LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 22 janvier 2007 par la société Exane en qualité de vendeur de petites et moyennes valeurs; qu'elle a été en congé de maternité du 1er novembre 2009 au 10 mai 2010 suivi d'un congé pathologique jusqu'au 31 mai 2010 ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail le 12 octobre 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture, de bonus et d'une discrimination ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité opposée à l'intervention du Défenseur des droits, de constater le dépôt des observations de ce dernier et de procéder à son audition alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits « le Défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle » ; les juridictions « peuvent, d'office ou à la demande des parties, l'inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions » ; qu'il en résulte que lorsque dans une procédure, y compris orale, le Défenseur des droits envoie directement à la juridiction ses observations écrites « présentées dans le cadre de l'article 33 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011 », il a lui-même choisi la voie des observations écrites de sorte qu'il ne peut par la suite solliciter une intervention orale sans excéder ses pouvoirs limitativement définis par la loi; qu'en jugeant le contraire après avoir relevé que le Défenseur des droits avait produit la décision n° MDL 2013-222 du 2 décembre 2013 devant la cour d'appel puis (avait fait) déposer des observations écrites rédigées par son conseil, la cour d'appel qui a elle-même énoncé qu'il n'avait pas la qualité juridique d'intervenant volontaire ou forcé et qu'il n'était pas partie au procès, ne pouvait constater le dépôt de ses observations écrites et procéder à son audition sans excéder ses pouvoirs en violation des articles 33 et 44 de la loi organique précitée ;
2°/ subsidiairement que le Défenseur des droits, qui est une personne physique désignée conformément à l'article premier de la loi du 29 mars 2011, peut présenter lui-même des observations écrites ou être auditionné dans un procès à titre personnel ou, à titre exceptionnel, déléguer ce pouvoir à l'un de ses adjoints ; qu'en étendant cette faculté de présenter des observations, par l'intermédiaire d'un avocat, quand, à la différence de la HALDE, le législateur n'a pas prévu que le Défenseur des droits puisse présenter des observations par l'intermédiaire d'un représentant avocat, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 13 de la loi n° 2004-14.86 de la création de la HALDE et les articles 11 et 33 de la loi du 29 mars 2011 ;
3°/ que le Défenseur des droits n'étant pas partie au procès, il ne peut être assisté ou représenté par un avocat; qu'en retenant elle-même que le Défenseur des droits n'était pas partie au procès, la cour d'appel ne pouvait simultanément soutenir qu'il pouvait être représenté au procès par avocat sauf à violer les articles 1, 2, 66, 325 et 411 et suivants du code de procédure civile, l'article 33 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu à bon droit que les dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011, prévoyant la présentation d'observations écrites ou orales par le Défenseur des droits, ne revêtaient pas un caractère alternatif et ne faisaient pas obstacle à ce qu'il soit représenté par un avocat selon les règles de droit commun ;
Attendu, ensuite, qu'ayant relevé à juste titre que le Défenseur des droits n'avait pas la qualité de partie, la cour d'appel, saisie d'une demande de sa part de présentation de ses observations à l'audience, a exactement décidé qu'elle devait constater le dépôt de ses observations écrites et procéder à son audition ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la salariée au titre d'une discrimination, l'arrêt retient que s'agissant du retrait d'une partie significative de la clientèle, qui pourrait revêtir un tel caractère, l'employeur justifie par des éléments objectifs, tenant notamment au départ, pendant le congé de maternité, de sa collègue qui en assurait le suivi, son transfert à un autre collaborateur récemment recruté, la circonstance que ce dernier ait pu manoeuvrer pour conserver la charge de cette clientèle en dépit du retour de l'intéressée, en n'étant pas imputable à l'employeur, ne peut laisser supposer de ce fait une discrimination, et que la circonstance que les conditions d'exercice des fonctions de la salariée aient été impactées par la perte d'une partie de son portefeuille et l'attribution de clients allemands, alors que son contrat de travail indique précisément qu'elle est affectée à une clientèle française, est certes de nature à justifier de sa part un refus d'une telle modification mais ne permet pas en soi de supposer qu'elle résulte d'une discrimination à son égard ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée s'était vue, à son retour de congé de maternité, retirer une part significative de sa clientèle, élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de sa grossesse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de remboursement de ses frais de mutuelle, et la condamnant à payer la somme de 25 006,46 euros au titre de dommages-intérêts en raison de l'inexécution de son préavis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par Mme X..., donne acte au ministère public de ses observations, rejette l'exception d'irrecevabilité opposée par la société Exane à l'intervention du Défenseur des droits, constate le dépôt des observations du Défenseur des droits et procède à son audition, l'arrêt rendu le 11 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Exane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, président et par Mme Becker, greffier de chambre présente lors de la mise à disposition de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la discrimination et de l'avoir en conséquence déboutée de ses demandes de rappels de bonus pour les années 2008, 2009, et 2010 et de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés.
