mot près, les motifs contestés des premiers juges ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que les motifs des premiers juges étaient pertinents, puis, reprendre intégralement ceux-ci, sans statuer par une motivation propre ;
" 2°) alors que M. X...faisait valoir que l'exception de bonne foi ne pouvait être retenue, contestant ainsi les motifs des premiers juges qui avaient retenu que les propos diffamatoires tenus par M. Y... ne dépassaient pas le cadre de la polémique syndicale ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que les motifs des premiers juges étaient pertinents puis, reproduire exactement ceux-ci, sans statuer par une motivation propre et sans répondre aux conclusions dont elle était saisie sur l'absence de légitimité et de mesure des propos (conclusions de M. X...p. 4 in fine et p. 5) ;
" 3°) alors que la bonne foi ne saurait être retenue quand les propos proférés révèlent l'animosité personnelle de leur auteur et l'absence de mesure et de prudence dans l'expression de la pensée, alors même qu'ils auraient été tenus dans le cadre d'une activité syndicale ; qu'en l'espèce, M. X...faisait valoir que le but poursuivi par M. Y... n'était pas légitime, que son animosité personnelle était démontrée, notamment, par un écrit postérieur dans lequel il qualifiait le dirigeant de « roi » et que, nonobstant la polémique syndicale, ses propos n'étaient pas mesurés ; que la cour d'appel ne pouvait retenir l'exception de bonne foi, aux motifs que les propos tenus par M. Y... l'avaient été dans le cadre de son activité syndicale et n'excédaient pas les limites de la polémique, toujours particulièrement vive en matière syndicale, tandis que de tels motifs étaient impropres à caractériser la bonne foi ;
" 4°) alors que la juridiction correctionnelle est tenue de statuer sur tous les faits dont elle est saisie, indépendamment de la qualification retenue, et ne peut donc relaxer le prévenu sans avoir envisagé toutes les qualifications possibles ; que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de rechercher si l'imputation de harcèlement ayant causé le suicide d'un salarié diffamant M. X...pouvait être qualifiée de diffamation non publique, tandis qu'il revenait aux juges d'appel de rechercher, au besoin d'office, après avoir énoncé que les faits diffamatoires n'avaient pas été rendus publics par M. Y..., si les faits pouvaient être qualifiés de diffamation non publique, contravention prévue et réprimée à l'article R. 621-1 du code pénal " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., directeur général du port autonome de Papeete, a fait citer devant le tribunal correctionnel M. Y..., secrétaire général de la confédération des syndicats des travailleurs de Polynésie à raison de la publication dans la presse d'un préavis de grève adressé tant à la partie civile qu'au président du conseil d'administration du port autonome, exposant les motifs de la grève et notamment le point 7, jugé diffamatoire à son égard : " De la responsabilité de la direction du port autonome quant au harcèlement, mise en cause, demandes inconsidérées par rapport au personnel. Ces excès auraient même causé le suicide d'un des salariés " ; que le tribunal a fait bénéficier le prévenu de la bonne foi et a prononcé sa relaxe ; que la partie civile a, seule, relevé appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement déféré en ses dispositions civiles, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu que ces énonciations mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs propres et adoptés répondant aux conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour justifier l'admission à son profit du bénéfice de la bonne foi, que la diffamation soit publique ou non publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que M. X...devra payer à M. Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze mars deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.