LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3123-31 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées ; qu'il en résulte que la convention ou l'accord collectif prévoyant le recours au travail intermittent doit désigner de façon précise les emplois permanents qui peuvent être pourvus par la conclusion de contrats de travail intermittent et que le contrat de travail intermittent conclu malgré l'absence d'une telle convention ou d'un tel accord collectif est illicite et doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 12 juin 2006 par l'EARL Beg Ar Vill en qualité d'ouvrier agricole, par contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi, à compter du 1er avril 2007, dans le cadre d'un contrat de travail intermittent ; que le salarié, qui a fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle le 22 février 2012, a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps plein, en contestation du licenciement et en paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en requalification du contrat de travail intermittent en contrat à temps complet, l'arrêt retient que la convention collective permet une mise en place de contrats intermittents pour tous les emplois liés soit à des variations saisonnières ou de production soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article 24 de la convention collective de la conchyliculture se borne à prévoir le recours au travail intermittent pour pourvoir des emplois permanents soumis soit à des variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, sans désigner de façon précise les emplois concernés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et de ses demandes en paiement consécutives, l'arrêt rendu le 26 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Beg Ar Vill aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'AVOIR jugé que les conditions de validité du contrat de travail intermittent de M. X... étaient satisfaites et de l'avoir en conséquence débouté de sa demande de requalification en contrat de travail à temps complet de droit commun et, en conséquence, de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents.
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande de requalification du contrat : l'article L 3123-31 du code du travail dispose : " Dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittents peuvent être conclus afin de pourvoir des emplois permanents, définis par-cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées " ; la convention collective de la conchyliculture autorise, dans son article 24 le recours aux contrats intermittents en ces termes : " Les employeurs relevant du champ d'application du présent accord peuvent conclure des contrats de travail intermittent pour pourvoir des emplois permanents soumis soit à des variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Ces contrats doivent être conclus dans le respect des règles fixées par le présent article. Le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée qui doit être conclu par écrit. Le contrat détermine la durée annuelle minimale de travail convenue. Cette durée est exprimée en heures de travail non comprises les heures correspondant aux jours de congés légaux ou conventionnels. La durée minimale ne peut être inférieure à 300 heures par an ni supérieure à 1200 heur es par an. Le nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires susceptibles d'être effectuées au cours d'une même année ne peut être supérieur au tiers du nombre d'heures prévues au contrat. Le contrat précise également toutes les mentions obligatoires prévues à l'article L. 212-4-13 du code du travail. Le contrat détermine d'un commun accord la planification. Le contrat de travail fixe notamment les périodes pendant lesquelles le salarié est susceptible d'être appelé pour prendre son travail avec un délai de prévenance de 8 jours francs. Pour chaque période de travail, le salarié est alors informé des dates de début et fin de la période de travail et de la répartition des heures de travail. Le salarié pourra refuser les dates et horaires qui lui sont proposés si le délai de prévenance précité n'était pas respecté ou s'il lui est proposé de travailler en dehors de périodes d'appel mentionnées sur son contrat. Les dates de départ en congé sont fixées conformément aux dispositions du code du travail. La rémunération horaire du salarié embauché par contrat de travail intermittent est majorée de 13 %, dont 10 % au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et 3 % au titre du paiement des jours fériés " ; c'est dans ces conditions que le contrat de travail de M. X... a été conclu et il lui était remis en début d'année un calendrier précisant les dates et les horaires de marées qui selon le conseil lui permettait de connaître ses périodes de travail et la répartition de ses heures de travail, que pour critiquer cette décision, il soutient d'une part que la convention collective autorisant ce recours n'est pas valable et que, d'autre part, le contrat ne comportait pas les mentions obligatoires prévues par l'article L 3123-33 du code du travail, qu'en effet sur le premier point la convention collective, si elle prévoit la possibilité de recourir à des contrats de travail intermittents, ne précise pas les emplois permanents pour lesquels ses contrats peuvent être utilisés, qu'en outre le contrat ne précisait pas les périodes de travail et les heures de travail à l'intérieur de ces périodes, que dès lors et du seul fait du premier manquement, le contrat doit nécessairement être requalifié en contrat à temps complet et l'intégralité du salaire dû de ce fait doit lui être payée sans même qu'il soit nécessaire de rechercher s'il était ou non en permanence à la disposition de l'employeur, ce qui était d'ailleurs le cas car il était souvent prévenu tardivement de ses périodes de travail ; l'intimée réplique que la convention collective de la conchyliculture, qui d'ailleurs est inspirée de celle régissant les entreprises agricoles, est parfaitement conforme aux exigences légales puisqu'elle vise les emplois soumis à des variations saisonnières et de production ou à des contraintes saisonnières et extérieures de commercialisation qui comportent par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, et donc pour ce qui la concerne tous les emplois de son secteur d'activité, que le contrat qu'elle a fait souscrire au salarié est un contrat type fourni par le comité régional de conchyliculture qui a été visé par l'inspection du travail laquelle n'a d'ailleurs pas contesté sa validité, que ce type de contrat lui est nécessaire pour constituer des équipes de " marées " avec un personnel durable qu'elle privilégie par rapport à un personnel intérimaire, que la détermination des périodes et des heures de travail est faite en fonction du calendrier des marées qui si elles ne peuvent être inscrites dans le contrat de travail, sont parfaitement connues dès le début chaque année puisqu'il suffit de ce référé au calendrier des marées, les seules modifications pouvant intervenir étant d'ordre météorologique et aboutissant soit à un