AUX MOTIFS QUE Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. Selon l'article ter de la loi· n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : - constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable, - constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés, - la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer (…); L'article L. 1134-l du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il ressort des pièces produites aux débats et notamment du contrat de travail de Mme X... en date du 19 décembre 2006 et de l'avenant n°1 au contrat précité qu'hormis la prime exceptionnelle brute de 148 000 €, dite ''de bienvenue versée avec sa paye de décembre 2007, indépendamment de son activité et le bonus garanti au titre de l'année 2007 pour un montant de 120000 € versé avec la paie de février 2008 que le bonus versé au titre des exercices 2008, 2009 et 2010, et présenté comme constitutif de discrimination, n'a de caractère ni contractuel ni conventionnel, étant au surplus relevé que l'avenant précité indique de manière exprès que tant la prime de bienvenue que le bonus garanti au titre de l'année 2007 ont un caractère discrétionnaire, "par nature non renouvelable tant en ce qui concerne son montant que sa fréquence", le salarié convenait qu'à compter du 1er janvier 2008, les éléments de sa rémunération suivraient les règles générales appliquées dans l'entreprise ainsi que les accords collectifs applicables. Mme X... qui fait état d'un traitement discriminatoire notamment caractérisé par la concomitance entre l'annonce de son état de grossesse et de son départ en congé de maternité et l'attribution de bonus réduit au titre de l'année 2008 ou nul au titre des années 2009 et 2010, procède sur ce point par affirmations, se prévalant essentiellement de ses propres qualités professionnelles telles qu'elles résulteraient de sa place d'excellence dans les classements EXTEL des vendeurs français ou européens ou de son évaluation par sa hiérarchie, sans pour autant produire d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au surplus, l'intéressée ne peut à la fois invoquer un traitement discriminatoire fondé sur le sexe et se contenter, sans produire d'autre élément, de réfuter les arguments de son employeur sur les performances supérieures des membres masculins de son équipe, au seul motif que les produits vendus par ces salariés ne seraient pas de même nature ou d'écarter les exemples comparables à sa situation fournis par l'employeur, sauf à admettre à son égard un renversement de la charge de la preuve. Dans ces conditions et dans la mesure où aucun élément objectif et déterminant ne vient contredire le caractère discrétionnaire de l'attribution du bonus litigieux, la prise en compte de critères tels que l'investissement dans l'entreprise, eu égard à son ancienneté et au projet annoncé par l'intéressée de s'investir dans une préparation de concours, outre des résultats ne correspondant pas aux attentes de son employeur, n'apparaît pas discriminatoire. Par ailleurs, s'il est constant que les conditions du retour de Mme X... de congé maternité, traduisent de la part de l'employeur un manque certain d'anticipation, s'étant traduit par la suspension de ses codes d'accès, de sa boîte aux lettres électronique, son retrait de liste de diffusion, ou sa présentation sous l'appellation d'ancien vendeur et l'absence de correction de ces anomalies avant son retour, il n'en demeure pas moins que même fixées à l'avance, les dates de tels congés sont toujours susceptibles d'être modifiées à raison notamment d'éventuelles complications, que l'employeur pouvait indépendamment de toute autre considération, légitimement suspendre, notamment pour raison de sécurité, les différents accès de la salariée ou les diffusions qui lui étaient potentiellement destinées pendant la suspension de son contrat de travail. Par ailleurs, l'absence d'évaluation par un intérimaire affecté au service des ressources humaines, de la portée et de l'importance du courrier du 10 mai 2010 par lequel Mme X... transmettait l'arrêt de travail « pathologique » consécutif à sa grossesse et annonçait ses dates de congés pour les périodes du 05/07/2010 jusqu'au 30/07/2010 et du 23/08/2010 jusqu'au 03/09/2010, comme annonçant la date effective de son retour, ne laisse supposer à son égard aucune discrimination. En outre, dès lors qu'il ressort des pièces versées aux débats que la période de ré-acclimatation avec la recherche imposée à Mme X... à son retour de congé de maternité le 31 mai 2010 dans les conditions ci-dessus décrites et qui s'est achevée le 9 juin 2010, n'a pas excédé deux semaines après sept mois d'absence, une telle mesure ne permet pas en soi de supposer une quelconque discrimination à son égard. S'agissant du retrait d'une partie significative de la clientèle, qui pourrait revêtir un tel caractère, l'employeur justifie par des éléments objectifs, tenant notamment au départ pendant le congé de maternité de Mme X... de sa collègue qui en assurait le suivi, son transfert à un autre collaborateur récemment recruté, la circonstance que ce dernier ait pu manoeuvrer pour conserver la charge de cette clientèle en dépit de retour de Mme X..., en n'étant pas imputable à l'employeur, ne peut laisser supposer de ce fait une discrimination. La circonstance que les conditions d'exercice des fonctions de Mme X... aient été impactées par la perte d'une partie de son portefeuille et l'attribution de clients allemands, alors que son contrat de travail indique précisément qu'elle est affectée à une clientèle française est certes de nature à justifier de sa part un refus d'une telle modification mais ne permet pas en soi de supposer qu'elle résulte d'une discrimination à son égard.
