LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 125, 537 et 917, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'absence d'ouverture d'une voie de recours ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée et les productions, que, sur des poursuites aux fins de saisie immobilière engagées contre la SCI La Rochette (la SCI) par la société Monte Paschi banque (la banque) le 26 juillet 2013, un juge de l'exécution a, par un jugement rendu à l'issue d'une audience d'orientation, déclaré irrecevable pour cause de péremption l'action initiée par la banque et prononcé la nullité du commandement valant saisie immobilière ; qu'ayant interjeté appel de ce jugement par une déclaration du 4 juillet 2014, la banque a présenté, le 19 septembre 2014, une requête aux fins de procéder à jour fixe ; que la SCI a assigné en référé la banque, aux fins de rétractation de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel ayant fixé la date de l'audience à laquelle devait être examiné l'appel de la banque ;
Attendu que pour déclarer recevable la demande de la SCI, le premier président retient que l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril, qu'il s'agit de l'unique voie procédurale ouverte aux parties qui interjettent appel d'un tel jugement, que la Cour de cassation, comme avant elle la majorité des cours d'appel, considère que le recours à la procédure à jour fixe n'est pas une simple modalité procédurale mais s'impose pour la validité même de l'appel, dont l'irrecevabilité doit être relevée d'office s'il a été formé selon la procédure ordinaire des articles 901 et suivants du code de procédure civile, que par suite, à la différence de ce qui est jugé par la Cour de cassation pour la procédure à jour fixe de droit commun de l'article 917, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'ordonnance permissive du premier président, qui ne détermine pas seulement le délai d'examen de l'affaire, mais conditionne l'exercice même de l'appel, présente un caractère juridictionnel en matière d'appel d'un jugement d'orientation, de sorte qu'il importe qu'elle soit soumise aux voies de recours prévues par l'article 496 du code de procédure civile pour les ordonnances sur requête ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance par laquelle le premier président de la cour d'appel fixe, en application de l'article 917, alinéa 1er, du code de procédure civile, la date à laquelle une affaire sera appelée par priorité devant la cour d'appel est dénuée d'effet sur la recevabilité de l'appel et constitue une mesure d'administration judiciaire, qui n'est susceptible d'aucun recours et ne peut donner lieu à référé à fin de rétractation, le premier président a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 décembre 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de la SCI La Rochette aux fins de rétractation de l'ordonnance du 19 septembre 2014 ayant autorisé la société Monte Paschi banque à procéder à jour fixe ;
Condamne la SCI La Rochette aux dépens exposés devant premier président de la cour d'appel et la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties tant devant le premier président que devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de référé cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Monte Paschi banque
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR rétracté en toutes ses dispositions l'ordonnance du 19 septembre 2014 et d'AVOIR dit n'y avoir lieu à autoriser la société Monte Paschi Banque à assigner à jour fixe pour l'appel du jugement d'orientation du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône du 10 juin 2014 ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité, l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril ; qu'il s'agit de l'unique voie procédurale ouverte aux parties qui interjettent appel d'un tel jugement ; que la Cour de cassation comme, avant elle, la majorité des cours d'appel, considère que le recours à la procédure à jour fixe n'est pas une simple modalité procédurale mais s'impose pour la validité même de l'appel, dont l'irrecevabilité doit être relevée d'office s'il a été formé selon la procédure ordinaire des articles 901 et suivants du code de procédure civile ; que par suite, à la différence de ce qui est jugé par la Cour de cassation pour la procédure à jour fixe de droit commun de l'article 917 alinéa 1er du code de procédure civile, l'ordonnance permissive du premier président présente un caractère juridictionnel en matière d'appel d'un jugement d'orientation ; qu'en effet, cette décision ne détermine pas seulement le délai d'examen de l'affaire mais conditionne l'exercice même de l'appel, de sorte qu'il importe qu'elle soit soumise aux voies de recours prévues par l'article 496 du code de procédure civile pour les ordonnances sur requête ; que la demande en rétractation sera ainsi jugée recevable ; que sur le fond, la SA Monte Paschi Banque a relevé appel par déclaration du 4 juillet 2014 alors qu'elle a présenté sa requête aux fins de procéder à jour fixe le 19 septembre 2014 ; que par l'effet du renvoi de l'article R. 322-19 susvisé à la procédure à jour fixe, les dispositions de l'article 919 du code de procédure civile sont applicables à la cause ; que la requête aurait donc dû être présentée au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel, si elle ne l'avait été préalablement ; que contrairement à ce que soutient la SA Monte Paschi Banque, cette condition de délai ne peut donc être éludée, d'autant que son application est particulièrement cohérente en matière de saisie immobilière dans le cas où le jugement d'orientation a fixé la date de l'adjudication ; que sauf à dénaturer les dispositions d'un texte dépourvu de toute équivoque, ou à en refuser l'application, le premier président ne dispose pas du pouvoir d'appréciation en opportunité mais doit vérifier le respect du délai de huit jours de l'article 919, dont la seule sanction réside dans son refus d'autorisation ;
ALORS QUE le délai de huit jours (après la déclaration d'appel) imposé au demandeur à l'assignation à jour fixe pour présenter sa requête n'a de raison d'être que dans l'hypothèse où le jugement d'orientation a fixé la date de l'adjudication en vue de la vente forcée ; que le premier président de la cour d'appel a d'ailleurs précisé que l'application de ce délai « est particulièrement cohérente en matière de saisie immobilière dans le cas où le jugement d'orientation a fixé la date de l'adjudication » ; qu'en rétractant dès lors l'ordonnance ayant autorisé la Monte Paschi Banque à assigner à jour fixe motif pris de ce que celle-ci n'avait pas respecté le délai de huit jours quand il était acquis aux débats que le juge de l'exécution n'avait pas fixé la date de l'adjudication, mais avait déclaré prescrite l'action de la banque créancière et prononcé la nullité du commandement aux fins de saisie, le premier président n'a pas tiré les conséquences légales de ses énonciations et, partant, a violé l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 919 du code de procédure civile.