changement de parc, auquel cas le salarié était prévenu la veille, soit à un décalage d'un jour auquel cas le salarié était prévenu à la marée précédente, soit dans un délai d'au moins 8 jours, que de toute façon, en cas de marée avancée d'un jour, le salarié pouvait parfaitement refuser de se présenter, que M. X... n'a d'ailleurs jamais eu d'information la veille pour le lendemain, si ce n'est pour lui confirmer les heures de début de marée et n'a jamais non plus manqué un jour de marée, qu'en dehors des heures de marée, il était donc parfaitement à même d'organiser son emploi du temps ; Sur ce : la convention collective applicable permet une mise en place de contrats intermittents pour tous les emplois du secteur liés à des " variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées ", que tel est bien le cas de l'emploi de M. X... qui, en qualité d'ouvrier ostréicole, devait se rendre sur les parcs, quand la marée le permettait c'est à dire avait un coefficient suffisamment important pour les découvrir, afin de donner des soins aux sacs contenant les huîtres ou pour les récupérer, que les périodes où l'accès aux parcs était possible étaient définies par le coefficient des dites marées connu en début d'année, que donc le salarié était parfaitement à même de connaître les périodes et les heures travaillées qui n'étaient soumises qu'à un très faible aléa de nature météorologique, que dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de requalification du contrat de travail ;
AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE, au terme de l'article L. 3123-31 du code du travail : « Dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées » ; M. Guy X... a été embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent dépendant de la convention collective de la conchyliculture, laquelle autorise dans son article 24 l'utilisation du contrat intermittent pour pourvoir des emplois permanents soumis soit à des variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées ou de périodes non travaillées ; M. X... a été embauché en tant qu'ouvrier ostréicole et que son activité dépendait donc des dates et des horaires de marées correspondant à un calendrier annuel remis en début de chaque année ; suivant l'article L. 3123-33 du code du travail, ces éléments étaient bien stipulés dans son contrat de travail, que les périodes de travail et la répartition des heures pendant ces périodes étaient donc bien connues.
ALORS, D'UNE PART, QUE la convention prévoyant le recours aux contrats de travail intermittent doit désigner de façon précise les emplois permanents qui peuvent être pourvus par la conclusion de ce type de contrat, faute de quoi ces contrats doivent être requalifiés en contrats à durée indéterminée à temps complet ; que pour débouter M. X... de sa demande de requalification, la cour d'appel a notamment affirmé que la convention collective applicable permet une mise en place de contrats intermittents pour tous les emplois du secteur liés à « des variations saisonnières ou de production, soit à des contraintes saisonnières ou extérieures de commercialisation, comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées » et que tel est bien le cas de M. X... qui, en qualité d'ouvrier ostréicole, devait se rendre sur les parcs, quand la marée le permettait ; qu'en refusant de tirer les conclusions qui s'imposaient de ses propres constatations, desquelles il ressortait que la convention collective ne désignait pas les emplois permanents qui pouvaient être pourvus par ce type de contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-31 du Code du travail.
ALORS, D'AUTRE PART, QU'aux termes de l'article L. 3123-33 du code du travail et de l'article 24 alinéa 4 de la convention collective de la conchyliculture applicable, le contrat de travail intermittent doit définir les périodes travaillées et non travaillées, faute de quoi il doit être requalifié en contrat de travail à temps complet, peu important que le salarié soit à même de connaître ces périodes ; que pour débouter M. X... de sa demande de requalification de son contrat de travail intermittent en contrat à temps complet, la cour d'appel a aussi affirmé que « les périodes où l'accès au parc était possible étaient définies par le coefficient des dites marées connu en début d'année, que donc le salarié était parfaitement à même de connaître les périodes (…) travaillées (…) » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a elle-même constaté que le contrat de travail ne définissait pas les périodes travaillées et non travaillées, la cour d'appel a, par des motifs inopérants, violé l'article L. 3123-33 du code du travail en lien avec l'article L. 3123-31 du même code et l'article 24 de la convention collective de la conchyliculture.
ALORS, EN OUTRE et si besoin était, QU'en l'absence dans le contrat de travail intermittent de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées, le contrat est présumé à temps plein et l'employeur qui veut renverser la présomption doit prouver que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition ; que pour débouter M. X... de sa demande de requalification de son contrat de travail intermittent en contrat à temps complet, la cour d'appel a aussi affirmé qu'avec le coefficient des marées connu en début d'année, le salarié était à même de connaître les périodes et les heures travaillées qui n'étaient soumises qu'à un très faible aléa de nature météorologique ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'employeur avait fait la preuve que M. X... avait connaissance des jours et horaires travaillés et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à sa disposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3123-33 du code du travail, ensemble l'article L. 3123-31 du même code.
ALORS, enfin et en tout état de cause, QUE dans les secteurs, dont la liste est déterminée par décret, où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures, la convention collective détermine les adaptations nécessaires (…) ; que pour débouter M. X... de sa demande de requalification en contrat à temps complet de son contrat intermittent, lequel précisait que la nature de l'activité de l'entreprise ne permettait « pas toujours de fixer précisément dans l'année les périodes de travail et la répartition des heures (…) », la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que le coefficient des marées était connu en début d'année et qu'il était bien stipulé au contrat qu'un calendrier des marées serait remis en début d'année au salarié ; qu'en se référant ainsi à de telles adaptations qui seraient rendues nécessaires par la nature de l'activité, alors même que ni le secteur de la conchyliculture, ni même le secteur agricole en général ne sont visés par décret et que la convention collective applicable impose elle-même à son article 24 alinéa 4 que « Le contrat (intermittent) précise également toutes les mentions obligatoires prévues à l'article L. 212-4-13 du code du travail (L. 3123-33), la cour d'appel a violé l'article L. 3123-35 du code du travail en lien avec l'article L. 3123-33 du même code.