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l'attribution de rémunération variable par la Société EXANE à Madame X... l'a été en fonction des dispositions générales et aux accords appliqués au sein de l'entreprise et conformément à l'avant dernier alinéa de l'article 2 de l'avenant n° 1 de son contrat de travail en date du 19 décembre 2006 ; les résultats de l'année 2008 de Madame X... étaient faibles en comparaison de ceux obtenus par ses collègues, l'intéressée sera déboutée de sa demande de rappel de bonus 2008 ; en 2009, Madame X... n'a pas été la seule salariée de son équipe à ne pas percevoir de rémunération variable et que ses résultats étaient les plus faibles, l'intéressée sera déboutée de sa demande de bonus 2009 ; pour l'année 2010, Madame X... n'a pas rempli la condition d'être présente dans la Société EXANE le 31 décembre 2010, l'intéressée sera déboutée de sa demande de bonus 2010 ; la Société EXANE a apporté la preuve qu'elle respectait le principe de l'égalité Hommes/Femmes ; Madame X... n'a jamais alerté le CHSCT, des représentants du personnel, la médecine du travail et la direction qu'elle était discriminée ; les clients allemands confiés à Madame X... ne lui imposaient que des déplacements, déplacements prévus par le contrat de travail de l'intéressée ; Madame X... ne démontre pas qu'elle aurait été discriminée en fonction de son sexe et de son congé maternité.
I – ALORS sur la discrimination résultant de la non-attribution des primes 2008, 2009, et 2010
1°) QUE, le principe de non-discrimination s'applique en toute matière, même concernant les mesures discrétionnaires prises par l'employeur ; que l'employeur, tenu de respecter le principe de non-discrimination, doit justifier toute différence de traitement constatée dès lors qu'elle est susceptible de présenter un caractère discriminatoire ; que pour dire que la discrimination salariale n'était pas avérée, les juges du fond ont considéré que la salariée ne pouvait invoquer le principe de non-discrimination en raison du caractère discrétionnaire des primes en litige ; Qu'en statuant ainsi, alors que le principe de non-discrimination s'applique même en matière de prime discrétionnaire, la Cour d'appel a violé le principe de non-discrimination et les articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail.
2°) QU'au surplus, en constatant que les primes litigieuses avaient été versées à certains salariés seulement, à l'exclusion de Mme X..., et en refusant de constater qu'il s'agissait d'un élément susceptible de faire présumer la discrimination, dont il appartenait à l'employeur d'apporter la justification, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi derechef le principe de non discrimination et les articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail.
3°) ALORS ENSUITE QUE, les juges ne peuvent faire peser la charge de la preuve de la discrimination sur le salarié ; que pour dire que la discrimination n'était pas avérée, les juges du fond ont considéré que la salarié ne produisait aucun élément objectif et déterminant de nature à contredire le caractère discrétionnaire de l'attribution du bonus litigieux ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière de discrimination, le salarié ne supporte pas la charge de la preuve, mais celle de ses allégations, c'est-à-dire des faits laissant présager l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve en la faisant peser exclusivement sur la salariée, a violé l'article L. 1134-1 du Code du travail et 1315 du Code civil.
4°) ALORS ENCORE QUE, le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en l'espèce, pour dire que la discrimination salariale n'était pas avérée, la Cour d'appel a affirmé que la prise en compte de critères tels que l'investissement dans l'entreprise, eu égard à son ancienneté et au projet annoncé par l'intéressée de s'investir dans une préparation de concours, outre des résultats ne correspondant pas aux attentes de son employeur, n'apparaissait pas discriminatoire ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer précisément les éléments qui lui permettaient de considérer que la preuve de l'inexistence d'une discrimination salariale, la Cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par voie de considérations générales et abstraites, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile
II ALORS sur la discrimination liée aux conditions de travail au retour de maternité
5°) QU'en matière de discrimination, les juges doivent prendre en considération l'ensemble des éléments produits par le salarié et apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination ; que, pour débouter la salariée de ses demandes, la Cour d'appel a examiné chacun des éléments pris isolément sans jamais regarder si, pris dans leur ensemble, les éléments produits par la salariée ne pouvaient laisser supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui aurait dû rechercher si les éléments pris dans leur ensemble ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination, a privé sa décision de toute base légale au regard du principe de non-discrimination et des articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail.
6°) QUE, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de non-discrimination de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence d'une telle discrimination, il appartient à l'employeur de justifier la différence de traitement constatée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que pour débouter la salariée, la Cour d'appel a constaté qu'au retour de la salariée, après son congé de maternité, son code d'accès et sa boîte aux lettres étaient suspendus, elle ne figurait pas sur la liste de diffusion, et était présentée comme ancien vendeur, ces anomalies n'ayant pas été corrigées avant son retour ; qu'en se contentant de relever que l'employeur pouvait indépendamment de toute autre considération suspendre, notamment pour des raisons de sécurité, les différents accès à la sécurité de la salariée, sans s'expliquer sur le défaut de remise des documents de travail, code d'accès nécessaires à l'exercice des fonctions au retour de la salariée, ni sur le préjudice causé par cette disparition à l'image de Mme X... auprès de ses clients, par des motifs qui n'étaient en rien de nature à exclure l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard du principe de non-discrimination et des articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail.
7°) QU'en relevant, pour justifier tant l'absence de remise des instruments de travail que l'absence de visite médicale, que l'absence d'évaluation par un intérimaire affecté au service des ressources humaines de la portée et de l'importance du courrier de la salariée annonçant son retour ne laisse supposer aucune discrimination, alors que ces éléments, laissaient supposer la discrimination, dont il appartient à l'employeur de rapporter la justification, la seule mauvaise organisation du service imputable à l'employeur n'étant pas de nature à la justifier , la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard du principe de non discrimination et des articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail.
8°) QUE Madame X... faisait valoir que l'employeur ne lui avait pas restitué une partie importante de son portefeuille ; qu'en se contentant d'affirmer que le transfert de partie de sa clientèle à un autre collaborateur qui « aurait pu » manoeuvrer pour la conserver, ce qui ne serait pas imputable à l'employeur, sans rechercher si l'employeur avait fait le nécessaire pour restituer à la salariée son portefeuille de clientèle ou avait laissé faire ou encouragé ce transfert, tout en proposant à Mme X... une clientèle contraire aux stipulations de son contrat, la Cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions ;
9°) QU'enfin, le juge ne peut procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en l'espèce, pour dire que la discrimination n'était pas avérée, le Conseil de prud'hommes a affirmé que l'employeur a rapporté la preuve qu'il respectait le principe de l'égalité Hommes/Femmes ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer précisément les éléments qui lui permettaient de considérer que la preuve de l'inexistence d'une discrimination fondée sur le sexe, le Conseil de prud'hommes, qui s'est ainsi déterminée par voie de considérations générales et abstraites, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de remboursement de ses frais de mutuelle et de l'avoir condamnée à payer la sommes de 25.006,46 euros au titre de dommages et intérêts en raison de l'inexécution de son préavis.
AUX MOTIFS QUE de surcroît, même appréciés sous l'angle de la prise d'acte, les manquements allégués, en particulier pour ceux qui traduisent de la part de l'employeur une carence dans l'organisation du retour de Mme X..., ne caractérisent ni les violences morales répétées invoquées ni des fautes d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte qui produirait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Il doit au demeurant, être relevé que Mme X... justifie sa prise d'acte de rupture au lendemain de sa visite au service médical de l'assurance maladie deux jours avant les résultats officiels d'admissibilité au concours d'entrée de l'ENA auquel elle s'est inscrite le 23 juin 2009 (en réalité 2000), en raison des "conditions indignes de son retour au sein de la société et de l'incertitude professionnelle dans laquelle elle se trouve, alors qu'un tel projet qui ne peut s'improviser y compris à la faveur d'un congé de maternité, traduit dans l'élaboration d'un projet professionnel différent de celui de l'emploi précédemment occupé et comporte nécessairement une marge d'incertitude qui ne peut être imputée à l'employeur ; Dans ces conditions, la prise d'acte doit produire les effets d'une démission et Mme X... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, la décision entreprise sera confirmée de ce chef ; Le salarié démissionnaire est en principe redevable de l'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté si cette absence d'exécution lui est imputable, l'indemnité due à ce titre présente un caractère forfaitaire, le préjudice de l'employeur devant être estimé au montant du salaire versé en contrepartie du travail (salaire brut de base plus éventuellement montant des commissions), de sorte qu'il appartient le cas échéant à l'employeur d'établir l'existence d'un éventuel préjudice complémentaire en relation avec une non-exécution abusive du préavis par le salarié ; Dans ces conditions et dès lors qu'il n'est pas contesté que Mme X... n'a pas exécuté le préavis auquel elle était tenue, elle sera condamnée à verser à la société EXANE 25006,46 € à ce titre sans qu'il y ait lieu d'allouer à la société EXANE l'indemnité sollicitée au titre des congés payés afférents, la décision déférée étant réformée dans cette limite ; Par ailleurs, il n'est pas démontré par la société EXANE en quoi l'engagement d'une procédure à son encontre ou l'exercice par Mme X... d'une voie de recours aurait dégénéré en abus de droit, la décision entreprise sera par conséquent confirmée de chef.
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Madame X... ne démontre pas qu'elle aurait été discriminée en fonction de son sexe et de son congé maternité, il sera dit en application de 1'article L 1231- 1 du Code du Travail que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Madame X... en date du 12 octobre 2010 est une démission et l'intéressée sera déboutée de ses demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour discrimination et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Madame X... ayant démissionné, l'intéressée sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la mutuelle et de la prévoyance car ne pouvant bénéficier de la portabilité des droits par la Société EXANE.
ALORS QUE, lorsque la prise d'acte est la conséquence d'une discrimination, elle produit les conséquences d'un licenciement nul ; que pour dire que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission, les juges du fond ont considéré que les faits de discrimination n'étaient pas avérés ; que la cassation à intervenir sur le fondement des motifs ayant exclu l'existence d'une discrimination entrainera, par application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence des motifs ayant refusé de considérer la prise d'acte de la salariée devait produire les effets d'une démission.
ALORS ENSUITE QUE, chacun a droit, dans et hors de l'entreprise, au respect de sa vie privée ; qu'en l'espèce, pour dire que la prise de la salarié devait produire les effets d'une démission, la Cour d'appel a considéré que le fait que la salariée se soit inscrite au concours de l'ENA traduisait une projet professionnel différent de celui de l'emploi précédemment occupé et comportait une marge d'incertitude qui ne pouvait être imputée à l'employeur ; qu'en statuant ainsi, par référence à des éléments tirés de la vie personnelle de la salariée, la Cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 du Code du travail, l'article 9 du Code civil, ainsi que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour la société Exane.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'irrecevabilité opposée par la société EXANE à l'intervention du Défenseur des Droits, D'AVOIR constaté le dépôt des observations du Défenseur des Droits et procédé à son audition ;
AUX MOTIFS QUE : « Institué par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République, le Défenseur des droits dont les attributions et modalités d'intervention sont définies par la loi organique du 29 mars 2011 et plus particulièrement par l'article 33, succède et remplace le Médiateur de la République et la Haute Autorité de lutte contre la discrimination et pour l'égalité (HALDE). S'agissant de la faculté de présenter des observations orales à l'audience, l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE, dont le Défenseur des droits reprend les attributions (article 44 de la loi organique précitée), précisait « les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations ; dans les mêmes conditions, les juridictions pénales peuvent, à la demande de la haute autorité, l'inviter à présenter des observations, y compris à les développer oralement au cours de l'audience ». L'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 précitée dispose que : « Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d'office ou à la demande des parties, l'inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions… » L'introduction de la conjonction « ou » dans ce dernier membre de phrase de l'article 33 de la loi susvisée tel qu'issue des débats parlementaires, ainsi que le souligne le Ministère public, n'a eu pour objectif que de simplifier la rédaction des dispositions antérieures et de permettre, quel que soit le type de procédure, au Défenseur des droits de présenter des observations écrites ou orales. Faute de revêtir un caractère alternatif, ces dispositions ne permettent pas de soutenir comme le fait la société EXANE qu'en produisant la décision n° MDL 2013-22 du 2 décembre 2013 devant la cour d'appel puis en faisant déposer des observations écrites rédigées par son conseil, le Défenseur des droits aurait épuisé sa faculté d'intervention devant la juridiction et ne devrait donc pas être autorisé à s'exprimer oralement à l'audience. En outre, s'agissant d'un appel formé dans le cadre d'une procédure orale y compris en cause d'appel, il ne peut être dénié au Défenseur des droits la faculté de prendre la parole à l'audience au soutien de ses observations écrites préalables garantes du respect du principe du contradictoire. Par ailleurs, s'il est constant que le Défenseur des droits doit être l'auteur de l'intervention en justice comme en l'espèce, aucune disposition de la loi ne lui impose d'être présent en personne à l'audience et ne fait obstacle à ce qu'il soit représenté par un avocat selon les règles de droit commun. Enfin, contrairement à ce que soutient la société EXANE, la prohibition de l'alinéa 1 de l'article 33 de la loi organique, au terme de laquelle « le défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle », n'a pour effet que de priver ce dernier de la possibilité d'exercer une voie de recours contre une décision juridictionnelle, en lieu et place des parties, et non pas de le priver, y compris pour la première fois en cause d'appel, de la faculté de présenter des observations qui, portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge est, comme en l'espèce, en capacité d'apprécier la valeur probante des pièces produites qui ont été soumises au débat contradictoire. Dans ces conditions et dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le Défenseur des droits n'a pas devant elle, la qualité juridique d'intervenant volontaire ou forcé et partant, n'est pas une partie au procès, la cour ne peut que constater le dépôt de ses observations écrites et procéder à son audition, de sorte qu'il y a lieu de rejeter l'exception soulevée par la société EXANE ».
1/ ALORS QUE selon l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des Droits « le Défenseur des Droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle » ; les juridictions « peuvent, d'office ou à la demande des parties, l'inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des Droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions » ; Qu'il en résulte que lorsque dans une procédure, y compris orale, le Défenseur des Droits envoie directement à la juridiction ses observations écrites « présentées dans le cadre de l'article 33 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011 », il a lui-même choisi la voie des observations écrites de sorte qu'il ne peut par la suite solliciter une intervention orale sans excéder ses pouvoirs limitativement définis par la loi ; qu'en jugeant le contraire après avoir relevé que le Défenseur des Droits avait produit la décision n° MDL 2013-222 du 2 décembre 2013 devant la Cour d'appel puis (avait fait) déposer des observations écrites rédigées par son conseil, la Cour d'appel qui a elle-même énoncé qu'il n'avait pas la qualité juridique d'intervenant volontaire ou forcé et qu'il n'était pas partie au procès, ne pouvait constater le dépôt de ses observations écrites et procéder à son audition sans excéder ses pouvoirs en violation des articles 33 et 44 de la loi organique précitée.
2/ ALORS subsidiairement QUE le Défenseur des Droits, qui est une personne physique désignée conformément à l'article premier de la loi du 29 mars 2011, peut présenter lui-même des observations écrites ou être auditionné dans un procès à titre personnel ou, à titre exceptionnel, déléguer ce pouvoir à l'un de ses adjoints ; qu'en étendant cette faculté de présenter des observations, par l'intermédiaire d'un avocat, quand, à la différence de la HALDE, le législateur n'a pas prévu que le Défenseur des Droits puisse présenter des observations par l'intermédiaire d'un représentant avocat, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 13 de la loi n° 2004-14.86 de la création de la HALDE et les articles 11 et 33 de la loi du 29 mars 2011 ;
3/ ALORS QUE le Défenseur des Droits n'étant pas partie au procès, il ne peut être assisté ou représenté par un avocat ; qu'en retenant elle-même que le Défenseur des droits n'était pas partie au procès, la cour d'appel ne pouvait simultanément soutenir qu'il pouvait être représenté au procès par avocat sauf à violé les articles 1, 2, 66, 325 et 411 et suivants du Code de procédure civile, l'article 33 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011.